CAA de NANCY, 4ème chambre, 24/01/2023, 21NC00116, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision24 janvier 2023
Num21NC00116
JuridictionNancy
Formation4ème chambre
PresidentMme SAMSON-DYE
RapporteurMme Aline SAMSON-DYE
CommissaireM. MICHEL
AvocatsLE CAB AVOCATS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision implicite rejetant sa demande de réexamen et d'octroi du bénéfice de l'aide financière présentée sur le fondement du décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 et d'enjoindre au premier ministre de lui verser cette aide financière sous forme d'une rente viagère à partir du 1er septembre 2004.


Par un jugement n° 1802157 du 17 novembre 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.


Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 janvier 2021, M. D..., représenté par Me Choffrut, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;


2°) d'annuler la décision implicite rejetant sa demande de réexamen et d'octroi du bénéfice de l'aide financière présentée sur le fondement du décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 ;

3°) d'enjoindre au premier ministre de lui verser l'aide financière prévue par le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 sous forme d'une rente viagère avec effet rétroactif à partir du 1er septembre 2004 conformément à l'article 2 de ce décret et en prenant en compte la revalorisation prévue à l'article 5 de ce même décret ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- il remplit les conditions pour bénéficier du dispositif d'indemnisation mis en place par le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 ;
- son père a été tué alors qu'il n'était pas en opération ; les opérations de la résistance avaient cessé lorsqu'il a été exécuté ; il a été fusillé sans sommation par les allemands ; le décès de son père est brutal et manifeste une volonté de tuer alors qu'il était dans l'incapacité de se défendre.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre,
- le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale,
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.


Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.


Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 23 mars 2018, M. D... a demandé à l'office national des anciens combattants et victimes de guerre le réexamen de sa demande tendant au bénéfice de l'aide financière instituée par le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 pour les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la deuxième guerre mondiale après lui avoir vainement adressé une demande ayant le même objet en 2004, en se prévalant des circonstances du décès de son père. M. D... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite.

2. Aux termes de l'article 1er du décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 : " Toute personne, dont la mère ou le père, de nationalité française ou étrangère, a été déporté, à partir du territoire national, durant l'Occupation pour les motifs et dans les conditions mentionnées aux articles L. 272 et L. 286 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, et a trouvé la mort en déportation, a droit à une mesure de réparation, conformément aux dispositions du présent décret, si elle était mineure de vingt et un ans au moment où la déportation est intervenue. / Ce régime bénéficie également aux personnes, mineures de moins de vingt et un ans au moment des faits, dont le père ou la mère, de nationalité française ou étrangère, a, durant l'Occupation, été exécuté dans les circonstances définies aux articles L. 274 et L. 290 du même code. (...) ". Aux termes de l'article L. 274 du code des pensions militaires d'invalidité, abrogé et remplacé par l'article L. 342-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre depuis le 1er janvier 2017 : " Les personnes arrêtées et exécutées pour actes qualifiés de résistance à l'ennemi sont considérées comme internés résistants, quelle que soit la durée de leur détention, a fortiori si elles ont été exécutées sur-le-champ ". Aux termes de l'article L. 290 du code des pensions militaires d'invalidité, abrogé et remplacé par l'article L. 343-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les Français ou ressortissants français qui, à la suite de leur arrestation, pour tout autre motif qu'une infraction de droit commun, ont été exécutés par l'ennemi, bénéficient du statut des internés politiques, quelle que soit la durée de leur détention, a fortiori s'ils ont été exécutés sur le champ ".

3. Il ressort des témoignages du lieutenant B... et du capitaine E..., produits en défense devant les premiers juges, que le père du requérant, M. A... D..., adjudant, chef de trentaine, conduisait une patrouille américaine à Habeaurupt lorsqu'il tomba dans une embuscade tendue par des allemands et fût tué par une rafale de mitraillettes, le 26 novembre 1944. Le requérant se prévaut d'un témoignage établi, en 1946, par le lieutenant H... selon lequel : " (...) c'est en sortant que nous trouvâmes le lieutenant D... et Monsieur C.... Je lui dis de ne pas continuer sa route car les allemands étaient encore à la Truche, que les américains descendaient derrière moi mais il ne voulait pas nous écouter et continuer sa route. Il fût tué un peu plus haut faubourg Saint Thérèse, quelques instants après d'une rafale de mitraillettes (...) ". Toutefois, ce témoignage n'est pas de nature à remettre en cause les faits tels qu'ils ont été rapportés par le lieutenant B... et le capitaine E..., dont les témoignages sont, au demeurant, plus proches de la date des faits. Si le requérant fait également valoir que le capitaine E... avait reçu l'ordre de cesser les opérations de guerilla à partir d'octobre 1944, cette circonstance n'est pas suffisante pour établir que les opérations de résistance auxquelles avait participé son père avaient effectivement cessé et elle n'est pas plus de nature à remettre en cause la version des faits résultant des témoignages les plus proches temporellement du décès.

4. Dans ces conditions, les circonstances du décès du père de M. D... ne répondant pas aux conditions fixées par le décret du 27 juillet 2004, c'est sans méconnaître ces dispositions que le premier ministre a pu refuser d'accorder une aide financière au requérant.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande de première instance, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande. Sa requête ne peut, dès lors, qu'être rejetée, dans toutes ses conclusions.




D E C I D E :


Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D... et à la première ministre.

Délibéré après l'audience du 3 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Samson-Dye, présidente,
- Mme Roussaux, première conseillère,
- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2023.



La présidente-rapporteure,




Signé : A. G...
L'assesseure la plus ancienne,
Signé : S. Roussaux La greffière,




Signé : N. Basso

La République mande et ordonne à la première ministre en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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