CAA de NANCY, 4ème chambre, 24/01/2023, 21NC00117, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... C... née A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision implicite rejetant sa demande de réexamen et d'octroi du bénéfice de l'aide financière présentée sur le fondement du décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 et d'enjoindre au premier ministre de lui verser cette aide financière sous forme d'une rente viagère à partir d'octobre 2004.
Par un jugement n° 1802667 du 17 novembre 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 janvier 2021, Mme C..., représenté par Me Choffrut, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision implicite rejetant sa demande de réexamen et d'octroi du bénéfice de l'aide financière présentée sur le fondement du décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 ;
3°) d'enjoindre au premier ministre de lui verser l'aide financière prévue par le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 sous forme d'une rente viagère avec effet rétroactif à partir du 1er octobre 2004 conformément à l'article 2 de ce décret et en prenant en compte la revalorisation prévue à l'article 5 de ce même décret ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle remplit les conditions pour bénéficier du dispositif d'indemnisation mis en place par le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 ;
- son père a été interrogé en tant que résistant et a été exécuté alors qu'il accompagnait les allemands à la chasse, son décès est brutal et manifeste une volonté de tuer, il était dans l'incapacité de se défendre.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre,
- le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un courrier du 21 mai 2018, Mme C... a demandé à l'office national des anciens combattants et victimes de guerre le réexamen de sa demande tendant au bénéfice de l'aide financière instituée par le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 pour les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la deuxième guerre mondiale en se prévalant des circonstances du décès de son père. Mme C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite.
2. Aux termes de l'article 1er du décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 : " Toute personne, dont la mère ou le père, de nationalité française ou étrangère, a été déporté, à partir du territoire national, durant l'Occupation pour les motifs et dans les conditions mentionnées aux articles L. 272 et L. 286 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, et a trouvé la mort en déportation, a droit à une mesure de réparation, conformément aux dispositions du présent décret, si elle était mineure de vingt et un ans au moment où la déportation est intervenue. / Ce régime bénéficie également aux personnes, mineures de moins de vingt et un ans au moment des faits, dont le père ou la mère, de nationalité française ou étrangère, a, durant l'Occupation, été exécuté dans les circonstances définies aux articles L. 274 et L. 290 du même code. (...) ". Aux termes de l'article L. 274 du code des pensions militaires d'invalidité, abrogé et remplacé par l'article L. 342-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre depuis le 1er janvier 2017 : " Les personnes arrêtées et exécutées pour actes qualifiés de résistance à l'ennemi sont considérées comme internés résistants, quelle que soit la durée de leur détention, a fortiori si elles ont été exécutées sur-le-champ ". Aux termes de l'article L. 290 du code des pensions militaires d'invalidité, abrogé et remplacé par l'article L. 343-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les Français ou ressortissants français qui, à la suite de leur arrestation, pour tout autre motif qu'une infraction de droit commun, ont été exécutés par l'ennemi, bénéficient du statut des internés politiques, quelle que soit la durée de leur détention, a fortiori s'ils ont été exécutés sur le champ ".
3. Il est constant que le père de Mme C..., M. B... A..., qui exerçait le métier de garde forestier et qui était résistant durant la deuxième guerre mondiale, est parti, le matin du 22 septembre 1944, à la chasse avec des militaires allemands et qu'il a été retrouvé mort, tué d'une balle de fusil de guerre. Mme C... soutient que son père a été arrêté et exécuté par les allemands au sens des dispositions précitées de l'article L. 274 du code des pensions militaires d'invalidité et produit des témoignages suggérant que M. A... a été assassiné en raison de ses activités de résistance et d'un refus de dénoncer ses camarades. Toutefois, aucune des personnes dont les déclarations sont produites n'a été le témoin direct du décès, ni en toute hypothèse ne fait état de récits qui lui auraient été rapportés par un témoin direct de cet évènement. Au regard de l'ensemble des éléments soumis au contradictoire, il n'est ainsi pas établi que M. A... aurait été victime d'une arrestation puis d'une exécution pour des actes de résistance à l'ennemi au sens des dispositions citées au point précédent.
4. Dans ces conditions, les circonstances du décès du père de Mme C..., aussi tragiques qu'elles soient, ne répondent pas aux conditions fixées par les dispositions du décret du 27 juillet 2004. C'est donc sans méconnaître ces dispositions que le premier ministre a pu refuser d'accorder une aide financière à la requérante.
5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande. Sa requête ne peut, dès lors, qu'être rejetée, dans toutes ses conclusions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... épouse C... et à la première ministre.
Délibéré après l'audience du 3 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Samson-Dye, présidente,
- Mme Roussaux, première conseillère,
- M. Denizot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2023.
La présidente-rapporteure,
Signé : A. E...
L'assesseure la plus ancienne,
Signé : S. Roussaux La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne à la première ministre en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 21NC00117