CAA de PARIS, 5ème chambre, 17/02/2023, 21PA04909, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision17 février 2023
Num21PA04909
JuridictionParis
Formation5ème chambre
PresidentMme VINOT
RapporteurMme Cécile VRIGNON-VILLALBA
CommissaireMme LESCAUT
AvocatsHMS AVOCATS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision en date du 20 décembre 2018 par laquelle le directeur général des services du Syndicat intercommunal de production et de livraison alimentaire de repas collectifs (SIPLARC) a refusé de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail postérieurs au 5 décembre 2017 et lui a notifié que les sommes indûment versées seraient répétées au moyen d'un titre de perception, d'annuler l'arrêté en date du 27 décembre 2018 par lequel le directeur des ressources humaines du SIPLARC l'a placé en congé de maladie ordinaire du 14 juillet 2018 au 31 décembre 2018, d'annuler l'arrêté en date du 8 janvier 2019 par lequel le directeur des ressources humaines du SIPLARC l'a placé en congé de maladie ordinaire du 1er janvier 2019 au 31 janvier 2019 et d'enjoindre au SIPLARC, à titre principal, de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail postérieurs au 5 décembre 2017, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation.

Par un jugement n° 1901995 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Montreuil a annulé les arrêtés du 27 décembre 2018 et du 8 janvier 2019 du directeur des ressources humaines du SIPLARC et a rejeté le surplus de cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 1er septembre 2021, et un mémoire en réplique enregistré le 18 novembre 2022, qui n'a pas été communiqué, M. A..., représenté par Me Lacroix, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1901995 du 2 juillet 2021 du tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 décembre 2018 par laquelle le directeur général des services du SIPLARC a refusé de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail postérieurs au 5 décembre 2017 et lui a notifié que les sommes indûment versées seraient répétées au moyen d'un titre de perception ;

2°) avant dire droit, d'enjoindre au SIPLARC de communiquer le courrier de saisine de la commission du 5 janvier 2018 ;

3°) d'enjoindre au SIPLARC, à titre principal, de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail postérieurs au 5 décembre 2017, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge du SIPLARC le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- la commission de réforme, qui ne comprenait pas de médecin psychiatre, était irrégulièrement composée ;
- la médecine de prévention n'a pas été informée de la tenue de la commission de réforme et le dossier soumis à cette dernière ne comprenait pas le rapport prévu à l'article 16 du décret du 30 juillet 1987 ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la répétition de l'indu est impossible en raison de la carence du SIPLARC.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 octobre 2022, le SIPLARC conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.


Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bellanger, pour le SIPLARC .


Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été recruté comme chauffeur-livreur le 28 décembre 2009 par le Syndicat intercommunal de production et de livraison alimentaire de repas collectifs (SIPLARC) et titularisé le 1er septembre 2011 comme adjoint technique de 2ème classe. Suite à une altercation avec un collègue qui s'est déroulée sur leur lieu de travail, le 31 octobre 2017, il a été placé en congé pour invalidité temporaire imputable au service à compter de cette date, à la suite de blessures physiques subies à cette occasion. Par lettre du 20 décembre 2018, le SIPLARC a indiqué à M. A... que les arrêts de travail postérieurs au 5 décembre 2017, pour des troubles d'ordre psychiatriques, n'avaient en revanche pas été reconnus comme étant imputables au service. Par cette même lettre, le SIPLARC lui annonçait que les sommes indûment versées à compter du 5 mars 2018, date à partir de laquelle il ne pouvait plus bénéficier que d'un demi-traitement, feraient l'objet d'un titre de perception. Par un jugement du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de cette décision ainsi qu'à celle de l'arrêté du 27 décembre 2018 par lequel il a été placé en congé maladie ordinaire du 14 juillet 2018 au 31 décembre 2018 et de l'arrêté du 8 janvier 2019, par lequel il a été placé en congé maladie ordinaire du 1er au 31 janvier 2019. M. A... relève appel de ce jugement en tant que le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 décembre 2018.

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions dirigées contre la lettre du 20 décembre 2018 en tant qu'elle informe M. A... de l'émission à venir d'un titre de perception :

2. La lettre par laquelle l'administration se borne à informer un fonctionnaire qu'il doit rembourser une somme indument payée et qu'en l'absence de paiement spontané de sa part, un ordre de reversement ou un titre de perception lui sera notifié ne constitue pas un acte susceptible de recours. Par suite, les conclusions de la requête de M. A... dirigées contre la lettre du 20 décembre 2018, en tant qu'elle l'informe qu'un titre de perception sera pris afin de récupérer le trop-plein de traitement versé entre le 5 mars et le 31 décembre 2018, sont irrecevables, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Montreuil au point 4 de son jugement.

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision du SIPLARC, contenue dans la lettre du 20 décembre 2018, de ne pas reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail postérieurs au 5 décembre 2017 :

3. Aux termes de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 visée ci-dessus, dans sa rédaction résultant de la loi du 17 décembre 2012 alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. (...) l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ". Aux termes de l'article 16 du décret du 30 juillet 1987 portant dispositions statutaires relatives la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie de fonctionnaires territoriaux, alors en vigueur : " Sous réserve du deuxième alinéa du présent article, la commission de réforme (...) est obligatoirement consultée dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice des dispositions de l'article 57 (2°, 2e alinéa) de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. Le dossier qui lui est soumis doit comprendre un rapport écrit du médecin du service de médecine préventive compétent à l'égard du fonctionnaire concerné (...) ". Aux termes de l'article 15 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Le secrétariat de la commission informe le médecin du service de médecine professionnelle et préventive, pour la fonction publique territoriale, le médecin du travail, pour la fonction publique hospitalière, compétent à l'égard du service auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis à la commission. Lorsque la commission statue sur le cas d'un sapeur-pompier professionnel, son secrétariat informe le médecin de sapeurs-pompiers désigné par le préfet sur proposition du directeur départemental des services d'incendie et de secours. Ces médecins peuvent obtenir, s'ils le demandent, communication du dossier de l'intéressé. Ils peuvent présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion de la commission. Ils remettent obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus au premier alinéa des articles 21 et 23 ci-dessous ". Et selon l'article 21 de ce même arrêté : " La commission de réforme donne son avis sur l'imputabilité au service ou à l'un des actes de dévouement prévus aux articles 31 et 36 du décret du 26 décembre 2003 susvisé de l'infirmité pouvant donner droit aux différents avantages énumérés à l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 susvisé (...) ".

4. Il résulte des dispositions précitées du décret du 30 juillet 1987 et de l'arrêté du 4 août 2004 que la consultation du médecin du service de médecine préventive est constitutive d'une garantie pour le fonctionnaire demandant le bénéfice des dispositions du 2ème alinéa du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984. Dans ce cadre, le médecin de prévention doit remettre à la commission de réforme un rapport écrit et peut, s'il le demande, obtenir communication du dossier de l'intéressé, présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion.

5. Il résulte de l'instruction que le médecin de prévention n'a pas été informé de la tenue de la séance du 5 novembre 2018 de la commission de réforme et qu'il n'a pas remis de rapport écrit. Contrairement à ce que soutient le SIPLARC en défense, ces irrégularités ont privé M. A... des garanties attachées, d'une part, à la possibilité, pour le médecin de prévention, de demander la communication du dossier de l'intéressé, de présenter des observations écrites ou d'assister à titre consultatif à la réunion et, d'autre part, à la remise à la commission de réforme d'un rapport rédigé par le médecin chargé de la prévention. Ces irrégularités sont, chacune, de nature à entacher d'illégalité la décision attaquée.

6. Il résulte de tout de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision, contenue dans la lettre du 20 décembre 2018, par laquelle le SIPLARC a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

7. Le présent arrêt implique uniquement que le SIPLARC procède au réexamen de la demande de M. A.... Il y a lieu de lui enjoindre de procéder à ce réexamen, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SIPLARC la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :


Article 1er : L'article 2 du jugement du 2 juillet 2021 du tribunal administratif de Montreuil et la décision en date du 20 décembre 2018 du directeur général du SIPLARC sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au Syndicat intercommunal de production et de livraison alimentaire de repas collectifs de procéder au réexamen de la situation de M. A..., dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le Syndicat intercommunal de production et de livraison alimentaire de repas collectifs versera à M. A... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au Syndicat intercommunal de production et de livraison alimentaire de repas collectifs.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Perroy, premier conseiller.


Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 17 février 2023.


La rapporteure,
C. C...La présidente,
H. VINOT
La greffière,




E. VERGNOL
La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA04909 2