CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 11/04/2023, 21TL01017, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision11 avril 2023
Num21TL01017
JuridictionToulouse
Formation2ème chambre
PresidentMme GESLAN-DEMARET
RapporteurMme Anne BLIN
CommissaireMme TORELLI
AvocatsBETROM

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre communal d'action sociale de Montpellier à lui verser une somme de 16 200 euros au titre des préjudices subis au titre de la responsabilité pour faute, une somme de 15 200 euros au titre de la responsabilité sans faute, de condamner la commune de Montpellier à lui verser une somme 15 200 euros au titre de la responsabilité sans faute, et de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Montpellier une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1902451 du 29 janvier 2021, le tribunal administratif de Montpellier a condamné le centre communal d'action sociale de Montpellier à verser à M. A... la somme de 5 500 euros en réparation de ses préjudices ainsi que la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mars 2021 sous le n° 21MA01017 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL01017, et un mémoire enregistré le 21 décembre 2022, M. B... A..., représenté par Me Betrom, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 janvier 2021 ;

2°) de condamner à titre principal le centre communal d'action sociale de Montpellier à lui verser la somme de 16 200 euros en réparation des préjudices résultant de l'accident de service dont il a été victime en raison des fautes commises, à titre subsidiaire de condamner la commune de Montpellier à lui verser la somme de 15 200 euros en réparation des préjudices subis, sur le fondement de la responsabilité sans faute ;

3°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Montpellier une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens.

Il soutient que :
- l'accident de service dont il a été victime est imputable à des fautes du centre communal d'action sociale en raison d'une défaillance d'un appareil lève-malade et de l'inertie dans la maintenance de ce matériel alors que le dysfonctionnement avait été signalé ;
- il est fondé à solliciter, à titre principal sur le fondement de la responsabilité pour faute, le versement d'une somme de 7 200 euros au titre de l'incapacité permanente partielle dont il reste atteint, d'une somme de 4 500 euros au titre du préjudice lié à son reclassement professionnel et à son préjudice de carrière, et d'une somme de 4 500 euros en réparation de son préjudice moral ;
- à titre subsidiaire, la responsabilité sans faute du centre communal d'action sociale est engagée ;
- il est fondé à solliciter le versement d'une somme de 7 200 euros au titre de l'incapacité permanente partielle dont il reste atteint ; le tribunal n'a retenu que la somme de 5 500 euros sans justifier des raisons pour lesquelles il a écarté le barème Mornet ; une somme de 8 000 euros doit lui être accordée en réparation de ses préjudices liés aux déficits fonctionnels partiel temporaire, au pretium doloris et aux autres préjudices extra-patrimoniaux.

Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. A....

Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 avril 2022 et 16 mai 2022, le centre communal d'action sociale de Montpellier, représenté par la SCP Vinsonneau-Paliès Noy Gauer et associés, agissant par Me Constans, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. A... le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :
- la requête est irrecevable en l'absence de moyen propre à contester la régularité du jugement attaqué, se contentant de reproduire les moyens évoqués dans la requête devant le tribunal ; le requérant reprend ses conclusions dirigées contre la commune de Montpellier qui ont été rejetées comme irrecevables par le tribunal ;
- il ne conteste pas le principe de la responsabilité sans faute retenue par le tribunal ;
- il n'a commis aucune faute à l'origine de l'accident du travail de l'agent ;
- la somme de 5 500 euros allouée par le tribunal au titre du déficit fonctionnel permanent s'inscrit dans la ligne jurisprudentielle, alors que le référentiel Mornet n'a ni valeur législative ni règlementaire ;
- le préjudice lié au reclassement de M. A... ne présente pas de caractère certain et ne saurait donc être indemnisé ;
- M. A... n'apporte aucun élément justifiant de l'existence d'un préjudice moral ; il en est de même s'agissant des préjudices extra-patrimoniaux.

Par ordonnance du 26 décembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 24 janvier 2023.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des communes ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,
- et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., agent titulaire au sein du centre communal d'action sociale de Montpellier et exerçant alors les fonctions d'auxiliaire de soins, a été victime, le 15 février 2015, d'un accident reconnu imputable au service par décision du directeur général du centre communal d'action sociale de Montpellier en date du 21 décembre 2015. Par une réclamation préalable du 11 mars 2019, M. A... a demandé au centre communal d'action sociale de Montpellier de lui verser la somme de 11 500 euros en réparation des préjudices subis en raison de l'accident reconnu imputable au service dont il a été victime. En l'absence de réponse à sa demande, M. A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, à titre principal, de condamner le centre communal d'action sociale à lui verser la somme de 16 200 euros sur le fondement de la responsabilité pour faute et, à titre subsidiaire, de condamner la commune de Montpellier à lui verser la somme de 15 200 euros sur le fondement de la responsabilité sans faute. Par un jugement du 29 janvier 2021, le tribunal administratif de Montpellier a condamné le centre communal d'action sociale à verser à M. A... la somme de 5 500 euros. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité l'indemnisation qui lui a été accordée à la somme de 5 500 euros et réitère ses prétentions indemnitaires présentées devant le tribunal administratif de Montpellier. Toutefois, si l'appelant dirige ses conclusions présentées à titre subsidiaire sur le fondement de la responsabilité sans faute à l'encontre de la commune de Montpellier, il doit être regardé comme ayant entendu demander la condamnation du centre communal d'action sociale de Montpellier au regard de l'ensemble de ses écritures.

Sur la responsabilité :

2. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et, pour les fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, le II de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984 et les articles 30 et 31 du décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 remplacés, à compter du 1er janvier 2004, par les articles 36 et 37 du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003, qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité, doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. En revanche, elles ne font obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne.

3. La circonstance que le fonctionnaire victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle ne remplit pas les conditions auxquelles les dispositions citées au point précédent subordonnent l'obtention d'une rente ou de l'allocation temporaire d'invalidité, fait obstacle à ce qu'il prétende, au titre de l'obligation de la collectivité qui l'emploie de le garantir contre les risques encourus dans l'exercice de ses fonctions, à une indemnité réparant des pertes de revenus ou une incidence professionnelle. En revanche, elle ne saurait le priver de la possibilité d'obtenir de cette collectivité la réparation de préjudices d'une autre nature, dès lors qu'ils sont directement liés à l'accident ou à la maladie.

4. M. A... soutient que l'accident de service dont il a été victime, le 15 février 2015, est directement imputable à des fautes commises par le centre communal d'action sociale de Montpellier, en raison de la défaillance d'un appareil lève-malade qui l'a contraint à déplacer lui-même un patient pesant 120 kilogrammes, et de l'inertie dans la maintenance de cet appareil dont le dysfonctionnement avait été signalé plusieurs jours avant l'accident. Il résulte toutefois de l'instruction, notamment de la déclaration d'accident établie par M. A... le 16 février 2015, qu'après que l'appareil se soit bloqué en position haute lors du coucher d'un patient, la manipulation de celui-ci qui a été effectuée manuellement par l'appelant, et avec l'aide d'un autre agent, n'est pas à l'origine de l'accident. M. A... a en effet indiqué avoir ressenti une douleur au niveau de la hanche gauche en essayant de débloquer l'appareil, en tirant fortement sur un fil électrique qui le bloquait, après avoir effectué la manipulation du patient. S'il expose que l'une de ses collègues avait mentionné dans le cahier de suivi du patient, le 28 janvier 2015, que l'appareil était resté bloqué, il résulte cependant du même document que l'appareil a été déclaré comme fonctionnant normalement par deux autres collègues les 9 et 11 février suivant. Les deux attestations établies le 21 mars 2021 par deux autres collègues de M. A... faisant état de ce qu'un dysfonctionnement avait été signalé avant l'accident dont il a été victime, ne permettent pas à elles-seules d'établir qu'une faute dans la maintenance de l'appareil aurait été commise par le centre communal d'action sociale, qui a par ailleurs fait procéder au remplacement dudit appareil dès le 16 février 2015. Par suite, aucune faute du centre communal d'action sociale de Montpellier ne peut être retenue.

5. Toutefois, M. A..., dont l'accident a été reconnu imputable au service par décision du 21 décembre 2015, est fondé à rechercher la responsabilité sans faute du centre communal d'action sociale de Montpellier pour l'indemnisation des préjudices patrimoniaux d'une nature autre que la perte de revenus et l'incidence professionnelle ou des préjudices personnels qu'il a subis résultant de cet accident.

Sur les préjudices :

6. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise établi le 5 janvier 2016 par un médecin agréé spécialiste en rééducation fonctionnelle commis par le centre communal d'action sociale, que M. A..., dont l'état a été déclaré consolidé le 30 novembre 2015, est atteint d'une incapacité permanente partielle au taux de 5% en rapport avec une coxarthrose débutante post traumatique. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 5 500 euros, qui lui a été allouée par les premiers juges, lesquels n'étaient pas tenus de faire application du barème Mornet.

7. En deuxième lieu, si M. A... sollicite l'indemnisation de son préjudice lié à son reclassement professionnel dans le cadre d'emplois des agents sociaux principaux à compter du 1er décembre 2017, il ne justifie cependant d'aucune perte de revenus ni d'aucun préjudice de carrière. Ainsi, en l'absence de la réalité de ce préjudice, sa demande ne peut être accueillie.

8. En troisième lieu, M. A... soutient qu'il a subi un préjudice moral particulièrement important dès lors qu'à la suite de la douleur causée par l'accident, il a été victime d'une profonde dépression et de douleurs persistantes. Toutefois, il ne produit aucun élément permettant d'attester de la réalité de ces allégations. Sa demande ne peut dès lors être accueillie.

9. En dernier lieu, M. A... demande l'indemnisation de ses préjudices liés aux déficits fonctionnels partiels temporaires, au pretium doloris et aux autres préjudices extra-patrimoniaux. Toutefois, l'appelant n'apporte aucun élément permettant d'établir la réalité de ces préjudices qu'il estime avoir subis. Par suite, sa demande présentée à ce titre doit également être rejetée.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a limité le montant de l'indemnisation qui lui est due en raison de l'accident de service dont il a été victime, à la somme de 5 500 euros.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. A... tendant à leur application.

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme au titre des frais exposés par le centre communal d'action sociale de Montpellier et non compris dans les dépens.

D E C I D E :


Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le centre communal d'action sociale de Montpellier au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au centre communal d'action sociale de Montpellier.


Délibéré après l'audience du 28 mars 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.



La rapporteure,





A. Blin



La présidente,





A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat



La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.





N°21TL01017 2