CAA de LYON, 3ème chambre, 17/05/2023, 21LY01584, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision17 mai 2023
Num21LY01584
JuridictionLyon
Formation3ème chambre
PresidentM. TALLEC
RapporteurMme Sophie CORVELLEC
CommissaireM. DELIANCOURT
AvocatsCABINET PHILIPPE PETIT & ASSOCIES

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... F..., Mme B... D... épouse F..., M. G..., M. C... F... et M. A... F... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble :
1°) de condamner la commune d'Annecy, venant aux droits de la commune de Seynod, à verser à M. E... F... la somme de 4 457 135,50 euros en indemnisation de l'ensemble des préjudices résultant de l'accident de trajet dont il a été victime le 22 août 2008, à Mme B... F... la somme de 145 803,73 euros en indemnisation des préjudices qu'elle a subis du fait de l'accident dont son époux a été victime et à M. G..., à M. C... F... et à M. A... F... la somme de 15 000 euros chacun en indemnisation des préjudices qu'ils ont subis du fait de l'accident dont leur père a été victime, condamnations assorties des intérêts au taux légal capitalisés ;
2°) de déclarer le jugement commun à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Savoie et à la société Dexia Sofcap, devenue la société Sofaxis.

Par un jugement n° 1806834 du 16 mars 2021, le tribunal administratif de Grenoble a déclaré le jugement commun à la CPAM de la Loire, a mis les frais et honoraires d'expertise liquidés à hauteur de 1 000 euros à la charge de la commune d'Annecy et a rejeté le surplus des demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 20 mai 2021 et un mémoire enregistré le 15 septembre 2022, M. E... F..., Mme B... D... épouse F... et M. A... F..., représentés par Me Kelber, avocate, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 mars 2021 en ce qu'il rejette leurs demandes indemnitaires ;
2°) de condamner la commune d'Annecy, venant aux droits de la commune de Seynod, à verser à M. E... F... la somme de 4 883 333,90 euros en indemnisation de l'ensemble des préjudices résultant de l'accident de trajet dont il a été victime le 22 août 2008, à Mme B... F... la somme de 145 803,73 euros en indemnisation des préjudices qu'elle a subis du fait de l'accident dont son époux a été victime et à M. A... F... la somme de 15 000 euros en indemnisation des préjudices qu'il a subis du fait de l'accident dont son père a été victime, augmentées des intérêts au taux légal capitalisés ;
3°) de déclarer le jugement commun à la CPAM de la Haute-Savoie ou de la Loire ;
4°) de maintenir les frais d'expertise taxés à la somme de 1 000 euros par ordonnance du 27 avril 2015, à la charge définitive de la commune nouvelle d'Annecy ;
5°) de mettre à la charge de la commune d'Annecy une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est irrégulier, la rapporteure publique ayant conclu à l'audience à l'irrecevabilité d'une partie de la demande, en contradiction avec le sens des conclusions précédemment communiqué ;
- la commune de Seynod a commis une faute, de nature à engager sa responsabilité, en méconnaissant l'obligation de sécurité incombant à tout employeur et son obligation d'assurer un correct entretien de l'ouvrage public que constitue le parking municipal, en s'abstenant de signaler la poutre à laquelle M. F... s'est heurté, d'une hauteur inférieure à deux mètres, en violation de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983, du décret du 10 juin 1985, de l'arrêté du 4 novembre 1993 et de la circulaire du 3 mars 1975 ;
- la responsabilité sans faute de la commune est également engagée, s'agissant d'un accident de service ;
- aucune faute de la victime ne saurait être retenue ;
- la commune doit indemniser M. F... de l'ensemble des préjudices subis, à hauteur de :
* 336 495,70 euros au titre de l'aide d'une tierce personne temporaire ;
* 3 574 773,36 euros au titre de l'aide d'une tierce personne permanente ;
* 78 813,27 euros au titre de dépenses d'ergothérapie ;
* 141 520,87 euros au titre des frais d'équipement d'un véhicule adapté à son handicap ;
* 100 000 euros au titre de l'incidence de l'accident sur sa carrière professionnelle ;
* 33 755,70 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
* 60 000 euros au titre des souffrances endurées ;
* 65 000 euros au titre du préjudice esthétique ;
* 342 975 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;
* 70 000 euros au titre de son préjudice d'agrément du fait de l'arrêt de ses nombreuses activités sportives et de loisirs de plein air ;
* 80 000 euros au titre du préjudice sexuel ;
- la commune doit également indemniser les victimes par ricochet de l'accident de trajet subi par M. F..., en particulier son épouse et un de ses fils, à hauteur de :
* pour Mme F..., la somme de 30 803,73 euros au titre de la perte de revenus professionnels du fait de l'interruption de sa carrière professionnelle pour assister son époux, 15 000 euros au titre du préjudice d'affection et 100 000 euros à raison des troubles dans ses conditions d'existence ;
* pour son fils, 10 000 euros au titre du préjudice d'affection et 5 000 euros à raison des troubles dans ses conditions d'existence.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 2 février 2022 et le 13 octobre 2022, la commune d'Annecy, représentée par Me Petit (SELARL cabinet d'avocats Philippe Petit et associés), avocat, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge des requérants une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle expose que :
- la requête d'appel est tardive et, par suite, irrecevable ;
- la demande de première instance était irrecevable, étant mal dirigée, tardive et à défaut de liaison du contentieux ;
- la créance en litige est prescrite, compte tenu de la date de consolidation de l'état de santé de l'intéressé ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 13 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 28 octobre 2022.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code civil ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ;
- l'arrêté du 4 novembre 1993 relatif à la signalisation de sécurité et de santé au travail ;
- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère ;
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
- et les observations de Me Kelber, avocate, représentant M. F... et autres, et de Me Deguerry, avocate, représentant la commune d'Annecy ;
Considérant ce qui suit :

1. Le 22 août 2008, alors qu'il quittait son service à bicyclette, M. F..., technicien supérieur au sein de la commune de Seynod, depuis intégrée à la commune d'Annecy, a heurté une voûte du parking de l'hôtel de ville. Il souffre depuis cet accident, reconnu imputable au service par un arrêté du 13 octobre 2018, d'une tétraplégie incomplète, laquelle a justifié son admission à la retraite pour invalidité, à compter du 1er août 2011, et l'octroi d'une rente d'invalidité au taux de 90 %. Par courriers du 26 juillet 2013 et du 2 août 2018, il a sollicité la réparation des préjudices subis tant par lui-même que par son épouse et ses enfants en raison de cet accident. Leurs demandes ayant été rejetées, ils ont saisi le tribunal administratif de Grenoble aux mêmes fins. Celui-ci a également refusé d'y faire droit par un jugement du 16 mars 2021, dont M. F..., son épouse et l'un de ses enfants relèvent appel.

Sur la recevabilité de l'appel :

2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois (...) ".
3. Contrairement à ce que prétend en défense la commune d'Annecy, le jugement attaqué ayant été notifié à M. F... et à ses proches le 23 mars 2021, leur appel, enregistré au greffe de la cour le 20 mai 2021, a été présenté dans le délai imparti et n'est ainsi nullement tardif. La fin de non-recevoir opposée en ce sens ne peut qu'être écartée.

Sur la régularité du jugement :

4. Aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ". La communication aux parties du sens des conclusions prévue par ces dispositions a pour objet de les mettre en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public. En outre, le rapporteur public qui, après avoir communiqué le sens de ses conclusions, envisage de modifier sa position doit, à peine d'irrégularité de la décision, mettre les parties à même de connaître ce changement. Par ailleurs, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, et notamment d'indiquer, lorsqu'il propose le rejet de la requête, s'il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et de mentionner, lorsqu'il conclut à l'annulation d'une décision, les moyens qu'il propose d'accueillir, la communication de ces informations n'étant toutefois pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision.

5. Il résulte de la copie de l'écran de l'application " Télérecours " produite par les requérants qu'a été mentionné dans cette application, comme " sens synthétique des conclusions " du rapporteur public sur cette affaire, " rejet au fond ", sans autres précisions. Ils soutiennent, sans être démentis par la commune d'Annecy, que, contrairement au sens des conclusions ainsi préalablement porté à leur connaissance, la rapporteure publique a conclu, à l'audience, au rejet de leurs conclusions fondées sur la faute de la commune, en raison de leur seule irrecevabilité, sans même se prononcer subsidiairement sur leur bien-fondé, ainsi qu'ils s'en sont plaints par une note en délibéré enregistrée le 5 mars 2021. Dans ces circonstances, l'irrégularité qu'ils invoquent peut être tenue pour établie. Il s'ensuit que le jugement attaqué, en tant qu'il rejette les conclusions indemnitaires des requérants fondées sur la faute de la commune, tenant notamment au défaut d'entretien normal de l'ouvrage, est irrégulier et doit, dans cette mesure, être annulé.

6. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement sur ces conclusions par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par M. F... et autres.

Sur la responsabilité pour faute de la commune d'Annecy :

7. Compte tenu des conditions posées à leur octroi et de leur mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions qui instituent ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche pas obstacle à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice. Elles ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait.

8. Une collectivité publique peut en principe s'exonérer de la responsabilité qu'elle encourt à l'égard des usagers d'un ouvrage public victimes d'un dommage causé par l'ouvrage si elle apporte la preuve que ledit ouvrage a été normalement aménagé et entretenu. Sa responsabilité ne peut être engagée à l'égard des usagers, même en l'absence de tout défaut d'aménagement ou d'entretien normal, que lorsque l'ouvrage, en raison de la gravité exceptionnelle des risques auxquels sont exposés les usagers du fait de sa conception même, doit être regardé comme présentant par lui-même le caractère d'un ouvrage exceptionnellement dangereux.
9. En premier lieu, aux termes de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail ". Aux termes de l'article 2 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale : " Dans les collectivités et établissements mentionnés à l'article 1er, les locaux et installations de service doivent être aménagés, les équipements doivent être réalisés et maintenus de manière à garantir la sécurité des agents et des usagers. Les locaux doivent être tenus dans un état constant de propreté et présenter les conditions d'hygiène et de sécurité nécessaires à la santé des personnes ". Selon l'article 2-1 de ce même décret : " Les autorités territoriales sont chargées de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité ".
10. Contrairement à ce que prétendent M. F... et autres, la seule circonstance qu'un accident se produise sur le lieu de travail d'un agent public ne saurait suffire à caractériser une faute imputable à son employeur. Dès lors, ils ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions citées au point précédent, ni d'aucune autre instituant à la charge des collectivités publiques une obligation générale d'assurer la sécurité de leurs agents, pour démontrer l'existence d'une faute imputable à la commune d'Annecy.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 12 de l'instruction technique du 3 mars 1975 relative aux parcs de stationnement couverts, qui concerne la " circulation des véhicules " : " Les rampes et allées de circulation des véhicules devront être libres de tout obstacle sur toute leur largeur et sur une hauteur minimale de 2 mètres. Sur une distance de 4 mètres en retrait de l'alignement au débouché sur la voirie, la pente de la rampe ne devra pas excéder 5 p. 100. Toute signalisation destinée à faciliter les déplacements des véhicules à l'intérieur du parc devra être conforme à celle imposée par le code de la route ". L'article 13 de cette même instruction, relatif à la " circulation des personnes ", dispose que : " Aucun obstacle (poutre, canalisation, gaine, etc.) ne devra se trouver à moins de 2 mètres du sol dans toutes les parties du parc susceptibles d'être parcourues par les piétons. Les accès aux issues (escaliers, ascenseurs) devront être maintenus dégagés sur une largeur minimale de 0,80 mètre. Pour faciliter la circulation dans le parc et repérer les issues, des inscriptions visibles en toutes circonstances seront apposées. Lorsqu'une porte ne donnera pas accès à une voie de circulation, un escalier, une issue, elle devra porter, de manière apparente, la mention "Sans issue" ". Par ailleurs, l'article 12 de l'arrêté du 4 novembre 1993 relatif à la signalisation de sécurité et de santé au travail prévoit que : " A l'intérieur des zones bâties de l'entreprise auxquelles le travailleur a accès dans le cadre de son travail, les obstacles susceptibles de provoquer des chocs ou des chutes de personnes et les endroits dangereux, où notamment peuvent avoir lieu des chutes d'objets, doivent être signalés par des bandes jaune et noir ou rouge et blanc. Les dimensions de cette signalisation doivent tenir compte des dimensions de l'obstacle ou endroit dangereux signalé. Les bandes jaune et noir ou rouge et blanc doivent être conformes au point 3 (b) de l'annexe II ".
12. Il résulte de l'instruction que l'accident dont M. F... a été victime s'est produit alors qu'il faisait demi-tour, à bicyclette, dans le parc de stationnement de l'hôtel de ville de Seynod, en travers des deux rangées de stationnement et de l'allée centrale de circulation. Il a, au cours de cette manœuvre, heurté la voûte, d'une hauteur variant de 2 à 1,50 mètres, formée par le plafond de l'ouvrage, à l'extrémité des emplacements destinés au stationnement des véhicules, au-dessus des capots de ceux-ci. Toutefois, l'extrémité de ces places de stationnement, où s'est produite la collision, ne saurait être regardée comme un espace destiné à la circulation, que ce soit des véhicules ou des piétons, au sens des articles 12 et 13, rappelés ci-dessus de l'instruction technique du 3 mars 1975. Par ailleurs, la configuration de cet endroit ne saurait davantage constituer un obstacle susceptible de provoquer des chocs dans une zone à laquelle les agents ont accès dans le cadre de leur travail, soumis à une obligation de signalisation en application de l'article 12 de l'arrêté du 4 novembre 1993. Ainsi, la commune d'Annecy est fondée à soutenir qu'aucun défaut dans l'entretien ou l'aménagement du parc de stationnement, lequel ne présente pas en lui-même le caractère d'un ouvrage exceptionnellement dangereux, ne peut lui être reproché. Aucune faute ne lui est dès lors imputable.
13. En outre, comme indiqué ci-dessus, l'accident s'est produit alors que M. F... faisait un large demi-tour, en travers des deux rangées destinées au stationnement des automobiles, alors inoccupées, et de l'allée centrale de circulation. Il s'est ainsi livré, par seul souci de rapidité, à une manœuvre dangereuse, dans une zone non destinée à la circulation et peu éclairée, au mépris de tout sens de circulation et de la trajectoire de sortie en vigueur dans ce parking, qu'il ne pouvait ignorer compte tenu de son usage fréquent de cet ouvrage et de l'unique voie de circulation qu'il comporte. L'accident survenu n'est, dans ces circonstances, imputable qu'à sa seule imprudence. Cette faute est de nature à exonérer la commune d'Annecy de toute responsabilité.
14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la commune d'Annecy, que les conclusions de M. F... tendant à la condamnation pour faute de la commune d'Annecy doivent être rejetées.
Sur la responsabilité sans faute de la commune d'Annecy :

15. L'accident survenu n'étant imputable, comme indiqué au point 13 du présent arrêt, qu'à la seule imprudence de M. F..., celui-ci n'est pas fondé à demander une indemnité complémentaire à la rente d'invalidité qu'il perçoit, sur le fondement de la responsabilité sans faute de la commune d'Annecy.

16. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la commune d'Annecy, que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Sur la déclaration de jugement commun :

17. Aux termes des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt (...) ". Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que la caisse doit être appelée en déclaration de jugement commun dans l'instance ouverte par la victime contre le tiers responsable, le juge étant, le cas échéant, tenu de mettre en cause d'office la caisse si elle n'a pas été appelée en déclaration de jugement commun.
18. Par suite, les conclusions de M. F... et autres tendant à ce que la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Loire soit appelée en déclaration de jugement commun doivent être accueillies. Il y a lieu en conséquence de déclarer le présent arrêt commun à cette caisse.
Sur les dépens :

19. Il y a lieu de maintenir les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Grenoble, liquidés et taxés à la somme de 1 000 euros par ordonnance du 27 avril 2015 du président de ce tribunal, à la charge définitive de la commune d'Annecy.

Sur les frais liés au litige :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Annecy, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. F... et autres. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ces derniers le paiement des frais exposés par la commune d'Annecy en application de ces mêmes dispositions.




DÉCIDE :
Article 1er : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 mars 2021 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de M. F... et autres tendant à la condamnation de la commune d'Annecy pour faute.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. F... et autres devant le tribunal administratif de Grenoble et tendant à la condamnation de la commune d'Annecy pour faute et le surplus de leurs conclusions présentées en appel sont rejetés.
Article 4 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à hauteur de la somme de 1 000 euros, sont mis à la charge définitive de la commune d'Annecy.
Article 5 : Les conclusions de la commune d'Annecy présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... F..., à Mme B... D... épouse F..., à M. A... F..., à la commune d'Annecy, à la société Sofaxis et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire.
Délibéré après l'audience du 2 mai 2023, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2023.
La rapporteure,
Sophie CorvellecLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY01584