CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 28/06/2023, 21BX02331, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision28 juin 2023
Num21BX02331
JuridictionBordeaux
Formation6ème chambre
PresidentMme DEMURGER
RapporteurMme Caroline GAILLARD
CommissaireMme MADELAIGUE
AvocatsHIRTZLIN-PINÇON

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2019 par lequel le maire de Vic-en-Bigorre a prononcé son admission à la retraite pour invalidité sans lien avec le service, à compter du 1er novembre 2019, et l'a radiée des cadres à cette même date.
Par un jugement n° 1902805 du 23 mars 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire (non communiqué) enregistrés le 31 mai 2021 et le 31 mars 2023, Mme A..., représentée par Me Hirtzlin-Pinçon, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 23 mars 2021 ;

2°) d'ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à un expertise médicale afin de déterminer l'origine de sa maladie, et si cette dernière est en lien avec le service ;



3°) d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2019 par lequel le maire de Vic-en-Bigorre a prononcé son admission à la retraite pour invalidité sans lien avec le service, à compter du 1er novembre 2019, et l'a radiée des cadres à cette même date ;

4°) d'enjoindre à la commune de Vic-en-Bigorre de prendre une nouvelle décision déclarant l'imputabilité au service de sa mise à la retraite pour invalidité et de reconstituer sa carrière, en prenant en compte les arrêts de travail comme imputables au service, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à venir, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Vic-en-Bigorre les frais d'expertise ;
6°) de mettre à la charge de la commune de Vic-en-Bigorre la somme de 2 500 euros HT en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux dépens.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence, la signature illisible ne permettant pas d'identifier l'identité de son auteur ;
- il n'est pas motivé, faute de reprendre l'avis de la commission de réforme sans le discuter ;
- il est entaché d'un vice de procédure dès lors que le maire de Vic-en-Bigorre n'a pas mis en œuvre la procédure permettant que la reconnaissance de l'imputabilité au service de son invalidité soit examinée ; la commission de réforme n'a pas tenu compte du certificat médical de son psychiatre, qui a été produit par courrier du 26 avril 2019 adressé à la commission de réforme ;
- son invalidité est imputable au service.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2023, la commune de Vic-en-Bigorre représentée par son maire en exercice et par Me Picard, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.



Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraites ;
- le code des relations entre l'administration et le public ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caroline Gaillard,
- et les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., adjointe technique principale de deuxième classe, employée par la commune de Vic-en-Bigorre, a été victime d'un accident reconnu imputable au service le 9 septembre 2003, puis a connu une période d'arrêt maladie et de reprise à temps partiel entre le 14 mars 2005 et le 11 février 2012, après que le comité médical départemental l'ait déclarée apte à la reprise du travail. A compter du 8 avril 2013, Mme A... a été placée en arrêts de maladie ordinaire successifs, avec alternance de reprise de poste, jusqu'au 12 janvier 2016. Le comité médical départemental s'est alors prononcé les 19 avril 2016, 8 novembre 2016 et 12 décembre 2017 en défaveur de l'octroi à Mme A... d'un congé de longue maladie, confirmé en ce sens par le comité médical supérieur réuni les 14 juin 2016, 31 janvier 2017 et 3 juillet 2018. Ce même comité départemental, après avoir fait procéder à une expertise supplémentaire le 21 février 2019, s'est prononcé le 22 mars 2019 pour une inaptitude totale et définitive de Mme A... à toutes fonctions et à la saisine de la commission de réforme pour mise à la retraite pour invalidité non imputable au service. Par un avis du 30 avril 2019, cette commission a adopté les mêmes conclusions. Par un arrêté du 8 octobre 2019 le maire de Vic-en-Bigorre a admis Mme A... à la retraite pour invalidité à compter du 1er novembre 2019 et l'a radiée des cadres. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Pau l'annulation de cette décision. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, à l'appui de ses moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté du 8 octobre 2019, Mme A... ne se prévaut, devant la cour, d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation devant les premiers juges. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents du jugement attaqué.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) doivent être motivées les décisions qui : (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " En application de ces dispositions, la décision qui, comme l'arrêté contesté, met fin avant son terme normal à la carrière d'un fonctionnaire, est au nombre de celles qui doivent être motivées.

4. L'arrêté portant admission à la retraite pour invalidité de Mme A... vise les textes législatifs et réglementaires applicables à sa situation, en particulier la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ainsi que l'avis du 30 avril 2019 de la commission de réforme départementale, favorable à la mise à la retraite de l'intéressée pour invalidité non imputable au service, ainsi que l'avis de la CNRACL du 2 octobre 2019, favorable à sa radiation des cadres à compter du 8 octobre 2019, dont l'intéressée a eu connaissance. Cet arrêté rappelle en outre que " Mme A... a épuisé ses droits à congé maladie et qu'elle est reconnue définitivement inapte à l'exercice de toute fonction ". La décision contestée comporte ainsi l'énoncé des motifs de droit et des considérations de fait qui en constituent le fondement et satisfait aux exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 31 du code des pensions civiles et militaires de retraites ; " La réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions sont appréciés par une commission de réforme selon des modalités qui sont fixées par un décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande (...) ". Aux termes de l'article 31 du même décret : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, les conséquences et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions. La commission de réforme compétente est celle du département où le fonctionnaire exerce ou a exercé, en dernier lieu, ses fonctions (...) Le pouvoir de décision appartient dans tous les cas à l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination, sous réserve de l'avis conforme de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (...) ".

6. Mme A... soutient que sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de sa maladie n'a pas été instruite par son employeur. Il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme A... a été informée de la procédure de mise à la retraite pour invalidité mise en œuvre par son employeur en raison de " l'avis d'inaptitude définitive à toute fonction non imputable au service ", rendu par le comité médical départemental le 22 mars 2019. Il ressort encore des pièces du dossier que la requérante a directement soumis par courrier du 26 avril 2019 adressé directement non à son employeur comme le prévoit les textes, mais aux médecins de la commission de réforme statuant le 30 avril 2019, un certificat médical, établi le même jour par son médecin psychiatre afin que son invalidité soit reconnue imputable à son accident de service du 9 septembre 2003. Si Mme A... fait valoir que la commission n'aurait pas " pris en compte " ce certificat, elle n'allègue pas que cette instance, dont le procès-verbal mentionne qu'elle a pris connaissance des documents fournis par l'intéressée, n'en aurait pas eu communication avant de rendre son avis. Ainsi, la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de la pathologie ayant conduit à la mise à la retraite pour invalidité de Mme A... a bien été soumise à la commission de réforme qui a émis un avis éclairé sur sa situation. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté serait entaché d'un vice de procédure ne peut qu'être écarté.

7. En dernier lieu, la requérante soutient que son invalidité est imputable à son accident de service survenu le 9 septembre 2003 au cours duquel elle a chuté dans une fosse de vidange après que la grille de protection eut cédé. Toutefois, l'unique certificat médical de son médecin psychiatre, qu'elle produit à l'appui de sa demande, se borne à rappeler son état anxio-dépressif chronique réactionnel et conclut que " le caractère imputable au service n'a pas été suffisamment et correctement analysé sur le fond par les diverses expertises ". Ce document ne permet pas, à défaut d'éléments suffisamment circonstanciés motivant sa position concernant les carences qui seraient contenues dans les expertises déjà réalisées, de remettre en cause les conclusions concordantes du docteur C..., expert psychiatre, et de l'avis de la commission de réforme au sein de laquelle siégeaient deux médecins, qui ont estimé que la pathologie dont elle souffre n'était pas imputable au service. Il s'ensuit qu'aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause le bien-fondé de la décision du maire de Vic-en-Bigorre, prise au vu des avis de la commission de réforme, de la CNRACL et du comité médical départemental, tous trois convergents, quant à l'inaptitude définitive de l'intéressée à l'exercice de toute fonction et au caractère non imputable au service de cette inaptitude. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation sera écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'expertise médicale, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté contesté du 8 octobre 2019. Sa requête doit, dès lors, être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1500 euros à verser à la commune de Vic-en-Bigorre au titre des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Mme A... versera à la commune de Vic-en-Bigorre la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Vic-en-Bigorre.
Délibéré après l'audience du 15 juin 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Florence Demurger, présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 juin 2023.

La rapporteure,
Caroline Gaillard
La présidente,
Florence Demurger La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au préfet des Hautes-Pyrénées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21BX02331