CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 06/07/2023, 21BX02930, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler
la décision du 20 décembre 2018 par laquelle la ministre des armées a refusé de lui octroyer une pension militaire d'invalidité.
Par un jugement n° 1905577 du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux
a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2021, M. B..., représenté par Me Dirou, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er juin 2021 ;
2°) d'ordonner une expertise et d'annuler la décision ministérielle
du 20 décembre 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les " entiers dépens ".
Il soutient que :
- les huit infirmités pour lesquelles il demande un droit à pension engendrent une gêne fonctionnelle supérieure à 10 % et sont en lien avec ses dix-sept années au sein de l'armée de l'air ; la désignation d'un expert médical est nécessaire pour confirmer que ces infirmités sont dues au service et justifient un droit à pension ;
- ses infirmités auditives sont dues aux cinq cent plongées qu'il réalisait chaque année et il s'est d'ailleurs plaint de douleurs lorsqu'il était en service ;
- ses infirmités aux genoux ont été révélées pendant le service ;
- bien qu'apparue en 2017, après sa radiation des cadres, son infirmité de la main gauche est liée au service ;
- sa tendinopathie a été signalée à plusieurs reprises durant son service ;
- les séquelles d'une chirurgie au poignet droit sont liées à un accident de sport en opération en 1976 ;
- la lombalgie sur discopathie provient du port de charges lourdes et des hélitreuillages quotidiens ;
- c'est à tort que le tribunal a refusé l'expertise alors que cette demande est fondée sur une raison légitime.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 novembre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la perte auditive de 26 décibels n'est pas suffisante pour reconnaître un taux d'infirmité justifiant une pension ; l'otite barotraumatique droite, survenue quinze ans après la radiation des cadres, est dépourvue de lien avec le service ; au demeurant, la fréquence et la profondeur des plongées, qui relèvent des conditions générales de service, ne peuvent permettre de caractériser un lien entre les problèmes auditifs de M. B... et le service ;
- la pathologie du genou droit est la suite d'un accident du travail survenu en 2009, dans la vie civile ; l'expert a par ailleurs relevé qu'aucune doléance n'était formulée pour le genou gauche ;
- la cellulite infectieuse de la main gauche, survenue en raison d'une plaie faite
le 25 avril 2017, dans la vie civile, est dépourvue de lien avec le service ;
- l'invalidité occasionnée par la tendinopathie est inférieure à 10 % ; par suite, la circonstance que cette pathologie soit imputable au service est indifférente ; au demeurant, le certificat médical posant une restriction à l'activité sportive n'est pas de nature à remettre en cause le taux d'invalidité retenu par l'expert ;
- si l'invalidité résultant des séquelles d'une chirurgie du poignet droit a été évaluée
à 10 %, elle est pour moitié due à une opération du canal carpien et à la maladie de Dupuytren, sans lien avec le service ; cette part non imputable a acquis un caractère définitif en raison du fait d'une précédente décision de rejet du 11 janvier 2010, notifiée
le 29 janvier 2010 ;
- une pension militaire d'invalidité ne peut être attribuée au seul motif des conditions générales de service ; or, les séances d'hélitreuillage sont communes à l'ensemble des personnels exerçant la spécialité de plongeur ; en outre, l'expert a estimé que l'état lombalgique était à l'origine d'une invalidité de 10 %, due pour moitié à des affections dégénératives autonomes ;
- il n'y a pas lieu pour la juridiction d'ordonner une expertise médicale lorsqu'elle s'estime suffisamment éclairée sur les circonstances du litige.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Cotte,
- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Alors âgé de 59 ans, M. B..., ancien adjudant de l'armée de l'air qui a exercé une activité de plongeur avant sa radiation des cadres le 5 avril 1993, a sollicité,
le 14 décembre 2016, l'octroi d'une pension militaire d'invalidité au titre de huit infirmités. Par une décision du 20 décembre 2018, la ministre des armées a refusé de faire droit à sa demande. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 1er juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a refusé de lui reconnaître un droit à l'attribution d'une pension militaire d'invalidité.
2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors en vigueur : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. ". Aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. (...) ". Aux termes de l'article L. 4 de ce code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse ; / 30 % en cas d'infirmité unique ; / 40 % en cas d'infirmités multiples. / En cas d'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'une infirmité étrangère
à celui-ci, cette aggravation seule est prise en considération, dans les conditions définies aux alinéas précédents. / Toutefois, si le pourcentage total de l'infirmité aggravée est égal ou supérieur à 60 %, la pension est établie sur ce pourcentage ".
3. En premier lieu, M. B... souffre d'acouphènes à l'oreille droite
et d'une perte auditive qui a été évaluée par le médecin l'ayant examiné le 30 juillet 2018,
à 26 décibels à droite et 23,7 décibels à gauche. Cette hypoacousie n'est toutefois pas suffisamment importante pour justifier un degré d'invalidité ouvrant droit à pension au regard du guide-barème. En outre, il n'est pas établi que les acouphènes du côté droit soient en lien avec le service et son activité de plongeur, dès lors, d'une part, que les affections auditives constatées en 1988 alors qu'il était en service, concernaient seulement l'oreille gauche et, d'autre part, que M. B... a déclaré avoir été victime, dans le cadre d'une activité sportive, d'un accident ayant occasionné une otite barotraumatique droite, le 12 juillet 2008, soit quinze ans après sa radiation des cadres.
4. En deuxième lieu, si M. B... invoque des gonalgies des deux côtés, il ressort de l'expertise du 11 juin 2018 qu'aucune doléance n'a été formulée pour le genou gauche, dont l'examen physique s'est révélé normal, et que la pathologie du genou droit est une séquelle d'une régularisation méniscale interne et d'une chondropathie patellaire, en lien avec un accident du travail survenu en avril 2009, soit seize ans après la radiation des cadres de M. B.... Dans ces conditions, et alors que M. B..., contrairement à ce qu'il allègue, n'établit pas que cette pathologie se serait révélée durant le service, l'imputabilité de cette infirmité au service ne peut être reconnue.
5. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que la cellulite infectieuse de la main gauche qui s'est compliquée d'un sepsis sévère du bras gauche s'est développée à la suite d'une plaie dont M. B... a été victime le 25 avril 2017, donc également postérieurement à sa radiation des cadres. Dans ces conditions, les conséquences de cette infection, consistant notamment en des douleurs de la main, une diminution de la force
de serrage et une amyotrophie de l'éminence thénar, sont sans lien avec le service.
6. En quatrième lieu, si la tendinopathie achilléenne au pied droit est survenue
en 1991 alors que M. B... était en service, et qu'elle a évolué vers une chronicisation depuis lors, ainsi qu'il a été constaté lors d'une imagerie par résonance magnétique en
octobre 2006, il résulte de l'expertise, qui n'est pas sérieusement contredite par un certificat médical faisant état de restrictions à la pratique sportive, que l'invalidité qui en résulte est inférieure à 10 %. Elle ne peut, pour cette raison, ouvrir un droit à pension.
7. En cinquième lieu, M. B... souffre des séquelles d'une chirurgie au poignet droit ayant consisté en une greffe osseuse, qui fait suite à une blessure survenue lors d'une épreuve sportive le 7 octobre 1975, alors qu'il était en service. Si le taux de cette infirmité a été évalué à 10 % par l'expert, ce dernier a précisé qu'un tel taux était pour moitié imputable à un syndrome du canal carpien et à une maladie de Dupuytren, deux affections dégénératives autonomes pour lesquelles M. B... a subi une intervention chirurgicale
en 2005. Ce constat avait déjà été réalisé lors d'une précédente expertise faite le 9 juin 2009 en raison d'une première demande d'attribution d'une pension militaire
d'invalidité. M. B... n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause ce partage d'imputabilité, ni le taux retenu, inférieur, dans ces conditions, au degré d'invalidité permettant d'ouvrir droit à une pension.
8. En dernier lieu, il résulte de l'expertise que les lombalgies dont se plaint M. B... entraînent une invalidité évaluée à 10 %, dont la moitié est due aux affections dégénératives autonomes. L'allégation de M. B... selon laquelle cette pathologie est due aux charges des bouteilles de plongée et aux nombreux hélitreuillages, comme en attesterait la douleur au dos qu'il a ressentie le 14 juin 1991 après un tel exercice, ne permet pas à elle seule de douter du bien-fondé du taux reconnu imputable au service pour cette affection.
9. Dans ces conditions, il n'apparaît pas utile de procéder à une expertise médicale, et la demande de pension militaire d'invalidité de M. B... doit être rejetée pour l'ensemble des infirmités, soit en raison d'un taux d'invalidité manifestement insuffisant, soit pour défaut de lien avec le service, sans que l'attribution, par une décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du 9 février 2018, de l'allocation aux adultes handicapés pour une incapacité évaluée entre 50 et 80 %, n'ait d'incidence.
10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'attribution d'une pension militaire d'invalidité.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente assesseure,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juillet 2023.
Le rapporteur,
Olivier Cotte
La présidente,
Catherine Girault
Le greffier,
Fabrice Benoit
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21BX02930