CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 19/09/2023, 22MA00384, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision19 septembre 2023
Num22MA00384
JuridictionMarseille
Formation4ème chambre
PresidentM. MARCOVICI
RapporteurM. Michaël REVERT
CommissaireMme BALARESQUE
AvocatsCAVIGLIOLI

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia, premièrement, de convoquer les parties à une audience de conciliation sur le fondement de l'article R. 58 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, deuxièmement, d'annuler la décision du 23 août 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de pension pour aggravation des infirmités dont il est atteint, troisièmement, de fixer le taux d'invalidité de l'infirmité de broncho-pneumopathie chronique avec emphysème et insuffisance respiratoire moyenne à 65 %, et enfin, d'enjoindre à la ministre des armées de prendre une nouvelle décision en ce sens.

Par un jugement n° 1901543 du 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2022, M. B..., représenté par Me Caviglioli, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 7 décembre 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 23 août 2019 rejetant sa demande de révision de pension ;

3°) de constater qu'il est victime d'une aggravation de son infirmité " broncho-pneumopathie chronique avec emphysème insuffisance respiratoire grave " ;

4°) de fixer en conséquence le taux global d'invalidité à 65 % ;

5°) d'enjoindre au ministre des armées de prendre une nouvelle décision en ce sens, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard.

Il soutient que :
- c'est à tort que, pour considérer que son infirmité respiratoire ne s'était pas aggravée et rejeter sa demande, les premiers juges n'ont tenu compte que de la valeur obtenue pour la mesure du syndrome obstructif, omettant de prendre en considération celle de la mesure du syndrome restrictif, tous deux constitutifs de l'invalidité en cause ;
- si les constantes au titre du volume expiratoire maximal à la première seconde se sont améliorées, les autres, dont celle de la capacité vitale, se sont aggravées ;
- même l'expert désigné par l'administration a conclu à l'aggravation nette de son état et à un taux d'invalidité supplémentaire de 10 % ;
- le ministre ne justifie pas de l'affection étrangère à l'infirmité pensionnée qui serait la cause de son aggravation, ni du défaut de fondement de l'expertise qu'elle a elle-même ordonnée, alors que le militaire bénéficie en la matière d'une présomption d'imputabilité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête, en faisant valoir qu'aucun des moyens qui y sont développés n'est fondé.

Par une ordonnance du 19 juin 2023 la clôture d'instruction a été fixée au 6 juillet 2023, à 12 heures.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- et les observations de Me Caviglioli, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., titulaire d'une pension militaire d'invalidité du chef de l'infirmité dénommée " insuffisance respiratoire moyenne ", en a sollicité la révision pour aggravation le 7 décembre 2017. Par une décision du 23 août 2019, prise après avis de la commission de réforme des pensions du 21 août 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande. Par un jugement du 7 décembre 2021, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.



Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le cadre juridique applicable :


2. Aux termes de l'article L. 151-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à la date de la demande de révision de pension de M. B... : " La pension militaire d'invalidité est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande. / Il en est de même de la date d'entrée en jouissance de la pension révisée pour aggravation ou pour prise en compte d'une infirmité nouvelle. ". Par ailleurs l'article L. 151-4 du même code, alors en vigueur, dispose que : " Le demandeur a la faculté de provoquer l'examen de sa demande par une commission de réforme (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 154-1 de ce code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. (...) La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. ".


3. L'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre prévoit que le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée, la pension étant révisée lorsque le degré d'invalidité de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins au pourcentage antérieur. Cette disposition qui exige une aggravation réelle des blessures ou maladies, ne permet pas de remettre en cause, en l'absence d'aggravation effective, les bases de la liquidation initiale notamment en ce qui concerne le libellé des infirmités pensionnées.


En ce qui concerne les droits à pension de M. B... :


4. Les recommandations du guide-barème des invalidités, qui, en la matière, ne revêtent aucun caractère contraignant, et dont se prévalent les parties à l'instance, définissent l'insuffisance respiratoire comme la coexistence d'un syndrome restrictif, décrit par le guide-barème comme la diminution de la capacité pulmonaire totale, et d'un syndrome obstructif, décrit par le même document comme la diminution du rapport entre le volume expiratoire maximal à la première seconde (VEMS) et la capacité vitale. Selon le guide-barème, l'insuffisance respiratoire est considérée comme moyenne lorsque le syndrome restrictif correspond à une capacité pulmonaire totale comprise entre 61 et 70 % de la valeur théorique et lorsque le syndrome obstructif renvoie à un VEMS compris entre 51 et 60 %. L'insuffisance respiratoire est qualifiée par le guide-barème de grave si la capacité pulmonaire totale est comprise entre 40 et 60 % de la valeur théorique et le VEMS entre 40 et 50 % de la valeur attendue, mais également si le militaire souffre d'une hypoxémie de repos et d'une apnée du sommeil avec appareillage.





5. Il résulte de l'instruction que l'infirmité dont souffre M. B..., et en raison de laquelle il bénéficie d'une pension militaire d'invalidité à titre définitif au taux d'invalidité de 55 %, consiste en une broncho-pneumopathie chronique avec emphysème, se traduisant par une insuffisance respiratoire moyenne. Pour conclure à l'existence d'une telle insuffisance, et proposer en conséquence un taux d'invalidité de 55 %, qui a été retenu par le tribunal des pensions militaires de Haute-Corse dans son jugement du 8 juillet 2013 pour faire droit à la précédente demande de révision de M. B..., le médecin expert désigné par l'administration des pensions avait considéré le 29 février 2011 au terme d'un examen spirométrique, que l'intéressé présentait une VEMS évaluée à 36,5 % de la norme attendue, et une capacité vitale forcée à 65 % de la valeur théorique, sans calculer la capacité pulmonaire totale.


6. D'une part, M. B... ne peut utilement, ni se plaindre du taux de 55 % auquel sa pension militaire a été précédemment révisée par décision devenue définitive du ministre de la défense du 28 novembre 2013, en exécution du jugement du tribunal des pensions militaires de Haute-Corse du 8 juillet 2013, lui-même devenu définitif, ni soutenir que le taux d'invalidité retenu par la décision litigieuse pour refuser une nouvelle révision de sa pension serait contredit par les propositions de l'expert de la commission de réforme que le ministre n'était, en tout état de cause, pas tenu de suivre.


7. D'autre part, certes le rapport rendu le 17 janvier 2019 par cet expert médical, qui avait déjà examiné M. B... le 29 février 2011, conclut à l'aggravation de son insuffisance respiratoire, qu'il qualifie de grave, et propose à ce titre un taux d'invalidité supplémentaire de 10 %, portant le degré d'invalidité attachée à cette infirmité à 65 %, en relevant tout à la fois une dégradation de la capacité vitale forcée, et l'amélioration du VEMS, qui s'établit alors à 56 % de la valeur attendue, mais sans se prononcer sur sa capacité pulmonaire totale. Cependant, il ne résulte ni de ce document, ni du certificat de son médecin généraliste du 7 décembre 2017, ni d'aucune autre pièce médicale du dossier de M. B... que celui-ci présentait, au jour de sa demande de révision, une double aggravation des syndromes restrictif et obstructif dans des proportions correspondant, notamment selon les indications du guide-barème énoncées au point 4 dont l'intéressé ne remet pas en cause la pertinence, à une insuffisance respiratoire grave ou sévère, et qui justifiaient un taux d'invalidité supplémentaire d'au moins 10 %. Aucun des éléments de l'instruction ne montre en outre que M. B... souffrait, à la même date, d'une apnée du sommeil nécessitant un appareillage et d'une hypoxémie au repos. Si l'intéressé se prévaut des mentions du rapport d'expertise du 17 janvier 2019 mettant au jour une nette accentuation de la trame bronchovasculaire bilatérale à prédominance hilo-basale, ainsi qu'une dyspnée, il n'est ni établi ni allégué par celui-ci qu'il en résulterait pour lui une gêne fonctionnelle supplémentaire.


8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B..., dont l'argumentation relative à l'imputabilité au service de son infirmité est inopérante, compte tenu des motifs de la décision en litige et du présent arrêt, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Pierre Caviglioli et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2023.

N° 22MA003842