CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 12/10/2023, 21BX04190, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision12 octobre 2023
Num21BX04190
JuridictionBordeaux
Formation2ème chambre
PresidentMme GIRAULT
RapporteurM. Olivier COTTE
CommissaireMme ISOARD
AvocatsMARCEL

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 28 avril 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours tendant à revaloriser son taux d'invalidité.

Par une ordonnance n° 2101264 du 14 septembre 2021, la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 novembre 2021 et 17 mars 2023, M. B..., représenté par Me Marcel, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du tribunal administratif de Pau du 14 septembre 2021 ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours de l'invalidité du 28 avril 2021 ;

3°) de fixer son taux d'invalidité à 40 % ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 890 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a estimé que sa demande ne comportait qu'un seul moyen de légalité externe inopérant, alors qu'était également contesté le taux d'invalidité fixé par l'administration à 30 % au lieu de 40 % retenu par l'expert cardiologue ; si ce moyen n'est pas identifié distinctement par rapport à la chronologie des faits, il n'en était pas moins explicitement soulevé, alors que la demande a été présentée sans le concours d'un avocat ;
- la décision du 28 avril 2011 est entachée d'un vice de procédure en ce qu'elle n'a pas été précédée d'une audition en visio-conférence, alors que celle-ci avait été sollicitée ; entendu uniquement par téléphone, il a ainsi été privé d'une garantie ;
- elle est entachée d'un second vice de procédure, tenant à l'irrégularité de la composition de la commission ; la décision ne permettant pas de connaître cette composition, il a été privé d'une garantie ;
- le taux de 30 % est entaché d'une erreur d'appréciation, d'autant que la décision a été prise au vu de l'estimation du médecin conseil de l'administration qui ne l'a pas reçu et a seulement fait une étude sur pièces ; le médecin expert a, quant à lui, retenu, après auscultation, 40 %, en prenant en compte son état général et les implications de la blessure, qui consistent en un suivi et un traitement à vie et en un contrôle de la fréquence cardiaque lors de la pratique du sport ; cette différence de taux a pour conséquence une indemnité moindre et la privation d'une demi-part supplémentaire de quotient familial.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 20 décembre 2022 et 11 avril 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :
- le tribunal n'a pas dénaturé les écritures en considérant que le motif de rejet qui avait été opposé à sa demande n'était pas utilement contesté et que la requête ne comportait pas de moyen opérant ;
- M. B... a été auditionné et, même si l'audition avait eu lieu en présentiel, il n'aurait pas pour autant été expertisé par la commission, dès lors que cette dernière était suffisamment informée par les pièces du dossier, et notamment par l'expertise du 8 septembre 2020 ; l'audition par téléphone offre des garanties équivalentes à l'audition par visio-conférence ;
- aucune disposition du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre n'impose que le nom des membres de la commission figure dans la décision ; le procès-verbal de la commission est communiqué ;
- le taux de 30 % est plus conforme à l'invalidité du requérant que le taux de 40 %, puisqu'il ressort notamment de l'expertise qu'il ne suit aucun traitement anti-angineux et ne présente aucune douleur thoracique, ni dyspnée, et que l'évolution favorable de son infirmité lui permet une pratique sportive avec un cardio-fréquence-mètre.
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- l'arrêté du 30 octobre 2019 relatif aux règles de fonctionnement de la commission de recours de l'invalidité et aux modalités d'examen des recours administratifs préalables obligatoires ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Cotte,
- les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Marcel, représentant M. B....


Considérant ce qui suit :

1. M. B..., adjudant-chef dans l'armée de terre, a sollicité, le 9 janvier 2020, une pension militaire d'invalidité après que lui a été diagnostiqué un infarctus du myocarde consécutif à sa participation, le 25 juillet 2018, à une activité sportive réglementaire. Par un arrêté ministériel du 26 octobre 2020, une pension lui a été concédée avec un taux d'invalidité de 30 %. M. B... a saisi la commission de recours de l'invalidité pour contester le taux retenu et demander qu'il soit porté à 40 %. Par une décision du 28 avril 2021, la commission a rejeté son recours. Par une ordonnance du 14 septembre 2021 dont M. B... relève appel, la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours (...) les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...) ".

3. Pour rejeter la requête de M. B..., la présidente du tribunal administratif de Pau a estimé qu'en se bornant à indiquer que la décision de refus était injustifiée et inacceptable car il avait été auditionné par la commission par téléphone en raison de la situation sanitaire sans être reçu par l'expert de ladite commission, l'intéressé ne contestait pas utilement le motif de rejet opposé à sa demande, et elle a considéré que la requête ne comportait ainsi aucun moyen opérant. Il ressort toutefois des écritures présentées, au demeurant sans ministère d'avocat, par M. B... devant le tribunal que celui-ci contestait le taux d'invalidité de 30 % retenu pour le calcul de sa pension, en se fondant sur l'expertise du médecin cardiologue qui, après examen, avait retenu un taux de 40 %. Ce moyen n'était pas inopérant. Par conséquent, c'est à tort que la présidente du tribunal a rejeté la demande dont elle était saisie comme reposant seulement sur un moyen de procédure tiré d'une audition par téléphone. Son ordonnance du 14 septembre 2021 doit, dès lors, être annulée.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Pau.
Sur la régularité de la décision de la commission de recours :

5. Lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige.
6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 711-10 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Dès réception du recours, le président de la commission en informe l'autorité dont émane la décision contestée. Le président de la commission transmet à l'autorité compétente les recours ne relevant pas de la compétence de la commission et en informe l'intéressé. Le président informe également le demandeur, par tout moyen conférant date certaine de réception, qu'il peut être auditionné par la commission s'il en formule la demande dans un délai d'un mois à compter de la date à laquelle il a reçu cette information. S'il ne manifeste pas son souhait d'être auditionné dans ce délai, la commission rend sa décision sur le fondement des éléments du dossier. Si le demandeur souhaite être auditionné, une convocation lui est adressée au moins un mois avant la séance, par tout moyen conférant date certaine de réception. Lorsque le demandeur, qui a fait part de son souhait d'être auditionné par la commission, justifie d'un motif légitime l'empêchant d'être présent lors de l'audition, le président ajourne l'examen du recours et reporte l'audition à une date ultérieure. (...) ". Aux termes de l'article R. 711-12 de ce code : " La commission ne peut statuer qu'après que le demandeur a été mis à même de présenter des observations écrites sur les éléments recueillis auprès de l'autorité mentionnée à l'article R. 711-10, dans un délai de quinze jours à compter de leur réception par lui. Si l'intéressé demande à être auditionné, il peut se faire assister de la personne de son choix. / Le président de la commission peut décider de recourir à une audition par visio-conférence, notamment si le demandeur en a formulé le souhait ou s'il est domicilié en dehors du territoire métropolitain. ".
7. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.
8. Il résulte de l'instruction que M. B... a été entendu par la commission de recours de l'invalidité et mis en mesure de présenter toutes les observations qu'il a pu estimer utiles sur son infirmité. En l'absence de toute précision au soutien de son argumentation, la seule circonstance que cette audition a eu lieu par téléphone et non par visio-conférence, ainsi qu'il l'avait demandé dans son courrier du 27 janvier 2021, ne l'a privé effectivement d'aucune garantie et est demeurée sans incidence sur la décision de la commission de recours.

9. En second lieu, aux termes de l'article R. 711-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La commission est présidée par un officier général ou un contrôleur général des armées, qui peut être le président de la commission des recours des militaires. Elle comprend en outre : - le directeur des ressources humaines du ministère de la défense ou son représentant ; / - le directeur du service des retraites de l'Etat ou son représentant ; / - un médecin chef des services relevant des dispositions de l'article L. 4138-2, de l'article L. 4211-1, ou du 2° de l'article L. 4141-1 du code de la défense, ou son suppléant ; / - un officier supérieur, ou son suppléant ; / - deux personnalités qualifiées membres d'une association de pensionnés au titre du présent code, ou leurs suppléants ". Aux termes de l'article R. 711-8 de ce code : " La commission ne siège valablement que si quatre au moins des sept membres, dont le président, sont présents. En cas de partage égal des voix, celle du président, ou de son suppléant le cas échéant, est prépondérante ".

10. Il ressort du procès-verbal de la commission de recours que les sept membres prévus par les dispositions citées au point précédent ont siégé lors de la séance du 28 avril 2021. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la commission de recours aurait été irrégulièrement composée.
Sur le taux d'invalidité :

11. Aux termes de l'article L. 125-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Le taux d'invalidité reconnu à chaque infirmité examinée couvre l'ensemble des troubles fonctionnels et l'atteinte à l'état général ". Aux termes de l'article L. 125-3 de ce code : " (...) L'indemnisation des infirmités est fondée sur le taux d'invalidité reconnu à celles-ci en application des dispositions d'un guide-barème portant classification des infirmités d'après leur gravité. (...) ".
12. Il résulte du guide-barème applicable aux pensions militaires d'invalidité que les myocardites, myocardiopathies et fibroses myocardiques sont évaluées entre 10 et 30 % en l'absence de trouble du rythme et d'insuffisance cardiaque, selon le retentissement fonctionnel (précordialgies, syncopes, lipothymies...), entre 30 et 40 % en cas de troubles du rythme, selon la gravité, le caractère permanent ou paroxystique, ou encore en fonction du degré de l'insuffisance cardiaque pour celles qui sont associées à une telle infirmité.
13. Il résulte de l'instruction que le médecin cardiologue qui a examiné M. B... le 8 septembre 2020 a constaté, à l'issue de son examen clinique, que sa tension artérielle était normale, que son pouls était régulier, que la fraction d'éjection du ventricule gauche était préservée et qu'il n'existait aucune valvulopathie. Il a également relevé que les résultats des examens subis par M. B... (test d'effort et holter ECG) en juillet 2019 n'avaient mis en évidence aucune anomalie et que le traitement anti-agrégant et hypolipémiant administré avait permis d'atteindre un LDL-C à 0,56 g/l. L'évolution de l'infirmité lui paraissait favorable puisque M. B... a pu reprendre une activité sportive avec un cardio-fréquence-mètre. En l'absence de pièces médicales remettant en cause ces constatations médicales, et alors que M. B... ne suit aucun traitement anti-angineux et ne présente ni douleur thoracique, ni dyspnée, ni état antérieur ainsi que l'a relevé le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du ministère des armées, le requérant ne saurait se prévaloir du taux de 40 % avancé par le médecin cardiologue, qui apparait excessif au regard des troubles dont il demeure atteint. Dans ces conditions, la commission de recours de l'invalidité n'a pas méconnu les dispositions précitées en confirmant le taux de 30 % reconnu aux séquelles de l'infarctus du myocarde dont a été victime M. B....
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander que soit rehaussé le taux d'invalidité qui lui a été reconnu pour les séquelles de son infarctus du myocarde.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.


DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Pau du 14 septembre 2021 est annulée.
Article 2 : La demande de M. B... et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente assesseure,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 octobre 2023.

Le rapporteur,
Olivier Cotte
La présidente,
Catherine Girault
La greffière,
Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21BX04190