CAA de NANTES, 6ème chambre, 05/12/2023, 22NT01405, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision05 décembre 2023
Num22NT01405
JuridictionNantes
Formation6ème chambre
PresidentM. GASPON
RapporteurM. Olivier COIFFET
CommissaireMme BOUGRINE
AvocatsHUON

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... ... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 12 juin 2019 par laquelle le directeur de l'Établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique (EPFP) lui a refusé le bénéfice de l'allocation du fonds de prévoyance militaire prévue par les articles D. 4123-3 et suivants du code de la défense.

Par un jugement n° 1904373 du 10 mars 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 12 juin 2019 du directeur de l'Établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés le 9 mai, 28 juillet et 22 septembre 2022, l'Établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique, représenté par Me Abecassis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 mars 2022 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. ... ;

3°) de laisser à la charge de chacune des parties les frais d'instance.


Il soutient que :
- par application de l'article D. 4123-8 du code de la défense, le requérant n'a pas droit à l'allocation qu'il demande, son invalidité n'étant pas à l'origine de sa radiation des cadres puisqu'elle répond à sa demande tendant à sa mise à la retraite avec l'avantage pécuniaire relatif à la liquidation immédiate d'une pension afférente au grade supérieur (PAGS) ; le bénéfice du dispositif de la PAGS constituait un obstacle au droit à l'allocation ; les conditions d'octroi de cette allocation sont incompatibles avec un départ à la retraite qui n'a pas été dicté de manière contraignante par l'infirmité imputable au service ;
- le tribunal a commis une erreur d'appréciation dans la mise en œuvre des dispositions applicables ;
- M. ... n'apporte pas la preuve qu'il ne pouvait plus occuper d'emploi au sein de l'armée, affirmant même le contraire.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juin et 8 septembre 2022, M. ... représenté par Me Huon conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 1000 euros soit mise à la charge de l'Établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de la défense ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet,
- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique
- et les observations de Me Abecassis, représentant l'Établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique.


Considérant ce qui suit :

1. A la suite de sa participation à l'opération militaire extérieure C... en B..., entre les mois de janvier et juin 2006, en qualité de premier maître fusilier marin, M. ..., né le 20 avril 1974, marié et père de deux enfants, souffre d'un syndrome de stress post-traumatique diagnostiqué au mois de mai 2014. Cette maladie est à l'origine de longs arrêts maladie, puis d'une reprise de service dans un poste adapté. M. ... a, sa demande présentée le 1er juillet 2016 ayant été accueillie favorablement, été radié des cadres avec attribution de la pension afférente au grade supérieur (dispositif PAGS). Il a ensuite repris une activité professionnelle dans le secteur civil, mais pour une courte durée car, au bout de six mois, l'intéressé a été placé en congé de maladie puis hospitalisé à plusieurs reprises. M. ... a finalement été déclaré par la médecine du travail inapte à l'emploi, son état de santé faisant obstacle à tout reclassement, et licencié par son employeur privé. Il a sollicité le bénéfice de l'allocation du fonds de prévoyance militaire prévue par les articles D. 4123-3 et suivants du code de la défense, fonds auquel il était alors affilié. Par une décision du 12 juin 2019, le directeur de l'Établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique (EPFP) lui a refusé le bénéfice de cette allocation au motif qu'il ne remplissait pas les conditions prévues par l'article D. 4123-6 du code de la défense dès lors qu'il n'avait pas été radié des cadres par suite d'une infirmité survenue du fait ou à l'occasion du service ayant entrainé sa réforme définitive.

2. M. ... a, le 16 juillet 2019, saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 12 juin 2019 du directeur de l'EPFP. Par un jugement du 10 mars 2022, cette juridiction a fait droit à sa demande. L'Établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique relève appel de ce jugement.

3. L'EPFP soutient que le fait que M. ... a, sur sa demande, été admis à la retraite avec le bénéfice du dispositif de la PAGS, et, pour ce motif, radié des cadres, faisait obstacle à ce qu'il puisse bénéficier de l'allocation du fonds de prévoyance militaire dont les conditions d'octroi sont incompatibles avec un départ à la retraite qui, selon l'EPFP, " n'a pas été dicté de manière contraignante par l'infirmité imputable au service ".

4. Aux termes de l'article D. 4123-2 du code de la défense : " Les militaires, à l'exception de ceux qui sont affiliés au fonds de prévoyance de l'aéronautique, sont affiliés au fonds de prévoyance militaire destiné à verser, hors le cas de mobilisation générale ou de participation à des opérations qualifiées d'opérations de guerre par décret en conseil des ministres, des allocations en cas de blessure, d'infirmité ou de décès imputable au service dans le cas où la blessure, l'infirmité ou le décès n'ouvre pas droit aux allocations du fonds de prévoyance de l'aéronautique. ". L'article D. 4123-6 du même code dispose que " Lorsque l'infirmité imputable au service entraîne la mise à la retraite ou la réforme définitive du militaire, il est versé à l'intéressé : / 1° Une allocation principale (...) / 2° Un complément d'allocation. (...) ". Aux termes de l'article D. 4123-8 de ce code : " Lorsque l'infirmité imputable à l'un des risques exceptionnels spécifiques au métier militaire énumérés à l'article D. 4123-9 entraîne la mise à la retraite ou la réforme définitive, il est versé à l'intéressé :
1° Une allocation principale ... (...) 2° Un complément d'allocation (...). ".

5. La décision contestée du 12 juin 2019 du directeur de l'EPFP refusant à M. ... le bénéfice de l'allocation de prévoyance militaire est fondée sur le fait qu'il ne remplissait pas les conditions prévues par l'article D. 4123-6 du code de la défense dès lors qu'il n'avait pas été radié des cadres pour infirmité entrainant réforme définitive.

6. A la suite de sa participation à l'opération militaire extérieure C... en B..., M. ... souffre d'un syndrome de stress post-traumatique diagnostiqué au mois de mai 2014. Une invalidité au taux de 40% lui a été reconnue en 2015 par l'Etat à raison de cette infirmité. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que le conseil régional de santé - agissant comme comité médical des militaires - qui avait été saisi par le médecin de prévention a rendu, le 7 septembre 2016, un " avis d'aptitude dans l'emploi de fusilier marin et au port d'armes, par dérogations aux normes médicales ", un maintien dans sa spécialité par dérogation étant prononcé le 12 octobre 2016. Il a bénéficié d'une décision d'homologation de blessure de guerre le 13 décembre 2018 prise au motif que, " étant occupé en service commandé, il a été reconnu atteint d'état de stress post-traumatique, irritabilité, répétitions nocturnes, hyper-vigilance, conduites d'évitement ". D'autre part, il est constant que M. ... a été mis à la retraite sur sa demande et radié des cadres par un arrêté du 15 décembre 2016, avec effet au 31 août 2017. Dans ces conditions, si l'infirmité dont M. ... reste atteint est bien imputable au service, condition nécessaire, selon les articles D. 4123-2, D. 4123-6 et D.4123-8 du code de la défense, rappelés au point 4, pour obtenir une allocation du fonds de prévoyance militaire, cette infirmité ne peut être regardée comme ayant entraîné la mise à la retraite de cet agent au sens de ces dispositions. Par suite, le directeur de l'Établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique (EPFP) a pu légalement, par la décision contestée du 12 juin 2019, refuser à M. ... le bénéfice de l'allocation du fonds de prévoyance militaire au motif qu'il ne remplissait pas les conditions prévues par l'article D. 4123-6 du code de la défense.

7. Il résulte de tout ce qui précède que, la cour n'étant saisie d'aucun autre moyen devant faire l'objet d'examen au titre de l'effet dévolutif, l'Établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 12 juin 2019.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. ... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.


DÉCIDE :


Article 1er : Le jugement n° 1904973 du 10 mars 2022 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. ... devant le tribunal et ses conclusions présentées en appel tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... ... et à l'Établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique.
Une copie en sera adressée pour information, au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.










Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 décembre 2023.


Le rapporteur,





O. COIFFETLe président,





O. GASPON

La greffière,





I. PETTON


La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.





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