CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 21/12/2023, 23BX00712, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision21 décembre 2023
Num23BX00712
JuridictionBordeaux
Formation2ème chambre
PresidentMme GIRAULT
RapporteurMme Anne MEYER
CommissaireMme ISOARD
AvocatsSCP PIELBERG KOLENC

Vu la procédure suivante :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 12 décembre 2016 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, ainsi que le titre exécutoire émis le 21 décembre 2016 par le CHU de Poitiers pour le recouvrement de la somme de 3 419,54 euros.

Par un jugement n° 1700362 du 20 juin 2019, le tribunal a annulé cette décision et ce titre exécutoire.

Par un arrêt n° 19BX03404 du 3 mars 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par le CHU de Poitiers à l'encontre de ce jugement et a enjoint au CHU de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de M. C... dans un délai de deux mois.

Par un courrier enregistré le 17 octobre 2022, M. C..., représenté par la SCP Drouineau, Le Lain, Verger, Bernardeau, a saisi la cour d'une demande d'exécution de cet arrêt.

Par une ordonnance n° 23BX00712 du 15 mars 2023, le président de la cour a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle.
Par des mémoires enregistrés les 11 mai, 31 juillet, 23 août 2023 et 21 novembre 2023, M. C..., représenté par la SCP Drouineau, Le Lain, Verger, Bernardeau, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, d'enjoindre au CHU de Poitiers, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir :

1°) de lui verser la somme de 25 985,35 euros due en application du régime juridique de l'imputabilité au service des arrêts de travail ;

2°) de lui demander le reversement de la somme de 1 934,93 euros indûment payée, afin qu'il puisse percevoir sa prime de retraite en totalité et de notifier cette demande à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) afin que cette dernière puisse régulariser sa situation ;

3°) de lui verser la somme complémentaire de 1 505,57 euros sur le compte CARPA de son conseil.

Il soutient que :
- le Comité de gestion des œuvres sociales des établissements hospitaliers publics (CGOS) lui a versé 8 289,49 euros de compléments de salaire en 2012, et non 12 017,98 euros que le CHU a déduits des sommes dues en application du régime de la maladie professionnelle ; le calcul de l'indemnité due est ainsi erroné ; il doit être enjoint au CHU de lui verser la somme de 25 985,35 euros, et non de 20 498,74 euros, outre la déduction des 1 758,13 euros ayant donné lieu à un avis à tiers détenteur du 3 mars 2023 dont la mainlevée a été ordonnée le 16 mars suivant ;
- dès lors que l'indemnité de pré-départ en retraite pour invalidité de 1 934,93 euros que le CGOS lui a versée le 25 janvier 2016 fait obstacle au versement de la totalité de la prime de départ en retraite par la CNRACL, il y a lieu d'enjoindre au CHU de Poitiers de lui demander le reversement de cette somme indûment payée afin que la CNRACL puisse régulariser sa situation ; sa mise à la retraite prématurée pour invalidité est la conséquence de la reconnaissance de la maladie professionnelle, donc de l'exécution de l'arrêt ;
- la somme de 6 173,54 euros n'a été versée à l'AARPI Drouineau qu'à la fin du mois de juin 2023 ; en outre, elle est erronée car elle ne tient pas compte de son droit à une indemnité de congés payés correspondant à 30 jours par an ; il avait donc droit à 7 679,07 euros, et il y a lieu pour la cour d'enjoindre au CHU de lui verser une somme supplémentaire de 1 505,57 euros sur le compte CARPA de la SCI Drouineau ;
- le comportement du CHU justifie que soit prononcée une astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la décision de la cour sur sa demande d'exécution.

Par des mémoires en défense enregistrés les 30 juin et 5 octobre 2023, le CHU de Poitiers, représenté par la SCP KPL Avocats, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :
- pour l'année 2012, un excédent de rémunération de 12 017,98 euros a été versé à M. C..., et le décompte de rémunération ne mentionne pas qu'il s'agirait d'un versement du CGOS ; au demeurant, la question de l'imputation de l'indemnité versée par le CGOS relève d'un litige distinct de l'exécution de l'arrêt de la cour du 3 mars 2022 ; la somme de 1 758,13 euros correspondant à un avis à tiers détenteur adressé à la CNRACL n'ayant jamais été prélevée, M. C... n'est pas fondé à en demander la restitution ;
- la demande tendant à ce qu'il lui soit enjoint d'émettre un titre exécutoire pour récupérer l'indemnité de pré-départ en retraite afin que M. C... puisse bénéficier de la totalité de sa prime de retraite par la CNRACL est sans lien avec l'exécution de l'arrêt de la cour du 3 mars 2022 ;
- la somme de 6 173,54 euros a été réglée ;
- la demande relative à l'indemnité de congés payés non pris pose la question du droit à une telle indemnité et ne s'inscrit pas dans le cadre de l'exécution de l'arrêt du 3 mars 2022.

M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Porchet, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :

1. Par une première décision du 1er août 2014, le directeur général du CHU de Poitiers a rejeté la demande de M. C..., aide-soignant titulaire en congé de maladie depuis un malaise survenu sur son lieu de travail le 19 février 2011, tendant à la reconnaissance de l'asthme dont il souffrait comme maladie professionnelle. Par une ordonnance du 12 juin 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers, saisi par M. C..., a suspendu l'exécution de cette décision aux motifs que l'absence de convocation régulière devant la commission de réforme et l'erreur de fait invoquées étaient de nature à faire naître un doute sérieux sur sa légalité, et a enjoint au CHU de Poitiers de rétablir le plein traitement de son agent. L'administration a retiré la décision du 1er août 2014, et après avoir saisi la commission de réforme, a pris le 9 novembre 2015 une deuxième décision de refus de reconnaissance de l'asthme comme maladie professionnelle, puis a émis le 18 novembre 2015 un titre de recettes d'un montant de 3 419,54 euros pour le recouvrement des rappels de rémunération versés en exécution de l'ordonnance du juge des référés. Par un jugement du 2 novembre 2016, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision, et par voie de conséquence ce titre de recettes, au motif que la seule circonstance que la première constatation médicale de l'affection était intervenue plus de sept jours après l'exposition de l'intéressé au risque professionnel ne suffisait pas à fonder légalement le refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie. Le directeur général du CHU a réitéré son refus de reconnaissance d'une maladie professionnelle par une troisième décision du 12 décembre 2016, et a émis le 21 décembre 2016 un nouveau titre de recettes de 3 419,54 euros. Par un jugement du 20 juin 2019 dont l'hôpital a relevé appel, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette dernière décision, et par voie de conséquence ce titre de recettes, au motif qu'un lien direct entre l'apparition de l'affection asthmatique et les conditions de travail était établi. Par un arrêt n° 19BX03404 du 3 mars 2022, la cour a rejeté l'appel du CHU de Poitiers et lui a enjoint de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie asthmatique.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. " Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence de définition, par le jugement ou l'arrêt dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative d'y procéder lui-même en tenant compte des situations de droit et de fait existant à la date de sa décision, sans toutefois pouvoir méconnaître l'autorité qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée. En particulier, la rectification des erreurs de droit ou de fait dont serait entachée la décision en cause ne peut procéder que de l'exercice, dans les délais fixés par les dispositions applicables, des voies de recours ouvertes contre cette décision.

3. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. (...). "

4. Par une décision du 4 juillet 2022, la directrice générale du CHU de Poitiers a reconnu l'imputabilité au service de la maladie à compter du 27 mai 2011, cette date n'étant pas contestée. Elle a également régularisé les cotisations dues aux divers organismes sociaux concernés. Alors que l'exécution du jugement impliquait une rémunération à temps plein sur le fondement des dispositions citées au point précédent, le centre hospitalier a émis en cours d'instance, le 9 novembre 2023, un mandat de 20 498,74 euros au titre de la régularisation des salaires entre le 27 mai 2011 et le 31 octobre 2015, après déduction d'une somme de 1 758,13 euros correspondant à des salaires versés à tort postérieurement au 1er novembre 2015, date d'admission à la retraite de l'intéressé. Si M. C..., qui ne conteste pas l'existence de ce trop-perçu, fait valoir que le CHU avait initialement tenté de le recouvrer par un avis à tiers détenteur auprès de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), dont mainlevée avait été donnée, l'administration n'avait pas pour autant renoncé à la récupération de la somme de 1 758,13 euros, qu'elle était fondée à déduire des salaires dus en exécution du jugement. M. C... conteste en outre la déduction d'une somme de 12 017,98 euros au titre de l'année 2012, correspondant selon le CHU à un excédent de rémunération. Le requérant fait valoir que la déduction aurait dû être limitée à la somme de 8 289,49 euros que lui a versée le Comité de gestion des œuvres sociales des établissements hospitaliers publics (CGOS), mais ne conteste pas avoir effectivement perçu 31 925,29 euros au lieu de 19 907,31 euros correspondant à son salaire à temps plein, comme indiqué dans le tableau élaboré par la direction des ressources humaines de l'hôpital. Enfin, M. C... n'apporte aucun élément de nature à justifier que la régularisation des sommes dues au titre de ses salaires aurait omis un droit à congés payés. Par suite, il ne démontre pas que le CHU de Poitiers lui serait redevable d'une somme supérieure à 20 498,74 euros.
5. En second lieu, si M. C... fait valoir que la prime de pré-départ en retraite pour invalidité de 1 934,93 euros que le CGOS lui a versée en 2016 ferait obstacle au versement par la CNRACL de la totalité de la prime de départ en retraite à laquelle il estime avoir droit, de sorte que le CHU devrait émettre un titre exécutoire d'un montant de 1 934,93 euros pour lui permettre de régulariser sa situation auprès de la CNRACL, ce litige est sans lien avec celui qui a été tranché par l'arrêt du 3 mars 2022.

6. Il résulte de ce qui précède que l'arrêt de la cour n° 19BX03404 du 3 mars 2022 a été entièrement exécuté, sous réserve du versement effectif, prévu pour le 29 décembre 2023, de la somme de 20 498,74 euros figurant sur le mandat du 9 novembre 2023.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge de M. C... au titre des frais exposés par le CHU de Poitiers à l'occasion du présent litige.

DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant au versement des sommes dues au titre de la rémunération à temps plein entre le 27 mai 2011 et le 31 octobre 2015.
Article 2 : Le surplus de la demande d'exécution de M. C... est rejeté.
Article 3 : Les conclusions présentées par le CHU de Poitiers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au centre hospitalier universitaire de Poitiers.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

La rapporteure,
Anne B...
La présidente,
Catherine GiraultLa greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23BX00712