CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 06/02/2024, 21TL24200, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision06 février 2024
Num21TL24200
JuridictionToulouse
Formation2ème chambre
PresidentMme GESLAN-DEMARET
RapporteurM. Thierry TEULIÈRE
CommissaireMme TORELLI
AvocatsCADIOU

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision implicite de rejet née du silence du président du syndicat mixte départemental d'eau et d'assainissement de l'Ariège sur sa demande tendant à la régularisation de sa situation à compter du 28 septembre 2016, d'enjoindre au syndicat de la réintégrer dans ses effectifs sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter d'un délai de 3 mois suivant la notification du jugement à intervenir, d'enjoindre au syndicat de régulariser sa situation et de reconstituer sa carrière sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter d'un délai de 3 mois suivant la notification du jugement à intervenir, d'enjoindre au syndicat de lui verser un demi-traitement à compter du 28 septembre 2016, de condamner le syndicat mixte départemental d'eau et d'assainissement de l'Ariège à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice matériel et moral ainsi que de mettre à sa charge une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1900171 du 17 septembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2021 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux sous le n°21BX04200, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL24200, et un mémoire en réplique, enregistré le 26 avril 2023, qui n'a pas été communiqué, Mme A..., représenté par Me Denis, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 septembre 2021 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande préalable du 25 septembre 2018 et l'arrêté du 9 février 2017 la plaçant en retraite d'office ;

3°) d'enjoindre au syndicat mixte départemental d'eau et d'assainissement de l'Ariège, de la réintégrer dans ses effectifs sous astreinte de 200 euros par jour de retard dont la cour fixera la date d'effet, de lui enjoindre de prendre un nouvel arrêté de placement en congé de longue durée du 28 septembre 2016 au 27 septembre 2019 sous astreinte de 200 euros par jour de retard dont la cour fixera la date d'effet et de lui verser en conséquence le demi-traitement mensuel correspondant avec prise en charge de la part mutuelle au titre des frais de santé, de lui enjoindre de reconstituer sa carrière sous astreinte de 200 euros par jour de retard dont la cour fixera la date d'effet ;

4°) de condamner le syndicat mixte départemental d'eau et d'assainissement de l'Ariège à lui verser une somme de 5 000 euros, à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice matériel et moral ;

5°) de mettre à la charge du syndicat mixte départemental d'eau et d'assainissement de l'Ariège une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en retenant une durée du congé de longue durée de 6 ans dont 3 ans à plein traitement et 3 ans à demi-traitement alors que cette durée est portée à 8 ans dont 5 ans de plein traitement lorsque la maladie à l'origine du congé est imputable au service ; elle n'a pas été rétablie dans ses droits par le syndicat alors qu'elle pouvait prétendre, à la suite du jugement du tribunal du 6 mars 2018, à un nouvel arrêté la plaçant à demi-traitement du 28 septembre 2016 au 27 septembre 2019 ;
- en considérant qu'elle n'a jamais contesté son placement en retraite pour invalidité, les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation des faits de l'espèce et une erreur de droit ; l'arrêté du 9 février 2017 ne lui a pas été notifié en sorte qu'aucun délai de contestation ne trouve à s'appliquer ; cet arrêté a été pris en exécution de la décision illégale du syndicat refusant de considérer sa maladie comme imputable au service ; cette position étant illégale ainsi qu'il résulte du jugement du 6 mars 2018, l'arrêté pris sur ce fondement est lui-même illégal ; sa maladie ayant été reconnue imputable au service, tous les actes fondés sur une position contraire, à l'instar de l'arrêté du 9 février 2017, doivent être annulés ; en conséquence, elle devait être replacée dans la situation dans laquelle elle aurait dû être si le syndicat avait initialement reconnu l'imputabilité de sa maladie et elle aurait dû continuer à bénéficier d'un congé de longue durée ; elle a clairement contesté son placement en retraite dans la lettre du 25 septembre 2018 ;
- le tribunal ne pouvait, sans commettre d'erreur d'appréciation ou de droit, rejeter sa demande indemnitaire en concluant à l'absence d'illégalité fautive ; il ne peut être considéré que le syndicat était contraint par l'arrêté du 9 février 2017, pris sur une base illégale, et sa décision de ne pas prendre un nouvel arrêté, revenant sur celui du 9 février 2017, est illégale ; le syndicat devra lui verser une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2022, le syndicat mixte départemental d'eau et d'assainissement de l'Ariège, représenté par l'AAAPI Larrouy-Castera et Cadiou, agissant par Me Cadiou, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la demande d'annulation de l'arrêté du 9 février 2017, présentée pour la première fois en cause d'appel, est irrecevable ;
- à considérer même que le tribunal se serait mépris sur la durée du congé de longue durée auquel avait droit l'intéressée, ce n'est pas le motif qu'il a retenu pour rejeter sa requête ;
- Mme A... n'a jamais sollicité, dans sa lettre du 25 septembre 2018, l'annulation de l'arrêté du 9 février 2017 ; une éventuelle contestation de cet acte, par voie d'action ou d'exception, aurait été tardive ;
- la demande indemnitaire, au-delà de son caractère infondé, était irrecevable, en l'absence de décision sur la demande indemnitaire préalable à la date du jugement.

Par une ordonnance du 30 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 avril 2023.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n°2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Larrouy-Castera, représentant le syndicat mixte départemental d'eau et d'assainissement de l'Ariège.


Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., adjoint administratif territorial, recrutée comme secrétaire administrative par le syndicat mixte départemental d'eau et d'assainissement de l'Ariège le 1er janvier 2010 et placée en arrêt de travail à compter du 28 septembre 2011, a sollicité que sa pathologie soit reconnue comme imputable au service par une lettre du 25 novembre 2011. Par un jugement n°1500531 en date du 6 mars 2018 devenu définitif, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés du président du syndicat en date des 21 octobre 2014, 21 octobre 2015 et 25 mai 2016 portant placement en congé de longue durée en tant qu'ils refusaient de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme A... et lui versaient un demi-traitement et a enjoint à cette autorité de verser à Mme A... son plein traitement sur la période allant du 12 septembre 2014 au 27 septembre 2016. Par un arrêté en date du 28 novembre 2016, le président du syndicat a maintenu la requérante à demi-traitement sur la période postérieure au 27 septembre 2016 dans l'attente de sa mise à la retraite pour invalidité, et, par un arrêté du 9 février 2017, l'a admise à la retraite pour invalidité. Par une lettre en date du 25 septembre 2018, dont le syndicat a accusé réception le 26 septembre 2018, Mme A... a sollicité sa réintégration dans les effectifs du syndicat, la régularisation de sa situation administrative ainsi que le bénéfice des traitements dont elle a été privée depuis le 28 septembre 2016. Cette demande a été implicitement rejetée. Mme A... a alors demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision implicite de rejet de son employeur, d'enjoindre à ce dernier de la réintégrer dans ses effectifs, de régulariser sa situation, de reconstituer sa carrière et de lui verser un demi-traitement à compter du 28 septembre 2016, ainsi que de condamner le syndicat à lui verser une indemnité de 5 000 euros en réparation de ses préjudices. Par un jugement du 17 septembre 2021, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.
Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les fins de non-recevoir :

2. D'une part et ainsi que le fait valoir le syndicat mixte départemental d'eau et d'assainissement de l'Ariège, la demande d'annulation de l'arrêté du 9 février 2017, est nouvelle en appel, et par suite, irrecevable.
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " (...)/ Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle.(...) ". En l'espèce, à la date du jugement contesté, aucune décision, implicite ou explicite, de l'administration statuant sur la réclamation indemnitaire préalable de Mme A... en date du 19 juillet 2021, n'était encore née. Par suite, le syndicat mixte départemental d'eau et d'assainissement de l'Ariège est fondé à soutenir que les conclusions indemnitaires de la requête de Mme A... n'étaient pas recevables.
En ce qui concerne la décision implicite de rejet opposée à la demande du 25 septembre 2018 de régularisation de la situation de l'agent :
4. Aux termes de l'article 30 du décret susvisé du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. / (...) / La mise en retraite d'office pour inaptitude définitive à l'exercice de l'emploi ne peut être prononcée qu'à l'expiration des congés de maladie, des congés de longue maladie et des congés de longue durée dont le fonctionnaire bénéficie en vertu des dispositions statutaires qui lui sont applicables, sauf dans les cas prévus à l'article 39 si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement. (...) ". Aux termes de l'article 31 de ce décret : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, les conséquences et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions. (...) / Le pouvoir de décision appartient dans tous les cas à l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination, sous réserve de l'avis conforme de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. / (...) / La Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales peut, à tout moment, obtenir la communication du dossier complet de l'intéressé, y compris les pièces médicales. Tous renseignements médicaux ou pièces médicales dont la production est indispensable pour l'examen des droits définis au présent titre pourront être communiqués, sur leur demande, aux services administratifs dépendant de l'autorité à laquelle appartient le pouvoir de décision ainsi qu'à ceux de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. / (...) ". Aux termes de l'article 36 de ce décret : " Le fonctionnaire qui a été mis dans l'impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées, soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes, peut être mis à la retraite par anticipation soit sur sa demande, soit d'office, à l'expiration des délais prévus au troisième alinéa de l'article 30 et a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° de l'article 7 et au 2° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. ". Aux termes de l'article 39 de ce décret : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service peut être mis à la retraite par anticipation soit sur demande, soit d'office dans les délais prévus au troisième alinéa de l'article 30.(...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un fonctionnaire territorial, ayant épuisé ses droits aux congés de maladie, de longue maladie et de longue durée, se trouve définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, il est admis à la retraite, soit d'office, soit à sa demande, après avis de la commission de réforme.
6. Pour contester la décision implicite de rejet de sa demande de régularisation de sa situation, Mme A... persiste à soutenir que sa maladie ayant été reconnue imputable au service par le jugement précité du tribunal administratif de Toulouse du 6 mars 2018, tous les actes fondés sur une position contraire, tel l'arrêté du 9 février 2017 l'admettant à la retraite d'office, sont illégaux et qu'en conséquence, elle aurait dû être replacée dans la situation dans laquelle elle se trouverait si le syndicat avait initialement reconnu, dès l'année 2014, l'imputabilité au service de sa maladie et qu'elle aurait dû continuer, après le 28 septembre 2016, à bénéficier d'un congé de longue durée, dont la durée est portée à huit ans dont cinq ans de plein traitement lorsque, comme en l'espèce, la maladie à l'origine du congé est imputable au service. Toutefois et contrairement à ce qu'elle soutient, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 9 février 2017, qui comportait l'indication des voies et délais de recours, lui a été notifié dès le 22 février suivant et Mme A..., si elle a mentionné, à côté de sa signature, se réserver le droit de le contester, n'établit, par aucun élément, l'avoir effectivement fait par l'exercice d'un recours administratif ou juridictionnel dans le délai de recours de droit commun. Par suite, cet acte est devenu définitif et Mme A... n'était plus, dès lors, recevable à exciper de son illégalité, dans sa demande du 25 septembre 2018 ou à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de rejet en litige. En outre, Mme A..., dans sa lettre du 25 septembre 2018, s'est bornée à indiquer que l'arrêté du 9 février 2017 et sa mise à la retraite ne sont intervenus qu'en raison du refus fautif de l'administration de reconnaître sa maladie comme imputable au service et que sa mise à la retraite ne serait pas intervenue si l'administration avait accepté sa demande de reconnaissance d'imputabilité, sans expressément solliciter l'abrogation ou le retrait de l'arrêté du 9 février 2017. Dans ces conditions, et alors qu'il n'est, par ailleurs, pas contesté que le syndicat mixte départemental d'eau et d'assainissement de l'Ariège a entièrement exécuté le jugement précité du 6 mars 2018, lequel avait seulement enjoint à l'administration de rétablir le plein traitement de Mme A... sur la période allant du 12 septembre 2014 au 27 septembre 2016, le président du syndicat a pu, sans commettre d'excès de pouvoir, implicitement refuser de faire droit à la demande de régularisation de la situation de l'agent qui lui était soumise, en considération de sa précédente décision du 9 février 2017 portant mise à la retraite pour invalidité de l'agent, devenue définitive.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes d'annulation et d'injonction sous astreinte, ni à se plaindre du rejet de sa demande indemnitaire. Par voie de conséquence, ses conclusions d'appel à fin d'injonction sous astreinte ne peuvent également qu'être rejetées.


Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du syndicat mixte départemental d'eau et d'assainissement de l'Ariège, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que demande Mme A... sur ce fondement. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du syndicat mixte départemental d'eau et d'assainissement de l'Ariège présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du syndicat mixte départemental d'eau et d'assainissement de l'Ariège tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux ayants droit de Mme B... A... et au syndicat mixte départemental d'eau et d'assainissement de l'Ariège.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
M. Teulière, premier conseiller,
Mme Arquié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024.
Le rapporteur,
T. Teulière
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au préfet de l'Ariège en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2
N°21TL24200