CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 08/02/2024, 22BX01557, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision08 février 2024
Num22BX01557
JuridictionBordeaux
Formation6ème chambre
PresidentMme MARKARIAN
RapporteurM. Frédéric FAÏCK
CommissaireM. DUPLAN
AvocatsSCP NORMAND & ASSOCIES

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupe hospitalier de La Rochelle-Ré-Aunis a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler, d'une part, le titre exécutoire émis le 25 octobre 2019 par le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) pour le recouvrement de la somme de 352 896 euros, d'autre part, la décision du 5 mars 2020 du directeur du fonds rejetant sa réclamation présentée contre ce titre, et enfin, la décision du 2 février 2021 rejetant sa nouvelle réclamation formée à la suite d'une dernière notification du titre exécutoire mis à jour. Le groupe hospitalier La Rochelle-Ré-Aunis a également demandé au tribunal de le décharger de l'obligation de payer la somme en litige.

Par un jugement n°s 2000994-2100883 du 12 avril 2022, le tribunal a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juin 2022, le groupe hospitalier de La Rochelle-Ré-Aunis, représenté par la SCP Drouineau, Veyrier, Le Lain, Verger, agissant par Me Drouineau, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 2000994, 2100883 du 12 avril 2022 ;

2°) d'annuler le titre exécutoire en litige ;

3°) de le décharger de l'obligation de payer la somme de 352 896 euros ;

4°) de mettre à la charge du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- le titre exécutoire a été émis par une autorité incompétente ;
- le titre exécutoire est entaché d'un vice de forme dès lors qu'il ne comporte pas le nom, le prénom et la qualité de l'autorité qui l'a émis ; par ailleurs, le bordereau du titre exécutoire en litige n'a pas été produit, ce qui ne permet pas de vérifier s'il a bien été signé ;
- le titre exécutoire a été émis en méconnaissance de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt n° 16BX01151 de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 6 février 2018, qui avait annulé un précédent titre exécutoire émis le 3 mai 2013 pour le recouvrement de la même somme ; aucun changement dans les circonstances de fait ou de droit n'est intervenu entre temps pour justifier l'émission du titre contesté ;
- la créance portée sur le titre exécutoire procède d'une erreur de droit au regard des dispositions du décret n° 89-376 du 8 juin 1989 relatif au reclassement des fonctionnaires pour raison de santé ; la réglementation applicable permet d'intégrer les fonctionnaires ayant bénéficié d'un aménagement de leur poste de travail pour des raisons médicales dans le décompte annuel des bénéficiaires de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés à déclarer au FIPHFP ; les agents concernés n'ont pas bénéficié d'un simple aménagement de leur poste de travail dès lors qu'ils ont été changés de service ; c'est à tort que le FIPHFP a estimé que les agents concernés devaient être exclus du décompte des bénéficiaires de l'obligation d'emploi ;
- si le titre exécutoire précise qu'il annule et remplace un précédent titre émis en 2013 en se fondant sur une créance détenue par le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), le Conseil d'Etat n'a pas, par sa décision du 4 octobre 2019, reconnu le bien-fondé d'une telle créance ;
- le contrôle effectué par le FIPHFP est entaché d'incohérences dès lors qu'il a comptabilisé différemment, au titre des bénéficiaires de l'obligation d'emploi, des agents placés dans la même situation ; il n'a pas procédé à un examen au cas par cas des agents concernés par cette comptabilisation ; de même, le FIPHP a remboursé dans un premier temps la contribution avant de reprendre le titre exécutoire en litige en déclarant le mettre à jour.


Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2023, le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHP), représenté par la SCP Normand et Associés, agissant par Me Boussier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du groupe hospitalier au titre des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête sont infondés.


Par ordonnance du 11 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 19 juin 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code du travail ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 ;
- le décret n° 89-376 du 8 juin 1989 ;
- le décret n° 2006-501 du 3 mai 2006 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- l'arrêté du 20 octobre 2015 portant nomination du directeur du fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Duplan, rapporteur public,
- et les observations de Me Porchet pour le groupe hospitalier La Rochelle-Ré-Aunis et de Me de Waziers pour le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique.




Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de l'application des dispositions du code du code du travail relatives à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés, le groupe hospitalier de La Rochelle-Ré-Aunis a adressé en 2012 au Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) sa déclaration portant sur le nombre de ses agents employés en qualité de bénéficiaires de l'obligation d'emploi des personnes handicapées au titre de l'année 2011 en vue du calcul de sa contribution annuelle. Après avoir contrôlé cette déclaration, le FIPHFP a estimé que certains des agents déclarés ne pouvaient être comptabilisés comme bénéficiaires de l'obligation d'emploi, et a recalculé en conséquence le montant dû par le groupe hospitalier au titre de sa contribution annuelle pour l'emploi de travailleurs handicapés. En conséquence, le FIPHFP a adressé à l'établissement hospitalier, par courrier du 3 mai 2013, un titre exécutoire d'un montant de 352 896 euros. Ce titre exécutoire a cependant été annulé, à la demande du groupe hospitalier La Rochelle-Ré-Aunis, par un arrêt de la Cour n° 16BX01151 du 6 février 2018, devenu définitif après rejet du pourvoi formé par le FIPHFP par une décision du Conseil d'Etat n° 419162 du 4 octobre 2019.

2. Le 25 octobre 2019, le FIPHFP a émis un nouveau titre exécutoire mettant à la charge du groupe hospitalier de La Rochelle-Ré-Aunis la même somme de 352 896 euros. La réclamation que le groupe hospitalier a adressée, le 10 décembre 2019, à l'encontre de ce titre a été rejetée par une décision du directeur du FIPHFP du 5 mars 2020. Le 15 septembre 2020, le directeur du FIPHFP a procédé à une nouvelle notification du titre exécutoire mis à jour et la nouvelle réclamation que le groupe hospitalier a effectuée à l'encontre de ce titre, le 9 novembre 2020, a été rejetée le 2 février 2021. Le groupe hospitalier de La Rochelle-Ré-Aunis a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le titre exécutoire du 25 octobre 2019, d'annuler les décisions des 5 mars 2020 et 2 février 2021 rejetant ses réclamations préalables et de le décharger de l'obligation de payer la somme de 352 896 euros. Par un jugement rendu le 12 avril 2022, dont le groupe hospitalier de La Rochelle Ré-Aunis relève appel, le tribunal a rejeté ces demandes.


Sur la légalité du titre exécutoire du 25 octobre 2019 :

En ce qui concerne la régularité du titre exécutoire :

3. En premier lieu, le titre exécutoire émis le 25 octobre 2019 est signé par le directeur du FIPHFP, M. A... C..., nommé par arrêté ministériel du 20 octobre 2015, publié au Journal officiel de la République française le 24 octobre suivant. Il résulte des dispositions du 10° de l'article 18 du décret du 3 mai 2006 relatif au FIPHFP, que le directeur de cet établissement est compétent pour émettre les titres exécutoires prévus au dernier alinéa du IV de l'article L. 323-8-6-1 du code du travail relatif à la contribution annuelle due par les employeurs au titre de leur obligation d'emploi des travailleurs handicapés. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ". Les titres exécutoires émis par les personnes publiques doivent, en vertu de ces dispositions, être signés et comporter les prénom, nom et qualité de leur auteur.

5. Toutefois, il résulte des articles L. 100-1 et L. 100-3 du code des relations entre le public et l'administration que les dispositions de ce code ne s'appliquent pas, sauf exception, aux relations entre personnes morales de droit public. Les dispositions précitées de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ne sont ainsi pas applicables dans un litige opposant deux personnes publiques. Dès lors, il ne peut être utilement soutenu qu'un titre exécutoire émis par un établissement public à l'encontre d'un autre établissement public méconnaîtrait cette disposition. Par suite, le moyen tiré de ce que le titre exécutoire du 25 octobre 2019 émis par le FIPHFP, qui est un établissement public administratif, à l'encontre du groupe hospitalier de La Rochelle-Ré-Aunis, qui est également un établissement public administratif, ne comporte pas les mentions requises par l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration est inopérant. En tout état de cause, de telles mentions figurent bien sur le titre exécutoire du 25 octobre 2019 en litige.


En ce qui concerne le bien-fondé du titre exécutoire :

6. En premier lieu, l'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre. Il en résulte que, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions tendant à l'annulation d'un titre exécutoire, des conclusions aux fins de décharge de la somme correspondant à la créance de l'administration, il incombe au juge administratif d'examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens qui seraient de nature à justifier le prononcé de la décharge mais retient un moyen mettant en cause la régularité formelle du titre exécutoire, le juge n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler le titre et en statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande de décharge de la somme litigieuse.

7. Dans son arrêt du 6 février 2018, la Cour a annulé le titre exécutoire émis le 3 mai 2013 pour un motif de forme tiré du défaut d'indication des bases de liquidation de la créance dans le titre lui-même, ou par référence à un document joint ou précédemment adressé au débiteur. Ce faisant, la Cour a implicitement écarté les autres moyens soulevés par le groupe hospitalier de La Rochelle-Ré-Aunis mettant en cause le bien-fondé de la créance. Alors même que la Cour a prononcé la décharge de l'obligation de payer la somme en litige, le motif de forme qu'elle a retenu n'impliquait pas l'extinction de la créance en litige et laissait ouverte à l'administration la possibilité d'émettre un nouveau titre exécutoire de régularisation. Par suite, en prenant le titre exécutoire en litige du 25 octobre 2019, le FIPHFP n'a pas méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la Cour du 6 février 2018.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 5212-2 du code du travail dans sa rédaction alors applicable : " Tout employeur emploie, dans la proportion de 6 % de l'effectif total de ses salariés, à temps plein ou à temps partiel, des travailleurs handicapés (...) mentionnés à l'article L. 5212-13 ". L'article L. 323-2 du code du travail, demeuré en vigueur par application de l'article 13 de l'ordonnance du 12 mars 2007 relative à la partie législative du nouveau code du travail, dispose que : " L'Etat et (...) les collectivités territoriales et leurs établissements publics (...) y compris ceux qui sont énumérés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, sont assujettis (...) à l'obligation d'emploi instituée par l'article L. 323-1 ; les dispositions des articles des articles L. 323-3, L. 323-4-1, L. 323-5, L. 323-8 et L. 323-8-6-1 leur sont applicables (...). ". Aux termes de l'article L. 323-5 du code du travail : " (...) les titulaires d'un emploi réservé attribué en application des dispositions du chapitre IV du titre III du livre III du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre sont pris en compte pour le calcul du nombre de bénéficiaires de l'obligation d'emploi instituée par l'article L. 323-1. / Dans les collectivités et organismes mentionnés à l'article L. 323-2, sont également pris en compte pour le calcul du nombre de bénéficiaires de cette obligation : les agents qui ont été reclassés en application (...) des articles 71 à 75 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 (...) - les agents qui bénéficient d'une allocation temporaire d'invalidité en application de l'article 80 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 (...) ". Aux termes de l'article L. 323-8-6-1 du même code : " (...) II. - Les employeurs mentionnés à l'article L. 323-2 peuvent s'acquitter de l'obligation d'emploi instituée par cet article, en versant au fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique une contribution annuelle pour chacun des bénéficiaires de la présente section qu'ils auraient dû employer. (...) IV.- La contribution mentionnée au II du présent article est due par les employeurs mentionnés à l'article L. 323-2. / Elle est calculée en fonction du nombre d'unités manquantes constatées au 1er janvier de l'année écoulée. Le nombre d'unités manquantes correspond à la différence entre le nombre total de personnes rémunérées par l'employeur auquel est appliquée la proportion de 6 %, arrondi à l'unité inférieure, et celui des bénéficiaires de l'obligation d'emploi prévue à l'article L. 323-2 qui sont effectivement rémunérés par l'employeur. (...) / Le montant de la contribution est égal au nombre d'unités manquantes, multiplié par un montant unitaire. Ce montant ainsi que ses modalités de modulation sont identiques, sous réserve des spécificités de la fonction publique, à ceux prévus pour la contribution définie à l'article L. 323-8-2 (...) ".

9. Il résulte des dispositions de l'article L. 323-5 précité du code du travail que, en sus des agents dont la qualité de travailleur handicapé a été reconnue, sont pris en compte, pour le calcul du nombre de bénéficiaires de l'obligation d'emploi instituée par l'article L. 5212-2 du code du travail, les titulaires d'un emploi réservé attribué en application du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, les agents bénéficiaires d'une allocation temporaire d'invalidité, ainsi que les agents qui ont été reclassés en application de l'article 71 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.

10. Aux termes de l'article 71 de la loi du 9 janvier 1986, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1447 du 25 novembre 2020 portant diverses mesures en matière de santé et de famille dans la fonction publique, applicable en l'espèce : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps, s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé. ". Aux termes de l'article 1er du décret du 8 juin 1989 relatif au reclassement des fonctionnaires de la fonction publique hospitalière pour raisons de santé : " Lorsqu'un fonctionnaire n'est plus en mesure d'exercer ses fonctions, de façon temporaire ou permanente, et si les nécessités du service ne permettent pas un aménagement des conditions de travail, l'autorité investie du pouvoir de nomination, après avis du médecin du travail, dans l'hypothèse où l'état du fonctionnaire n'a pas nécessité l'octroi d'un congé de maladie, ou du comité médical, si un tel congé a été accordé, peut affecter ce fonctionnaire dans un poste de travail correspondant à son grade dans lequel les conditions de service sont de nature à permettre à l'intéressé d'assurer ses fonctions ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Dans le cas où l'état physique d'un fonctionnaire, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas de remplir les fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'intéressé peut présenter une demande de reclassement dans un emploi relevant d'un autre grade de son corps ou dans un emploi relevant d'un autre corps. / L'autorité investie du pouvoir de nomination recueille l'avis du comité médical départemental ".

11. Il résulte des dispositions combinées de l'article L. 323-5 du code du travail et de l'article 71 de la loi du 9 janvier 1986 que sont comptabilisés au titre des bénéficiaires de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés les agents ayant fait l'objet d'un reclassement pour raison médicale dans un autre corps ou cadre d'emplois, selon la procédure définie à l'article 2 du décret du 8 juin 1989. En revanche, les agents qui ont bénéficié d'une simple adaptation de leur poste de travail, même pour raison médicale, ne peuvent être pris en compte au titre des bénéficiaires de l'obligation d'emploi, quels que soient les efforts administratifs et financiers fournis par leur employeur.

12. Il résulte de l'instruction que, par une lettre du 19 octobre 2012, le FIPHFP a demandé au groupe hospitalier de La Rochelle Ré-Aunis de lui adresser un tableau détaillant, pour chaque travailleur déclaré comme bénéficiaire de l'obligation d'emploi, l'identité de l'agent, la qualification de celui-ci et, en ce qui concerne ceux de ces agents déclarés comme ayant été reclassés, les éléments justifiant la procédure de reclassement suivie. A l'issue de son contrôle, le FIPHFP a fait connaître à l'établissement hospitalier, dans un courrier du 18 mars 2013, sa décision ne pas retenir 32 agents comme bénéficiaires de l'obligation d'emploi au motif que ces derniers avaient obtenu un simple aménagement de leur poste de travail pour raison médicale et non un reclassement en application des dispositions de l'article 71 de la loi du 9 janvier 1986 et de l'article 2 du décret du 8 juin 1989.

13. Selon le groupe hospitalier de La Rochelle-Ré-Aunis, les 32 agents concernés ont été affectés sur un poste aménagé pour des raisons médicales, avec changement de service pour certains, et doivent ainsi être regardés comme bénéficiaires de l'obligation d'emploi instituée par l'article L. 5212-2 du code du travail. Toutefois, pas plus en appel qu'en première instance, le groupe hospitalier de La Rochelle-Ré-Aunis n'apporte d'éléments permettant d'estimer que ces adaptations ou changements d'affectation auraient eu lieu dans le cadre d'une procédure de reclassement dont la mise en œuvre est subordonnée à une demande de l'agent et implique la consultation du comité médical départemental ainsi qu'un changement de corps ou de cadre d'emplois de l'agent concerné. Et il résulte de la règle rappelée au point 11 que la seule circonstance que certains agents ont été affectés sur des postes aménagés, compte tenu des restrictions d'aptitude émises par le service de santé au travail, ne suffit pas à les faire regarder comme ayant fait l'objet d'un reclassement et, partant, comme bénéficiaires de l'obligation d'emploi prévue à l'article L. 5212-2 du code du travail. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit soulevé par le groupe hospitalier de La Rochelle-Ré-Aunis doit être écarté.

14. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que le FIPHFP a, le 10 septembre 2020, remboursé au groupe hospitalier La Rochelle-Ré-Aunis la somme de 352 986 euros à la suite du rejet par le Conseil d'Etat du pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour du 6 février 2018 ayant annulé le titre exécutoire émis le 3 mai 2013 pour défaut d'indication des bases de liquidation de la créance. Il résulte du point 6 du présent arrêt que ce motif d'illégalité, touchant à la régularité du titre exécutoire, n'a pas eu pour effet d'éteindre la créance détenue par le FIPHFP à l'encontre de l'établissement. Dans ces conditions, le remboursement auquel le FIPHFP a procédé ne faisait pas obstacle à l'émission d'un nouveau titre exécutoire dans des conditions régulières, quand bien même ce remboursement est intervenu postérieurement à celui-ci en vue d'assurer l'exécution de la chose jugée.

15. En quatrième et dernier lieu, à l'appui de son moyen tiré de ce que la décision du Conseil d'Etat n° 419162 du 4 octobre 2019 qui a rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt précité du 6 février 2018, ne pouvait pas fonder le titre exécutoire en litige, le groupe hospitalier de La Rochelle Ré-Aunis ne se prévaut devant la Cour d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation présentée devant les premiers juges. De même, à l'appui de son moyen tiré des incohérences qui auraient entaché le contrôle exercé par le FIPHFP, l'appelant ne se prévaut pas davantage d'éléments de droit ou de fait autres que ceux exposés en première instance. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents du jugement attaqué.

16. Il résulte de tout ce qui précède que le groupe hospitalier de La Rochelle-Ré-Aunis n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation du titre exécutoire en litige et, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins de décharge de la somme de 352 786 euros.


Sur les frais d'instance :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions présentées le groupe hospitalier La Rochelle-Ré-Aunis tendant à ce que le FIPHFP, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, lui verse une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge du groupe hospitalier de La Rochelle-Ré-Aunis une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le FIPHFP et non compris dans les dépens.


DECIDE


Article 1er : La requête du groupe hospitalier de La Rochelle-Ré-Aunis est rejetée.
Article 2 : Le groupe hospitalier de La Rochelle-Ré-Aunis versera au FIPHFP une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au groupe hospitalier de La Rochelle-Ré-Aunis et au fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP).
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Ghislaine Markarian, présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2024.
Le rapporteur,
Frédéric B...
La présidente,
Ghislaine Markarian
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au ministre du Travail de la Santé et des Solidarités, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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