CAA de PARIS, 5ème chambre, 24/05/2024, 23PA02469, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du
7 octobre 2021 par laquelle le directeur de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique a rejeté son recours gracieux tendant au bénéfice du complément d'allocation pour enfant à charge prévu à l'article D. 4123-6 du code de la défense, au titre de l'enfant de sa compagne, bénéfice qui lui avait été refusé une première fois par une décision du 19 aout 2021.
Par un jugement n° 2126062 du 7 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée 5 juin 2023, M. B..., représenté par Me Moumni, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 7 avril 2023 ;
2°) d'annuler la décision du 7 octobre 2021 par laquelle le directeur de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique a rejeté sa demande de complément d'allocation pour enfant à charge, au titre de l'enfant de sa compagne ;
3°) d'enjoindre à l'administration de faire droit à sa demande de complément d'allocation et de la lui verser dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont entachés leur jugement d'une erreur de droit ;
- les décisions sont entachées d'erreur de droit dès lors que le simple dépôt d'une demande d'adoption suffisait pour que le fils de sa compagne soit reconnu comme son enfant à charge ;
- elles sont entachées d'erreur d'appréciation dès lors que le fils de sa compagne est à sa charge et qu'une procédure d'adoption a été engagée ;
- elles méconnaissent le principe d'égalité.
Par un mémoire, enregistré le 13 septembre 2023, le directeur de l'Etablissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique, représenté par Me Abecassis, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dubois ;
- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public ;
- et les observations de Me Abecassis représentant l'Etablissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., alors qu'il était sous-officier de la gendarmerie nationale, a été victime en décembre 2013 d'un accident de la circulation reconnu imputable au service. Cet accident lui a occasionné des infirmités entrainant une invalidité au taux de 100 %, justifiant l'octroi d'une pension d'invalidité par arrêté du 1er octobre 2018. Par un arrêté du 21 octobre 2020, M. B... a été radié définitivement des cadres de la gendarmerie pour réforme définitive à compter du 21 janvier 2021. M. B... a alors sollicité le bénéfice d'une allocation du fonds de prévoyance militaire géré par l'Etablissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique (EPFP), sur le fondement des dispositions de l'article D. 4123-6 du code de la défense. Par une décision du 24 février 2021, une allocation de 53 421 euros et un complément d'allocation de 65 567 euros lui ont été attribués, tenant compte de ses deux enfants nés de sa relation avec sa compagne à laquelle il est lié par un pacte civil de solidarité. M. B... a alors sollicité auprès de l'établissement public la prise en compte, aux fins de revalorisation de cette allocation, de l'enfant de sa compagne dont il partage la charge avec elle. Sa demande ayant été rejetée par une décision du 19 août 2021 du directeur de l'EPFP, il a formé, le 30 septembre 2021, un recours gracieux à l'encontre de celle-ci, rejeté par une décision du 7 octobre 2021. M. B... relève appel du jugement du 7 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, M. B... ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir de ce que le jugement attaqué serait entaché d'erreur de droit.
Sur le bien-fondé de la demande :
3. En premier lieu, aux termes de l'article D. 4123-6 du code de la défense : " Lorsque l'infirmité imputable au service entraîne la mise à la retraite ou la réforme définitive du militaire, il est versé à l'intéressé :1° Une allocation principale dont le montant est fixé comme suit : a) S'il est marié ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou a des enfants à charge : montant égal à celui prévu à l'article D. 4123-4 pour le conjoint ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité survivant avec un ou plusieurs enfants à charge ; / b) Dans les autres cas : montant égal à celui prévu à l'article D. 4123-4 pour le conjoint ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité survivant sans enfant à charge; / c) Pour les taux d'invalidité inférieurs à 40 %, l'allocation principale est calculée proportionnellement au taux d'invalidité. / 2° Un complément d'allocation, en cas d'invalidité égale ou supérieure à 40 %, dont le montant est égal, par enfant à charge, à celui fixé au 2° de l'article D. 4123-4. Les allocations visées au 1° sont calculées au taux en vigueur à la date de la mise à la retraite ou à la réforme définitive de l'intéressé. Le complément d'allocation peut être versé sur demande de l'intéressé. Il est calculé aux taux en vigueur à la date où le taux d'invalidité de 40 % est définitivement fixé. Les allocations accordées en cas d'infirmités sont exclusives de toute autre allocation du fonds de prévoyance militaire ". Aux termes du 2° de l'article D. 4123-4 du même code : " 2° Enfants à charge, c'est-à-dire âgés de moins de vingt-cinq ans ou infirmes : montant égal à la solde budgétaire annuelle correspondant à l'indice brut 702 (...). / Par enfant, il faut entendre : a) Les enfants légitimes ; / b) Les enfants naturels reconnus ; / c) Les enfants légitimes ou naturels reconnus, conçus avant le décès du militaire ; / d) Les enfants adoptés ayant fait l'objet d'une adoption simple ou plénière, sous réserve qu'avant le décès de l'intéressé : i) Pour l'adoption plénière, le placement de l'enfant en vue de son adoption prévu à l'article 351 du code civil ait été effectivement réalisé ;ii) Pour l'adoption simple, la requête prévue à l'article 353 du code civil ait été déposée ".
4. Au soutien de sa demande de révision du complément d'allocation qui lui a été allouée sur le fondement de l'article D. 4123-6 du code de la défense en conséquence de son inaptitude totale à ses fonctions militaires, M. B... fait valoir que les dispositions précitées ouvrent droit, pour le calcul du taux du complément d'allocation prévu au 2° de l'article D. 4123-6 du code de la défense, à la prise en compte d'un enfant non encore adopté à la date de la demande d'allocation, dont la procédure d'adoption simple est en cours. Il en conclut que le taux du complément d'allocation auquel il a droit en application des dispositions précitées devrait tenir compte de l'enfant de sa partenaire de pacte civil de solidarité, pour lequel il a déposé le 28 décembre 2020 auprès du tribunal judiciaire de Bordeaux une requête aux fins d'adoption simple. Toutefois, les dispositions du 2° de l'article D. 4123-4, auxquelles renvoient celles de l'article D. 4123-6 n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre la prise en compte d'un enfant dont l'adoption n'aurait pas été prononcée. M. B... n'est ainsi pas fondé à soutenir que les décisions de l'EPFP refusant de prendre en compte l'enfant de sa compagne pour le calcul de l'allocation qui lui est versée serait entachée d'erreur de droit ou d'une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions précitées des articles D. 4123-4 et D. 4123-6 du code de la défense.
5. En second lieu, M. B... soutient que la décision du directeur de l'EPFP méconnaitrait le principe d'égalité, dès lors que le fils de sa compagne est à sa charge au même titre que les deux enfants nés de leur relation. Toutefois, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité administrative règle de façon différente des situations différentes, à la condition que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. A cet égard, les deux enfants nés de la relation de M. B... avec la partenaire avec laquelle il est lié par un pacte civil de solidarité se trouvent dans une situation différente de celle de l'enfant de sa compagne issu d'une précédente relation, avec lequel il n'a pas de lien juridique, et la différence de traitement résultant de la différence de situation entre ces enfants ne présente pas de caractère disproportionné. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité ne peut qu'être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que celles à fin d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence.
Sur les frais liés à l'instance :
7. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'EPFP le versement de la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
8. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme de 1 500 euros demandée par l'EPFP sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre des armées et au directeur de l'Etablissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- M. Marjanovic, président assesseur,
- M. Dubois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mai 2024.
Le rapporteur,
J. DUBOIS
La présidente,
H. VINOT
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA02469