CAA de NANTES, 6ème chambre, 16/07/2024, 23NT02714, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par un jugement du 11 avril 1995 le tribunal départemental des pensions de l'Eure a accordé à M. B... une pension militaire d'invalidité calculée sur la base du taux de 30 % pour l'infirmité " hypoacousie " et de 10 % pour l'infirmité " acouphènes ".
Ce jugement a été confirmé par un arrêt du 7 juin 1999 de la cour régionale des pensions de Caen.
Procédure devant la cour :
Par un courrier enregistré le 5 juin 2023, M. B... a saisi le président de la présente cour, devenue compétente par détermination de la loi, d'une demande d'exécution du jugement du 11 avril 1995 et de l'arrêt du 7 juin 1999.
Par une ordonnance n° 23NT02714 du 20 septembre 2023, le président de la cour a décidé d'ouvrir la phase juridictionnelle d'exécution de ce jugement.
Par sa requête enregistrée le 5 juin 2023, M. B... demande à la cour :
1°) d'enjoindre, sous astreinte, au ministre des armées de procéder au versement des arrérages de sa pension militaire d'invalidité calculée sur la base d'un taux de 40 % à compter du 19 novembre 1991 ;
2°) de réparer le " pretium doloris " qu'il subit depuis cette date.
Il soutient que :
- la cour d'appel régionale des pensions de Caen lui a attribué un taux d'invalidité de 40 % pour le calcul de sa pension militaire d'invalidité alors que selon l'arrêté n° A 599 du 6 septembre 1999 celle-ci est calculée sur la base d'un taux de 30 %.
Par un mémoire enregistré le 28 juillet 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la demande d'exécution présentée par M. B....
Il précise que :
- ni le jugement du 11 avril 1995 du tribunal départemental des pensions de l'Eure, ni l'arrêt du 7 juin 1999 de la cour régionale des pensions de Caen, ne se sont prononcés sur le caractère incurable de l'hypoacousie dont souffre M. B...,
- les taux retenus dans ces décisions ne concernent que la période temporaire de trois ans prenant effet à compter de sa demande présentée le 19 novembre 1991,
- un arrêté du 6 septembre 1999 a entièrement exécuté ces décisions juridictionnelles,
- un second arrêté a été pris pour la période postérieure au 18 novembre 1994, sur la base d'une nouvelle expertise médicale.
Par un mémoire enregistré le 23 août 2023, M. B... persiste dans ses conclusions.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par une demande présentée le 5 juin 2023, M. B..., ancien militaire né en 1943, a saisi la cour d'une demande d'exécution de l'arrêt rendu le 7 juin 1999 par la cour d'appel régionale des pensions de Caen. La phase juridictionnelle de cette demande a été ouverte par une ordonnance du président de la cour du 20 septembre 2023.
2. Aux termes de l'article L. 7 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans sa rédaction en vigueur à la date de la demande de pension militaire d'invalidité présentée par M. B... : " Il y a droit à pension définitive quand l'infirmité causée par la blessure ou la maladie est reconnue incurable. Il y a droit à pension temporaire si elle n'est pas reconnue incurable / En cas de pluralité d'infirmités dont l'une ouvre droit à pension temporaire, le militaire ou marin est admis à pension temporaire pour l'ensemble de ses infirmités. ". Aux termes de l'article 8 de ce code : " La pension temporaire est concédée pour trois années. Elle est renouvelable par périodes triennales après examens médicaux. / Au cas où la ou les infirmités résultent uniquement de blessures, la situation du pensionné doit, dans un délai de trois ans, à compter du point de départ légal défini à l'article L. 6, être définitivement fixée soit par la conversion à un taux supérieur, égal ou inférieur au taux primitif, de la pension temporaire en pension définitive, sous réserve toutefois de l'application de l'article L. 29, soit, si l'invalidité a disparu ou est devenue inférieure au degré indemnisable par la suppression de toute pension. ". Aux termes de l'article L. 14 du même code : " Dans le cas d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne l'invalidité absolue, le taux d'invalidité est considéré intégralement pour l'infirmité la plus grave et pour chacune des infirmités supplémentaires, proportionnellement à la validité restante./ A cet effet, les infirmités sont classées par ordre décroissant de taux d'invalidité. / Toutefois, quand l'infirmité principale est considérée comme entraînant une invalidité d'au moins 20 %, les degrés d'invalidité de chacune des infirmités supplémentaires sont élevés d'une, de deux ou de trois catégories, soit de 5, 10, 15 %, et ainsi de suite, suivant qu'elles occupent les deuxième, troisième, quatrième rangs dans la série décroissante de leur gravité. (...) ".
3. Il n'est pas contesté que, par un arrêt du 7 juin 1999, la cour d'appel régionale des pensions de Caen a rejeté le recours du ministre des armées tendant à l'annulation du jugement du 11 avril 1995 du tribunal départemental des pensions de l'Eure reconnaissant à M. B... le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité calculée sur la base d'une première infirmité, " hyperacousie ", dont le taux d'invalidité a été fixé à 30 % et d'une seconde infirmité, " acouphènes ", dont ce même taux a été évalué à " 10 % +5 ". Par un arrêté du 6 septembre 1999, une pension militaire d'invalidité a été attribuée à l'intéressé au taux arrondi à 45 % pour la période allant du 19 novembre 1991, date de sa demande, au 18 novembre 1994, dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Contrairement à ce que soutient le requérant, l'arrêt dont il sollicite l'exécution, pas plus que le jugement de première instance confirmé en appel, n'ont jugé que les infirmités litigieuses étaient " incurables " au sens des dispositions précitées de l'article L. 7 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et que ce taux de 45 % lui était attribué de manière définitive. En application des dispositions de l'article 8 du même code, il appartenait en conséquence aux services des pensions militaires d'invalidité de réexaminer les droits de M. B... à l'issue de cette première période de trois ans. Il a alors été tenu compte d'une expertise réalisée le 24 juillet 1997 par le docteur C..., qui a constaté une amélioration de l'hypoacousie dont souffre l'intéressé puis proposé de ramener le taux d'invalidité de cette infirmité à 15 % mais a retenu une aggravation de ses acouphènes, pour lesquels il a suggéré de porter le taux d'invalidité à 15 %. A compter du 19 novembre 1994, en application d'un second arrêté pris le 6 septembre 1999, la pension militaire d'invalidité que perçoit M. B... a ainsi été calculée sur la base d'un taux d'invalidité globale de 30 %, la règle de calcul issue des dispositions précitées de l'article L. 14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ne trouvant plus à s'appliquer, aucune des deux infirmités n'atteignant le taux de 20 %. Dans ces conditions, M. B..., qui n'a pas contesté cette décision dans les délais qui lui étaient impartis, n'est pas fondé à soutenir que le jugement du 11 avril 1995 du tribunal départemental des pensions de l'Eure, et l'arrêt du 7 juin 1999 de la cour régionale des pensions de Caen n'auraient pas été entièrement exécutés et que sa pension militaire d'invalidité serait calculée depuis le 19 novembre 1994 en méconnaissance de l'autorité de la chose jugée qui s'attache à ces décisions.
4. Il résulte de tout ce qui précède, que la demande d'exécution présentée par M. B... se trouve privée d'objet. Pour le même motif, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que ses conclusions " indemnitaires ", doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande d'exécution présentée par M. B....
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 juillet 2024.
La rapporteure,
V. GELARDLe président,
O. GASPON
La greffière,
C. VILLEROT
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT02714