CAA de LYON, 7ème chambre, 22/05/2025, 24LY03597, Inédit au recueil Lebon
Date de décision | 22 mai 2025 |
Num | 24LY03597 |
Juridiction | Lyon |
Formation | 7ème chambre |
President | M. PICARD |
Rapporteur | M. Julien CHASSAGNE |
Commissaire | M. RIVIERE |
Avocats | ADAMO-ROSSI SYLVIE |
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la SA La Poste à lui payer les sommes de 1 291 euros correspondant à un trop-payé d'impôts, 384 euros correspondant à un trop-payé de contribution sociale généralisée (CSG) pour l'année 2021 et de 1 000 euros au titre d'un préjudice moral.
Par un jugement n° 2106645 du 30 octobre 2024, le tribunal a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 23 décembre 2024, M. D..., représenté alors par Me Adamo-Rossi, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner la SA La Poste à lui verser une somme totale de 9 691,10 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis, avec les intérêts au taux légal sur une somme de 1 675 euros à compter de la date à laquelle cette somme a été payée ;
3°) d'enjoindre à la SA La Poste de le promouvoir au grade immédiatement supérieur à celui qu'il détenait au mois de septembre 2019 ;
4°) de mettre à la charge de la SA La Poste une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont interprété de manière erronée sa demande en faisant référence à un surplus d'allocation temporaire d'invalidité (ATI), alors qu'il n'a jamais évoqué ce point ;
- il est fondé à obtenir de la SA La Poste l'indemnisation de congés annuels à hauteur de vingt jours au titre de chacune des années 2017 et 2018 et de cinq jours au titre de l'année 2019, pour un montant de 3847,88 brut, qui n'ont pas été pris, suite à sa réintégration rétroactive à compter du 24 septembre 2014 en congé de maladie imputable au service, en application des dispositions de l'article 7 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 interprété par la Cour de justice de l'Union Européenne (CJUE) dans son arrêt n° C282/10 du 24 janvier 2012, " Dominguez " ; il est fondé à se prévaloir, sur ce point, des énonciations de la circulaire " NOR COTB1117639C " du 8 juillet 2011 ;
- il est également fondé à obtenir de la SA La Poste le paiement d'une somme de 1 168,22 euros correspondant aux primes d'intéressement qu'il n'a pas perçues pour les années 2014 à 2017, à laquelle il n'est pas contesté qu'il a droit ;
- il est enfin fondé à obtenir de la SA La Poste le paiement d'une somme de 1 675 euros correspondant à l'incidence fiscale de la régularisation de sa situation, compte tenu du droit à l'erreur prévu par la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance, sans qu'il puisse lui être reproché qu'il avait la possibilité de déclarer des revenus différés et de bénéficier du régime prévu par l'article L. 163-0 A du code général des impôts, alors que son employeur est à l'origine de cette situation ;
- il doit être enjoint à la SA La Poste de le promouvoir au grade dit " A... ", au regard de l'article 5 du décret n° 2018-1010 du 21 novembre 2018, et de l'accord signé entre cette dernière et les organisations syndicales du 6 juin 2006, dès lors qu'au 1er avril 2019, il n'avait jamais bénéficié d'une promotion au cours de sa carrière et qu'il avait l'ancienneté permettant d'accéder à ce grade.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code de procédure civile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative ;
M. D... ayant été régulièrement averti du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chassagne, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... D... était titulaire du grade dit " ATG2 " et exerçait ses fonctions auprès de la SA La Poste jusqu'à ce qu'il soit admis à la retraite pour invalidité à compter du 1er avril 2019. En raison d'une pathologie physique, l'intéressé a bénéficié d'un congé pour une maladie imputable au service à compter du 13 décembre 2012 jusqu'au 24 septembre 2014, date à laquelle cette pathologie a été considérée comme consolidée. M. D... ayant été regardé comme inapte à ses fonctions antérieures mais pas à toutes fonctions, et faute de pouvoir le faire bénéficier d'un poste, il a d'abord été placé, à compter du 25 septembre 2014, en congé pour maladie pour une durée d'un an puis, à compter du 25 septembre 2015 et jusqu'au 31 mars 2019, en disponibilité d'office pour maladie, un demi-traitement lui étant alors servi. Toutefois, par une décision du 22 janvier 2019, devenue définitive, la SA La Poste a ensuite décidé de le placer en congé pour invalidité temporaire imputable au service à compter du 25 septembre 2014 et jusqu'à la date de sa mise à la retraite en lui attribuant une allocation temporaire d'invalidité (ATI) à titre provisoire pour cette période. A la suite du versement rétroactif de cette allocation durant l'année 2019, M. D..., estimant que ce paiement avait eu des conséquences financières défavorables pour lui tant concernant le montant de ses cotisations d'impôt sur le revenu dues au titre de cette année que s'agissant du taux de contribution sociale généralisée (CSG) auquel sa pension de retraite était assujettie pour l'année 2021, a formé auprès de la SA La Poste une réclamation indemnitaire préalable, à laquelle il n'a pas été explicitement répondu. M. D... relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté sa demande de condamnation de la SA La Poste à lui verser les sommes de 1 291 euros correspondant à un surplus d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2020, 384 euros correspondant à un surplus de CSG au titre de l'année 2021 et de 1 000 euros au titre d'un préjudice moral.
Sur les conclusions indemnitaires :
2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. / Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : / (...) / 8° Sauf en matière de contrat de la commande publique sur toute action indemnitaire ne relevant pas des dispositions précédentes, lorsque le montant des indemnités demandées n'excède pas le montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 ; / (....). ". Aux termes de l'article R. 222-14 du même code : " Les dispositions du 10° de l'article précédent sont applicables aux demandes dont le montant n'excède pas 10 000 euros. ".
3. Dès lors que la demande de M. D... présentée devant le tribunal administratif de Grenoble tendait à la condamnation à la SA La Poste à lui verser une somme totale de 2 675 euros, et constituait, eu égard à sa nature, une action indemnitaire tendant à la réparation de différents chefs de préjudice, il résulte de la combinaison des dispositions précitées que le jugement attaqué a été rendu en premier et dernier ressort et ne pouvait, ainsi, faire l'objet d'un appel devant la cour.
4. Toutefois, d'une part, aux termes de l'article R. 351-2 du code de justice administrative : " Lorsqu'une cour administrative d'appel (...) est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence du Conseil d'État, son président transmet sans délai le dossier au Conseil d'État qui poursuit l'instruction de l'affaire. (...). ". Aux termes de l'article R. 351-4 du même code : " Lorsque tout ou partie des conclusions dont est saisi (...) une cour administrative d'appel ou le Conseil d'État relève de la compétence d'une de ces juridictions administratives, (...) la cour administrative d'appel (...), selon le cas, est compétent, nonobstant les règles de répartition des compétences entre juridictions administratives, pour rejeter (...) la requête en se fondant sur l'irrecevabilité manifeste de la demande de première instance. ".
5. D'autre part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. / (...) ". Aux termes de l'article R. 421-2 de ce code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. / La date du dépôt de la demande à l'administration, constatée par tous moyens, doit être établie à l'appui de la requête. / (...). ". Aux termes de l'article L 231-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Par dérogation à l'article L. 231-1, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet : / (...) / 2° Lorsque la demande ne s'inscrit pas dans une procédure prévue par un texte législatif ou réglementaire ou présente le caractère d'une réclamation ou d'un recours administratif ; / 3° Si la demande présente un caractère financier sauf, en matière de sécurité sociale, dans les cas prévus par décret ; / (...) / 5° Dans les relations entre l'administration et ses agents. ".
6. Il apparaît que la réclamation préalable indemnitaire de M. D... a été formée par ce dernier auprès de la SA La Poste initialement par courrier du 26 novembre 2020, complété par un courrier du 12 mai 2021, reçu le 17 mai suivant. Cette réclamation, eu égard à sa nature et à son objet, à laquelle la SA La Poste n'a pas explicitement répondu, a ainsi fait naître, en application des dispositions précitées de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, une décision implicite de rejet en date du 17 juillet 2021. Pour contester cette décision devant le tribunal, M. D... disposait donc, en vertu des dispositions ci-dessus des articles R. 421-1 et R. 421-2 du code de justice administrative, d'un délai expirant le lundi 20 septembre 2021. Par suite, la demande de M. D..., enregistrée au greffe du tribunal le 30 septembre 2021, était tardive et donc, comme le prévoit l'article R. 351-4 du code de justice administrative, manifestement irrecevable. Dès lors, M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et la condamnation de la SA La Poste à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis.
7. Il n'appartient pas à la juridiction administrative, en dehors des cas expressément prévus par les dispositions des articles L. 911-1 du code de justice administrative, d'adresser des injonctions à l'administration. Les conclusions de M. D... tendant à ce qu'il soit enjoint à la SA La Poste de le promouvoir au grade immédiatement supérieur à celui qu'il détenait au mois de septembre 2019, qui sont manifestement irrecevables, ne peuvent donc qu'être rejetées.
8. Il résulte de ce qui précède, et alors en toute hypothèse que les premiers juges n'ont pas interprété de manière erronée la demande de M. D..., que ce dernier n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et à la SA La Poste.
Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2025 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mai 2025.
Le rapporteur,
J. ChassagneLe président,
V-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY03597
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