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CAA de PARIS, 4ème chambre, 21/06/2024, 22PA04011, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 6 juin 2019 par laquelle le préfet de police, d'une part, l'a placé à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 20 octobre 2018 et, d'autre part, l'a placé en disponibilité d'office pour raison de santé à compter du même jour, ainsi que l'arrêté du 6 juin 2019 par lequel le préfet de police a prononcé sa mise en disponibilité d'office pour raison de santé. Par un jugement n° 1922521/5-1 du 29 juin 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 30 août 2022, M. B..., représenté par Me Icard, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision rejetant son recours gracieux du 14 juin 2019 formé à l'encontre des décisions du préfet de police du 6 juin 2019 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est entaché d'irrégularité en ce qu'il n'a jamais été informé de la date et de l'heure de l'audience de renvoi et qu'il n'a ainsi pas pu présenter des observations orales ; - le préfet de police a méconnu le deuxième alinéa du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dès lors qu'il existait, à la date de consolidation, un lien direct et certain entre son état de santé et l'accident de service dont il a été victime le 1er août 2015 ; - il devait donc être maintenu en congé de maladie pour accident de service à plein traitement, sans autre limitation que sa mise à la retraite ou le rétablissement de son aptitude au service, notamment à la suite d'une offre de poste adapté ou de reclassement. Par un mémoire en défense, enregistré le 5 septembre 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - l'absence de convocation régulière à l'audience entache d'irrégularité la procédure suivie devant le tribunal administratif ; - les autres moyens soulevés par le requérant, tant en première instance qu'en appel, ne sont pas fondés. Les parties ont été informées le 27 mai 2024, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions dirigées, par voie d'exception d'illégalité, contre la décision du préfet de police du 7 mai 2018 portant consolidation des séquelles de M. B... au 19 octobre 2017. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n°87-602 du 30 juillet 1987 ; - le décret n°2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Mantz, - les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., retraité, était surveillant principal de première classe à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police. Le 1er août 2015, pendant son travail de nuit, il a fait une chute sur les deux genoux qui a été reconnue comme accident imputable au service par arrêté du préfet de police du 14 septembre 2015. Par une note du 25 mars 2016, le médecin-chef de la médecine statutaire et de contrôle de la préfecture de police a estimé que les blessures de M. B... étaient consolidées à la date du 18 février 2016. Cette note n'ayant toutefois été transmise au service chargé de la gestion des personnels que le 19 octobre 2017, c'est à cette dernière date que, par décision du 7 mai 2018, le préfet de police a décidé d'arrêter la consolidation des séquelles de l'accident de M. B.... Par la même décision, le préfet de police a, en outre, placé ce dernier en congés de maladie ordinaire, à compter du 20 octobre 2017, et avec rémunération à demi-traitement à compter du 20 janvier 2018. La commission de réforme des agents permanents des collectivités locales a, par un avis du 23 avril 2019, estimé, d'une part, que M. B... était inapte à exercer toutes fonctions de manière définitive et, d'autre part, que son infirmité n'était pas imputable au service. A la suite de cet avis, le préfet de police a, par lettre du 6 juin 2019, informé M. B... qu'il avait décidé, d'une part, de le placer en retraite pour invalidité, à compter du 20 octobre 2018, avec un taux d'invalidité de 40% pour une affection non imputable au service, et, d'autre part, de le placer en disponibilité d'office pour raison de santé, également à compter du 20 octobre 2018 et jusqu'à l'avis de la caisse nationale de retraite des collectivités locales (CNRACL). Le 14 juin 2019, M. B... a formé, à l'encontre des décisions mentionnées dans ce courrier, un recours gracieux qui a été rejeté par le préfet de police le 20 août 2019. Le préfet de police a pris un arrêté, également en date du 6 juin 2019, par lequel il a placé M. B... en disponibilité d'office pour raison de santé, dans les mêmes conditions que celles prévues par la lettre du même jour. M. B... relève appel du jugement du 29 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la lettre du 6 juin 2019 ainsi que de l'arrêté du même jour. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. (...) ". Aux termes de l'article R. 711-2-1 de ce code : " Les parties ou leur mandataire inscrits dans l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1 peuvent être convoqués à l'audience par le moyen de cette application. (...) ". Aux termes de l'article R. 732-1 du même code : " Après le rapport qui est fait sur chaque affaire par un membre de la formation de jugement ou par le magistrat mentionné à l'article R. 222-13, le rapporteur public prononce ses conclusions lorsque le présent code l'impose. Les parties peuvent ensuite présenter, soit en personne, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, soit par un avocat, des observations orales à l'appui de leurs conclusions écrites (...) La formation de jugement peut également entendre les agents de l'administration compétente ou les appeler devant elle pour fournir des explications (...) ". 3. L'absence de réception de l'avis d'audience ou le caractère erroné des mentions portées sur l'avis d'audience reçu n'est susceptible d'entraîner l'irrégularité de la procédure contentieuse que si ce défaut de réception de l'avis ou ses mentions erronées ont privé une partie des garanties que cet avis vise à mettre en œuvre. Un jugement qui mentionne que les parties ont été convoquées à l'audience doit être regardé, lorsque l'une des parties soutient que tel n'a pas été le cas en ce qui la concerne et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier du tribunal administratif qu'elle ait été convoquée dans les conditions prévues par les dispositions des articles R. 711-2 et R. 711-2-1 du code de justice administrative, ni qu'elle ait été présente ou représentée à l'audience, comme rendu à la suite d'une procédure irrégulière. 4. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, nonobstant les mentions portées sur le jugement, M. B... ait été régulièrement convoqué à l'audience du 25 mai 2022 au cours de laquelle le tribunal administratif de Paris a examiné sa demande ni qu'il ait été présent ou représenté lors de cette audience. Ainsi, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que M. B... est fondé à soutenir que son absence de convocation à l'audience a entaché d'irrégularité la procédure suivie devant ce tribunal, ainsi que l'admet d'ailleurs en défense le préfet de police. 5. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par celui-ci devant le tribunal administratif de Paris. Sur le courrier du préfet de police du 6 juin 2019: 6. Aux termes de l'article 30 du décret susvisé du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande (...) ". Aux termes de l'article 31 du même décret : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, les conséquences et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions. (...) / Le pouvoir de décision appartient dans tous les cas à l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination, sous réserve de l'avis conforme de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. / Les énonciations de cette décision ne peuvent préjuger ni de la reconnaissance effective du droit, ni des modalités de liquidation de la pension, ces dernières n'étant déterminées que par l'arrêté de concession (...) ". 7. Par une lettre datée du 6 juin 2019, le préfet de police a indiqué à M. B... que, à la suite de l'avis de la commission de réforme du 23 avril 2019, il avait " décidé de (le) placer en retraite pour invalidité, à compter du 20 octobre 2018, avec un taux d'invalidité de 40% pour une affection non imputable au service " et de lui " attribuer une disponibilité d'office pour raison de santé à compter du 20 octobre 2018 jusqu'à l'avis de la caisse nationale de retraite (CNRACL) ". Le préfet mentionnait, en outre, dans ce même courrier, que le dossier de M. B... ferait l'objet d'une transmission à la CNRACL afin que ses droits à pension soient étudiés. Par ailleurs, par un arrêté également daté du 6 juin 2019, le préfet de police a placé M. B... en disponibilité d'office, pour raison de santé, pour la période du 20 octobre 2018 jusqu'à la date de l'avis rendu par la CNRACL relatif à son admission à la retraite pour invalidité. Or, d'une part, il résulte des dispositions susvisées des articles 30 et 31 du décret du 26 décembre 2003 que l'autorité administrative, fût-ce celle qui a procédé à la nomination, ne peut admettre un fonctionnaire affilié à la CNRACL à la retraite pour invalidité sans avoir obtenu l'avis conforme de cet organisme ni au demeurant préjuger de la reconnaissance effective de ce droit à retraite du fonctionnaire. Par suite, la lettre précitée du préfet de police, en tant qu'elle se prononce sur l'attribution d'un droit à retraite pour invalidité de M. B... doit être regardée comme dépourvue de portée décisoire. D'autre part, les termes de cette lettre visant à " attribuer " à M. B... " une disponibilité d'office pour raison de santé à compter du 20 octobre 2018 jusqu'à l'avis de la CNRACL " n'ont pas davantage de portée décisoire dès lors que la décision de placer l'intéressé dans cette position résulte de l'arrêté précité du 6 juin 2019, qui est seul exécutoire. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les éléments contenus dans la lettre du préfet de police du 6 juin 2019 ne font pas grief à M. B.... Dès lors, les conclusions de ce dernier dirigées contre les prétendues décisions contenues dans la lettre du 6 juin 2019, alors même que celle-ci mentionne la possibilité de présenter un recours devant le tribunal administratif, sont irrecevables et doivent, par suite, être rejetées, ainsi que, pour les mêmes motifs, celles qu'il dirige contre la décision du préfet de police du 20 août 2019 portant rejet de son recours gracieux. Sur l'arrêté du préfet de police du 6 juin 2019 : 8. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 72 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté en litige : " La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son administration ou service d'origine, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite. / (...) La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 57. (...) ". L'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dispose, également dans sa rédaction applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite (...) ". 9. D'autre part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) ". 10. Contrairement à ce que soutient M. B..., la décision plaçant d'office un fonctionnaire en disponibilité à raison de l'expiration de ses congés de maladie prévus au 2° susvisé de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 ne constitue pas une décision mettant fin à un congé de maladie prise par référence à l'avis d'une instance médicale. Elle ne relève par ailleurs d'aucune des catégories de décisions qui doivent être motivées en application des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré de l'absence de motivation de cette décision doit être écarté. 11. En deuxième lieu, il ne ressort d'aucune disposition législative ou règlementaire qu'une décision plaçant un fonctionnaire en disponibilité d'office à raison de l'expiration de ses congés de maladie doive comporter le visa du rapport écrit du service de médecine préventive adressé à la commission de réforme ou que ce rapport doive être remis au fonctionnaire en même temps que la décision précitée. A cet égard, le requérant ne peut utilement invoquer les articles 15 et 21 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, qui concernent uniquement les avis donnés par la commission de réforme prévue à l'article 31 du décret du 26 décembre 2003 mentionné au point 6. Au demeurant, il résulte de l'arrêté attaqué qu'il a été pris au visa du procès-verbal de la séance du 23 avril 2019 de la commission de réforme, qui a statué notamment sur l'imputabilité au service des blessures de M. B... ainsi que sur son aptitude à exercer ses fonctions. Or ce procès-verbal mentionne le rapport médical du médecin-chef adjoint du service de médecine statutaire et de contrôle de la préfecture de police du 5 septembre 2018, qui a servi de base à la commission pour rendre son avis. 12. En troisième lieu, une exception d'illégalité soulevée à l'encontre d'une décision individuelle est recevable tant que cette décision ne présente pas de caractère définitif. Une décision administrative devient définitive à l'expiration du délai de recours contentieux ou, si elle a fait l'objet d'un recours contentieux dans ce délai, à la date à laquelle la décision rejetant ce recours devient irrévocable. 13. M. B... se prévaut du vice de procédure lié, selon lui, à l'absence d'avis de la commission de réforme pour la détermination de la date de consolidation de ses blessures consécutives à son accident de service du 1er août 2015, telle qu'elle résulte de la décision du préfet de police du 7 mai 2018, portant consolidation de son état de santé à la date du 19 octobre 2017 et le plaçant en congé de maladie ordinaire à compter du 20 octobre 2017, avec rémunération à demi-traitement à compter du 20 janvier 2018. Il doit ainsi être regardé comme soulevant, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision du 7 mai 2018, qui comportait la mention des voies et délais de recours ouverts à son encontre. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a formé un recours gracieux le 15 mai 2018 contre cette dernière décision, contestant notamment la date de consolidation de ses blessures. Par lettre en date du 14 juin 2018, le préfet de police a répondu à M. B... en l'informant qu'il pouvait être maintenu en position de maladie ordinaire pour une durée d'un an et que, à la suite de sa contestation de la consolidation des séquelles de sa blessure, son dossier serait présenté à la séance de la commission de réforme du 26 juin 2018. Par une décision du 20 juillet 2018, comportant également la mention des voies et délais de recours, le préfet de police a, à la suite de l'avis de la commission de réforme du 26 juin 2018, rejeté le recours gracieux de M. B.... Ce dernier a exercé, par lettre du 1er août 2018, un second recours gracieux contre la décision du 7 mai 2018. La date de cette lettre dans laquelle M. B... reconnaît avoir reçu le courrier portant décision du 20 juillet 2018, doit être regardée comme constituant le point de départ du délai de recours contentieux ouvert à l'encontre de cette décision. Par suite, et alors que ce second recours gracieux n'a pas eu pour effet d'interrompre le délai de recours contentieux ouvert tant à l'encontre de la décision du 20 juillet 2018 qu'à l'encontre de la décision initiale du 7 mai 2018, l'exception d'illégalité contenue dans la demande de M. B... devant le tribunal administratif de Paris, en date du 20 octobre 2019, est tardive et, par suite, irrecevable. 14. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs d'irrecevabilité de l'exception d'illégalité de la décision du 7 mai 2018, le moyen de M. B... tiré de ce que son état de santé serait toujours en lien direct et certain avec son accident de service du 1er août 2015 et qu'il serait fondé à demander le maintien du régime du congé pour invalidité temporaire imputable au service (CITIS) sans autre limitation que celle tenant à sa mise à la retraite ou au rétablissement de son aptitude au service, qui doit être regardé comme dirigé contre cette décision, doit être également écarté. 15. En cinquième lieu, aux termes de l'article 17 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, dans sa rédaction applicable : " (...) Lorsque le fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical. En cas d'avis défavorable, s'il ne bénéficie pas de la période de préparation au reclassement prévue par le décret du 30 septembre 1985 susvisé, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme (...) ". Et aux termes de l'article 38 du même décret, dans sa rédaction applicable : " La mise en disponibilité visée aux articles 17 et 37 du présent décret est prononcée après avis du comité médical ou de la commission de réforme prévue par le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 modifié relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, sur l'inaptitude du fonctionnaire à reprendre ses fonctions (...) ". 16. M. B... soutient que l'arrêté attaqué portant mise en disponibilité d'office n'a pas été soumis à l'avis du comité médical. Il résulte toutefois des dispositions qui précèdent de l'article 38 du décret du 30 juillet 1987 que la mise en disponibilité faisant suite à une période de congés de maladie de douze mois consécutifs est prononcée après avis du comité médical ou de la commission de réforme. Or et ainsi qu'il a été dit au point 11, l'arrêté attaqué a été pris au visa du procès-verbal de la séance du 23 avril 2019 de la commission de réforme, au cours de laquelle le médecin-chef a estimé qu'il y avait lieu de placer M. B... en disponibilité d'office pour raison de santé dans le groupe II des invalides, pour une durée de douze mois, à compter du 20 octobre 2018, proposition qui a été reprise par la commission dès lors que celle-ci a estimé que l'intéressé ne pouvait reprendre ses fonctions. 17. En sixième lieu, aux termes de l'article 81 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable : " Les fonctionnaires territoriaux reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions peuvent être reclassés dans les emplois d'un autre cadre d'emploi, emploi ou corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé ". 18. Il ressort des pièces du dossier que, par une note en date du 20 juin 2018, le médecin-chef du service de médecine statutaire et de contrôle de la préfecture de police a estimé qu'il y avait lieu " de proposer une réforme de l'intéressé à l'issue de ses droits statutaires ". En outre, par un rapport du 5 septembre 2018, qui a servi de base, ainsi qu'il a été dit au point 11, à l'avis de la commission de réforme du 23 avril 2019, le médecin-chef adjoint a estimé que M. B... étant dans l'incapacité définitive et absolue de reprendre ses fonctions, un aménagement de ses conditions de travail ou une autre affectation n'étaient pas envisageables. Par suite et en application des dispositions qui précèdent de l'article 81 de la loi du 26 janvier 1984, le requérant ne pouvait être reclassé et n'avait ainsi pas à être invité à présenter une demande de reclassement. 19. Enfin et en application des dispositions combinées des articles 57 et 72 de la loi du 26 janvier 1984, mentionnées au point 8, le préfet de police pouvait légalement placer M. B... en disponibilité d'office à compter du 20 octobre 2018, date de l'expiration de ses congés de maladie d'une durée de douze mois consécutifs, jusqu'à la date de l'avis rendu par la CNRACL relatif à son admission à la retraite pour invalidité. 20. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 6 juin 2019 le plaçant en disponibilité d'office pour raison de santé. Sur les conclusions à fin d'injonction : 21. L'exécution du présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais liés au litige : 22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, le versement de la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 1922521/5-1 du tribunal administratif de Paris du 29 juin 2022 est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée, ainsi que le surplus de ses conclusions présentées devant la Cour. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la Ville de Paris. Copie en sera adressée au préfet de police. Délibéré après l'audience du 7 juin 2024, à laquelle siégeaient : - Mme Bruston, présidente, - M. Mantz, premier conseiller, - Mme Saint-Macary, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2024. Le rapporteur, P. MANTZ La présidente, S. BRUSTON La greffière, A. GASPARYAN La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 2 N° 22PA04011
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de DOUAI, 2ème chambre, 03/07/2024, 22DA00507, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 29 janvier 2020 par laquelle la directrice du centre hospitalier d'Hazebrouck a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 1er septembre 2018, ainsi que les arrêts de travail qui s'en sont suivis. Par un jugement n° 2002544 du 9 février 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 1er mars 2022, M. A..., représenté par Me Stéphane Ducrocq, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement ; 2°) d'annuler la décision du 29 janvier 2020 par laquelle la directrice du centre hospitalier d'Hazebrouck a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 1er septembre 2018, ainsi que les arrêts de travail qui s'en sont suivis ; 3°) d'enjoindre au centre hospitalier d'Hazebrouck de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont il a été victime le 1er septembre 2018 ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Hazebrouck une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision attaquée est insuffisamment motivée ; il n'est pas en mesure de connaître les réelles motivations de l'administration pour refuser la reconnaissance de l'imputabilité au service ; le centre hospitalier devait expliquer les raisons pour lesquelles il ne suivait pas l'avis de la commission de réforme ; - son dossier ne lui a pas été communiqué, malgré ses demandes réitérées ; - la décision est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que l'accident dont il a été victime est imputable au service ; il a développé une dépression réactionnelle en raison de l'attitude de harcèlement de ses collègues et de sa hiérarchie. Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 6 octobre 2022 et 11 janvier 2023, le centre hospitalier d'Hazebrouck, représenté par Me Didier Cattoir, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête ; 2°) et de mettre à la charge de M. A... les entiers dépens ainsi qu'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 9 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 février 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur, - les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique, - et les observations de Me Cattoir, représentant le centre hospitalier d'Hazebrouck. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., qui exerçait ses fonctions en qualité d'infirmier de bloc opératoire au sein du centre hospitalier d'Hazebrouck depuis le mois de mai 2012, est placé en arrêt maladie depuis le 16 août 2018. Par un courrier du 3 septembre 2018, la directrice du centre hospitalier d'Hazebrouck l'a informé avoir reçu un certificat médical d'accident de travail le concernant mais que, n'ayant reçu aucune déclaration d'accident de travail, ni aucun écrit ni témoignage, la qualification d'accident du travail n'était pas retenue. Le 15 novembre 2018, M. A... a déposé une déclaration d'accident de service pour des faits de harcèlement à caractère homophobe dont il aurait été victime à compter du mois de mai 2016 de la part de certains de ses collègues et ce jusqu'au 1er mars 2017. Le 14 décembre 2018, le comité médical départemental a émis un avis favorable au placement de M. A... en congé de longue maladie du 1er septembre 2018 au 28 février 2019. Par une décision du 19 décembre 2018, la directrice du centre hospitalier d'Hazebrouck a placé l'intéressé en congé de longue maladie à plein traitement pour la période du 1er septembre 2018 au 28 février 2019. Par une décision du 15 avril 2019, la directrice de cet établissement a, à la suite de l'avis favorable émis le 29 mars 2019 par le comité médical départemental, placé M. A... en congé de longue maladie à plein traitement pour la période du 1er mars 2019 au 31 août 2019. Le 24 septembre 2019, le comité médical départemental a émis un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident dont M. A... aurait été victime le " 31 août 2018 ". Par une décision du 27 novembre 2019, la directrice du centre hospitalier d'Hazebrouck a, à la suite de l'avis émis le 15 novembre 2019 par le comité médical départemental, placé M. A... en congé de longue durée à plein traitement pour les périodes du 1er septembre 2018 au 31 août 2019 et du 1er septembre 2019 au 29 février 2020. Par une décision du 29 janvier 2020, la directrice du centre hospitalier d'Hazebrouck a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont l'intéressé aurait été victime le 1er septembre 2018 ainsi que les arrêts de travail qui s'en sont suivis. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 9 février 2022 du tribunal administratif de Lille. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne la légalité externe : 2. La décision contestée du 29 janvier 2020 vise les textes législatifs et réglementaires dont le centre hospitalier d'Hazebrouck fait application, la demande de l'intéressé et l'avis favorable de la commission de réforme, et mentionne que M. A... " n'a pas complété le formulaire de déclaration d'accident de travail ", que " les éléments de contexte professionnel rapportés par l'enquête diligentée (...) n'ont pas permis d'établir un lien de causalité " et qu'ainsi les conditions pour reconnaître l'imputabilité au service de l'accident ne sont pas réunies ". Si M. A... soutient que cette décision est insuffisamment motivée, il ressort des pièces du dossier qu'elle comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation de cet acte ne peut qu'être écarté. En ce qui concerne la légalité interne : 3. Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ne sont entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique hospitalière, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 16 mai 2020, du décret du 13 mai 2020 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique hospitalière, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Il en résulte que les dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 13 mai 2020. 4. Aux termes de l'article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales . ". 5. D'une part, constitue un accident de service, pour l'application des dispositions précitées, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d'évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent. 6. D'autre part, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". 7. Premièrement, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. 8. Deuxièmement, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé. 9. En l'espèce, M. A... soutient avoir été victime, le 31 août 2018, d'un accident de service. Toutefois, M. A... se prévaut, à l'appui de sa demande de reconnaissance d'accident de service, de faits relevant selon lui du harcèlement sexuel et moral, qui se seraient déroulés au fil de plusieurs années, notamment à compter de la réalisation d'un examen médical en 2016, qui aurait suscité des moqueries de ses collègues. S'il résulte de l'instruction que les relations de travail au sein du service, affectées par des tensions entre M. A... et ses collègues, étaient dégradées et ont donné lieu à plusieurs entretiens et signalements, y compris plusieurs signalements relatifs au comportement de M. A..., celui-ci ne se prévaut cependant, en tout état de cause, d'aucun événement soudain et violent, susceptible d'être qualifié d'accident de service le 31 août 2018 ou le 1er septembre 2018, dates auxquelles il était absent du service puisqu'il était alors en congé de maladie. Le moyen tiré de ce que le centre hospitalier d'Hazebrouck aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 doit donc être écarté. 10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de la décision litigieuse de refus de reconnaissance de l'imputabilité au service d'un accident, et des arrêts de travail qui ont suivi, et, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction. Sur les frais liés au litige : 11. La présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions présentées à ce titre par le centre hospitalier d'Hazebrouck doivent être rejetées. 12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, le centre hospitalier d'Hazebrouck n'étant pas la partie perdante à l'instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par le centre hospitalier d'Hazebrouck. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier d'Hazebrouck relatives aux frais liés au litige sont rejetées. Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. B... A... et au centre hospitalier d'Hazebrouck. Délibéré après l'audience publique du 11 juin 2024, à laquelle siégeaient : Mme Marie-Pierre Viard, présidente, M. Marc Baronnet, président-assesseur, M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2024. Le président-rapporteur, Signé : M. C...La présidente de chambre, Signé : M-P. Viard La greffière, Signé : A-S Villette La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, Pour la greffière en chef, par délégation, La greffière 2 N°22DA00507
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de VERSAILLES, 4ème chambre, 19/06/2024, 22VE01657, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 3 juillet 2019 par laquelle le directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) dénommé " La Résidence Saint Martin " a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 26 mars 2016 ainsi que les décisions des 11 mars 2020 et 26 avril 2021 par lesquelles ce même directeur l'a admise à la retraite pour invalidité avec effet au 1er juillet 2020, d'enjoindre à l'EHPAD " La Résidence Saint Martin " de rétablir son plein traitement avec effet au 26 mars 2016 jusqu'au versement de sa pension de retraite valorisée et subsidiairement, d'ordonner, avant dire droit, une expertise médicale à fin d'évaluer les préjudices résultant de l'accident dont elle a été victime le 26 mars 2016. Par un jugement n° 1903333 du 19 mai 2022, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du 3 juillet 2019, a enjoint à l'EHPAD " La Résidence Saint Martin " de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont Mme C... a été victime le 26 mars 2016 dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, a alloué des frais irrépétibles à cette dernière et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires enregistrés le 9 juillet 2022, le 16 décembre 2022 et le 13 janvier 2023, l'EHPAD " La Résidence Saint Martin ", représenté par Me Tissier, avocate, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement avec toutes conséquences de droit, notamment la condamnation de Mme C... à lui rembourser la somme versée en exécution dudit jugement, soit la somme de 50 834,40 euros ; 2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... C... devant le tribunal administratif d'Orléans ainsi que ses conclusions d'appel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 3°) de mettre à la charge de Mme A... C... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens de l'instance. Il soutient que : - il a exécuté le jugement attaqué ; - le jugement attaqué est insuffisamment motivé ; - la demande de Mme C..., introduite le 13 septembre 2019, était tardive, dès lors que la décision du 3 juillet 2019 lui avait été notifiée le 12 juillet et que les faits se sont déroulés le 26 mars 2016 ; - Mme C... n'était plus recevable non plus pour contester la décision de la mettre à la retraite d'office en date du 18 mars 2020 ; - Mme C... n'apporte aucun commencement de preuve des faits accidentels et du harcèlement dont elle se prétend la victime et n'établit pas un lien direct entre sa maladie et le service, alors que la charge de la preuve lui en revient ; l'imputabilité au service de l'accident du 26 mars 2016 n'est pas établie ; - la demande de Mme C... doit être rejetée. Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 novembre 2022 et le 9 janvier 2023, Mme A... C..., représentée par Me Bonvillain, avocate, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du l'EHPAD " La Résidence Saint Martin " la somme de 3 000 euros à verser à Me Bonvillain, en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi n° 91-647 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par l'EHPAD " La Résidence Saint Martin " ne sont pas fondés. Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 janvier 2023 du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal judiciaire de Versailles. Par ordonnance du président de la 4ème chambre du 7 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 23 mai 2024 à 12h00, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Pham, - et les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... C... est aide-soignante de classe normale titulaire et exerçait ses fonctions au sein de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées (EHPAD) " la Résidence Saint Martin ". Le 26 mars 2016, elle a été victime d'un malaise sur son lieu de travail aux environs de 19 heures 30 minutes et a été arrêtée. Le 27 avril 2016, le directeur de l'EPHAD l'a placée en congé de maladie ordinaire pour la période du 28 mars 2016 au 31 mai 2016. Mme C... a prolongé ses arrêts maladie. Le 17 novembre 2016, la commission de réforme a rendu un avis favorable à la reconnaissance d'un accident de service. Par décision du 22 novembre 2016, le directeur de l'EHPAD a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 26 mars 2016. Parallèlement, Mme C... a sollicité le 30 mai 2016 son placement en congé pour longue maladie. Après avis défavorable à cette dernière demande rendu le 16 février 2017 par le comité médical départemental, le directeur de l'EHPAD l'a rejetée par décision du 1er mars 2017. Mme C... a alors été mise en disponibilité d'office pour raison de santé le 28 mars 2017. Par jugement n° 1701040 du 22 janvier 2019, le tribunal administratif d'Orléans a annulé les décisions du 22 novembre 2016 et du 1er mars 2017 et a enjoint à l'EHPAD de réexaminer la demande de Mme C.... Le 13 juin 2019, la commission de réforme a rendu un nouvel avis favorable à la reconnaissance d'un accident de service. Le 3 juillet 2019, le directeur de l'EHPAD " La Résidence Saint-Martin " a de nouveau refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de l'accident survenu le 26 mars 2016. Par décision du 11 mars 2020, le directeur de l'EHPAD a placé la requérante à la retraite d'office pour invalidité à compter du 1er juillet 2020. Le comité de réforme a émis le 25 mars 2021 un avis favorable à la mise à la retraite de Mme C... pour invalidité imputable au service. Par une nouvelle décision du 26 avril 2021, le directeur de l'EHPAD a prononcé la mise à la retraite d'office de Mme C... pour invalidité avec effet au 1er juillet 2020. Mme C... a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 3 juillet 2019 refusant de reconnaitre l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 26 mars 2016 ainsi que l'annulation des décisions des 11 mars 2020 et 26 avril 2021 prononçant sa mise à la retraite d'office pour invalidité. Par un jugement n° 1903333 du 19 mai 2022, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du 3 juillet 2019, a enjoint à l'EHPAD " La Résidence Saint Martin " de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont Mme C... a été victime le 26 mars 2016 dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, lui a alloué des frais irrépétibles et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. L'EHPAD " La Résidence Saint Martin " relève appel de ce jugement. Sur la recevabilité de la demande de Mme C... : 2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ". En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la décision contestée du 3 juillet 2019 a été notifiée le 12 juillet 2019. Par suite, la demande de Mme C..., introduite le 13 septembre 2019 dans le délai de deux mois, qui est un délai franc, n'est pas tardive. Est par ailleurs sans incidence la circonstance que la décision attaquée se rapporte à un incident survenu en mars 2016. 3. En deuxième lieu, le moyen tiré de la tardiveté de la demande en ce qui concerne la décision de mise à la retraite pour invalidité du 18 mars 2020 est inopérant, dès lors que le jugement attaqué a rejeté les conclusions de Mme C... tendant à l'annulation de cette décision et que celle-ci n'a pas formé d'appel incident. Sur la régularité du jugement attaqué : 4. Si l'EHPAD " La Résidence Saint Martin " soutient que le jugement est insuffisamment motivé en relevant que les premiers juges n'ont pas tenu compte des pièces produites par lui, un tel moyen relève du bien-fondé du jugement, et ne concerne pas sa régularité. Il en est de même des moyens tirés de l'erreur d'appréciation et l'erreur de droit dont serait entaché le jugement attaqué. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 5. Aux termes de l'article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa version applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...). ". Il résulte de ces dispositions qu'un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. 6. Mme C... soutient que, le 26 mars 2016, elle a été victime d'un malaise après avoir découvert dans la porte de son vestiaire un message insultant indiquant " dégage connasse ". Ces faits sont établis par la production, par Mme C..., d'une copie de ce message, par le dépôt par elle d'une fiche d'événement indésirable le même jour et par le courrier du 19 mars 2019 du directeur de l'EHPAD, dans lequel il reconnaît lui-même que, suite à une enquête administrative menée par l'établissement, il a été établi que Mme C... était bien présente dans les vestiaires durant ses heures de travail et qu'un collègue a témoigné de la présence d'un papier tombé à terre. Par ailleurs, le syndrome anxio-dépressif de Mme C... est attesté par les arrêts de travail la concernant qui ont été prolongés continûment à partir du 26 mars 2017 et par les différents certificats médicaux établis après examen de l'intéressée, qui ont tous reconnu la réalité de ses troubles. Par suite, l'accident du 26 mars 2016, survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par Mme C... de ses fonctions, doit être présumé comme revêtant le caractère d'un accident de service. 7. L'EHPAD " La Résidence Saint Martin " cite le rapport du 17 avril 2019 du docteur D..., médecin de l'assureur de l'EHPAD, qui a conclu sans motivation à la non imputabilité des symptômes de Mme C... à son activité professionnelle, et celui du docteur B... du 26 janvier 2017, indiquant que le mot injurieux retrouvé dans le vestiaire de Mme C... ne peut être qualifié " d'évènement particulièrement stressant " permettant de classer les troubles dont a souffert la requérante comme maladie professionnelle et justifiant un congé pour maladie imputable au service. Toutefois, ces certificats ne sont pas susceptibles de constituer une circonstance particulière détachant du service l'accident survenu le 26 mars 2016, dès lors qu'ils ne remettent en cause ni les circonstances de l'accident, ni la réalité du syndrome anxio-dépressif dont souffre Mme C.... Par ailleurs, il n'est pas démontré que les symptômes que présente Mme C... constitueraient l'évolution d'un état antérieur. 8. Il résulte de tout ce qui précède que l'EHPAD " La Résidence Saint Martin " n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du 3 juillet 2019. Sur les frais liés au litige : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demande l'EHPAD " La Résidence Saint Martin " au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. 10. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Bonvillain, avocate de Mme C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'EHPAD " La Résidence Saint Martin " le versement à Me Bonvillain de la somme de 1 500 euros. Sur les dépens : 11. L'EHPAD " La Résidence Saint Martin " ne justifiant pas avoir, au cours de l'instance, exposé de dépens, au sens et pour l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, ses conclusions présentées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de l'EHPAD " La Résidence Saint Martin " est rejetée. Article 2 : L'EHPAD " La Résidence Saint Martin " versera à Me Bonvillain, avocate de Mme A... C..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Bonvillain renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'EHPAD " La Résidence Saint Martin ", à Mme A... C... et à Me Bonvillain. Délibéré après l'audience du 18 juin 2024, à laquelle siégeaient : M. Brotons, président, M. Ablard, premier conseiller, Mme Pham, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2024. La rapporteure, C. PHAM Le président, S. BROTONS La greffière, V. MALAGOLI La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, N° 22VE01657 2
Cours administrative d'appel
Versailles
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 13/06/2024, 22BX01575, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Pau de lui accorder une pension militaire d'invalidité pour trois infirmités, " lombosciatalgies droites ", " talonnades droite et gauche " et " gonalgies droites " ou, à défaut, d'ordonner une expertise afin de déterminer si ces infirmités sont dues à un accident ou à une maladie, ainsi que le taux global d'infirmité imputable au service. Par un jugement n° 1902522 du 30 mars 2022, le tribunal administratif de Pau a, d'une part, annulé la décision ministérielle du 22 octobre 2018 en tant qu'elle a considéré que les infirmités " lombosciatalgies droites " et " gonalgies droites " n'atteignaient pas le taux d'invalidité minimal indemnisable, d'autre part, reconnu à l'intéressé un droit à pension au titre des deux infirmités aux taux, respectivement, de 20 % et de 10 % à compter du 3 août 2015 et, enfin, fixé le taux d'invalidité global à 35 %. Il a rejeté le surplus de la demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 juin et 6 septembre 2022, le ministre des armées demande à la cour : 1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Pau du 30 mars 2022 en tant qu'il a accordé à M. B... un droit à pension au titre de l'infirmité " lombosciatalgies droites " au taux d'invalidité de 20 % à compter du 3 août 2015 ; 2°) de rejeter la demande de M. B... pour cette infirmité. Il soutient que : - le tribunal n'a pas motivé l'évaluation de l'invalidité par des raisons médicales en décrivant de façon complète la gêne fonctionnelle justifiant le pourcentage attribué, comme l'exige l'article L. 26 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - l'infirmité " lombosciatalgies droites " ne peut être regardée comme une lésion soudaine, consécutive au fait de service du 27 juin 2012, et être qualifiée de blessure ; il s'agit d'une maladie décelée le 25 septembre 2003 ; les pièces du dossier ne permettent pas d'établir un lien entre cette infirmité et l'évènement invoqué ; le compte-rendu opératoire du 23 octobre 2015 ne mentionne pas cet élément, les attestations émanant de collègues ne sont corroborées par aucune pièce médicale et le rapport d'expertise ne fait que reprendre les déclarations de l'intéressé ; ni le registre de constatation des accidents, ni le rapport circonstancié établi un mois après, ni le certificat médical de consolidation ne mentionnent de traumatisme au niveau du rachis ; l'imputabilité ne saurait être admise au bénéfice du doute, ni résulter d'une probabilité, même forte, ou d'une vraisemblance ; - c'est à tort que le tribunal a estimé que les parties étaient d'accord sur un taux d'invalidité de 20 % alors que l'administration a constamment soutenu que ce taux devait être fixé à 10 %, compte tenu d'un indice de Schöber de 10 + 4 et de réflexes présents et symétriques ; ce taux est inférieur au minimum indemnisable de 30 % s'agissant d'une maladie contractée en temps de paix. Par un mémoire en défense enregistré le 9 août 2022, M. B..., représenté par la SELARL MDMH, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au ministre des armées de verser une pension militaire d'invalidité au taux de 20 % avec effet rétroactif au 3 août 2015 et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - la lésion du rachis lombaire s'est faite dans le cadre du service, à la suite de l'accident du 27 juin 2022 ; l'importance des douleurs aux membres inférieurs l'a conduit à négliger les douleurs du dos ; le fait qu'il a eu des douleurs au dos en 2003 ne fait pas obstacle à l'existence d'une nouvelle lombalgie dix ans plus tard, et un certificat médical du service de santé des armées du 23 mai 2018 reconnaît que les lombalgies peuvent être liées à l'accident ; la blessure au dos est attestée par ses collègues et par l'ostéosynthèse qu'il a subie le 23 octobre 2015, et le lien avec l'accident est reconnu par le certificat médical du 30 juin 2017 ; - l'infirmité ne peut être qualifiée de maladie puisqu'elle résulte d'une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service, à savoir l'exercice de saut en parachute et la rafale de vent qui l'a déséquilibré ; l'imputabilité au service est présumée dès lors que la blessure a eu lieu dans le temps et le lieu de service ; - le taux de 20 % retenu par l'expert est plus étayé que celui de 10 % avancé dans l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Olivier Cotte, - les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique, - et les observations de M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. B..., caporal-chef de 1e classe au sein de l'infanterie de marine, alors âgé de 33 ans, a sollicité, le 3 août 2015, l'attribution d'une pension militaire d'invalidité pour plusieurs infirmités, dont des " lombosciatalgies droites ", " talonnades droite et gauche " et des " gonalgies droites " qu'il estime consécutives à un accident de parachute dont il a été victime le 27 juin 2012. Par une décision du 22 octobre 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande. Saisi d'une contestation de cette décision, le tribunal des pensions de Pau a transmis la demande, en application du décret du 28 décembre 2018, au tribunal administratif de cette même ville. Par un jugement du 30 mars 2022, le tribunal a, d'une part, annulé la décision ministérielle du 22 octobre 2018 en tant qu'elle a considéré que les infirmités " lombosciatalgies droites " et " gonalgies droites " n'atteignaient pas le taux d'invalidité minimal indemnisable, d'autre part, reconnu à l'intéressé un droit à pension au titre des deux infirmités aux taux, respectivement, de 20 % et de 10 % et, enfin, fixé le taux d'invalidité global à 35 %. Par la présente requête, le ministre des armées demande la réformation de ce jugement en tant qu'il a accordé à M. B... un droit à pension au titre de l'infirmité " lombosciatalgies droites " au taux d'invalidité de 20 %. 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors en vigueur : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) / La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. (...) ". Aux termes de l'article L. 4 de ce code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / 30 % en cas d'infirmité unique ; / 40 % en cas d'infirmités multiples. / En cas d'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'une infirmité étrangère à celui-ci, cette aggravation seule est prise en considération, dans les conditions définies aux alinéas précédents. (...) ". 3. D'une part, il résulte de l'instruction que lors d'un exercice de saut en parachute à La Réunion le 27 juin 2012, M. B... s'est blessé au moment de l'atterrissage, ce qui lui a occasionné des talonnades des deux côtés et une gonalgie du côté droit. Pour soutenir que cet accident lui a également occasionné une blessure au dos, se traduisant par une lombosciatalgie droite, M. B... produit trois attestations de collègues datées de mars 2017, un rapport d'expertise médicale privée du 8 décembre 2017 et un certificat d'un médecin du service de médecine physique et de réadaptation de l'hôpital d'instruction des armées " Robert Picqué " du 23 mars 2018, et indique avoir été opéré d'une hernie discale en octobre 2015. Toutefois, ni le certificat médical de constatation de l'accident, ni le rapport circonstancié établi un mois plus tard, ni le certificat de consolidation de l'état de santé ne font état de problèmes lombaires, et il n'est pas établi que l'intéressé ait consulté un médecin, postérieurement à l'accident, pour des problèmes de dos autres que sa hernie discale qui s'est révélée, trois ans plus tard, après un port de charges en novembre 2014. Le livret médical de l'intéressé mentionne à plusieurs reprises des problèmes de lombosciatalgies avant l'accident, en septembre et octobre 2003, novembre 2006 et juillet et octobre 2007. Dans ces conditions, alors que M. B... ne peut bénéficier de la présomption d'imputabilité prévue à l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dès lors que la constatation de l'infirmité n'est pas survenue lors d'une campagne de guerre ou durant la période de service national, le rapport d'expertise privé qui se borne à rapporter les dires de l'intéressé, le certificat médical du 23 mars 2018 qui, s'il n'exclut pas la possibilité d'un lien de causalité entre l'infirmité et l'accident, rappelle que cette infirmité n'a pas été mentionnée dans le rapport d'accident, et les attestations de collègues qui ne sont corroborées par aucune autre pièce ne suffisent pas à établir que la lombosciatalgie serait une blessure consécutive à l'accident du 27 juin 2012. 4. D'autre part, le ministre des armées ne conteste pas le jugement en tant qu'il a reconnu que les gonalgies droites résultant d'une fissure méniscale à la suite de l'accident ouvraient droit à une pension au taux de 10 %, ce qui correspond à la qualification de blessure. Dès lors que les constats médicaux ne permettent pas de fixer l'invalidité de lombalgies avec radiculalgies à un taux supérieur à 10 %, alors que l'indice de Schöber est de 10+4 et que les réflexes sont présents et symétriques, les conditions prévues au 2° de l'article L.4 précité ne sont pas réunies, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise. 5. Il résulte de ce qui précède que le ministre des armées est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a, d'une part, annulé la décision ministérielle du 22 octobre 2018 en tant qu'elle a considéré que l'infirmité " lombosciatalgies droites " n'atteignait pas le taux d'invalidité minimal indemnisable, d'autre part, reconnu à l'intéressé un droit à pension au titre de cette infirmité au taux de 20 % à compter du 3 août 2015 et, enfin, fixé le taux d'invalidité global à 35 %. Les conclusions à fin d'injonction présentées en appel par M. B... ne peuvent, par conséquent, qu'être rejetées. Sur les frais liés au litige : 6. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 30 mars 2022 est annulé en tant qu'il a, d'une part, annulé la décision ministérielle du 22 octobre 2018 en tant qu'elle a considéré que l'infirmité " lombosciatalgies droites " n'atteignait pas le taux d'invalidité minimal indemnisable, d'autre part, reconnu à l'intéressé un droit à pension au titre de cette infirmité au taux de 20 % à compter du 3 août 2015 et, enfin, fixé le taux d'invalidité global à 35 %. Article 2 : La demande de M. B... tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité en raison d'une lombosciatalgie droite est rejetée. Article 3 : Les conclusions d'appel de M. B... sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à M. A... B.... Délibéré après l'audience du 21 mai 2024 à laquelle siégeaient : M. Luc Derepas, président, Mme Catherine Girault, présidente, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juin 2024. Le rapporteur, Olivier Cotte Le président, Luc Derepas La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22BX01575
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de PARIS, 3ème chambre, 25/06/2024, 23PA02548, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... D... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Melun, d'une part, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser une indemnité en réparation des conséquences dommageables de la vaccination le 7 janvier 2009 de M. D... contre la grippe par Vaxigrip, d'autre part, d'ordonner avant dire droit une expertise médicale en vue de confirmer le lien entre la vaccination et la narcolepsie avec cataplexie que M. D... a développée et d'évaluer l'entier préjudice qu'il a subi depuis l'apparition des symptômes de la maladie dont il est atteint. Par un jugement n° 2104642 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur requête. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 9 juin 2023 et un mémoire en réplique enregistré le 25 octobre 2023, M. A... D... et Mme B... C..., représentés par Me Joseph-Oudin et Me Jouslin, demandent à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 11 avril 2023 du tribunal administratif de Melun ; 2°) de condamner l'office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) à leur verser une indemnité en réparation de leurs préjudices ; 3°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens. Ils soutiennent que : - M. D... appartient, en tant que militaire, aux personnels relevant d'une vaccination obligatoire en application notamment de l'article L. 3111-4 du code de la santé publique et c'est à tort que le tribunal a retenu que cette obligation avait été suspendue par le décret n° 2006-1260 du 14 octobre 2006 pris en application de l'article L. 3111-1 du code de la santé publique qui ne vise pas les militaires, dont les obligations sont définies par envoi au code de la défense, en particulier son article D. 4122-13, qui a valeur supérieur au décret ; il est, par suite, fondé à se prévaloir des dispositions de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique qui prévoient une indemnisation au titre de la solidarité nationale du préjudice directement imputable à une vaccination obligatoire ; - le vaccin Vaxigrip contenait la souche du virus H1N1, H1N1 dont la communauté scientifique s'accorde à reconnaître qu'elle est responsable de cas de narcolepsie ; compte tenu de la date d'apparition des premiers symptômes de la narcolepsie avec cataplexie, soit quatre mois après sa vaccination, et les spécificités de cette pathologie, sa maladie doit être regardée comme imputable à cette vaccination ; selon la jurisprudence du Conseil d'Etat du 29 septembre 2021, Douchet, le juge doit n'écarter l'imputation que s'il n'existe aucune probabilité qu'un lien de causalité existe entre la vaccination et la maladie ; - une expertise doit être ordonnée afin de constater et d'évaluer l'intégralité du préjudice subi en lien avec la vaccination. Par des mémoires en défense enregistrés le 24 août 2023 et le 10 novembre 2023, l'ONIAM représenté par Me Saumon, conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - les moyens de la requête ne sont pas fondés ; - la demande d'expertise sera rejetée comme dépourvue de caractère utile. La requête a été communiquée à la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne qui n'a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique ; - le code de la sécurité sociale ; - le code de la défense nationale ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - l'instruction n° 3200/DEF/DCSSA/AST/TEC/EPID du 18 février 2005 relative à la pratique de la vaccination dans les armées ; - la circulaire ministérielle n° 3068/DE/DCSSA/AST/TEC/EPID du 14 décembre 2007 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Julliard, - les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique, - et les observations de Me Jouslin de Noray, représentant M. D... et Mme C.... Considérant ce qui suit : 1. M. D..., soldat de première classe dans l'armée de terre, s'est soumis le 7 janvier 2009, à l'occasion de son incorporation, à une vaccination contre la grippe saisonnière par Vaxigrip, réalisée par le service de santé des armées. M. D... et Mme C..., sa conjointe, ont demandé à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) de leur verser, au titre de la solidarité nationale, une indemnité en réparation des préjudices résultant de la narcolepsie avec cataplexie dont M. D... est atteint et qu'il impute à la vaccination qu'il a subie. Par une décision du 16 mars 2021, l'ONIAM a rejeté leur demande. M. D... et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Melun de condamner l'ONIAM à réparer les préjudices résultant de la vaccination après qu'une expertise médicale soit ordonnée. Ils relèvent appel du jugement du 11 avril 2023 par lequel le tribunal a rejeté leur demande. Sur les conclusions à fin d'indemnisation : En ce qui concerne le caractère obligatoire de la vaccination contre la grippe saisonnière : 2. D'une part, aux termes de l'article L. 3111-1 du code de la santé publique : " La politique de vaccination est élaborée par le ministre chargé de la santé qui fixe les conditions d'immunisation, énonce les recommandations nécessaires et rend public le calendrier des vaccinations après avis de la Haute Autorité de santé. / Un décret peut, compte tenu de l'évolution de la situation épidémiologique et des connaissances médicales et scientifiques, suspendre, pour tout ou partie de la population, les obligations prévues aux articles L. 3111-2 à L. 3111-4, L. 3111-6 et L. 3112-1. / (...). ". L'article L. 3111-4 du même code dispose que : " Une personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention de soins ou hébergeant des personnes âgées, exerce une activité professionnelle l'exposant à des risques de contamination doit être immunisée contre (...) la grippe ". Aux termes de l'article 1er du décret du 14 octobre 2006 : " L'obligation vaccinale contre la grippe prévue à l'article L. 3111-4 du code de la santé publique est suspendue ". 3. D'autre part, aux termes de l'article D. 4122-13 du code de la défense : " Les obligations en matière de vaccinations applicables aux militaires sont fixées par instruction du ministre de la défense. ". Aux termes du point 1 de l'instruction n° 3200/DEF/DCSSA/AST/TEC/EPID du 18 février 2005 relative à la pratique de la vaccination dans les armées : " L'objectif général de la vaccination est de permettre aux individus de développer une protection active spécifique vis-à-vis d'un agent infectieux dans le respect des bonnes pratiques vaccinales. La protection vaccinale participe au maintien de la disponibilité opérationnelle du personnel militaire en tout temps et en tout lieu. Cette protection vaccinale s'appuie sur un calendrier spécifique aux armées. " Aux termes du point 2 : " (...) Le conseil d'État (assemblée, association " liberté, information, santé ", 3 mars 2004), a rappelé que le ministre de la défense est responsable de l'emploi des militaires placés sous son autorité et du maintien de l'aptitude de ces derniers aux missions qui peuvent à tout moment leur être confiées. Il est compétent pour prendre les dispositions directement liées aux risques et exigences spécifiques à l'exercice de la fonction militaire. En conséquence, sont soumis aux vaccinations prévues par le calendrier vaccinal dans les armées les militaires de tous grades et de tous statuts. (...) Le refus de se soumettre aux immunisations prévues dans le calendrier vaccinal des armées, qui conditionnent l'aptitude à servir, est incompatible avec l'engagement ou le rengagement, conformément aux textes officiels qui régissent l'aptitude, édictés par les différentes armées, directions et services. (...) ". 4. Il est constant que M. D... était un militaire soumis aux vaccinations prévues par le calendrier vaccinal des armées en vigueur à la date de son incorporation et comprenant, aux termes de la circulaire susvisée du 14 décembre 2007, une vaccination contre la grippe saisonnière. De plus, il résulte des dispositions précitées que le respect de ce calendrier conditionnait son aptitude à servir. Par suite, c'est à tort que le tribunal a considéré que cette vaccination n'était pour lui pas obligatoire du fait de la suspension de l'obligation vaccinale instaurée par le décret du 14 octobre 2006 alors que les dispositions de ce décret n'ont eu pour effet de priver le ministre des armées, responsable de l'emploi des militaires placés sous son autorité et du maintien de l'aptitude de ces derniers aux missions qui peuvent à tout moment leur être confiées, de sa compétence pour rendre obligatoire, par voie d'instruction, la vaccination contre la grippe, cette obligation vaccinale étant directement liée aux risques et exigences spécifiques à l'exercice de la fonction militaire. En ce qui concerne la réparation du préjudice par l'ONIAM : 5. Aux termes de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent titre, est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales institué à l'article L. 1142-22, au titre de la solidarité nationale (...) ". 6. Il résulte des dispositions du titre auquel renvoient les termes précités de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique, et en particulier des dispositions des articles L. 3111-1 à L. 3111-11, que l'ONIAM ne saurait être regardé comme responsable de la réparation des préjudices imputables à une vaccination obligatoire pratiquée sur des militaires et que les appelants n'ont d'autres droits que ceux qui découlent de la législation sur les pensions militaires à l'exclusion de toute indemnité allouée sur le fondement d'une autre législation. Par suite, il incombe à M. D..., s'il s'y croit fondé, d'adresser sa demande d'indemnisation au ministre des armées. 7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... D... et Mme B... C... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur requête. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... D... et de Mme B... C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme B... C..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne. Délibéré après l'audience publique du 6 juin 2024, à laquelle siégeaient : - Mme Marianne Julliard, présidente de la formation de jugement, - Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère, - Mme Gaëlle Mornet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2024. La présidente-rapporteure, M. JULLIARD, L'assesseure la plus ancienne, M-I LABETOULLELe greffier, E. MOULIN La République mande et ordonne au ministre des armées, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 23PA02548 2
Cours administrative d'appel
Paris
CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 01/07/2024, 24MA00459, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... D... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Marseille, en premier lieu, d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, en deuxième lieu, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de réexaminer sa demande d'admission au séjour, et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification du jugement à intervenir, dans l'attente que la préfecture ait statué sur la demande d'admission de son fils au titre de sa pathologie ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation eu égard aux circonstances exceptionnelles dont elle se prévaut dans un délai de deux mois et dans l'attente lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification du jugement à intervenir, et, en troisième lieu, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois et dans l'attente lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification du jugement à intervenir. Par un jugement n° 2307956 du 27 novembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette requête. Procédure devant la Cour : I. Par une requête, enregistrée le 23 février 2024 sous le n° 24MA00459, et un mémoire enregistré le 12 juin 2024, Mme D..., représentée par Me Bakayoko, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de faire droit à ses demandes de première instance ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - la décision portant refus de séjour a été prise sans examen de sa situation particulière ; - cette décision est entachée d'une erreur de fait ; - elle fait une inexacte application du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; - elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle méconnaît l'intérêt supérieur de l'enfant ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise sans examen de sa situation particulière ; - son exécution l'expose à une séparation avec son fils ; - un retour en Algérie l'expose à des traitements inhumains ou dégradants. Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens présentés par Mme D... sont infondés. II. Par une requête, enregistrée le 23 février 2024 sous le n° 24MA00460, et un mémoire enregistré le 12 juin 2024, Mme D..., représentée par Me Bakayoko, demande à la Cour : 1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; 2°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du 27 novembre 2023 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 25 juillet 2023 et la décision du même jour fixant le pays de destination, jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa requête d'appel au fond ; 3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour renouvelable jusqu'à ce qu'il ait été statué au fond sur sa requête d'appel, et ce dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - l'exécution du jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ; - les moyens qu'elle présente à l'appui de son appel sont sérieux en l'état de l'instruction. Par deux décisions en date du 23 février 2024, Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans les deux affaires. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 61-1196 du 31 octobre 1961 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur. Considérant ce qui suit : 1. Mme D..., ressortissante algérienne née le 3 décembre 1961, a demandé à être admise au séjour au titre de la vie privée et familiale. Par un arrêté du 25 juillet 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par le jugement attaqué, dont Mme D... relève appel par une première requête, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Elle en demande également, par une deuxième requête le sursis à exécution. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes qui concernent la même personne et le même jugement. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 461 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en vigueur à la date du décès du père de Mme D... : " La France adopte les orphelins : / (...) 2° Dont le père, la mère ou le soutien de famille est mort de blessures ou de maladies contractées ou aggravées du fait de la guerre ". Aux termes de l'article 2 du décret du 31 octobre 1961 édictant des dispositions en faveur des personnels servant dans les harkas en Algérie : " Le droit à la mention 'Mort pour la France' prévu par l'article L. 488 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre est ouvert (...) lorsque ce décès résulte d'attentat ou de tout autre acte de violence en relation directe et dûment établie avec les événements qui se déroulent en Algérie depuis le 31 octobre 1954 ". Et aux termes de l'article 3 de ce même décret : " Les enfants dont le père (...) est décédé dans les conditions prévues à l'article 2 ci-dessus peuvent prétendre à la protection et à l'aide de l'Etat prévues en faveur des pupilles de la nation par les articles L. 470 et suivants du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (...) ". 3. Il résulte de ces dispositions que Mme D..., dont le père est décédé le 14 juillet 1961, peu avant sa naissance, des suites d'une blessure par balle infligée le 20 mai 1961, et a été déclaré mort pour la France, bénéficie de ce fait du droit d'adoption à titre moral prévu par l'article L. 461 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. 4. Si une telle qualité n'emporte par elle-même aucun droit au séjour, il y a lieu pour l'autorité administrative d'en tenir compte dans l'exercice de son pouvoir de régularisation. 5. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est arrivée en France le 18 mars 2019, après que son époux a abandonné sa famille en 2015, pour faire bénéficier son fils, M. A... C..., né le 27 janvier 2000, d'un suivi médical. Il en ressort également que ce dernier souffre de multiples pathologies, associant une épilepsie réfractaire aux traitements à un retard cognitif, à une hémiparésie droite et à une malformation du bras droit avec atrophie. Il ressort, enfin, de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en date du 28 mai 2021, confirmé depuis par l'avis du 9 janvier 2024, que le défaut de prise en charge médicale A... peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Ainsi que le préfet ne le conteste pas, cet état de santé nécessite l'assistance de sa mère. 6. M. C... bénéficie en France d'un traitement complexe, associant chirurgie de la main, traitement médicamenteux, et rééducation de l'hémicorps droit, dont l'arrêt serait nécessairement source d'importantes incommodités pour l'intéressée et pour son fils. 7. Dès lors, compte tenu de l'obligation morale dont la nation française s'est rendue débitrice à l'égard de Mme D..., le préfet des Bouches-du-Rhône a, en s'abstenant de faire usage du pouvoir de régularisation qu'il détient en l'absence même de tout texte, commis une erreur manifeste d'appréciation. 8. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 juillet 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Sur l'injonction : 9. En l'absence de tout changement allégué dans les circonstances de fait ou de droit, l'annulation de l'arrêté du 25 juillet 2023 implique nécessairement, compte tenu des motifs énoncés ci-dessus, que le préfet des Bouches-du-Rhône délivre à Mme D... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a donc lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois. Sur la requête à fin de sursis à exécution : 10. Le présent arrêt statuant au fond sur l'appel de Mme D..., ses conclusions tendant à ce qu'il soit décidé le sursis à exécution du jugement dans l'attente de la décision au fond sont devenues sans objet, de même que ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'à cette décision au fond. 11. L'aide juridictionnelle ayant été accordée à Mme D..., sa demande tendant à ce que la Cour lui accorde le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire est également devenue sans objet. Sur les frais liés au litige : 12. En application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros que Me Bakayoko sollicite. D É C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2307956 du 27 novembre 2023 du tribunal administratif de Marseille est annulé. Article 2 : L'arrêté du 25 juillet 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé d'admettre Mme D... au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français est annulé. Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à Mme D... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : L'Etat (préfecture des Bouches-du-Rhône) versera à Me Bakayoko la somme de 2 000 euros, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat dans l'aide juridictionnelle. Article 5 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'octroi de l'aide juridictionnelle provisoire, de sursis à exécution et d'injonction présentées dans l'affaire n° 24MA00460. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... épouse C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Bakayoko. Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône. Délibéré après l'audience du 17 juin 2024, où siégeaient : - M. Alexandre Badie, président, - M. Renaud Thielé, président assesseur, - Mme Isabelle Gougot, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er juillet 2024. N°s 24MA00459 - 24MA00460 2
Cours administrative d'appel
Marseille
Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 12/06/2024, 475044
Vu la procédure suivante : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 10 mars 2020 par laquelle le directeur des retraites et de la solidarité de la Caisse des dépôts et consignations a rejeté son recours gracieux contre la décision du 17 février 2020 lui refusant le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales et d'enjoindre à la Caisse des dépôts et consignations de lui octroyer le bénéfice de cette allocation. Par un jugement n° 2001257 du 14 avril 2023, le tribunal administratif a annulé cette décision ainsi que celle du 17 février 2020 et enjoint à la Caisse des dépôts et consignations d'octroyer à M. A... le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 juin et 12 septembre 2023 et le 30 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Caisse des dépôts et consignations demande au conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. A.... Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 ; - le décret n° 68-756 du 13 août 1968 ; - le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Elise Adevah-Poeuf, maîtresse des requêtes, - les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la Caisse des dépôts et consignations et à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de M. A... ; Vu la note en délibéré, enregistrée le 23 mai 2024, présentée par M. A... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., agent de maîtrise au sein du département du Var, a présenté le 26 novembre 2019 une demande tendant à l'octroi d'une allocation temporaire d'invalidité. Par une décision du 17 février 2020, le directeur des retraites et de la solidarité de la Caisse des dépôts et consignation (CDC) a rejeté cette demande. M. A... a présenté un recours gracieux contre cette décision, rejeté par une décision du 10 mars 2020. Il a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision de rejet de son recours gracieux. Après avoir estimé que les conclusions de sa demande devaient être interprétées comme étant également dirigées contre la décision du 17 février 2020, le tribunal administratif, par un jugement du 14 avril 2023 contre lequel la Caisse des dépôts et consignations se pourvoit en cassation, les a annulées et a enjoint à cette dernière d'accorder à M. A... le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. 2. Aux termes de l'article L. 417-8 du code des communes, maintenu en vigueur et étendu à l'ensemble des agents concernés par la loi du 26 janvier 1984 relative à la fonction publique territoriale par le III de son article 119 : " Les communes et les établissements publics communaux et intercommunaux sont tenus d'allouer aux agents qui ont été atteints d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente au moins égale à un taux minimum déterminé par l'autorité supérieure ou d'une maladie professionnelle une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec le traitement, dans les mêmes conditions que pour les fonctionnaires de l'Etat ". 3. Aux termes de l'article 1er du décret du 2 mai 2005 relatif à l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " L'allocation temporaire d'invalidité est accordée, dans les conditions fixées par le présent décret, aux fonctionnaires mentionnés à l'article 2 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée (...) et qui sont affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ". Selon l'article 2 du même décret : " L'allocation est attribuée aux fonctionnaires maintenus en activité qui justifient d'une invalidité permanente résultant : / a) Soit d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'un taux au moins égal à 10 % ; / b) Soit de l'une des maladies d'origine professionnelle énumérées par les tableaux mentionnés à l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale ; / c) Soit d'une maladie reconnue d'origine professionnelle dans les conditions mentionnées aux alinéas 3 et 4 de l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale (...) ". 4. Aux termes des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, devenus les sixième et septième alinéas de cet article dans sa rédaction résultant de l'article 44 de la loi du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018 : " Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime. / Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé ". Aux termes de l'article R. 461-8 du même code : " Le taux d'incapacité mentionné au septième alinéa de l'article L. 461-1 est fixé à 25 % ". 5. Aux termes du premier alinéa de l'article 5 du décret du 2 mai 2005: " Le taux d'invalidité est déterminé compte tenu du barème indicatif prévu à l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite ". Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le taux d'invalidité est déterminé compte tenu d'un barème indicatif fixé par décret ". 6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le bénéfice d'une allocation temporaire d'invalidité, au titre d'une invalidité résultant de maladies ne figurant pas sur les tableaux de maladies professionnelles annexés au code de la sécurité sociale, n'est pas subordonné à un taux minimum d'incapacité global dont serait affecté le demandeur, mais à la reconnaissance de l'origine professionnelle de l'une au moins de ces maladies, laquelle doit, en application de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, avoir provoqué un taux d'incapacité permanente d'au moins 25 %, ce taux étant déterminé par application du barème indicatif mentionné à l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite. 7. Pour reconnaître à M. A... le droit au bénéfice d'une allocation temporaire d'invalidité à raison d'une invalidité résultant de deux maladies qui ne figuraient pas sur les tableaux des maladies professionnelles annexés au code de la sécurité sociale, le tribunal administratif s'est fondé sur ce que la somme des taux d'incapacité permanente résultant de l'une et de l'autre excédait 25 %. En statuant ainsi, alors qu'il était constant devant lui qu'aucune de ces deux maladies n'avait provoqué, à elle seule, un taux d'incapacité permanente d'au moins 25 %, de sorte qu'elle ne pouvait être regardée comme étant d'origine professionnelle, le tribunal administratif a commis une erreur de droit. 8. Il résulte de ce qui précède que la Caisse des dépôts et consignations est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque. 9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. 10. En premier lieu, il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l'encontre d'une décision administrative un recours gracieux devant l'auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L'exercice du recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s'il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d'interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale. 11. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que les conclusions du recours de M. A... dirigées contre la décision du 10 mars 2020 du directeur des retraites et de la solidarité de la Caisse des dépôts et consignations rejetant son recours gracieux doivent être regardées comme dirigées contre la décision du 17 février 2020 de la même autorité lui refusant le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité et, d'autre part, que M. A... ne peut utilement se prévaloir de l'incompétence de l'auteur de la décision du 10 mars 2020. 12. En second lieu, il résulte de l'instruction qu'ainsi qu'il a été dit, ni la première ni la seconde des maladies contractées en service par M. A..., au titre desquelles il a demandé à bénéficier de l'allocation temporaire d'invalidité, n'a entraîné à elle seule une incapacité d'un taux au moins égal à 25%. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 qu'aucune de ces deux maladies ne peut, par suite, être reconnue comme d'origine professionnelle au sens des dispositions citées aux points 3 à 5. L'allocation temporaire d'invalidité n'étant attribuée au fonctionnaire justifiant d'une invalidité permanente résultant d'une maladie que si celle-ci est d'origine professionnelle ou reconnue d'origine professionnelle, M. A... n'est, dès lors, pas fondé à demander l'annulation des décisions qu'il attaque. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent par suite qu'être rejetées. 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la Caisse des dépôts et consignations qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 14 avril 2023 du tribunal administratif de Toulon est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. A... est rejetée. Article 3 : Les conclusions présentées par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Caisse des dépôts et consignations et à M. B... A.... ECLI:FR:CECHR:2024:475044.20240612
Conseil d'Etat
CAA de LYON, 3ème chambre, 12/06/2024, 23LY03203, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 27 juillet 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1908935 du 9 décembre 2020, ce tribunal a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 21LY00382 du 13 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a, d'une part, annulé ce jugement en tant qu'il statue sur la demande de pension militaire d'invalidité au taux de 10 % pour son infirmité à la cheville droite et annulé la décision de refus dans cette mesure, et, d'autre part, rejeté le surplus de l'appel de Mme B.... Par une décision n° 467579 du 13 octobre 2023, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre des armées, a annulé les articles 1er à 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 13 juillet 2022 et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire devant la même cour. Procédure devant la cour Par un mémoire complémentaire, enregistré le 13 décembre 2023, Mme B..., représentée par la SELARL MDMH, agissant par Me Moumni, demande à la cour, le cas échéant, après avoir ordonné une expertise : 1°) d'annuler ce jugement et la décision du 27 juillet 2018 ; 2°) de fixer à 10 % le taux d'invalidité de l'infirmité " séquelles d'entorse récidivante de la cheville droite " ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de l'affection, et de la rétablir dans ses droits, dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 4 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - c'est à tort que les premiers juges ont écarté partiellement l'imputabilité au service des séquelles de l'entorse ayant affecté sa cheville droite et des conséquences médicales entraînées par cette affection ; le lien avec le service a été reconnu au titre de l'affection initiale et l'administration l'a placée en position de congé de longue maladie pendant six périodes consécutives ; il est logique que les aggravations découlant de cette affection initiale, ainsi que les nouvelles affections soient elles aussi considérées comme étant en lien avec le service ; - il convient d'ordonner une expertise médicale afin de déterminer avec précision la part imputable de sa seconde entorse dans l'apparition de son infirmité. Par des mémoires complémentaires, enregistrés les 13 novembre 2023 et 1er février 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que la part de l'infirmité imputable au service est nécessairement inférieure à 10 % et ne peut dès lors donner droit au versement d'une pension. Par une ordonnance du 19 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 février 2024. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ; - les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. Mme A... B..., née en 1983, s'est engagée dans la gendarmerie nationale, le 3 mars 2009. Le 20 mai 2016, elle a sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour, d'une part, des séquelles d'entorse récidivante de la cheville droite caractérisées par une diminution modérée de la flexion dorsale et un appui douloureux à la marche, d'autre part, une maladie épileptique. Par un jugement du 9 décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 juillet 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 21LY00382 du 13 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a, d'une part, annulé ce jugement en tant qu'il statue sur la demande de pension militaire d'invalidité au taux de 10 % pour son infirmité à la cheville droite (article 1er), a annulé la décision de refus dans cette mesure (article 2), a enjoint au ministre des armées d'attribuer à Mme B... une pension militaire d'invalidité au taux de 10 % à compter du 20 mai 2016 et de liquider le rappel de ses droits, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt (article 3), a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Moumni d'une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 (article 4), et a rejeté le surplus de conclusions de la requête (article 5). Par une décision n° 467579 du 13 octobre 2023, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre des armées, a annulé les articles 1er à 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 13 juillet 2022 et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire devant la cour. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la demande de Mme B... : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites (...) soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale (...) ". Aux termes de l'article L. 4 : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 % (...) " 3. La situation de Mme B... ne relevant pas de l'un des cas de présomption d'imputabilité envisagés par l'article L. 3 précité, il incombe à l'intéressée d'apporter la preuve de l'imputabilité de l'affection au service par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges. 4. Il résulte de l'instruction que Mme B..., après avoir ressenti le 3 avril 2009, au cours d'une marche en terrain accidenté durant sa formation militaire, une très vive douleur à la cheville droite, s'est plainte d'une recrudescence de sa douleur le 6 avril suivant au cours d'une séance d'éducation physique et sportive dans le cadre de la même formation. Une entorse a alors été diagnostiquée, et reconnue imputable au service. Suite à une réapparition des douleurs en septembre 2009, au cours d'une marche dans un contexte qui n'est pas précisé, une nouvelle entorse a été diagnostiquée. Il résulte également de l'instruction que Mme B... a souffert d'un névrome de Morton diagnostiqué en mai 2011. 5. La requérante ne peut se borner à faire valoir les circonstances que le lien au service a été reconnu au titre de l'affection initiale et que l'administration l'a placée en position de congé de longue maladie pendant six périodes consécutives pour critiquer le jugement attaqué en ce qu'il a écarté l'imputabilité au service de l'entorse de septembre 2009 et du névrome de Morton. Si Mme B... soutient que l'absence d'une deuxième entorse sur le livret médical et de rapport circonstancié ne saurait faire présumer qu'elle a été contractée hors du service, la charge de la preuve lui appartient, ainsi qu'il a été dit au point 3. Elle ne fait état, pas davantage en appel qu'en première instance, d'aucun élément permettant d'établir que l'entorse de septembre 2009 aurait été contractée durant le temps de son service, ou que celle-ci et le névrome de Morton seraient la conséquence du traumatisme dont sa cheville a été atteinte en avril 2009. 6. Il résulte de l'instruction que les effets cumulés des deux entorses et du névrome de Morton aboutissent à un taux d'invalidité, retenu à la fois dans le rapport d'expertise du 27 mars 2018 et par la commission consultative médicale dans son avis rendu le 20 juin 2018, de 10 %. Mme B... n'en conteste pas l'évaluation. Il en résulte que, comme le soutient le ministre des armées, la part de l'infirmité imputable au service est nécessairement inférieure à 10 % et ne peut, dès lors, donner droit au versement d'une pension. 7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. 8. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 28 mai 2024 à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2024. La rapporteure, Bénédicte LordonnéLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 23LY03203
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de PARIS, 4ème chambre, 21/06/2024, 23PA01979, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 3 octobre 2022 par laquelle le directeur de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique a rejeté sa demande tendant à bénéficier d'une allocation du fonds de prévoyance militaire. Par un jugement n° 2224038 du 15 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires enregistrés les 9 mai, 3 août et 12 septembre 2023, M. B..., représenté par Me Saada-Dusart, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler la décision du 3 octobre 2022 par laquelle le directeur de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique a rejeté sa demande tendant à bénéficier d'une allocation du fonds de prévoyance militaire ; 3°) d'enjoindre au directeur de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique de lui accorder l'allocation du fonds de prévoyance militaire à compter du 1er mai 2022 ou, à défaut, de statuer à nouveau sur sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué est insuffisamment motivé ; - il est entaché d'une omission à statuer ; - il dénature ses écritures ou commet une erreur de droit en retenant qu'il a été mis à la retraite d'office ; - il n'a pas été informé de la réunion de la commission des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique et n'a pas été mis à même de présenter des observations devant elle ; - la formation de la commission des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique qui a examiné sa demande n'a pas délibéré valablement dès lors que le quorum prévu par l'article 3 de l'arrêté du 11 août 2015 n'était pas réuni ; - l'avis de cette formation est insuffisamment motivé ; - le directeur de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article D. 4123-6 du code de la défense. Par des mémoires en défense enregistrés les 26 juillet, 4 et 26 septembre 2023, l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique, représenté par Me Abecassis, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la défense ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - l'arrêté du 11 août 2015 pris en application de l'article R. 3417-20 du code de la défense ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Saint-Macary, - les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique, - et les observations de Me Abecassis, représentant l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., adjudant de l'armée de terre depuis 2001, a développé, à la suite d'une opération extérieure au Kosovo, un syndrome de stress post-traumatique, reconnu imputable au service, pour lequel il bénéficie d'une pension militaire d'invalidité au taux de 40 %. Par un arrêté du 28 février 2022, il a été titularisé dans la fonction publique d'Etat à compter du 1er mai 2022, radié d'office des cadres de l'armée de terre à compter de cette même date et admis à faire valoir ses éventuels droits à la retraite. Par une décision du 3 octobre 2022, le directeur de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique a rejeté sa demande d'allocation du fonds de prévoyance militaire géré par l'établissement. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cette décision. Sur la régularité du jugement : 2. En premier lieu, le jugement attaqué retient, en son point 8, que dès lors que la radiation des cadres de M. B... est intervenue à la suite de sa titularisation dans la fonction publique d'Etat, il ne peut soutenir avoir été mis à la retraite en raison de son invalidité, ni avoir été réformé définitivement. Le tribunal a ce faisant suffisamment répondu au moyen par lequel M. B... soutenait avoir été mis à la retraite en raison de son infirmité imputable au service. 3. En deuxième lieu, le jugement attaqué n'a pas répondu, dans ses motifs, au moyen soulevé par M. B... dans son mémoire enregistré le 3 février 2023, tiré de ce que le directeur de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique aurait commis une erreur de droit au regard de l'article D. 4123-6 du code de la défense en exigeant qu'il produise un arrêté de radiation des cadres pour infirmité. Il a toutefois visé ce moyen et n'était pas tenu d'y répondre dès lors que ce moyen était inopérant, le directeur de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique ne s'étant pas fondé sur ce motif pour prendre la décision contestée. 4. En dernier lieu, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué aurait dénaturé les écritures de M. B... ou commis une erreur de droit concerne le bien-fondé du jugement et non sa régularité. Sur le bien-fondé du jugement : 5. Aux termes de l'article D. 4123-6 du code de la défense : " Lorsque l'infirmité imputable au service entraîne la mise à la retraite ou la réforme définitive du militaire, il est versé à l'intéressé : / 1° Une allocation principale (...) ". Aux termes de l'article L. 4139-14 du même code : " La cessation de l'état militaire intervient d'office dans les cas suivants : (...) / 4° Pour réforme définitive, après avis d'une commission de réforme dont les modalités d'organisation et de fonctionnement sont fixées par décret en Conseil d'Etat (...) / 8° Lors de la titularisation dans la fonction publique (...) ". Aux termes du II de l'article 24 II du code des pensions civiles et militaires de retraite : " La liquidation de la pension militaire intervient : (...) 2° Lorsqu'un militaire non officier est radié des cadres par limite d'âge, ou par suite d'infirmités, ou encore s'il réunit, à la date de son admission à la retraite, dix-sept ans de services effectifs (...) ". 6. Il est constant que M. B... souffre d'un syndrome de stress post-traumatique développé à la suite d'une opération extérieure au Kosovo. Cette infirmité a été reconnue imputable au service et une pension militaire d'invalidité au taux de 40 % lui a été attribuée. Il ressort cependant des pièces du dossier qu'à l'issue d'un congé longue durée, M. B... a été affecté, en 2019, sur un poste administratif. Par un arrêté du 28 février 2022, il a été radié des cadres d'office à compter du 1er mai 2022 en raison de sa titularisation, le même jour, dans la fonction publique d'Etat. M. B... réunissant, à la date de sa radiation des cadres, au moins dix-sept années de services effectifs, la liquidation de sa pension militaire est intervenue à cette même date. Dans ces conditions, si l'infirmité dont M. B... est atteint est bien imputable au service, condition nécessaire, selon l'article D. 4123-6 du code de la défense, pour obtenir une allocation du fonds de prévoyance militaire, cette infirmité ne peut être regardée comme ayant entraîné la mise à la retraite de cet agent au sens de ces dispositions. Dès lors que sa situation n'entrait pas dans le champ d'application de l'article D. 4123-6 du code de la défense, le directeur de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique était tenu de lui refuser le bénéfice de l'allocation prévue par cet article. Par suite, les autres moyens soulevés par M. B... contre la décision contestée sont inopérants. 7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sur les frais du litige : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande sur ce fondement. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme de 500 euros au titre des frais exposés par l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique et non compris dans les dépens. D É C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : M. B... versera une somme de 500 euros à l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique. Délibéré après l'audience du 7 juin 2024, à laquelle siégeaient : Mme Bruston, présidente-assesseure, M. Pascal Mantz, premier conseiller, Mme Saint-Macary, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2024. La rapporteure, M. SAINT-MACARY La présidente, S. BRUSTON La greffière, A. GASPARYAN La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA01979
Cours administrative d'appel
Paris
Conseil d'État, 6ème chambre, 21/06/2024, 476136, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris, auquel sa demande initialement présentée devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a été transférée, d'annuler la décision de la ministre des armées du 25 septembre 2018 rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité pour aggravation de l'infirmité " syndrome psycho-traumatique aggravé ". Par un jugement n° 1924116/5-3 du 15 décembre 2021, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 22PA00606 du 16 février 2023, la cour administrative d'appel de Paris, sur appel de M. A..., d'une part, a annulé ce jugement, d'autre part, lui a reconnu le droit à une pension militaire d'invalidité au taux global de 75 %, pour une durée de trois ans non renouvelable à compter du 18 avril 2017. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 juillet et 20 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il ne lui reconnaît un droit à une pension militaire d'invalidité au taux global de 75 % à compter du 18 avril 2017 que pour une durée de trois ans non renouvelable ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à son avocat, la SCP Rousseau et Tapie, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. David Gaudillère, maître des requêtes, - les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Rousseau, Tapie, avocat de M. A... ;Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., titulaire à titre définitif d'une pension militaire d'invalidité à un taux de 60 % pour l'infirmité " syndrome psycho-traumatique aggravé : cauchemars, troubles du caractère et de l'humeur, troubles cognitifs. Suivi et traitement spécialisés ", a demandé, en 2017, à bénéficier d'une pension militaire d'invalidité pour une nouvelle infirmité, liée à des " troubles psychiques faisant suite à un harcèlement moral dans le cadre du service. 12 février 2016 - 12 mai 2016 à Maisons-Alfort ". Par un jugement du 15 décembre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la ministre des armées du 25 septembre 2018 rejetant cette demande. Par un arrêt du 16 février 2023, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de M. A..., d'une part, annulé ce jugement et, d'autre part, reconnu à ce dernier le droit à une pension militaire d'invalidité au taux global de 75 %, pour une durée de trois ans non renouvelable à compter du 18 avril 2017. M. A... se pourvoit en cassation contre cet arrêt, en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de ses conclusions d'appel. 2. Aux termes de l'article L. 121-8 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension a un caractère définitif lorsque l'infirmité causée par la blessure ou la maladie est reconnue incurable. A défaut, la pension est concédée pour trois ans et peut être convertie en pension définitive (...) ". Aux termes de l'article L. 151-2 du même code : " La pension militaire d'invalidité (...) est attribuée sur demande de l'intéressé. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande. / Il en est de même de la date d'entrée en jouissance de la pension révisée pour aggravation ou pour prise en compte d'une infirmité nouvelle. (...) ". L'article R. 121-3 du même code dispose que " la pension temporaire est concédée pour trois années à compter du point de départ défini à l'article L. 151-2 " et que celle-ci " est convertible en pension définitive à l'issue d'une ou de plusieurs périodes de trois ans, après examens médicaux ". Enfin, aux termes de l'article R. 121-5 du même code : " Pour la ou les infirmités résultant de maladies, associée ou non à d'autres, la pension temporaire est, à l'expiration de chaque période triennale : / 1° Soit renouvelée à un taux supérieur, égal ou inférieur au taux primitif ; / 2° Soit supprimée si l'invalidité a disparu ou est devenue inférieure au minimum indemnisable fixé à l'article L. 121-5. / A l'expiration d'un délai de neuf ans qui suit le point de départ défini à l'article L. 151-2, la situation du pensionné doit être définitivement fixée, soit par la conversion de la pension temporaire en pension définitive, soit par la suppression de toute pension ". 3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et notamment de celles relatives à l'état médical du requérant, que l'état dépressif à l'origine de la demande de pension militaire d'invalidité formée par M. A... le 18 avril 2017 avait cessé à la date d'expiration de la première période triennale. Dès lors, en estimant qu'il n'y avait lieu d'attribuer à M. A... une pension militaire d'invalidité à compter du 18 avril 2017 que pour une durée de trois ans non renouvelable, la cour n'a pas commis d'erreur de droit au regard des dispositions applicables citées ci-dessus. 4. En deuxième lieu, il ressort des motifs de l'arrêt attaqué que, pour apprécier l'état de santé du requérant à la date d'expiration de la première période triennale, soit le 18 avril 2020, la cour s'est notamment fondée sur les pièces du dossier les plus proches de cette date, et notamment sur un certificat médical daté du 5 août 2020. En statuant ainsi, et alors même que ce certificat était postérieur de quelques mois à la date d'expiration de la première période triennale, la cour n'a pas commis d'erreur de droit dès lors que celui-ci se rattachait à l'appréciation des critères posés par les dispositions citées au point 2. 5. En troisième et dernier lieu, en se prononçant sans avoir constaté la cessation du traitement et du suivi thérapeutique dont M. A... faisait l'objet à la date d'expiration de la période triennale, ni l'absence de toute séquelle, et sans avoir pris en compte la circonstance que sa pathologie pouvait faire l'objet d'une rechute ou d'une récidive, la cour, à qui il incombait seulement d'apprécier, en application des dispositions précitées de l'article R. 121-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, si l'infirmité justifiant l'octroi d'une pension temporaire avait disparu ou sensiblement diminué au terme de cette période, n'a pas, contrairement à ce qui est soutenu, entaché son arrêt d'erreur de droit. 6. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. A... doit être rejeté, y compris les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi de M. A... est rejeté. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré à l'issue de la séance du 23 mai 2024 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et M. David Gaudillère, maître des requêtes-rapporteur. Rendu le 21 juin 2024. La présidente : Signé : Mme Isabelle de Silva Le rapporteur : Signé : M. David Gaudillère La secrétaire : Signé : Mme Laïla KouasECLI:FR:CECHS:2024:476136.20240621
Conseil d'Etat