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CAA de LYON, 7ème chambre, 19/06/2025, 24LY02021, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'État à lui payer une indemnité d'un montant total de 43 614,24 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison d'un harcèlement moral. Par un jugement n° 2103563 du 13 juin 2024, le tribunal a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 juillet 2024 et 3 mars 2025, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme B..., représentée par Me Yver, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de condamner l'État à lui verser la somme de 43 614,24 euros au titre de ses préjudices imputables à la situation de harcèlement dont elle a été victime par son supérieur hiérarchique entre 2012 et 2018 ; 3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa requête, suffisamment motivée, est recevable ; - elle a été victime de harcèlement moral ; en effet, elle a été l'objet de faits récurrents d'acharnement et de dénigrement de la part de son supérieur hiérarchique ; le tribunal a retenu l'annulation d'une visite médicale sans l'en informer, ainsi qu'une situation de dénigrement lors d'une réunion d'une quarantaine de personnes sur la conduite et le handicap, avec usage de termes inadaptés et vexatoires ; c'est à tort que le tribunal a écarté les autres agissements comme non constitutifs de faits de harcèlement, soit des manœuvres visant à minimiser les possibilités d'un avancement, une tentative de modification du compte-rendu de l'entretien professionnel au titre de l'année 2011, un refus de prise en compte d'une mission dont elle avait été chargée en mars 2012, le report du bilan de compétence prévu le 8 octobre 2013, le refus de lui octroyer quatre jours de repos compensateur par an, le refus d'autorisation de participer à des actions de formation, un tri effectué dans son bureau en son absence en 2015, un retard de 18 mois dans la mise à disposition du logiciel de pointage mis en place en juillet 2015, la mise à l'écart du service, notamment des réunions de travail, l'absence d'information sur le suivi des dossiers, une tentative pour modifier les dates d'un séjour en cure ; - ces faits ont été à l'origine de la dégradation de son état de santé, et notamment d'arrêts de travail continus pour syndrome anxiodépressif à compter du 10 décembre 2018 ; les différents experts médicaux ont reconnu un lien " direct unique et certain " avec son activité professionnelle, qu'il s'agisse de la pathologie initiale ou de la rechute survenue le 27 décembre 2021 ; elle ne présentait aucun antécédent ; les différentes pièces médicales produites au dossier démontrent cette dégradation ; le caractère professionnel de la pathologie a été reconnu ; - l'obligation de l'État employeur d'assurer la sécurité physique et mentale de ses agents a été méconnue ; une enquête administrative a été diligentée un an après son placement en arrêt de travail mais cette démarche a posteriori ne permet pas de considérer que tout a été mis en œuvre pour prévenir la réalisation du risque, alors que l'administration a été alertée par le médecin de prévention ; à tout le moins une responsabilité sans faute de l'État doit être retenue ; - à la date de l'introduction de sa demande indemnitaire préalable, et avant la rechute dont elle a été victime, son état de santé avait été déclaré consolidé ; sa demande n'était pas prématurée ; - elle a perdu le poste qu'elle exerçait ; elle a perdu le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) depuis le mois de février 2020, ainsi que 69,36 euros de NBI au titre de l'année 2019, soit un total de 1 264,29 euros à la date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal ; elle a également perdu le bénéfice de l'indemnité de fonctions, sujétions et d'expertise (IFSE) depuis le mois de mars 2019 ; cette perte a été régularisée pour partie par le versement d'un montant de 10 814,69 euros, mais cette régularisation aurait dû atteindre 13 991,32 euros et elle est fondée à demander le solde de 3 176,63 euros ; - elle aurait dû être promue au grade de délégué depuis 2016 ; sa perte de chance d'être rémunérée à l'indice 642 depuis 2016 sera exactement réparée par le versement d'un montant de 22 173,32 euros nets ; - elle a été privée de la possibilité de passer le concours interne de délégué du permis de conduire et à la sécurité routière pour 2020, préjudice qui sera justement réparé par un montant de 2 000 euros ; - son préjudice moral sera justement réparé par un montant de 15 000 euros. Par un mémoire en défense enregistré le 14 février 2025, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - la requérante ne peut utilement soutenir que le tribunal aurait commis une erreur d'appréciation et d'interprétation des pièces et une erreur de droit pour contester le bien-fondé du jugement attaqué ; - il renvoie à ses écritures de première instance concernant les agissements de harcèlement moral que Mme B... indique avoir subis et la méconnaissance par l'administration de son obligation de sécurité physique et mentale ; au regard de ces éléments, aucune responsabilité pour faute ne pouvant être retenue, les demandes indemnitaires doivent être rejetées ; - s'agissant de la réparation de ses préjudices résultant de la maladie professionnelle qu'elle a présentée, en l'absence de faute, sa demande est prématurée dès lors que son état de santé n'est pas consolidé. Par une ordonnance du 14 février 2025, l'instruction a été close au 14 mars 2025. Par un courrier du 26 mai 2025, la cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'elle est susceptible de faire application d'office de la jurisprudence du Conseil d'État Mme D... du 4 juillet 2004, n° 211106, laquelle prévoit qu'un fonctionnaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle à l'origine de dommages ne revêtant pas un caractère patrimonial, peut obtenir de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice. Mme B... a présenté des observations, enregistrées le 28 mai 2025, sur le moyen d'ordre public. Le ministre de l'intérieur a également présenté des observations, enregistrées le 3 juin 2025, sur le moyen d'ordre public. Il soutient que les préjudices extra patrimoniaux dont se prévaut Mme B..., en lien avec sa pathologie dont l'origine professionnelle a été reconnue, ne sont pas établis. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général de la fonction publique ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 modifié relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique ; - le décret n° 2007-1470 du 15 octobre 2007 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des fonctionnaires ; - le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'État ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boffy, première conseillère ; - les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ; - et les observations de Me Yver, pour Mme B... ; Considérant ce qui suit : 1. Mme C... B..., inspectrice des permis de conduire et de la sécurité routière, a été affectée à la direction départementale des territoires de l'Isère depuis le 2 janvier 2002 sur un poste d'adjointe au délégué à l'éducation routière. Du 10 décembre 2018 au 9 juin 2021, elle a été placée en congé de maladie en raison d'un syndrome anxiodépressif. Par un arrêté du 15 décembre 2020, son affection a été reconnue maladie professionnelle, avec comme date retenue de première constatation de la maladie le 15 novembre 2017. Ses arrêts de travail successifs ont été requalifiés en congé longue durée imputable au service du 10 décembre 2018 au 9 décembre 2019, puis en congé pour invalidité temporaire imputable au service du 10 décembre 2019 au 9 juin 2021. Après qu'elle a présenté une demande de mobilité en ce sens, elle a fait l'objet d'une mise à disposition à la préfecture de l'Isère à compter du 10 juin 2021 avant d'y être nommée chargée de la politique locale de sécurité routière à compter du 1er septembre 2021. Par une lettre du 15 février 2021, elle a demandé au ministre de l'intérieur le versement d'une indemnité en raison du harcèlement moral qu'elle estime avoir subi depuis l'arrivée d'un nouveau chef de service entre 2012 et 2018. Elle a demandé au tribunal administratif de Grenoble la condamnation de l'État à lui verser une indemnité d'un montant total de 43 614,24 euros en réparation de ses préjudices imputables à la situation de harcèlement qu'elle allègue. Par un jugement du 13 juin 2024 dont Mme B... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande. Sur la régularité du jugement : 2. Eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, les moyens tirés de ce que le tribunal administratif aurait commis une erreur d'appréciation et d'interprétation des pièces du dossier sont inopérants. Sur la responsabilité : En ce qui concerne le harcèlement moral : 3. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dans sa rédaction applicable au litige, devenu l'article L. 133-2 du code général de la fonction publique : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". 4. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. 5. Enfin, pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors que la répétition de faits n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral. 6. En premier lieu, Mme B... se prévaut de manœuvres de la part de son supérieur direct en vue de limiter sa progression de carrière. Si elle indique que son supérieur hiérarchique direct, qui venait de prendre son poste de chef du bureau éducation routière en février 2012, a souhaité modifier la partie " bilan " du compte-rendu d'évaluation professionnelle (CREP) pour 2011, établie par son prédécesseur, d'une part, les pièces produites par l'intéressée ne permettent pas d'établir les points qui auraient été concernés, d'autre part, il apparaît que ce compte-rendu, au demeurant élogieux, n'a finalement pas été modifié. Le délai de transmission de ce CREP, certes de plusieurs mois, n'est ici pas de nature à révéler une volonté de nuire à l'agent. Par ailleurs, il n'est pas davantage établi que le délai pour lui proposer un bilan de compétence, initialement prévu le 8 octobre 2013 et qu'elle avait sollicité le 19 décembre 2012, résulterait d'un manque de diligence de la part de son supérieur ou d'une rétention de sa demande, le report de ce bilan au 27 novembre suivant résultant d'ailleurs d'une demande de Mme B..., qui " après concertation " avec son supérieur, souhaitait mieux s'y préparer. Si la requérante indique avoir dû intervenir directement auprès du directeur de la direction des territoires de l'Isère afin d'accéder à la première classe de son grade, aucun élément du dossier ne permet là encore d'établir que son supérieur aurait mis des freins à cette promotion d'une quelconque façon, alors d'ailleurs que le CREP pour 2012 mentionne ce souhait de l'agent et précise que l'intéressée a les compétences pour accéder à un poste supérieur. Le passage en première classe a d'ailleurs été obtenu le 1er janvier 2013. Mme B... indique enfin que son supérieur hiérarchique a systématiquement " omis " de remplir la partie concernant les aptitudes au management. S'il est vrai que cette partie des CREP pour les années 2012 à 2015 est vierge d'évaluation, toutefois, d'une part, la fiche de poste adjoint au délégué précise une " participation " à l'encadrement des agents et un encadrement des inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière et agents " pour le compte " du délégué, d'autre part, les CREP sur ces années, tous élogieux, rappellent que Mme B... a effectué les missions de déléguée par intérim et qu'elle avait les capacités pour évoluer sur un poste supérieur et prendre davantage de responsabilités. Il ressort d'ailleurs des pièces du dossier que Mme B... a été proposée à la liste d'aptitude pour devenir déléguée au permis de conduire et à la sécurité routière (DPCSR), tous les ans de 2016 à 2020. Les CREP produits au dossier, que l'intéressée n'a jamais contestés et sur lesquelles elle n'a pas présenté d'observations, paraissent complets et précis et il ne peut être conclu que sa progression de carrière aurait été compromise par la manière dont son supérieur hiérarchique direct les aurait renseignés. Mme B... n'est par suite pas fondée à se prévaloir de manœuvres et agissements de son supérieur hiérarchique direct en vue de nuire à la progression de sa carrière. 7. En deuxième lieu, Mme B... soutient que son supérieur hiérarchique aurait refusé qu'elle participe à des formations, sans que ces refus répondent à des nécessités de service. Elle reconnaît cependant avoir bénéficié de seize jours de formation en six ans, soit entre deux à trois jours par an, le ministre, aux termes de ses écritures devant le tribunal, décomptant vingt jours de formation entre 2011 et 2017. En toute hypothèse, le rapport d'enquête administrative du 25 février 2020 indique que Mme B... a dans l'ensemble bénéficié de davantage de formations que la moyenne des agents de sa catégorie. Plus précisément, Mme B... se prévaut d'un refus pour une formation le 3 octobre 2013 sur la sensibilisation des risques routiers, opposé par un mail il est vrai très succinct : " il ne semble pas souhaitable que tu participes ". Un autre refus lui a été opposé pour une formation intitulée " apprendre à gérer son sommeil ", le 25 mars 2014, de 14 h à 16 h 30, le mail indiquant seulement : " je ne suis pas favorable à ta participation à cette conférence ". Au terme de ce dernier courriel cependant, il était demandé à l'intéressée d'effectuer un remplacement pour un examen ce même après-midi, ce qui pouvait relever d'une nécessité de service. S'il a également été refusé à Mme B... d'effectuer un stage " adjoint au délégué au permis de conduire et à la sécurité routière " du 29 janvier au 8 février 2018, ce refus émanait de l'adjoint au chef de la sécurité et risques, au motif que ce stage était réservé aux agents prenant leur poste, et en raison du caractère prioritaire d'une autre formation (gestion des publics difficiles et des incivilités). Ainsi, alors qu'il n'existe pas de droit acquis à effectuer telle ou telle formation, on ne décompte qu'un refus de formation, non justifié par l'intérêt du service, en six ans. Mme B... n'est pas fondée à soutenir que son supérieur hiérarchique aurait fait obstacle à ce qu'elle puisse poursuivre des formations au long des années. 8. En troisième lieu, Mme B... soutient que son supérieur direct l'aurait empêché d'assurer certaines missions et notamment l'aurait systématiquement évincée de son rôle d'adjointe. Elle indique ainsi qu'il n'aurait jamais reconnu la place de la mission " deux roues " qui lui avait été dévolue par lettre de mission en mars 2012, sur une quotité de travail de 20 %, ce qui aurait été à l'origine de sa renonciation à l'effectuer. Toutefois, elle n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle aurait démissionné de cette fonction, ainsi qu'il apparait aux termes du CREP pour 2013, du fait d'agissements de son supérieur. Par ailleurs, cette quotité de travail était bien renseignée aux termes de son CREP pour 2012. Elle se prévaut également de défauts de transmission d'informations concernant des dossiers à la charge de son supérieur. Toutefois, elle ne produit pour en justifier que deux mails, l'un du 9 juillet 2014, qui indique : " n'ayant pas d'information concernant les accords pris avec M. A... ", relativement à la situation de deux personnes roumaines évoquée par le GRETA, et un mail du 6 juillet 2017 aux termes duquel elle indique laisser " le soin à JL A... de traiter les dossiers en cours dont je ne dispose pas d'information ", éléments insuffisants pour établir une situation effective de rétention d'information. Si elle se plaint, au titre de l'éviction dont elle aurait fait l'objet, de n'avoir rencontré la secrétaire générale de la direction des territoires de l'Isère qu'en 2018, il ressort des échanges de mails produits en défense que cette rencontre devait survenir alors qu'il était proposé par M. A... le 5 janvier 2018 que Mme B... le remplace à l'occasion d'une réunion. Si Mme B... produit par ailleurs six comptes-rendus de réunions ne comportant pas son nom, pour soutenir qu'elle pouvait être évincée de certaines réunions notamment quand elles portaient sur des dossiers suivis par son supérieur alors qu'elle pouvait être amenée à le remplacer, toutefois, cette production ne suffit pas à l'établir, alors qu'il n'est pas précisé, pour les réunions en cause, en quelle mesure sa présence aurait été nécessaire ni en quelle mesure son absence aurait nui à son travail. Elle produit toutefois plusieurs attestations aux termes desquelles des agents s'étonnent de ne plus l'avoir vue aussi fréquemment en réunion à compter de 2012, année qui correspond il est vrai à l'arrivée de son supérieur hiérarchique, mais également à la fin de son intérim au poste de déléguée. Si deux autres attestations soulignent que son supérieur aurait relégué Mme B... à des taches et actions de moins en moins valorisantes, et qu'il aurait refusé de la considérer comme son adjointe, un agent indiquant son étonnement d'avoir été reçue seule sans Mme B... concernant la revalorisation du poste au centre des examens du permis de conduire, toutefois ces témoignages sont dépourvus d'éléments concrets et circonstanciés et ne permettent pas, à eux seuls, de caractériser une mise à l'écart du service. L'enquête administrative diligentée en 2019 auprès des personnes du bureau n'a pas retrouvé d'élément probant d'une telle éviction. Les pièces versées au dossier laissent apparaitre la volonté de son supérieur hiérarchique de l'impliquer dans le fonctionnement du service en lui proposant d'animer une formation, de l'accompagner dans des réunions, de le suppléer à une réunion ou de lui déléguer certaines missions. Par suite, il n'apparait pas que Mme B... ait été empêchée d'assurer ses fonctions par des agissements de son supérieur. 9. En quatrième lieu, la requérante se prévaut d'agissements de nature à la déstabiliser. Un tri a ainsi été effectué au début du mois de juillet 2015 dans son bureau par son supérieur hiérarchique, alors qu'elle devait partir en mutation le 1er septembre, à laquelle elle a finalement renoncé. Si elle indique que ce " tri " aurait consisté à mettre les dossiers au sol, les photographies produites au dossier ne l'illustrent pas. Son supérieur lui avait indiqué par mail : " j'avais commencé à faire du tri dans ton placard... du coup j'arrête, je te laisserai finir à ton retour. Pour ta mutation c'est dommage pour toi ". Un tel échange ne permet ainsi pas de conclure à une intrusion excédant les limites du pouvoir hiérarchique. Par ailleurs, alors qu'elle a pu bénéficier d'un congé maladie pour suivre une cure du 1er au 21 octobre 2018, Mme B... indique que le 26 septembre 2018, soit cinq jours auparavant, son supérieur aurait voulu changer les dates de ses congés. Selon la requérante ce fait s'inscrirait dans une attitude globale de son supérieur pour " la mettre en difficulté ". Il résulte surtout de l'échange de mails produit que son supérieur n'avait pas assez anticipé les dates de son départ, et ne souhaitait pas que les vacances de Toussaint soient concernées. Il apparaît qu'il était en demande de précisions. Pour inconfortable qu'ait pu être cet échange tardif, il n'a pas eu de conséquence, Mme B... ayant été en mesure de partir en cure. 10. En cinquième lieu, Mme B... se prévaut de diverses manœuvres de son supérieur en vue de la priver du bénéfice de jours de repos. Il lui aurait ainsi par principe opposé un refus, au motif qu'elle était adjointe au délégué et qu'elle ne réalisait pas d'examen du permis de conduire, quant au bénéfice de quatre jours de repos compensateurs instauré par une note du 29 janvier 2013, accordés aux inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière (IPCSR) au titre des années 2010 à 2012. Elle a dû se tourner vers le chef du bureau de l'animation de la politique éducative et des ressources, qui a lui a confirmé le 8 mars 2013 qu'elle avait bien droit à en bénéficier. Cependant, Mme B... ne produit qu'un mail de sa main, du 21 février 2013 avec copie à son supérieur hiérarchique, qui indique seulement que ce dernier pensait que la note n'était pas applicable à son cas précis, sans qu'il soit établi, en dehors de cette question d'appréciation de la portée de la note, que son supérieur aurait fait obstacle en une quelconque manière à ce que lui soit appliqué ce dispositif. Par ailleurs, un logiciel de pointage des horaires de travail avait été mis en place en juillet 2015. Mme B... soutient que son supérieur n'aurait accepté qu'elle en bénéficie que le 3 février 2017, avec pour conséquence de l'empêcher de se voir créditer d'un jour mensuel de récupération au titre des heures effectuées au-delà de ses horaires. Elle indique un retard de dix-huit mois dans cette mise en place. Mais il n'est produit aucun élément de nature à établir que ce retard serait imputable à des agissements de son supérieur. Il résulte d'un mail versé au dossier que ce dernier indique simplement que sa supérieure a validé le principe de l'utilisation de ce logiciel par Mme B..., et qu'il convient de voir avec l'intéressée pour les modalités pratiques de mise en œuvre. 11. En sixième lieu, Mme B... fait valoir qu'elle aurait été victime de dénigrement systématique de la part de son supérieur. Aux termes d'une attestation, une agente rapporte ainsi que son supérieur " n'a pas manqué de la dénigrer " auprès d'elle. Une autre attestation évoque une réunion organisée sur la conduite et le handicap le 15 décembre 2017, rassemblant une quarantaine de personnes, au cours de laquelle son supérieur aurait tenu à son encontre des propos " inadaptés et vexatoires ", l'aurait contredite, et aurait nomment prononcé la phrase : " je ne peux pas laisser dire ça... ". Toutefois, outre que cette seule phrase n'est pas en elle-même dénigrante, il n'est pas précisé le contenu des échanges lors de cette réunion. Par ailleurs, il apparaît également que M. A... pouvait valoriser son adjointe, ainsi qu'il ressort du compte-rendu d'une réunion du 18 janvier 2017 durant laquelle il a souligné, en sa présence, son " fort investissement " dans le domaine de la conduite et du handicap. En outre, il n'est retrouvé au dossier aucun échange qui n'aurait pas été respectueux ou qui aurait outrepassé les limites du pouvoir hiérarchique. Lors de l'enquête administrative, les personnes interrogées ont souligné pour leur part la bonne ambiance régnant dans le service. Si un agent a fait part de tensions entre Mme B... et son supérieur, il en ignorait la cause et il estimait qu'elles ne nuisaient pas à l'ambiance général de travail. Mme B... a indiqué aux enquêteurs, outre les faits recensés aux termes de sa requête, une absence de perspectives professionnelles, l'obligation de rendre des comptes lors des sorties du département, " un manque de complicité, de confiance et d'échanges d'informations avec sa hiérarchie ". Ces points dépassaient la seule relation à son supérieur hiérarchique. Les enquêteurs avaient conclu à une gestion normale du service par le supérieur hiérarchique de Mme B..., et tiré la seule conclusion que " les personnalités de ces deux agents sont très différentes et sans doute difficilement compatibles ". 12. En dernier lieu, si Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que son supérieur s'est immiscé dans sa relation avec le médecin de prévention, en décidant de manière unilatérale d'annuler la visite médicale qu'elle avait obtenue le 8 janvier 2019, qui ne correspondait pas à une visite annuelle de contrôle médical mais faisait suite à une demande personnelle de la requérante pour rencontrer le médecin de prévention à la suite de ses difficultés dans le service, cet agissement, qui outrepasse le pouvoir de l'autorité hiérarchique, apparaît cependant isolé. 13. Il résulte de ce qui précède que les actes invoqués, qu'ils soient considérés isolément ou dans leur ensemble, ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à l'encontre de Mme B..., dès lors qu'ils ne sont soit pas matériellement établis, soit ponctuels ou justifiés par l'intérêt du service ou encore, à l'exception de l'annulation du rendez-vous auprès du médecin de prévention cité au point précédent, qu'ils n'excèdent pas l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. En ce qui concerne les obligations de l'autorité administrative de garantir la sécurité et la protection de la santé de ses agents : 14. Aux termes de l'article 2-1 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique : " Les chefs de service sont chargés, dans la limite de leurs attributions et dans le cadre des délégations qui leur sont consenties, de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité. ". Il incombe à l'autorité administrative de prendre les mesures nécessaires pour assurer la bonne exécution de ces dispositions afin de protéger l'agent concerné, sous peine d'engager sa responsabilité au titre d'une faute de service et ce même en l'absence d'une situation de harcèlement moral caractérisée. 15. En l'espèce, Mme B... ne produit aucun élément de nature à établir qu'elle aurait alerté son employeur avant l'année 2018. Elle a saisi le médecin de prévention par courrier du 10 octobre 2018. Ce dernier, après l'avoir reçue en consultation, a alerté sa hiérarchie le 13 novembre 2018. Mme B... a ensuite été reçue par la responsable du service sécurité et risques le 28 novembre 2018. Il résulte du rapport d'enquête administrative que lors de cet entretien, elle " a ressenti avoir été jugée sans possibilité pour elle de s'exprimer sur les problèmes relationnels avec M. A... ". Cependant, la responsable du service sécurité et risques, qui soutient avoir été à l'écoute, précise qu'elle a proposé à l'intéressée un temps d'échange avec son supérieur hiérarchique, cette dernière, elle-même et son adjoint, mais que Mme B... a perçu cette proposition comme " une invitation à se trouver mise en cause par ses trois supérieurs hiérarchiques réunis ". En toute hypothèse, et même à admettre que cet entretien avec la responsable du service sécurité et risques n'ait pas permis à Mme B... de s'exprimer comme elle le souhaitait, à la suite de ces alertes, il a été décidé par la secrétaire générale de la direction des territoires de l'Isère de diligenter une enquête administrative, qui s'est déroulée en 2019 et a conclu à l'absence de harcèlement. Néanmoins, il a été proposé à Mme B..., qui était alors en arrêt de travail, un changement d'affectation, à compter du 1er septembre 2021, afin d'effectuer les missions de chargée de la politique locale de sécurité routière à la préfecture de l'Isère, avec une mise à disposition dès le 1er juillet 2021 pour faciliter sa prise de poste. Si l'intéressé a ensuite présenté une rechute et a été de nouveau arrêtée à compter du 27 décembre 2021, après avoir appris qu'elle allait de nouveau être amenée à travailler avec son ancien supérieur hiérarchique sur une mission, et pour malheureuse qu'ait été cette circonstance, toutefois non fautive, compte tenu notamment des fonctions spécifiques que Mme B... exerce et des difficultés à lui trouver un emploi n'impliquant aucun contact avec son ancien supérieur hiérarchique, aucun manquement à l'obligation de garantir la santé et la sécurité au travail de Mme B... ne peut être retenu. En ce qui concerne la maladie professionnelle : 16. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité. 17. La pathologie présentée par Mme B..., déclarée le 15 novembre 2017, a été reconnue imputable au service par une décision du 15 décembre 2020, à la suite d'un avis favorable de la commission de réforme départementale du 24 septembre 2020. Par un arrêté du 8 avril 2021, Mme B... a de nouveau été placée en congé de longue durée pour invalidité temporaire imputable au service du 10 décembre 2020 au 9 juin 2021 inclus, à la suite d'un avis favorable de la commission de réforme départementale du 25 février 2021. Enfin, après une rechute déclarée en décembre 2021, Mme B... a été placée en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire à compter du 27 décembre 2021, son état de santé n'étant pas consolidé depuis. 18. Mme B..., qui ne conteste pas avoir perçu une indemnité au titre de l'obligation de l'État de garantie contre les risques encourus dans l'exercice de ses fonctions, n'est pas fondée à obtenir réparation de ses pertes de primes de NBI et d'IFSE, ni de pertes de chance d'être promue au grade de délégué depuis 2016 et de pouvoir passer le concours interne de délégué du permis de conduire et à la sécurité routière pour 2020, dès lors que ces préjudices, relevant de pertes de revenus et de l'incidence professionnelle, sont réputés avoir été réparés par le versement de cette indemnité. 19. En revanche, les certificats médicaux qu'elle a produits font apparaître que Mme B... a subi des souffrances psychiques et morales, qui persistent actuellement, qui sont en lien direct avec sa maladie professionnelle. Elle est donc fondée à en obtenir réparation, sans que ne fasse obstacle à cette indemnisation l'absence de consolidation de sa rechute. Il sera fait une juste réparation de ce préjudice en lui allouant, compte tenu des souffrances endurées, une somme de 3 000 euros. 20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'indemnisation de son préjudice moral. Il y a lieu de réformer en ce sens le jugement du 13 juin 2024 du tribunal administratif de Grenoble et de condamner l'État à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral. Sur les frais liés au litige : 21. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : L'État versera à Mme B... la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral consécutif à sa pathologie reconnue imputable au service. Article 2 : Le jugement du 13 juin 2024 du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur. Délibéré après l'audience du 5 juin 2025 à laquelle siégeaient : Mme Duguit-Larcher, présidente de la formation de jugement ; M. Chassagne, premier conseiller ; Mme Boffy, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2025. La rapporteure, I. BoffyLa présidente, A. Duguit-Larcher La greffière, A. Le Colleter La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, 2 N° 24LY02021 kc
Cours administrative d'appel
Lyon
CAA de NANTES, 3ème chambre, 06/06/2025, 23NT01339
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de ses tendinites des épaules droite et gauche, reconnues maladies professionnelles. Par un jugement n° 1903078 du 8 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a condamné le CHU de Nantes à verser à Mme B... la somme de 20 000 euros. Par un arrêt n° 23NT01339 du 12 avril 2024, la cour administrative d'appel de Nantes a ordonné une expertise avant dire droit aux fins de déterminer les préjudices subis par Mme B... en raison des deux tendinopathies, reconnues comme maladies professionnelles par le centre hospitalier universitaire de Nantes, dont elle a été victime à l'épaule droite en 2007 et à l'épaule gauche en 2015. Le Dr C..., expert en réparation juridique du dommage corporel et spécialiste en médecine générale, désigné par le président de la cour, a déposé son rapport le 2 février 2025. Procédure devant la cour : Par un mémoire enregistré le 29 avril 2025, Mme B..., représentée par Me Diversay, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 mars 2023 en tant qu'il a sous-évalué ses préjudices et refusé de l'indemniser des préjudices patrimoniaux relatifs aux frais d'aménagement de son logement et de changement de véhicule automobile ainsi que les préjudices personnels d'agrément et d'assistance par tierce personne ; 2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Nantes à lui verser la somme de 100 000 euros au titre de ses différents préjudices ou, à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise aux fins de déterminer ses préjudices en lien avec ses deux maladies professionnelles ; 3°) de mettre à la charge du CHU de Nantes le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier dans la mesure où ses observations sur le moyen d'ordre public soulevé le 13 janvier 2023 par le tribunal n'ont pas été communiquées au CHU de Nantes ; - le jugement est également irrégulier car insuffisamment motivé en ce que le tribunal n'a pas motivé le refus d'ordonner une expertise avant dire droit ; - le jugement est entaché d'erreur de droit en ce que le tribunal a refusé par principe de l'indemniser de l'ensemble de ses préjudices personnels et d'erreur manifeste d'appréciation ; - au titre de ses préjudices patrimoniaux, elle aurait dû être indemnisée : - de son préjudice de carrière ; - de ses frais de déplacements en voiture pour se rendre à ses rendez-vous médicaux ; - du coût de l'assistance à tierce personne pour ses activités quotidiennes ; - des frais de réaménagement de son domicile ; - du coût de l'achat d'un véhicule adapté ; - au titre de ses préjudices extra-patrimoniaux ou personnels, elle a été insuffisamment indemnisée de son déficit fonctionnel permanent résultant de ses deux maladies professionnelles et des souffrances endurées, tant physiques que morales ; et n'a pas été indemnisée : - de son déficit fonctionnel temporaire ; - de son préjudice esthétique ; - de son préjudice d'agrément ; - de son préjudice d'établissement. Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2025, le centre hospitalier universitaire de Nantes, représenté par Me Lesné, conclut à ce que la cour limite sa condamnation à une somme maximale de 25 480,60 euros. Il soutient que : - le jugement n'est pas irrégulier ; - la créance relative à la pathologie de l'épaule droite de Mme B... est prescrite en application de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 ; - les souffrances endurées pour deux tendinopathies sans rupture de la coiffe des rotateurs des deux épaules ne sauraient être réparées par une somme excédant 5 500 euros ; - l'indemnisation du préjudice de déficit fonctionnel permanent partiel de 13 % (7% pour l'épaule droite et 6 % pour l'épaule gauche) ne saurait excéder 16 000 euros ; - le déficit fonctionnel temporaire indemnisé sur une base de 13 euros par jour ne pourra excéder la somme totale de 3 980,60 euros ; - eu égard au caractère très peu circonstancié des attestations de proches quant à la renonciation par la requérante à des activités de natation, danse de salon, cours de Pilates, bricolage et jardinage, tapisserie, le préjudice d'agrément allégué ne saurait être indemnisé à une somme excédant 1 500 euros ; - Mme B... n'a pas besoin d'une assistance par tierce personne - le préjudice lié à l'impossibilité pour Mme B... de conduire sa voiture, de faire des courses, de se coiffer, de faire la cuisine et le ménage n'est pas démontré par les attestations des membres de sa famille ; - l'achat d'un nouveau véhicule en 2016 n'était pas rendu nécessaire par ses deux tendinites ; - les travaux de réaménagement de sa cuisine ne sont pas liés à ses deux maladies professionnelles ; - le préjudice de carrière subi par Mme B... est réparé par l'allocation temporaire d'invalidité ; - sa demande de prime de service pour les années 2010 et 2011 n'est pas recevable faute d'avoir été demandée antérieurement, est prescrite et n'est pas due, en tout état de cause, dès lors que cette prime est liée à l'exercice effectif des fonctions ; - le préjudice d'établissement au titre de l'atteinte à la vie personnelle et familiale est réparé au titre du déficit fonctionnel permanent et Mme B... n'établit pas que son divorce prononcé le 1er octobre 2007 serait lié à ses maladies professionnelles ; - la réalité des frais de déplacement en voiture pour raisons de santé dont Mme B... demande le remboursement n'est pas assortie de justificatifs de déplacement ; - le préjudice esthétique à raison de cicatrices sur les épaules n'est pas établi ; - une expertise avant-dire droit est dépourvue d'utilité. Vu les autres pièces du dossier. Vu l'ordonnance de taxation du président de la cour du 5 février 2025 ; Vu : - le code de la santé publique ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Marion, - les conclusions de M. Catroux, rapporteur public, - les observations de Me Larre, représentant Mme B.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., aide-soignante titulaire, a exercé des fonctions d'aide-soignante au service de gériatrie du CHU de Nantes du 1er février 2005 au 30 septembre 2012 puis des fonctions d'aide-animatrice dans le service de gérontologie de ce même hôpital, à temps partiel thérapeutique du 1er octobre 2012 au 30 juin 2013 puis à temps plein, du 1er juillet 2013 au 30 juin 2022. Elle a été victime d'une première tendinite à l'épaule droite qui a été reconnue imputable au service le 1er octobre 2007 et consolidée une première fois le 30 juin 2013 avec un taux d'IPP de 6 % puis, suite à une rechute, consolidée une deuxième fois le 15 janvier 2017 avec ce même taux de 6 %. Le 15 décembre 2015, elle a été victime d'une seconde tendinite à l'épaule gauche reconnue imputable au service le même jour et déclarée consolidée le 15 janvier 2017 avec un taux d'incapacité permanente partielle de 5 %. Par courrier du 21 décembre 2018, notifié le 24 décembre 2018, la requérante a saisi le CHU de Nantes d'une réclamation tendant à l'indemnisation des préjudices causés par les pathologies des deux épaules reconnues imputables au service. Par une décision du 18 janvier 2019 le CHU de Nantes s'est prononcé favorablement à l'octroi de principe d'une indemnité complémentaire mais a proposé à Mme B... de réaliser une expertise pour évaluer ses préjudices. Mme B... n'a pas donné suite à cette proposition mais a saisi le tribunal administratif de Nantes d'un recours de plein contentieux réclamant la somme de 100 000 euros. Par un jugement du 8 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a condamné le CHU de Nantes à verser à Mme B... une indemnité de 20 000 euros. Mme B... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande. Par un arrêt du 12 avril 2024, la cour administrative d'appel de Nantes a ordonné une expertise avant dire droit aux fins de déterminer les préjudices subis par Mme B... en raison de ses deux tendinopathies. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué. / (...) ". Le juge administratif est tenu de communiquer aux autres parties, même après la clôture de l'instruction, les observations présentées sur un moyen qu'il envisage de relever d'office, à la suite de l'information effectuée conformément aux dispositions de l'article R.611-7 du code de justice administrative. 3. Il résulte de l'instruction que le tribunal a informé les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce qu'il était susceptible de fonder sa décision sur le moyen d'ordre public relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires fondées sur le syndrome du canal carpien dont Mme B... est atteinte, en ce que le contentieux sur ce fait générateur n'a pas été lié par la demande préalable du 24 décembre 2018 adressée au CHU de Nantes. Si les observations formulées sur ce moyen par le CHU ont été communiquées à Mme B..., en revanche, celles émises par cette dernière, par lesquelles elle a rappelé ses précédentes écritures et indiqué qu'elle n'avait présenté de réclamation que pour ses deux premières maladies professionnelles, à savoir les tendinites des épaules droite et gauche, ne l'ont pas été au CHU. 4. Dans ces conditions, en omettant de communiquer au CHU de Nantes les observations formulées par Mme B..., qui ne se bornait pas à indiquer qu'elle n'a pas d'observations à formuler ou qu'elle s'en remet à la sagesse de la juridiction, le tribunal a entaché d'irrégularité le jugement attaqué. 5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué, Mme B... est fondée à en demander l'annulation. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes. Sur les conclusions à fin d'annulation : 6. La décision du 18 janvier 2019 par laquelle le CHU de Nantes a explicitement rejeté la réclamation préalable présentée par Mme B... a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de l'intéressée qui, en formant des conclusions indemnitaires, a donné à l'ensemble de sa demande, le caractère d'un recours de plein contentieux. Par suite les conclusions à fin d'annulation de cette décision ne peuvent qu'être rejetées. Sur les conclusions indemnitaires : En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Nantes : 7. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait, imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne. 8. Il résulte de l'instruction que l'imputabilité au service des pathologies que présente Mme B... aux deux épaules, déclarées respectivement le 1er octobre 2017 et le 15 décembre 2016 a été admise tant par la commission de réforme consultée les 16 juin 2011, 19 juillet 2012, 13 décembre 2012, 11 avril 2013, 17 avril 2014 et 21 juillet 2016, que par le CHU de Nantes qui a pris en charge, au titre de la maladie professionnelle, sur le fondement de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, les différents arrêts de travail et les soins dont l'intéressée a bénéficié à ce titre. Mme B... demande à bénéficier d'une indemnité destinée à réparer l'ensemble de ses préjudices personnels et matériels. En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale de la créance de Mme B... : 9. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 1er décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". Pour l'application de ces dispositions, s'agissant d'une créance indemnitaire détenue sur un établissement public au titre d'un dommage corporel engageant sa responsabilité, le point de départ du délai de la prescription quadriennale est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les infirmités liées à ce dommage ont été consolidées. 10. Le CHU de Nantes soutient que la créance de Mme B... relative à sa tendinite de l'épaule droite reconnue maladie professionnelle est prescrite depuis le 31 décembre 2017 eu égard à la date de consolidation du 30 juin 2013 fixée par décision de l'établissement de santé et confirmée par l'expert désigné par la cour. Il résulte toutefois de l'instruction que Mme B... a été victime, en 2009, d'une rechute de cette tendinite qui a été reconnue imputable au service et déclarée consolidée le 15 janvier 2017 par l'établissement avec un taux d'incapacité permanente partielle de 6 %. Par suite, le délai de prescription de la créance de Mme B... n'a pu commencer à courir qu'à compter du 1er janvier 2018. En conséquence, la réclamation indemnitaire du 21 décembre 2018, notifiée le 24 décembre 2018 à l'hôpital n'est pas prescrite. Dès lors, l'exception de prescription quadriennale soulevée par le CHU de Nantes doit être écartée. En ce qui concerne les préjudices de Mme B... : S'agissant des préjudices patrimoniaux : Quant au préjudice de carrière : 11. Mme B... fait valoir qu'en raison de ses deux tendinites reconnues maladies professionnelles aux épaules droite et gauche, elle n'a pas, d'une part, pu poursuivre sa carrière d'aide-soignante hospitalier subissant ainsi un préjudice tenant à l'absence d'accession au grade d'aide-soignant de classe supérieure et, d'autre part, elle n'a pas bénéficié d'une prime de service au titre des années 2010 et 2011 du fait de ses arrêts de travail. Toutefois, elle ne conteste pas qu'elle est bénéficiaire du fait de son maintien en position d'activité d'une allocation temporaire d'invalidité. Par suite et alors que cette allocation a pour objet de réparer forfaitairement les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de son incapacité physique causée par ses deux maladies professionnelles, Mme B..., qui ne se prévaut d'aucune faute qui aurait été commise par le CHU, ne peut bénéficier d'un complément d'indemnisation au titre de son préjudice de carrière qui est réputé réparé par l'allocation temporaire d'invalidité. En outre, et en tout état de cause, elle n'établit pas qu'elle disposait de perspective de progression dans sa carrière. Quant aux frais de déplacement : 12. Il résulte de l'instruction que tant la réalité des déplacements de Mme B... pour se rendre à des rendez-vous médicaux que l'utilisation par l'intéressée de son véhicule pour se rendre à ces rendez-vous n'est pas établie par la production de justificatifs. Par suite, la demande d'indemnisation présentée par la requérante à ce titre ne peut qu'être rejetée. Quant aux frais de recours à une tierce personne : 13. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport du 2 février 2025 de l'expert désigné par le président de la cour que l'état de santé de Mme B... ne requiert pas l'assistance d'une tierce personne ; son examen clinique ayant permis de constater qu'elle pouvait effectuer les gestes de la vie quotidienne même si cela lui prenait plus de temps. Par suite l'intéressée n'est pas fondée à demander à être indemnisée de ce poste de préjudice. Quant aux frais de réaménagement du domicile et l'achat d'un véhicule adapté ; 14. Si Mme B... soutient qu'en raison de ses douleurs aux épaules, elle a été contrainte de réaménager sa cuisine pour éviter d'avoir à lever les bras, il résulte néanmoins de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du Dr C..., aucune nécessité d'adapter le logement au handicap de l'intéressée. De même, le besoin d'acquérir un véhicule automobile adapté n'est pas établi. S'agissant des préjudices extra-patrimoniaux : Quant au déficit fonctionnel temporaire : Quant à la tendinite de l'épaule droite : 15. Il résulte de l'instruction que Mme B... a subi un déficit fonctionnel temporaire total du 17 septembre 2010 jusqu'au 19 septembre 2010 et du 21 février 2012 jusqu'au 24 février 2012, soit pendant sept jours. Puis, elle a supporté un déficit fonctionnel temporaire partiel de 50 % depuis le 20 septembre 2010 jusqu'au 3 novembre 2010 et du 25 février 2012 jusqu'au 10 avril 2012, soit pendant 91 jours. Elle a subi en outre, un déficit fonctionnel temporaire partiel de 25 % à partir du 4 novembre 2010 jusqu'au 4 décembre 2010 et du 11 avril 2012 jusqu'au 11 mai 2012, soit pendant 62 jours. Enfin, elle a subi un déficit fonctionnel temporaire de 10 % du 1er octobre 2007 au 16 septembre 2010 et du 5 décembre 2010 au 20 février 2012 ainsi que du 12 mai 2012 jusqu'au 29 juin 2013, soit 1 939 jours. Au titre de cette première pathologie, il sera fait une juste appréciation en lui allouant la somme de 5 700 euros, sur la base d'un taux journalier de 22 euros. Quant à la tendinite de l'épaule gauche : 16. Mme B... a subi un déficit fonctionnel temporaire total le 14 mars 2016, de 50 % entre le 15 mars 2016 et le 30 avril 2016, soit pendant 47 jours, de 25 % entre le 1er mai 2016 et le 31 mai 2016, soit pendant 31 jours, puis un déficit fonctionnel temporaire partiel de 10 % entre le 15 décembre 2015 et le 13 mars 2016 et entre le 1er juin 2016 et le 14 janvier 2017, soit pendant 318 jours. Au titre de cette seconde pathologie, il sera fait une juste appréciation en lui allouant, sur la base d'un taux par jour de 22 euros, la somme de 1 400 euros. Quant aux souffrances endurées : 17. Les souffrances endurées ont été évaluées par le docteur A..., rhumatologue, choisi par Mme B..., et le docteur C..., expert désigné par la cour, à 2,5 sur une échelle de 1 à 7 pour l'épaule droite et à 2 sur la même échelle pour l'épaule gauche. Par ailleurs, le caractère chronique des douleurs endurées en raison des deux tendinopathies n'est pas contesté. Par suite, il y a lieu de confirmer l'évaluation effectuée par le tribunal de ce chef de préjudice en le fixant à la somme de 5 000 euros. Quant au déficit fonctionnel permanent : 18. Il ressort de l'expertise du docteur A..., dont les conclusions ne sont pas contestées par l'hôpital, qu'eu égard à la rechute de sa tendinite de l'épaule droite, les taux d'incapacité permanente partielle ont été fixées pour les deux tendinites respectivement à 6 % pour l'épaule droite et à 5 % pour l'épaule gauche à la date de consolidation commune aux deux pathologies du 15 janvier 2017. Le docteur C..., expert désigné par la cour, a néanmoins retenu des taux d'incapacité permanente partielle de, respectivement, 7 % à l'épaule droite et 6 % à l'épaule gauche, au regard de l'état de Mme B... à la date de son examen clinique. Ces taux, légèrement supérieurs à ceux retenus par le médecin rhumatologue expert de la requérante, tiennent compte d'une évolution de son état de santé récente. Par suite, il y a lieu de prendre en compte des déficits fonctionnels permanent partiels de 7 % et 6 %. Mme B... ayant atteint l'âge de 54 ans à la date de consolidation commune aux deux pathologies, il sera fait une juste appréciation en lui accordant les sommes de 11 000 euros et 9 000 euros. Quant au préjudice d'agrément : 19. Mme B... fait état de ce qu'elle ne peut plus réaliser certains travaux de bricolage ou de jardinage et a renoncé à la natation, la danse et au Pilates, autant d'activités qu'elle pratiquait avant d'avoir contracté ses maladies professionnelles. Bien que l'intéressée n'établisse pas une pratique régulière et assidue de ces activités avant la survenue des maladies professionnelles, elle produit néanmoins des attestations de membres de sa famille ou d'amis permettant de constater qu'elle se livrait à de telles activités. Dans ces conditions, la somme de 200 euros pourra réparer ce préjudice. Quant au préjudice esthétique : 20. Il résulte de l'instruction que les photographies que la requérante produit ne sont pas, en l'espèce, de nature à établir la réalité du préjudice esthétique qu'elle évoque. Par suite, il n'y a pas lieu de l'indemniser de ce chef de préjudice. Quant au préjudice d'établissement : 21. Mme B... soutient que son divorce intervenu le 1er octobre 2007 et les bouleversements intervenus dans sa vie personnelle et familiale auraient pour cause sa tendinite chronique aux épaules. Toutefois, les troubles allégués ne relèvent pas du champ du préjudice d'établissement qui vise à indemniser la perte de chance de réaliser un projet de vie familiale et qui s'apprécie à la date de consolidation de la victime, soit en l'espèce le 15 janvier 2017. Par suite, il n'y a pas lieu de l'indemniser de ce chef de préjudice. 22. Il résulte de ce qui précède que le montant de l'indemnité destinée à réparer les préjudices subis par Mme B... doit être évalué à 32 300 euros. Sur les dépens : 23. Les frais et honoraires de l'expertise du docteur C... ont été liquidés et taxés par le président de la cour, par une ordonnance du 5 février 2025, à la somme de 1 600 euros et il y a lieu, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, de les mettre à la charge définitive du CHU de Nantes. Sur les frais liés au litige : 24. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ne permettent pas d'en faire bénéficier la partie perdante ou tenue aux dépens. Il s'ensuit que les conclusions présentées sur ce fondement par le CHU de Nantes ne peuvent être accueillies. En revanche, il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Nantes une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 1903078 du tribunal administratif de Nantes du 8 mars 2023 est annulé. Article 2 : Le centre hospitalier universitaire de Nantes versera à Mme B... la somme de 32 300 euros. Article 3 : Les frais et honoraires de l'expertise s'élevant à la somme de 1 600 euros sont mis à la charge définitive du CHU de Nantes. Article 4 : Le centre hospitalier de Nantes versera une somme de 1 500 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au centre hospitalier universitaire de Nantes. Copie en sera adressée, pour information, à l'expert. Délibéré après l'audience du 15 mai 2025, à laquelle siégeaient : - Mme Brisson, présidente de chambre, - M. Vergne, président assesseur, - Mme Marion, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2025. La rapporteure, I. MARION La présidente, C. BRISSON Le greffier, Y. MARQUIS La République mande et ordonne au ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23NT01339
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de NANCY, 5ème chambre, 03/06/2025, 22NC02078, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 20 juillet 2020 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires Strasbourg Grand-Est a rejeté sa demande de reconnaissance de l'imputabilité de son accident, survenu le 8 octobre 2019, ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé sur son recours gracieux formé le 15 septembre 2020. Par un jugement n° 2002352 du 3 juin 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Chalon, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ; 2°) d'annuler la décision du 20 juillet 2020 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - il a subi le 8 octobre 2019 un accident de service qui doit être reconnu imputable au service en application du II de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 ; - à titre subsidiaire, la décision du 20 juillet 2020 est insuffisamment motivée ; - la commission de réforme n'avait pas à être consultée ; - à titre infiniment subsidiaire, la procédure devant la commission de réforme a été irrégulière compte tenu du rejet de sa demande de report de la séance, de la présence du médecin expert qui l'avait déjà examiné et de l'irrégularité de la composition de la commission. Par un mémoire en défense enregistré le 5 octobre 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Par une lettre du 25 février 2025, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le juge d'appel est susceptible de procéder d'office à une substitution de base légale, la décision refusant l'imputabilité au service trouvant sa base légale, non dans les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, mais dans celles de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par le I de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ; - le décret n° 86-442 du 13 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Peton, - et les conclusions de Mme Bourguet, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., adjoint administratif, est affecté à la maison d'arrêt de Châlons-en-Champagne où il exerce les fonctions de référent des activités socio-culturelles de l'établissement. Le 25 octobre 2019, M A... a adressé une demande de reconnaissance d'imputabilité au service d'un accident qu'il déclare être survenu le 8 octobre 2019. La commission de réforme a émis un avis défavorable à cette demande le 9 juillet 2020. Par une décision du 20 juillet 2020, le directeur interrégional des services pénitentiaires Strasbourg Grand-Est a rejeté cette demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident survenu le 8 octobre 2019, et a ensuite implicitement rejeté le recours gracieux formé par l'agent le 15 septembre 2020. M. A... relève appel du jugement du 3 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. En premier, lieu, d'une part, aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 35. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ". 3. D'autre part, aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par le I de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, en vigueur depuis le 21 janvier 2017 et désormais codifié à l'article L. 822-20 du code général de la fonction publique : " I. Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. (...) / II. Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. (...) / III. Est reconnu imputable au service, lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit en apportent la preuve ou lorsque l'enquête permet à l'autorité administrative de disposer des éléments suffisants, l'accident de trajet dont est victime le fonctionnaire qui se produit sur le parcours habituel entre le lieu où s'accomplit son service et sa résidence ou son lieu de restauration et pendant la durée normale pour l'effectuer, sauf si un fait personnel du fonctionnaire ou toute autre circonstance particulière étrangère notamment aux nécessités de la vie courante est de nature à détacher l'accident du service. VI. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités du congé pour invalidité temporaire imputable au service mentionné au premier alinéa et détermine ses effets sur la situation administrative des fonctionnaires (...) ". 4. Ces dispositions sont devenues applicables, s'agissant de la fonction publique de l'Etat, depuis l'entrée en vigueur, le 24 février 2019, du décret du 21 février 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique de l'Etat. Par suite, les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 s'appliquent au présent litige qui porte sur un accident survenu le 8 octobre 2019 et dont l'imputabilité au service a été demandée le 25 octobre 2019. Par suite, la décision du 20 juillet 2020 ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984. 5. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point. 6. En l'espèce, si le directeur interrégional des services pénitentiaires Strasbourg Grand-Est a, pour les motifs exposés au point 3, fondé à tort sa décision sur les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, il y a lieu de substituer à ce fondement celles de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 dès lors que cette substitution de base légale n'a pas pour effet de priver M. A... des garanties qui lui sont reconnues par la loi et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'un ou l'autre de ces textes. 7. A cet égard, constitue un accident de service un événement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent. 8. Il ressort des pièces du dossier que la directrice de la maison d'arrêt de Châlons-en-Champagne, s'interrogeant sur l'effectivité des activités professionnelles de M. A..., a adressé à ce dernier des messages électroniques lui demandant de lui adresser un compte-rendu sur son activité de l'année 2019. M. A... persistant à répondre qu'il ne lui était pas possible de dresser un tel compte-rendu, la directrice a décidé de revoir la fiche de poste de l'intéressé. A cette fin, elle a convoqué celui-ci à un entretien le 18 septembre 2019. A l'issue de cet entretien, la directrice de la maison d'arrêt a considéré, dans un message électronique du 23 septembre 2019, que M. A... n'était pas en mesure de remplir les missions qui lui étaient dévolues et a décidé de lui confier des " tâches simples [et] uniques " à accomplir de manière journalière en lien avec ses compétences définies par la responsable des ressources humaines en lui enjoignant de s'adresser chaque jour à cette dernière afin qu'elle lui confie de telles tâches. A partir du 30 septembre 2019, alors qu'il devait se présenter à sa supérieure hiérarchique afin que des missions lui soient confiées, M. A... ne s'est plus présenté à son poste. Par un courrier du 2 octobre 2019, il a été convoqué à un entretien consistant en une demande d'explications avec la responsable des ressources humaines de la maison d'arrêt, en raison du refus d'appliquer les directives de la directrice de la maison d'arrêt. M. A... ne s'est pas rendu à l'entretien fixé le 3 octobre 2019 et, le 7 octobre 2019, il a écrit à la directrice de la maison d'arrêt pour lui indiquer que la médecine de prévention avait préconisé un " travail dans un bureau sans être isolé " et l'absence de " double tâche ", lui a indiqué que les tâches quotidiennes étaient sans rapport avec sa fiche de poste et a enfin précisé qu'en l'absence de respect des préconisations du médecin de prévention il porterait plainte pour harcèlement. Le 7 octobre 2019, la directrice de la maison d'arrêt a rappelé à M. A... que la caducité de sa fiche de poste lui avait été notifiée depuis le 27 septembre, que le travail qui lui était confié était adapté à son état de santé et que l'absence de service fait donnerait lieu à des décisions de retenue de 1/30ème pour chaque journée non travaillée. 9. A la suite de ce dernier échange, M. A... dit avoir subi un " choc émotionnel " et a été placé en situation de congé de maladie. Il a demandé que cet évènement soit reconnu imputable au service. Le certificat médical initial renseigné le 8 octobre 2019 précise que le patient " souffre d'un choc émotionnel lié à un conflit suite à non-respect des fiches de poste. Le monsieur est fort angoissé, tremblement, il s'agit d'un homme souffrant d'un traumatisme crânien en 2002 (...) patient fort angoissé, risque de passage à l'acte, il est conseillé de sortir et de ne pas rester enfermé ". 10. Toutefois, il ressort du rapport d'expertise réalisé le 2 juin 2020 à la demande de l'administration que les troubles affectant M. A..., et notamment le syndrome anxio-dépressif, préexistaient à l'évènement du 8 octobre 2019. A cet égard, il résulte de l'instruction que M. A... a été victime d'une agression par deux détenus en 2002 et fait l'objet d'un suivi médical régulier depuis cette date. Le médecin expert conclut que si les arrêts de travail sont médicalement justifiés, ils ne sont pas imputables au service. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les entretiens des 18 septembre et 2 octobre et les courriers des 23 septembre, 2 octobre et 7 octobre 2019 auraient été conflictuels ni que, lors de ces entretiens, les supérieurs hiérarchiques de M. A... auraient adopté des comportements ou tenu des propos excédant l'exercice normal de leur pouvoir hiérarchique. Ces entretiens ont été motivés par la volonté de permettre à l'intéressé de travailler de manière plus sereine et de lui confier des tâches plus simples dès lors qu'il n'avait mis en place qu'une seule activité depuis le début de l'année 2019. Dans un tel contexte, et alors même que l'intéressé évoque le lien de son choc émotionnel avec l'évolution de son activité professionnelle, aucun lien direct entre ses conditions de travail et l'évolution de son état de santé n'apparaît ici caractérisé. M. A... n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'il aurait été victime d'un accident imputable au service et, qu'en conséquence, la décision contestée serait entachée d'une erreur de droit. 11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) / 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". 12. En l'espèce, la décision litigieuse vise les dispositions dont le directeur interrégional des services pénitentiaires a entendu faire application, ainsi que l'avis de la commission de réforme émis le 9 juillet 2020 et le dossier administratif de M. A.... Par suite, la décision est suffisamment motivée. 13. En troisième lieu, aux termes de l'article 47-6 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " La commission de réforme est consultée : / 1° Lorsqu'une faute personnelle ou toute autre circonstance particulière est potentiellement de nature à détacher l'accident du service ; (...) ". 14. Il ressort de ces dispositions que lorsque l'administration entend opposer une faute personnelle ou une circonstance particulière de nature à détacher l'accident du service, il lui appartient de saisir pour avis la commission de réforme. 15. Par ailleurs, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. Quand bien même il ne revêt qu'un caractère consultatif, l'avis de la commission de réforme contribue à garantir que la décision prise sur une demande de reconnaissance de l'imputabilité d'un accident ou d'une pathologie au service le sera de façon éclairée. 16. Par suite, et contrairement à ce que soutient M. A..., l'administration était tenue de recueillir l'avis de la commission de réforme. 17. En quatrième lieu, aux termes de l'article 19 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 : " La commission de réforme ne peut délibérer valablement que si la majorité absolue des membres en exercice assiste à la séance ; un praticien de médecine générale ou le spécialiste compétent pour l'affection considérée doit participer à la délibération. Les avis sont émis à la majorité des membres présents. Lorsqu'un médecin spécialiste participe à la délibération conjointement avec les deux praticiens de médecine générale, l'un de ces deux derniers s'abstient en cas de vote. La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages rapports et constatations propres à éclairer son avis. Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instruction, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. Le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de la partie administrative de son dossier. Un délai minimum de huit jours doit séparer la date à laquelle cette consultation est possible de la date de la réunion de la commission de réforme ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. La commission de réforme, si elle le juge utile, peut faire comparaître le fonctionnaire intéressé. Celui-ci peut se faire accompagner d'une personne de son choix ou demander qu'une personne de son choix soit entendue par la commission de réforme ". 18. M. A... a été convoqué le 17 juin 2020 à la séance de la commission de réforme prévue le 9 juillet 2020, le courrier de convocation indiquant la possibilité de consulter son dossier administratif, d'obtenir communication par écrit de l'expertise figurant au dossier, d'apporter toutes pièces complémentaires qu'il jugeait utiles. Il a été également informé de la possibilité de se faire assister de la personne de son choix, notamment un médecin. Le conseil de M. A... n'a présenté une demande de report que la veille de la séance de la commission à 14h26 afin de prendre connaissance du dossier et préparer ses observations écrites. En l'absence de motif légitime, aucun texte ou principe n'imposait qu'il soit fait droit à une telle demande. Et le fait que la demande de report n'ait pas été acceptée ne suffit pas à considérer que l'agent n'a pas pu faire valoir ses observations ou se faire représenter. 19. En cinquième lieu, aux termes de l'article 18 du décret du 14 mars 1986 : " Le médecin du travail attaché au service auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical ou à la commission de réforme est informé de la réunion et de son objet. Il peut obtenir, s'il le demande, communication du dossier de l'intéressé. Il peut présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion. Il remet un rapport écrit dans les cas prévus aux articles 34, 43 et 47-7. Le fonctionnaire intéressé et l'administration peuvent, en outre, faire entendre le médecin de leur choix par le comité médical ou la commission de réforme ". 20. Contrairement à ce que soutient M. A..., le médecin de prévention a été avisé de la réunion de la commission de réforme par un courrier qui lui a été adressé le 25 juin 2020 par la directrice de la maison d'arrêt de Châlons-en-Champagne. 21. En dernier lieu, les dispositions des articles 3, 8 et 17 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ne sont pas applicables à la situation d'un fonctionnaire d'Etat et les moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions sont inopérants. 22. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 23. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " 24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice. Délibéré après l'audience du 13 mai 2025, à laquelle siégeaient : - Mme Rousselle, présidente, - M. Barlerin, premier conseiller, - Mme Peton, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2025. La rapporteure, Signé : N. PetonLa présidente, Signé : P. Rousselle Le greffier, Signé : A. Betti La République mande et ordonne au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier, A. Betti N° 22NC02078 2
Cours administrative d'appel
Nancy
CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 10/06/2025, 24BX00992, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés du 19 mars 2018 et du 4 octobre 2018 et l'avenant n°1 du 14 septembre 2018 à la convention du 29 juillet 2015 par lesquels le ministre de l'intérieur l'a maintenu en position de mise à disposition, à temps plein, auprès du préfet de la Gironde, en tant qu'ils lui refusent le bénéfice de la bonification spéciale de retraite accordée aux fonctionnaires actifs de la police nationale. Par un jugement n° 1805420 du 22 juin 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les arrêtés du 19 mars 2018 et du 4 octobre 2018 ainsi que l'avenant du 18 septembre 2018 en tant qu'ils prévoient que M. A... ne bénéficie pas de la bonification spéciale de retraite dite " bonification du cinquième ". Par un arrêt n° 20BX02846 du 11 octobre 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel formé par le ministre de l'intérieur, annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Bordeaux. Par une décision n° 469576, 471524 du 22 avril 2024, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux et a renvoyé l'affaire devant cette cour. Procédure devant la cour : Par un recours et un mémoire enregistrés les 26 août 2020 et 23 mai 2024, le ministre de l'intérieur demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 22 juin 2020 du tribunal administratif de Bordeaux ; 2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif. Il soutient dans le dernier état de ses écritures que : - le jugement attaqué est insuffisamment motivé ; le tribunal n'a pas explicité le raisonnement l'ayant conduit à estimer que la bonification du cinquième ne constituait pas une législation indépendante de la loi du 11 janvier 1984 et à rejeter sa demande de substitution de base légale ; - s'il s'est fondé sur une norme inapplicable, l'article L. 73 du code des pensions civils et militaires de retraite, pour refuser de prendre en compte sa période de mise à disposition au titre de la bonification du 5ème, en ce que cet article n'est applicable qu'aux agents en détachement, en revanche l'article 1er de la loi du 8 avril 1957, combiné avec les dispositions des articles L. 411-2 et R. 411-2 du code de la sécurité intérieure constituaient la base légale du refus de prise en compte de la période de mise à disposition de M. A... au titre de la bonification du 5ème, à la lumière de la substitution de motif demandée ; - si les personnels actifs, visés par les articles L. 411-2 et R. 411-2 du code de la sécurité intérieure, sont ceux auxquels s'appliquent les dispositions de la loi du 8 avril 1957, ce n'est qu'à la condition qu'ils exercent effectivement les missions que ces dispositions attribuent à leur corps et qui sont classées en catégorie active ; d'une manière générale, si un fonctionnaire mis à disposition est réputé occuper son emploi, il ne pourra bénéficier des avantages statutaires liés aux emplois de catégorie dite " active " que s'il est soumis à des sujétions et exerce des fonctions pouvant être assimilées à celles des emplois de catégorie dite " active " ; - M. A..., qui a été mis à disposition en qualité de délégué du préfet de la Gironde, agissant au nom du ministre de la Ville, dans les quartiers de la rive gauche de l'agglomération bordelaise à compter du 1er septembre 2014, n'exerçait plus durant sa mise à disposition les missions ou activités dévolues aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale par l'article R. 411-2 du code de sécurité intérieure et n'avait, par suite, pas de droit au bénéfice de la bonification du cinquième, prévue en contrepartie de la pénibilité de ces missions ou activités ; - il aurait pris la même décision s'il s'était fondé initialement sur la base légale et le motif appropriés ; le silence de l'arrêté initial de mise à disposition quant à la bonification en cause ne saurait être interprété comme valant maintien de cette bonification au titre de la période de mise à disposition. Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 mai 2021 et 24 juin 2024, M. A..., représenté par Me Gernez, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - le jugement attaqué est suffisamment motivé ; - une convention de mise à disposition n'a pas pour objet de modifier le statut du fonctionnaire au regard de ses droits à pension, l'agent demeurant dans son corps d'origine et étant réputé occuper son emploi ; la bonification particulière accordée aux fonctionnaires actifs de la police nationale n'est pas exclue lorsque lesdits fonctionnaires sont placés en position administrative de mise à disposition ; - la bonification spéciale de retraite instituée par la loi du 8 avril 1957 ne constitue pas une législation indépendante de la loi du 11 janvier 1984 ; le raisonnement par analogie avec la situation des fonctionnaires détachés proposée par le ministre est erroné ; la position de détachement, dans laquelle le fonctionnaire est placé hors de son corps d'origine, ne saurait se confondre avec celle de mise à disposition ; c'est d'ailleurs la raison pour laquelle des dispositions spécifiques ont prévu le maintien, sous conditions, de la bonification au bénéfice des fonctionnaires détachés ; - le tribunal a rejeté à juste titre la demande de substitution de base légale demandée en première instance ; le fondement légal invoqué par le ministre ne saurait fonder le refus de maintien de bonification en litige ; comme l'a relevé le tribunal, la suppression de cette bonification est intervenue plus de trois ans après le début de la mise à disposition ; - il exerce des fonctions analogues, par leur nature et leurs sujétions, à celles qu'exercent les fonctionnaires actifs de police. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code de la sécurité intérieure ; - la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 ; - le code de justice administrative ; Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. C..., - les conclusions de M. Ellie, rapporteur public, - les observations de M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., commandant de la police nationale, a, par arrêté du ministre de l'intérieur du 29 juillet 2015, été mis à disposition du préfet de la région Gironde du 1er septembre 2014 au 31 août 2017 pour exercer les fonctions de délégué du préfet dans les quartiers de la rive gauche de l'agglomération bordelaise. Par des arrêtés du ministre de l'intérieur des 19 mars et 4 octobre 2018, cette mise à disposition a été renouvelée pour la période du 1er septembre 2017 au 31 août 2020 et un avenant à la convention de mise à disposition a été signé le 14 septembre 2018. Par un jugement du 22 juin 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a, sur la demande de M. A..., annulé ces arrêtés des 19 mars et 4 octobre 2018 et cet avenant en tant qu'ils prévoient que l'intéressé ne bénéficie pas de la bonification spéciale de retraite prévue à l'article 1er de la loi du 8 avril 1957 instituant un régime particulier de retraites en faveur des personnels actifs de la police. Par un arrêt du 11 octobre 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel formé par le ministre de l'intérieur contre ce jugement, annulé celui-ci et rejeté la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Bordeaux. Par une décision du 22 avril 2024, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par M. A..., annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Bordeaux. Sur les conclusions du ministre tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux ayant annulé les arrêtés du 19 mars 2018 et du 4 octobre 2018 ainsi que l'avenant du 18 septembre 2018 en tant qu'ils prévoient que M. A... ne bénéficie pas de la bonification spéciale de retraite dite " bonification du cinquième " : 2. Aux termes de l'article L. 73 du code des pensions civiles et militaires de retraite: " (...) Les avantages spéciaux attachés à l'accomplissement de services dans des emplois classés dans la catégorie active, définie à l'article L. 24, sont maintenus en faveur des fonctionnaires détachés dans un emploi classé dans cette catégorie pour exercer des fonctions de même nature que celles assumées dans le cadre d'origine ainsi qu'en faveur des fonctionnaires détachés pour exercer des fonctions de membre du Gouvernement, un mandat électif ou syndical, qui n'ont pas changé de catégorie durant leur position de détachement. (...) ". 3. Les dispositions précitées n'excluent pas du bénéfice de la bonification spéciale de retraite l'agent mis à disposition qui, en application des dispositions de l'article 41 de la loi du 11 janvier 1984 citées ci-après, est réputé occuper son emploi et continue à percevoir la rémunération correspondante. Le ministre de l'intérieur, qui ne le conteste d'ailleurs pas, a donc commis une erreur de droit en estimant que le bénéfice de la bonification spéciale de retraite devait être refusé à M. A..., agent en position de mise à disposition au motif que le code des pensions civiles et militaires, notamment son article 73, faisait obstacle à ce que le fonctionnaire de police mis à disposition en conserve le bénéfice. 4. Le ministre de l'intérieur demande toutefois à la cour de procéder à une substitution de motif et invoque les dispositions de l'article 1er de la loi du 8 avril 1957 susvisée et la circonstance que M. A..., qui est mis à disposition du préfet de la Gironde, n'exerce pas effectivement des fonctions analogues à des fonctionnaires actifs de police nationale. 5. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué. 6. Aux termes, d'une part, de l'article 33 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " L'activité est la position du fonctionnaire qui, titulaire d'un grade, exerce effectivement les fonctions de l'un des emplois correspondant à ce grade dans les administrations de l'Etat, les autorités administratives indépendantes et les établissements publics administratifs de l'Etat ". Aux termes de l'article 41 de la même loi : " La mise à disposition est la situation du fonctionnaire qui demeure dans son corps d'origine, est réputé occuper son emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante, mais qui exerce des fonctions hors du service où il a vocation à servir (...) ". 7. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 411-2 du code de la sécurité intérieure : " La police nationale comprend des personnels actifs, ainsi que des personnels administratifs, techniques et scientifiques. / Les sujétions et obligations particulières applicables aux personnels actifs de la police nationale sont définies à l'article 19 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité. " Aux termes de l'article R. 411-2 du même code : " Les fonctionnaires actifs des services de la police nationale sont affectés à des missions ou activités : / 1° De protection des personnes et des biens ; / 2° De prévention de la criminalité et de la délinquance ; / 3° De police administrative ; / 4° De recherche et de constatation des infractions pénales, de recherche et d'arrestation de leurs auteurs ; / 5° De recherche de renseignements ; / 6° De maintien de l'ordre public ; / 7° De coopération internationale ; / 8° D'état-major et de soutien des activités opérationnelles ; / 9° De formation des personnels (...) ". 8. Aux termes enfin de l'article 1er de la loi du 8 avril 1957 instituant un régime particulier de retraites en faveur des personnels actifs de police : " Les agents des services actifs de police de la préfecture de police, soumis à la loi n° 48-1504 du 28 septembre 1948 dont la limite d'âge était, au 1er décembre 1956, égale à cinquante-cinq ans, bénéficient, à compter du 1er janvier 1957, s'ils ont droit à une pension d'ancienneté ou à une pension proportionnelle pour invalidité ou par limite d'âge, d'une bonification pour la liquidation de ladite pension, égale à un cinquième du temps qu'ils ont effectivement passé en position d'activité dans des services actifs de police. Cette bonification ne pourra être supérieure à cinq annuités. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 6 de la même loi : " Les dispositions des articles 1er à 3 ci-dessus seront applicables, suivant les mêmes modalités et à l'exception des catégories équivalentes à celles qui, à la préfecture de police n'en sont pas bénéficiaires, aux personnels des services actifs de la sûreté nationale, soumis à la loi n° 48-1504 du 28 septembre 1948. (...) ". 9. L'avantage d'ancienneté, dit " bonification spéciale des fonctionnaires de police " ou " bonification du 1/5ème ", prévu par les dispositions des articles 1er et 6 de la loi du 8 avril 1957 est attaché à la nature des fonctions que ces agents exercent en position d'activité. Il suit de là qu'un fonctionnaire de police placé en position de mise à disposition a droit au bénéfice de la bonification d'ancienneté pour autant que les fonctions qu'il exerce soient analogues, par leur nature et les sujétions qu'elles emportent, à celles qu'exercent les fonctionnaires actifs de police conformément aux dispositions rappelées au point 7 ci-dessus. 10. M. A... se prévaut des missions qu'il a accomplies en qualité de délégué du préfet de la Gironde dans les quartiers " Politique de la Ville ", de ses actions de prévention de la criminalité et de la délinquance, de ses actions en matière de renseignement et de ses actions de formation de personnels qui révèlent, selon lui, qu'il exerçait des fonctions analogues, par leur nature et leurs sujétions, à celles qu'exercent les fonctionnaires actifs de police. Il fait état notamment de l'attestation établie, le 19 juin 2024, par la cheffe du bureau du service " politique de la Ville " de la préfecture de la Gironde selon laquelle, en sa qualité de référent sur les questions de sécurité et de prévention de la délinquance, il a " accompli un travail remarquable sur le sujet des relations police/population qui a permis un réel apaisement des tensions sur les quartiers dont il a eu la charge " et ces missions lui ont permis " d'être identifié par les élus comme un relais essentiel, auprès des services de l'Etat, sur les questions de sécurité, de prévention de la délinquance et de tranquillité publique", ainsi que de la lettre du 17 janvier 2019 adressée par une députée de la Gironde, au directeur général de la police nationale, selon laquelle M. A... intervenait " auprès de la population jeune pour réinstaurer la confiance perdue envers nos institutions, et principalement la police ". Toutefois, il ressort de la fiche de poste afférente à ses fonctions que M. A... exerçait, pour l'essentiel, depuis la date de sa mise à disposition, des missions administratives de pilotage et de coordination ainsi que de représentation de l'Etat. Par suite, les attestations précitées ne sont pas de nature à démontrer qu'il exerçait, par leur nature et les sujétions qu'elles emportent, des missions analogues à celles d'un policier en service actif quand bien même ses missions présentaient pour partie une activité de terrain opérationnelle. En outre, il ressort de sa convention de mise à disposition qu'il n'était plus soumis aux obligations et sujétions inhérentes aux fonctionnaires de la police nationale, prévues notamment par l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale, mais aux règles d'organisation interne et aux conditions de travail en vigueur dans la préfecture de la Gironde, règles reprises dans le règlement intérieur de la préfecture. M. A... n'exerçait donc pas des fonctions assimilables à celles mentionnées à l'article R. 411-2 du code de la sécurité intérieure cité ci-dessus. Enfin, la circonstance alléguée que des fonctionnaires de police en état-major astreints à des fonctions non opérationnelles mais purement administratives sur des horaires de bureau, qui n'effectuent pas de permanence et disposent du télétravail bénéficieraient néanmoins du statut d'actif, est sans influence. La décision dont l'annulation est demandée est ainsi légalement justifiée par ce motif de droit et de fait. Il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif et que cette décision ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué. 11. M. A... ne soulève aucun autre moyen susceptible d'être examiné par la cour dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. 12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les arrêtés du 19 mars 2018 et du 4 octobre 2018 ainsi que l'avenant du 18 septembre 2018 en tant qu'ils prévoient que M. A... ne bénéficie pas de la bonification spéciale de retraite dite " bonification du cinquième ". Sur les frais liés au litige : 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 juin 2020 est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Bordeaux et ses conclusions d'appel sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A.... Délibéré après l'audience du 20 mai 2025 à laquelle siégeaient : M. Luc Derepas, président de la cour, Mme Fabienne Zuccarello, présidente de chambre, M. Nicolas Normand, président-assesseur. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2025. Le rapporteur, Nicolas C... Le président, Luc DerepasLa greffière, Virginie Santana La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. 2 N° 24BX00992
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de DOUAI, 3ème chambre, 18/06/2025, 23DA01162, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre communal d'action sociale de Roubaix à lui verser la somme de 12 926 euros en réparation des préjudices financier et moral qu'elle estime avoir subis du fait de son admission tardive à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité. Par un jugement n° 2007199 du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 21 juin 2023, Mme A... B..., représentée par la Selafa Cassel, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 11 mai 2023 ; 2°) d'annuler la décision implicite rejetant sa demande indemnitaire ; 3°) de condamner le centre communal d'action sociale de Roubaix à lui verser la somme de 12 926 euros en réparation de ses préjudices ; 4°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Roubaix une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le centre communal d'action sociale a commis une faute en tardant à instruire sa demande et en la mettant à la retraite pour invalidité à compter du 25 mai 2019 alors que son congé de longue durée expirait le 1er mars 2018 et qu'elle avait été déclarée définitivement inapte à toutes fonctions au mois de mars 2018 ; - la circonstance que ce retard serait imputable à la commission de réforme n'a pas pour effet de dégager le centre communal d'action sociale de sa responsabilité ; - au demeurant, l'administration l'a admise à la retraite par une décision du 3 octobre 2019 alors que la commission de réforme s'est prononcée le 24 mai précédent ; - l'administration ne saurait utilement se prévaloir de la circonstance qu'elle ne pouvait bénéficier d'une pension de retraite avant que la commission de réforme se prononce ; - la négligence de l'administration est à l'origine d'un préjudice financier correspondant à la différence entre le mi-traitement qui lui a été versé de mars 2018 à mai 2019 et la pension qu'elle aurait dû percevoir, pour un montant de 2 926 euros ; - elle a également subi un préjudice moral évalué à la somme de 10 000 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 14 juin 2024, le centre communal d'action sociale de Roubaix, représenté par Me Guilmain, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraites ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, - les conclusions de M. Malfoy, rapporteur public, - et les observations de Me Guilmain, représentant le centre communal d'action sociale de Roubaix. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... B..., née le 27 septembre 1957, exerçait une activité professionnelle, en qualité d'adjointe administrative, au sein du centre communal d'action sociale (CCAS) de Roubaix, avant d'être placée en congé de maladie à compter du 26 février 2013 pour un syndrome anxio-dépressif. Placée en dernier lieu en congé de longue durée et arrivant au terme de ses droits le 25 février 2018, elle a été placée, par un arrêté du 27 novembre 2017, en disponibilité d'office pour raisons de santé du 26 au 28 février 2018. Le 15 mars 2018, elle a sollicité son admission à la retraite pour invalidité à compter du 1er mars 2018. Par un premier arrêté du 31 mai 2019, le CCAS de Roubaix a admis Mme A... B... à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 1er mars 2018. Toutefois, par un arrêté du 2 octobre 2019, le CCAS de Roubaix a prolongé sa disponibilité d'office pour raisons de santé du 1er mars 2018 au 24 mai 2019, et, par un arrêté du 3 octobre 2019, a admis l'intéressée à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 25 mai 2019. Mme A... B..., qui n'a perçu qu'un demi-traitement jusqu'au 24 mai 2019, a saisi le tribunal administratif de Lille de conclusions indemnitaires tendant à la réparation du préjudice financier et du préjudice moral résultant selon elle d'un retard fautif de l'administration dans l'instruction de son dossier de mise à la retraite. Elle relève appel du jugement du 11 mai 2023 rejetant sa demande. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite (...) ". Les 3° et 4° du même article prévoient respectivement des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans quand la maladie rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée et des congés de longue durée d'une durée maximale de cinq ans si le fonctionnaire est atteint de certaines affections, notamment la maladie mentale. 3. Aux termes de l'article 17 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " (...) Lorsque le fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical. En cas d'avis défavorable, s'il ne bénéficie pas de la période de préparation au reclassement prévue par le décret du 30 septembre 1985 susvisé, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite (...) ". Aux termes de l'article 37 du même décret : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de (...) longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi, (...) soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme prévue par le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. / Pendant toute la durée de la procédure requérant soit l'avis du comité médical, soit l'avis de la commission de réforme, soit l'avis de ces deux instances, le paiement du demi-traitement est maintenu jusqu'à la date de la décision de reprise de service ou de réintégration, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite ". 4. Aux termes de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " (...) La mise en retraite d'office pour inaptitude définitive à l'exercice de l'emploi ne peut être prononcée qu'à l'expiration des congés de maladie, des congés de longue maladie et des congés de longue durée dont le fonctionnaire bénéficie en vertu des dispositions statutaires qui lui sont applicables (...) ". Aux termes de l'article 31 du même décret : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, les conséquences et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions (...) / Le pouvoir de décision appartient dans tous les cas à l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination, sous réserve de l'avis conforme de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. / Les énonciations de cette décision ne peuvent préjuger ni de la reconnaissance effective du droit, ni des modalités de liquidation de la pension, ces dernières n'étant déterminées que par l'arrêté de concession. / La Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales peut, à tout moment, obtenir la communication du dossier complet de l'intéressé, y compris les pièces médicales. Tous renseignements médicaux ou pièces médicales dont la production est indispensable pour l'examen des droits définis au présent titre pourront être communiqués, sur leur demande, aux services administratifs dépendant de l'autorité à laquelle appartient le pouvoir de décision ainsi qu'à ceux de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (...) ". En application des articles 34 et 39 du même décret, le fonctionnaire mis à la retraite en raison d'une invalidité non imputable au service a droit à une pension déterminée en fonction des services qu'il a accomplis et de son taux d'invalidité. Il résulte des dispositions de l'article 59 de ce décret qu'il appartient au fonctionnaire de manifester son intention de faire valoir ses droits à la retraite six mois au moins avant la date souhaitée pour son départ, alors que l'employeur doit transmettre à la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) un dossier complet trois mois avant cette même date. 5. Les dispositions de l'article 13 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière prévoient que la demande d'inscription à l'ordre du jour de la commission de réforme est adressée par l'employeur au secrétariat de la commission et que celle-ci doit statuer dans un délai d'un mois, porté à deux mois lorsqu'elle fait procéder à une mesure d'instruction. Aux termes du quatrième alinéa de cet article : " Le traitement auquel l'agent avait droit, avant épuisement des délais en cours à la date de saisie de la commission de réforme lui est maintenu durant les délais mentionnés et en tout état de cause jusqu'à l'issue de la procédure justifiant la saisie de la commission de réforme ". 6. Il résulte des dispositions précitées que lorsqu'un fonctionnaire territorial ayant épuisé ses droits aux congés de maladie, de longue maladie et de longue durée se trouve définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, il est admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Cette commission est saisie par l'employeur et se prononce dans un délai d'un mois, porté à deux mois si elle fait procéder à une mesure d'instruction. L'employeur doit, préalablement à la mise à la retraite, obtenir un avis conforme de la CNRACL et accomplir des formalités en vue de la liquidation de la pension. Jusqu'à la décision de mise à la retraite, le fonctionnaire bénéficie d'un plein traitement ou d'un demi-traitement selon que sa maladie est ou non imputable au service. 7. Si Mme A... B... reproche au CCAS de Roubaix un retard à instruire sa demande de mise en retraite pour invalidité alors que son congé de longue durée expirait le 1er mars 2018, il résulte de l'instruction qu'elle a initialement demandé à bénéficier d'une mise à la retraite pour carrière longue, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 25 bis et D. 16-1 à D. 16-3 du code des pensions civiles et militaires de retraite et de l'article 26-1 du décret du 26 décembre 2003 précité, qui n'a pu aboutir en l'absence notamment de transmission à la CNRACL d'une situation de carrière retraçant les services accomplis par la requérante à l'Office public de l'habitat de Lille. La requérante, qui n'invoque aucune faute du CCAS de Roubaix dans la gestion de ce premier dossier, a sollicité sa mise à la retraite pour invalidité à compter du 1er mars 2018 par un courrier daté du 15 mars 2018, et n'a donc pas respecté le délai de six mois prévu par l'article 59 du décret précité du 26 décembre 2003. Il n'est pas contesté qu'en application des dispositions citées au point 3, le CCAS de Roubaix était tenu, avant de se prononcer sur cette demande, de saisir le comité médical sur l'aptitude de Mme A... B... à la reprise de ses fonctions au terme de son congé de longue durée intervenant le 25 février 2018, ainsi que la commission de réforme appelée à se prononcer sur l'incapacité totale et définitive de l'intéressée à toutes fonctions et sur sa mise à la retraite pour invalidité. Si la requérante a été examinée dès le 22 avril 2018 par un psychiatre agréé, qui a conclu que le syndrome anxio-dépressif, non imputable au service, avait pour conséquence l'inaptitude totale et définitive de la requérante à toutes fonctions, avec un taux d'incapacité permanente partielle de 30 %, il s'est avéré nécessaire de procéder à un nouvel examen médical au début de l'année 2019 afin de déterminer le taux d'incapacité résultant des autres pathologies de l'intéressée, permettant ainsi au comité médical de rendre son avis le 26 avril 2019 et à la commission de réforme de rendre le sien le 24 mai suivant. A cet égard, le brevet de pension délivré à la requérante par la CNRACL le 17 octobre 2019 retient d'ailleurs un pourcentage d'invalidité de 98 % pour le calcul de cette pension. Il n'est pas allégué que l'employeur aurait manqué à ses obligations, au regard des dispositions de l'article 13 de l'arrêté précité du 4 août 2004, en omettant de saisir en temps utile la commission de réforme, alors que le CCAS de Roubaix produit à l'instance un courriel du 8 janvier 2019 insistant auprès du centre départemental de gestion pour que le dossier de la requérante soit examiné en priorité. Par ailleurs, Mme A... B... ne conteste pas que le CCAS de Roubaix ne pouvait se prononcer sur sa demande avant le 24 mai 2019, date à laquelle la commission de réforme a rendu son avis. Il résulte encore de l'instruction que le CCAS de Roubaix a dû procéder, en lien avec la CNRACL, à la régularisation des services accomplis par Mme A... B... en 1986 et 1987 au sein de l'Office public de l'habitat de Lille, au vu d'un état des services et d'un devis que la CNRACL ne lui a transmis que le 30 septembre 2019. Dans ces conditions, il n'est pas établi qu'un retard fautif serait imputable au CCAS de Roubaix dans la gestion du dossier de retraite pour invalidité de Mme A... B..., alors qu'il en a été tardivement saisi par l'intéressée, que deux expertises médicales ont été nécessaires afin de permettre à la commission de réforme de rendre son avis et que des mesures de régularisation ont été réalisées auprès d'un ancien employeur de l'intéressée. 8. Mme A... B... reproche encore à l'administration de l'avoir admise à la retraite par une décision du 3 octobre 2019 alors que la commission de réforme s'est prononcée le 24 mai précédent. Toutefois, à la supposer fautive, l'édiction tardive de cette décision, qui retient le 25 mai 2019 comme date d'admission à la retraite, ne présente pas de lien de causalité avec le préjudice invoqué qui se rapporte à la pension dont la requérante estime avoir été illégalement privée du 1er mars 2018 au 24 mai 2019. 9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CCAS de Roubaix, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme A... B... demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... B... une somme de 500 euros, à verser au CCAS de Roubaix au titre des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... B... est rejetée. Article 2 : Mme A... B... versera une somme de 500 euros au CCAS de Roubaix au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse B... et au centre communal d'action sociale de Roubaix. Délibéré après l'audience publique du 3 juin 2025, à laquelle siégeaient : - Mme Geneviève Verley-Cheynel, présidente de la cour, - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 juin 2025. Le président-rapporteur, Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de la cour, Signé : G. Verley-CheynelLa greffière, Signé : C. Huls-Carlier La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme, Pour la greffière en chef, Par délégation, La greffière C. Huls-Carlier 2 N° 23DA01162
Cours administrative d'appel
Douai
CAA de NANCY, 3ème chambre, 12/06/2025, 22NC02274, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédures contentieuses antérieures : Par un jugement n° 1507211, 1507211, 163205, 163484, 171606, 172812 du 17 avril 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 22 juin 2015 par lequel le recteur de l'académie de Strasbourg a placé M. A... B... en disponibilité d'office, ainsi que les arrêtés des 21 mars 2016, 15 septembre 2016 et 30 mars 2017, par lesquels le recteur l'a maintenu en disponibilité d'office, a enjoint au recteur de réexaminer sa situation dans un délai de 6 mois à compter de la notification du jugement, a réduit le montant du titre exécutoire du 3 août 2015 des sommes récupérées par l'administration au titre de son placement en disponibilité d'office du 7 avril 2015 au 6 octobre 2017 et a rejeté les autres conclusions de M. B.... Par un jugement n° 2000149 du 30 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg, constatant l'inexécution du jugement précité, a enjoint au recteur de réexaminer la situation de M. B... et de réduire le montant du titre exécutoire du 3 août 2015 dans un délai de 4 mois à compter de la notification de cette décision sous astreinte de 100 euros par semaine de retard. M. B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg : 1°) de procéder à la liquidation de cette astreinte pour la période de 118 semaines du 3 décembre 2020 au 10 mars 2022, soit 11 800 euros ; 2°) d'enjoindre à l'Etat de le placer sous le régime des accidents de service pour la période de disponibilité d'office sur laquelle portaient les arrêtés annulés par le jugement du tribunal administratif du 17 avril 2018, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du 14 mars 2022 ; 3°) d'enjoindre à l'Etat de reconstituer sa carrière, y compris ses droits à la retraite, en conservant son affectation auprès du collège Twinger avec l'avancement dont il devait bénéficier, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ; 4°) d'ordonner à l'Etat de communiquer au greffe du tribunal copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter la décision du 17 avril 2018 ; 5°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2201675 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 30 août 2022, M. B..., représenté par Me Rauch, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 30 juin 2022 du tribunal administratif de Strasbourg ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 11 800 euros au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 juillet 2020 ; 3°) d'enjoindre à l'Etat de le placer sous le régime des accidents de service pour la période de disponibilité d'office sur laquelle portaient les arrêtés annulés par le jugement du tribunal administratif du 17 avril 2018, subsidiairement de réexaminer sa situation, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du 14 mars 2022 ; 4°) d'enjoindre à l'Etat de reconstituer sa carrière, y compris ses droits à la retraite, en conservant son affectation auprès du collège Twinger avec l'avancement dont il devait bénéficier, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ; 5°) d'ordonner à l'Etat de communiquer au greffe de la cour copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter la décision du 17 avril 2018 ; 6°) de condamner l'Etat à lui verser, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros pour la procédure de première instance et de 3 000 euros pour la procédure en appel. Il soutient que : - à la suite du jugement du tribunal du 30 avril 2020, aucune mesure d'exécution n'a été prise par le rectorat ; ce n'est qu'à la suite du troisième rappel adressé par le tribunal le 3 novembre 2021 que le rectorat lui a transmis une convocation à se présenter le 17 novembre 2021 devant le comité médical pour un nouvel examen, sans que la désignation du médecin expert ne soit indiquée ; par ailleurs, compte-tenu du faible délai séparant la convocation de la date de la séance, il n'a pas été en mesure de se présenter ni de se faire assister par son médecin conseil ; - le jugement d'exécution du tribunal du 30 juillet 2020 enjoignait à l'administration de réexaminer sa situation pour la période d'avril 2015 à septembre 2017, date de sa mise à la retraite pour invalidité, et a rappelé expressément que l'exécution du jugement initial du 17 avril 2018 n'impliquait pas une telle mesure d'expertise médicale ; - il doit être placé sous le régime des accidents de service pour la période d'avril 2015 à septembre 2017 ; le litige ne relève pas d'une analyse médicale mais uniquement administrative ; l'administration dispose déjà de tous les rapports médicaux par les experts qu'elle a elle-même mandatés et qui ont analysé son état de santé ; - il n'a pas été destinataire d'un avis de convocation à se présenter devant le comité médical, ni du compte-rendu de ce comité qui aurait décidé de procéder à une nouvelle expertise médicale ; c'est par ailleurs la commission de réforme qui doit statuer sur sa situation et non le comité médical. Par un mémoire en défense enregistré le 14 novembre 2024, le recteur de l'académie de Strasbourg conclut au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que le montant octroyé en application de l'article L. 761-1 soit ramené à de plus justes proportions. Il soutient que : - les difficultés administratives tout au long de l'instruction du dossier de M. B... lui sont entièrement imputables par son refus obstiné et répété de se soumettre aux expertises et contrôles médicaux diligentés par l'administration, ou de s'y présenter hors délais ; - en application du jugement du 17 avril 2018, l'administration ne pouvait statuer que sur avis médical ; après avoir saisi le comité médical le 27 février 2020, elle a diligenté une expertise, le 17 novembre 2021, à laquelle le requérant a été invité à se présenter, ce qu'il n'a pas fait, en méconnaissance des dispositions de l'article 47-13 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986. Vu le jugement n° 1507211 du 17 avril 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ; Vu le jugement n° 2000149 du 30 juillet 2020 du tribunal administratif de Strasbourg ; Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Bauer, - et les conclusions de M. Meisse, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., professeur de sciences physiques, a été victime, en 2006, d'un accident de la circulation, à la suite duquel il a été placé en congé de maladie imputable au service. Par un arrêté du 22 juin 2014, le recteur de l'académie de Strasbourg a placé M. B... en congé de maladie ordinaire à compter du 7 avril 2014 au motif que celui-ci ne s'était pas rendu à des visites médicales obligatoires. Par un arrêté du 22 juin 2015, le droit de M. B... à bénéficier d'un congé de maladie ordinaire étant épuisé, le recteur de l'académie de Strasbourg l'a placé en disponibilité d'office à compter du 7 avril 2015. Par un jugement du 17 avril 2018, le tribunal a annulé l'arrêté du 22 juin 2015 de placement en disponibilité d'office, ainsi que les arrêtés ultérieurs renouvelant ce placement et a enjoint au recteur de l'académie de Strasbourg de réexaminer la situation de M. B.... Constatant l'inexécution du jugement précité, par un jugement n° 2000149 du 30 juillet 2020, le tribunal a enjoint au recteur de l'académie de Strasbourg de procéder à cette exécution en réexaminant la situation de M. B... et en réduisant le montant du titre exécutoire du 3 août 2015 dans un délai de 4 mois à compter de la notification de la décision, sous astreinte de 100 euros par semaine de retard. Compte-tenu de l'inexécution persistante du jugement du 17 avril 2018, M. B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de procéder à la liquidation de cette astreinte pour la période du 3 décembre 2020 au 10 mars 2022, pour un montant de 11 800 euros, d'enjoindre à l'administration de le placer sous le régime des accidents de service pour la période de disponibilité d'office sur laquelle portaient les arrêtés annulés, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, et, enfin, de lui enjoindre de reconstituer sa carrière, y compris ses droits à la retraite, en conservant son affectation au collège Twinger et l'avancement dont il devait bénéficier, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par la présente requête, M. B... demande à la cour d'annuler le jugement du 30 juin 2022 par lequel le tribunal a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin de liquidation d'astreinte : 2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. ". L'article L. 911-7 du code de justice administrative dispose que : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. / Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation. / Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée. ". Le juge dispose ainsi de la faculté de moduler le montant de l'astreinte, lorsque celle-ci n'a pas été prononcée à titre définitif, en fonction de critères tenant notamment à la célérité et aux diligences de l'administration, tant lors de la fixation de l'astreinte que lors de sa liquidation et, le cas échéant, de la fixation d'une nouvelle astreinte pour la période ultérieure. 3. Aux termes de l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. (...) ". L'article 35 de cette loi dispose que : " Des décrets en Conseil d'Etat : 1° Fixent les modalités des différents régimes de congé, déterminent leurs effets sur la situation administrative du fonctionnaire et prévoient les obligations auxquelles le fonctionnaire demandant le bénéfice ou bénéficiant des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 34 est tenu de se soumettre en vue de l'octroi ou du maintien de ces congés, sous peine de voir réduire ou supprimer le traitement qui lui avait été conservé ; (...) ". Aux termes de l'article 19-1 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Lorsque l'administration est amenée à se prononcer sur l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident au titre desquels est demandé un congé de maladie, de longue maladie ou de longue durée, elle peut, en tant que de besoin, consulter un médecin expert agréé. ". Il résulte de ces dispositions que lorsque l'administration entend contrôler le caractère imputable au service du congé de maladie dont bénéficie l'agent, celui-ci est tenu sans délai d'accepter ce contrôle et de se soumettre aux expertises diligentées à cet effet, sous peine de voir son traitement réduit ou supprimé. 4. En l'espèce, M. B... soutient que le recteur de l'académie de Strasbourg n'a pas exécuté le jugement du 17 avril 2018 par lequel le tribunal, après avoir annulé le placement en disponibilité d'office et les renouvellements de ce placement aux motifs que le comité médical n'avait pas été saisi du cas de l'intéressé pour se prononcer sur sa capacité à exercer un autre emploi et que l'administration ne l'avait pas mis en mesure de présenter une demande de reclassement, a enjoint à l'administration de procéder au réexamen de sa situation. 5. Contrairement à ce que soutient le requérant, ce motif d'annulation n'impliquait pas le placement en congé de maladie imputable au service, mais seulement un réexamen de la décision de placement en disponibilité d'office pour raisons de santé, lequel nécessitait la saisine du comité médical. Or, il ressort des pièces du dossier que le recteur a saisi le comité médical de la situation de M. B... et que l'intéressé a refusé de se présenter à l'expertise fixée le 17 novembre 2021, le comité médical ayant considéré qu'il n'était, en conséquence, pas en mesure d'instruire son dossier. Alors qu'aux termes des dispositions précitées, M. B... est dans l'obligation de se soumettre aux expertises diligentées par l'administration, le recteur doit ainsi être regardé comme ayant exécuté le jugement du tribunal du 17 avril 2018, l'absence effective de réexamen de la situation de l'intéressé n'étant due qu'à son obstruction. Il s'ensuit que les conclusions à fin de liquidation de l'astreinte doivent être rejetées, tout comme les conclusions tendant à la fixation d'une nouvelle astreinte. Sur les conclusions à fin d'injonction : 6. Il résulte des dispositions de l'article L. 911-4 du code de justice administrative que, d'une part, le juge administratif ne peut, sur le fondement de ces dispositions, prescrire que les mesures tendant à l'exécution d'une décision de la juridiction administrative et, d'autre part, qu'il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 d'apprécier l'opportunité de compléter les mesures déjà prescrites ou qu'il prescrit lui-même par la fixation d'un délai d'exécution et le prononcé d'une astreinte suivi, le cas échéant, de la liquidation de celle-ci, en tenant compte tant des circonstances de droit et de fait existant à la date de sa décision que des diligences déjà accomplies par les parties tenues de procéder à l'exécution de la chose jugée ainsi que de celles qui sont encore susceptibles de l'être. 7. En premier lieu, ainsi qu'il a été indiqué au point 4, dans son jugement du 17 avril 2018, le tribunal s'est limité à enjoindre au recteur de l'académie de Strasbourg de réexaminer la situation de M. B... au regard de la décision annulée de placement en disponibilité, sans lui enjoindre de prendre une décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions de M. B... tendant à ce qu'il soit enjoint au recteur de l'académie de Strasbourg de le faire bénéficier du régime des accidents de service à compter de son placement en disponibilité d'office, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du 14 mars 2022, et de reconstituer sa carrière y compris ses droits à la retraite, en lui conservant son affectation au collège Twinger, avec l'avancement auquel il devait bénéficier, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, ne peuvent qu'être rejetées. 8. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 5 qu'il n'y a pas lieu d'enjoindre au recteur de l'académie de Strasbourg d'adresser au greffe de la cour une copie des actes pris pour l'exécution du jugement du 17 avril 2018. Sur les conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens, tant en première instance qu'en appel. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Strasbourg. Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient : - M. Wurtz, président, - Mme Bauer, présidente-assesseure, - M. Berthou, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2025. La rapporteure, Signé : S. BAUER Le président, Signé : Ch. WURTZ Le greffier, Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier, F. LORRAIN N° 22NC02274 2
Cours administrative d'appel
Nancy
Conseil d'État, 9ème chambre, 11/06/2025, 470095, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 29 avril 2019 par laquelle la rectrice de l'académie de Reims l'a informé qu'une radiation des cadres à la date du 1er novembre 2017 interviendrait sans liquidation anticipée de son droit à pension de retraite, et d'enjoindre à cette autorité administrative de liquider et de mettre en paiement sa pension. Par un jugement n° 1901578 du 6 octobre 2020, ce tribunal a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 20NC03409 du 29 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Nancy a transmis au Conseil d'Etat le pourvoi formé par M. A... contre ce jugement, enregistré au greffe de cette cour le 24 novembre 2020. Par ce pourvoi ainsi que par un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés le 9 mars 2023 et le 12 mai 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de l'éducation ; - le code de la fonction publique ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ; - le décret n° 2010-1741 du 30 décembre 2010 ; - le décret n° 2013-39 du 10 janvier 2013 ; - l'arrêté du 26 juillet 2019 fixant la date d'effet de la nouvelle procédure d'admission à la retraite à l'égard des fonctionnaires civils et des militaires relevant de l'administration centrale des ministères de l'éducation nationale et de la jeunesse et de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, de certaines académies et de certains établissements d'enseignement supérieur ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Benoît Chatard, auditeur, - les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de M. A... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. A..., alors professeur d'enseignement général des collèges, a demandé son admission anticipée à la retraite avec jouissance à effet immédiat de sa pension à compter du 1er novembre 2017, en qualité de parent de trois enfants ayant, pour chacun d'eux, réduit ou interrompu son activité. Par un arrêté du 28 novembre 2016, la rectrice de l'académie de Reims a fait droit à sa demande. Toutefois, par un arrêté du 12 septembre 2017, elle a rapporté cette décision au motif que les autorisations successives données à M. A... de travailler à temps partiel ne précisaient pas qu'elles étaient accordées de plein droit à l'occasion de la naissance d'un enfant. Par un premier jugement du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, sur demande de M. A..., annulé l'arrêté du 12 septembre 2017 au motif qu'il ne pouvait retirer l'arrêté du 28 novembre 2016 plus de quatre mois après son édiction. Par une lettre du 29 avril 2019, répondant à la demande de M. A... tendant à ce que soient tirées toutes les conséquences de ce jugement, la rectrice de l'académie de Reims l'a informé qu'il en résultait seulement que l'arrêté de radiation des cadres du 28 novembre 2016 était rétabli, sans qu'il y ait lieu de liquider sa pension à compter du 1er novembre 2017 et que, dès lors, s'il devait être radié des cadres à cette date, sa pension ne pourrait être liquidée avant qu'il atteigne l'âge de soixante-deux ans, soit le 7 août 2023. Par un jugement du 6 octobre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 29 avril 2019. M. A... se pourvoit en cassation contre ce jugement. Sur la portée du litige : 2. Aux termes de l'article D.1 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction antérieure au décret du 10 janvier 2013 relatif à l'admission à la retraite des fonctionnaires de l'Etat, des magistrats et des militaires, applicable aux fonctionnaires relevant de l'académie de Reims jusqu'au 31 août 2019 conformément aux dispositions de l'arrêté du 26 juillet 2019 du ministre de l'action et des comptes publics, du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, pris pour l'application de l'article 3 de ce décret et qui a fixé au 1er septembre 2019 la date d'effet des modifications apportées à ces dispositions à l'égard de ces fonctionnaires : " Pour obtenir la concession et la liquidation de sa pension à la date à laquelle il souhaite cesser son activité, le fonctionnaire, le magistrat ou le militaire doit déposer sa demande d'admission à la retraite, par la voie hiérarchique, six mois avant cette date, auprès du service gestionnaire dont il relève. / La décision de radiation des cadres prononcée pour un motif autre que l'invalidité doit être prise dans les deux mois qui suivent le dépôt de la demande d'admission à la retraite et, en tout état de cause, quatre mois au moins avant la date à laquelle elle prend effet. / (...) / La concession de la pension doit intervenir au plus tard un mois avant la date d'effet de la radiation des cadres ". Aux termes de l'article R. 65 du même code : " (...) la pension de l'intéressé ou celle de ses ayants cause ou, le cas échéant, la rente viagère d'invalidité est liquidée et concédée par arrêté du ministre chargé du budget ". 3. Il résulte de ces dispositions, qui étaient applicables à M. A... à la date à laquelle il a demandé pour la première fois son admission anticipée à la retraite avec jouissance à effet immédiat de sa pension comme à la date à laquelle il a demandé à la rectrice de l'académie de Reims de tirer toutes les conséquences du premier jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, qu'il appartenait au service gestionnaire dont il relevait, après qu'il eut été admis à la retraite et radié des cadres, de transmettre cette décision au ministre chargé du budget en vue de la liquidation et de la concession, par ce dernier, d'une pension. 4. Par suite, la rectrice de l'académie de Reims devait s'estimer saisie d'une nouvelle demande de concession de sa pension, présentée par M. A... à la suite du premier jugement, et sa réponse du 29 avril 2019 doit être regardée comme un refus de transmission de cette demande au ministre chargé des pensions, dont il n'a pu que résulter une décision implicite de ce ministre refusant à M. A... le bénéfice de la liquidation anticipée de ses droits à pension. Dès lors, la demande présentée par M. A... au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne doit être regardée comme dirigée contre cette dernière décision. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 5. Aux termes de l'article R.* 4 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " L'acte de radiation des cadres spécifie les circonstances susceptibles d'ouvrir droit à pension et vise les dispositions légales invoquées à l'appui de cette décision. / Les énonciations de cet acte ne peuvent préjuger ni la reconnaissance effective du droit, ni les modalités de liquidation de la pension, ces dernières n'étant déterminées que par l'arrêté de concession ". 6. S'il résulte de ces dispositions que M. A... ne pouvait utilement invoquer, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation du refus de liquider et de lui concéder une pension de retraite, les énonciations de l'arrêté l'admettant à la retraite relatives à ses droits à la jouissance d'une pension de retraite à effet immédiat, il n'en allait pas de même des dispositions législatives et réglementaires déterminant les conditions dans lesquelles il pouvait avoir droit à la liquidation anticipée de la pension. Il s'ensuit que le tribunal administratif, qui s'est, d'ailleurs, mépris sur la portée du litige et s'est estimé à tort saisi d'un recours en excès de pouvoir alors qu'il lui appartenait de se prononcer en tant que juge de plein contentieux, a commis une erreur de droit en écartant comme inopérants les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article 44 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites et de l'article R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Par suite, M. A... est fondé, sans qu'il y ait besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, à demander l'annulation du jugement qu'il attaque. 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. Sur les conclusions de M. A... à fin d'annulation et d'injonction : 8. Le contentieux des pensions civiles et militaires de retraite étant un contentieux de pleine juridiction, il appartient, dès lors, au juge saisi de se prononcer lui-même sur les droits de l'intéressé, sauf à renvoyer à l'administration compétente, et sous son autorité, le règlement de tel aspect du litige dans des conditions précises qu'il lui appartient de fixer. 9. Aux termes du III de l'article 44 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites : " Par dérogation à l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, le fonctionnaire civil et le militaire ayant accompli quinze années de services civils ou militaires effectifs avant le 1er janvier 2012 et parent à cette date de trois enfants vivants (...) conserve la possibilité de liquider sa pension par anticipation à condition d'avoir, pour chaque enfant, interrompu ou réduit son activité dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article 2 du décret du 30 décembre 2010 portant application aux fonctionnaires, aux militaires et aux ouvriers des établissements industriels de l'Etat des articles 44 et 52 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites : " Les dispositions de l'article R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite sont applicables, pour chaque enfant, aux fonctionnaires et militaires mentionnés au III de l'article 44 de la loi du 9 novembre 2010 susvisée ". Aux termes du II bis de l'article R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, la réduction d'activité ouvrant droit à liquider sa pension par anticipation " est constituée d'une période de service à temps partiel d'une durée continue d'au moins quatre mois pour une quotité de temps de travail de 50 % de la durée du service que les agents à temps plein exerçant les mêmes fonctions doivent effectuer, d'au moins cinq mois pour une quotité de 60 % et d'au moins sept mois pour une quotité de 70 %. / Sont prises en compte pour le calcul de la durée mentionnée au premier alinéa les périodes correspondant à un service à temps partiel pris en application des dispositions du premier alinéa de l'article 37 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 37 bis de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, désormais codifié à l'article L. 612-3 du code général de la fonction publique : " L'autorisation d'accomplir un travail à temps partiel, selon les quotités de 50 %, 60 %, 70 % et 80 % est accordée de plein droit aux fonctionnaires à l'occasion de chaque naissance jusqu'au troisième anniversaire de l'enfant (...) ". Enfin, l'article R. 911-9 du code de l'éducation, reprenant les dispositions de l'article 1-5 du décret du 20 juillet 1982 fixant les modalités d'application pour les fonctionnaires de l'ordonnance n° 82-696 du 31 mars 1982 relative à l'exercice des fonctions à temps partiel, précise les conditions dans lesquelles l'exercice d'un service à temps partiel accordé de droit est aménagé pour les personnels relevant d'un régime d'obligations de service. Aux termes du 1° de cet article : " Pour les personnels des établissements d'enseignement du second degré relevant d'un régime d'obligations de service défini en heures hebdomadaires, bénéficiant d'un temps partiel de droit, la durée du service est aménagée de façon à obtenir un nombre entier d'heures correspondant à la quotité de temps de travail choisie (...) ". 10. Il résulte de ces dispositions que les périodes de réduction d'activité pouvant ouvrir droit au bénéfice de la liquidation anticipée de la pension prévue au III de l'article 44 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites doivent, d'une part, satisfaire à la condition de durée minimale prévue au II bis de l'article R. 37 du même code et, d'autre part, être accordées, conformément aux dispositions limitativement énumérées à ce même II bis, dans un délai de trois ans, à l'occasion de la naissance ou de l'adoption d'un enfant, selon la quotité de 50 %, 60 % ou 70 % aménagée, le cas échéant, dans les conditions et selon les modalités prévues par l'article R. 911-9 du code de l'éducation pour les professeurs relevant d'un régime d'obligation de service. 11. Il résulte de l'instruction, en premier lieu, qu'il est constant que M. A..., professeur titulaire depuis 1987, remplissait, à la date du 1er novembre 2017 à laquelle l'arrêté du 12 septembre 2017 l'a admis à la retraite, la condition d'avoir accompli quinze années de services civils avant le 1er janvier 2012 ainsi que la condition d'avoir été, à cette date, parent de trois enfants vivants, nés respectivement les 10 juillet 1994, 26 juin 1997 et 1er juillet 2000. Il en résulte, en second lieu, qu'il a exercé ses fonctions à temps partiel à compter du 1er septembre 1996, après la naissance et avant le troisième anniversaire de son premier enfant et jusqu'au 31 août 2006, postérieurement au troisième anniversaire de son troisième enfant, selon une quotité de 12/18èmes, soit 66,67%. Par suite, M. A... est fondé à soutenir qu'il était en droit de bénéficier de la liquidation anticipée de sa pension dès la date du 1er novembre 2017 à laquelle il avait été admis à la retraite et à demander l'annulation de la décision implicite de rejet qu'il attaque. 12. Le jugement du 2 avril 2019 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ayant eu pour effet de rétablir l'arrêté du 28 novembre 2016 admettant M. A... à la retraite à compter du 1er novembre 2017, il résulte de ce qui vient d'être dit au point 11 que celui-ci avait droit, au titre de la période allant de cette date à celle à laquelle il a effectivement quitté ses fonctions, au versement de son traitement avec retenues pour pension ainsi qu'à un supplément de liquidation pour la pension versée à compter du jour de la cessation de ses fonctions, dans la limite du nombre de trimestres nécessaires pour obtenir le pourcentage maximum de celle-ci. Il y a lieu, dès lors, de prescrire au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de concéder à M. A..., à compter de la date de la cessation effective de ses fonctions, la pension de retraite ainsi liquidée, par un arrêté pris dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette prescription d'une astreinte comme le demande l'intéressé. 13. Il y a en outre lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.D E C I D E : -------------- Article 1er : Le jugement du 6 octobre 2020 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé. Article 2 : La décision implicite du ministre chargé du budget rejetant la demande de M. A... tendant à la liquidation de sa pension est annulée. Article 3 : Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique concèdera, dans le délai de deux mois suivant la notification de la présente décision, la pension de retraite due à M. A... dans les conditions précisées par les motifs de la présente décision. Article 4 : L'Etat versera à M. A... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Délibéré à l'issue de la séance du 15 mai 2025 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Vincent Daumas, conseiller d'Etat et M. Benoît Chatard, auditeur-rapporteur. Rendu le 11 juin 2025. La présidente : Signé : Mme Anne Egerszegi Le rapporteur : Signé : M. Benoît Chatard Le secrétaire : Signé : M. Gilles Ho La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chacun en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :ECLI:FR:CECHS:2025:470095.20250611
Conseil d'Etat
CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 03/06/2025, 23TL02069, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 24 octobre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité nouvelle " gonarthrose droite avec gonalgies d'effort " et de réviser ses droits à pension en fixant pour cette infirmité nouvelle un taux d'invalidité de 10 % à compter du 31 juillet 2016, date de sa demande. Par un jugement n° 1906883 du 13 juin 2023, le tribunal administratif de Toulouse, après avoir ordonné, avant dire droit, par un jugement rendu le 20 juillet 2021, une expertise médicale, a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés, le 10 août 2023 et les 31 octobre et 12 décembre 2024, M. B... A..., représenté par Me Petitgirard, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler ce jugement rendu le 13 juin 2023 par le tribunal administratif de Toulouse ; 2°) de rejeter l'appel incident du ministre des armées ; 3°) de faire injonction au ministre des armées, dans un délai de deux mois, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de deux cents euros par jour de retard, de lui concéder une pension militaire pour l'infirmité dont il est atteint au taux de 10 %, assortie des intérêts et des intérêts capitalisés à valoir sur les arrérages de sa pension militaire à compter de la réception de sa demande ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 2 000 euros à verser à son conseil sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Il soutient que son infirmité relative à une gonalgie droite est en lien direct avec sa chute, le 10 mai 2016, alors qu'il se trouvait en service sur le territoire de la République de Djibouti. Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 octobre et 26 novembre 2024, et un mémoire, non communiqué, enregistré le 7 janvier 2025, le ministre des armées conclut au rejet de la requête, demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que la gonarthrose droite avec gonalgie à l'effort, évaluée à un taux de 10%, résulte d'une affection sans lien avec la chute survenue le 10 mai 2016 et, par la voie de l'appel incident, d'infirmer le jugement en tant qu'il a déclaré la maladie imputable au service. Il fait valoir que : - les moyens soulevés ne sont pas fondés ; - le droit à pension ne peut qu'être dénié dès lors que si M. A... a fait une chute le 10 mai 2016, la gonarthrose du genou droit, dont il souffrait déjà en 2012, n'est pas en lien direct avec cet accident. Par une ordonnance du 12 décembre 2024, la date de clôture d'instruction a été reportée au 7 janvier 2025. Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, par un avis du 6 mai 2025, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par le ministre des armées, par la voie de l'appel incident, tendant à ce que la cour infirme le jugement en ce qu'il a retenu l'imputabilité au service de l'affection contractée par M. A..., le ministre n'ayant pas intérêt à critiquer les motifs du jugement qui, par son dispositif, fait intégralement droit à ses conclusions tendant au rejet de la demande présentée par le militaire. Des observations, en réponse à cette lettre d'information, enregistrées le 13 mai 2025, ont été produites par le ministre des armées et communiquées à M. A.... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique, - et les observations de Me Petitgirard représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., militaire engagé dans l'armée de terre depuis le 1er septembre 1983, s'est vu ouvrir par un arrêté ministériel du 2 novembre 2015, en exécution d'un jugement rendu le 9 octobre 2014 par le tribunal des pensions militaires d'invalidités de Pau, ses droits à pension militaire d'invalidité, concédée à titre définitif au taux d'invalidité de 10 %, au titre de l'infirmité " séquelles de rupture du ligament croisé du genou gauche ", à la suite de sa blessure subie au Gabon, le 13 octobre 2006. Par une demande du 31 juillet 2016, il a sollicité la révision de sa pension militaire d'invalidité pour une infirmité nouvelle résultant d'un traumatisme du genou droit qu'il impute à une blessure survenue, le 10 mai 2016, à Djibouti. Par une décision du 24 octobre 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande au motif que l'infirmité " gonarthrose droite avec gonalgies d'effort " était inférieure aux taux d'invalidité de 10 % qui constitue le minimum indemnisable. M. A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler cette décision et de réviser, en conséquence, ses droits à pension à compter de la date de sa demande. Par un jugement avant dire droit, rendu le 20 juillet 2021, le tribunal a ordonné une expertise médicale, qui a été déposée le 24 août 2022. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse, rendu le 13 juin 2023, rejetant sa demande d'annulation de la décision du 24 octobre 2018, ainsi que celle tendant à la révision de son droit à pension. Sur la recevabilité de l'appel incident du ministre des armées : 2. Les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs ne peuvent tendre qu'à l'annulation ou à la réformation du dispositif du jugement attaqué. Par suite, n'est pas recevable, quels que soient les motifs retenus par les premiers juges, l'appel incident dirigé contre un jugement qui, par son dispositif, fait intégralement droit aux conclusions présentées en première instance par l'intimé. 3. Les conclusions incidentes présentées par le ministre des armées ne sont pas dirigées contre le dispositif du jugement, qui lui a donné entière satisfaction en rejetant la demande présentée par M. A... à l'encontre du refus de révision de son droit à pension, mais contre les motifs de ce jugement, qui a retenu qu'il ne s'agit pas d'une blessure subie par le militaire mais d'une affection du genou droit contractée pendant le service. Les parties en ayant été informées, il y a lieu de relever d'office cette irrecevabilité et de rejeter ces conclusions pour ce motif. Sur le bien-fondé du jugement : 4. Lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige. 5. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la demande de révision : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Selon l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité bénéficie à l'intéressé (...). / La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. (...) ". Selon l'article L. 4 de ce code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10%. / Il est concédé une pension : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10% ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique ;40 % en cas d'infirmités multiples. (...). " 6. Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service, constatée dans les conditions qu'elles prévoient. En l'absence de tout fait précis de service ayant causé un traumatisme qui serait à l'origine de l'infirmité litigieuse, celle-ci doit être qualifiée de maladie. En outre, lorsque le demandeur d'une pension ne peut pas bénéficier de la présomption légale d'imputabilité au service, il incombe à ce dernier d'apporter la preuve de cette imputabilité par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle, ni des conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires servant dans la même unité et soumis, de ce fait, à des contraintes et des sujétions identiques. 7. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Toulouse, que le 31 juillet 2016, date de sa demande, M. A... présentait une atteinte dégénérative du genou droit, précoce et inhabituelle pour son âge. Cette atteinte dégénérative est la conséquence, selon l'expert, d'une hyper-sollicitation mécanique des genoux du fait de la comptabilisation, en 2012, de plus de 3 000 sauts en parachute réalisés avec charges. Le rapport d'expertise relève que la lésion méniscale aiguë survenue lors d'un footing en service, le 10 mai 2016, n'est qu'une manifestation de cette atteinte dégénérative globale du genou droit et que l'existence d'un genu varum, à savoir une déviation des genoux vers l'extérieur, est un élément qui a exposé le sujet à une sollicitation majorée du compartiment interne des genoux et a donc favorisé l'arthrose dont il est atteint, même si cette l'incidence de cette déformation congénitale n'était pas inéluctable. Au regard de ce diagnostic de lésion interne, sans intervention d'une cause extérieure précise, l'expert conclut, en outre, à l'imputation au service de la " gonarthrose droite avec gonalgies d'effort " avec un taux d'invalidité de 10 % au 31 juillet 2016. Ainsi, cette infirmité n'est pas liée à un accident de service et ne trouve pas son origine dans une lésion soudaine consécutive à un fait précis de service, les phénomènes dégénératifs ayant déjà été notés, lors de la première constatation médicale du 13 mars 2012, et procédant d'une maladie imputable au service. Dans ces conditions, compte tenu de l'affection dont il est atteint, l'appelant ne peut, pour démontrer l'imputabilité au service, utilement invoquer les attestations, rédigées le 26 juin 2023, par deux militaires, confirmant le fait qu'il aurait fait une chute, le 10 mai 2016, lors d'une séance de footing. Eu égard au caractère modéré de la symptomatologie de M. A... et en accord avec les mentions indicatives du guide-barème des pensions militaires d'invalidité, il convient de retenir, à la date du 31 juillet 2016, ainsi qu'y a procédé l'administration, un taux d'invalidité de 10 % pour cette maladie. Ce taux, au demeurant non contesté par l'appelant, étant inférieur au taux indemnisable minimum de 30 % requis par les dispositions précitées de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre citées au point 5, M. A... ne peut, en tout état de cause, prétendre à la révision de sa pension militaire d'invalidité au titre de cette infirmité. 8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées. Sur les frais liés au litige : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par le requérant et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la voie de l'appel incident par le ministre des armées sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 20 mai 2025, à laquelle siégeaient : Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre, Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure, Mme Dumez-Fauchille, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2025. La rapporteure, D. Teuly-Desportes La présidente, A. Geslan-Demaret La greffière, M-M. Maillat La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. N°23TL02069 2
Cours administrative d'appel
Toulouse
Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 05/06/2025, 472198
Vu la procédure suivante : Mme B... C... épouse A..., professeure des écoles, a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 160 100,73 euros en réparation des préjudices qu'elle soutient avoir subis du fait de la pathologie reconnue imputable au service dont elle a souffert à la suite d'un accident dont elle a été victime sur son lieu de travail en juin 1997. Par un jugement n° 1802144 du 19 novembre 2020, rectifié par une ordonnance du 18 janvier 2021 du président du tribunal prise sur le fondement de l'article R. 741-11 du code de justice administrative, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'Etat à verser à Mme C... une indemnité de 20 566 euros et rejeté le surplus de sa demande. Par un arrêt n° 21LY00169 du 19 janvier 2023, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de Mme C... et appel incident du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, annulé l'article 1er de ce jugement et rejeté la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 mars et 15 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Nicole da Costa, conseillère d'Etat, - les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme B... C... épouse A... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme C..., épouse A..., titulaire du grade de professeur des écoles de classe normale et directrice d'école à Charnècles, dans l'Isère, a contracté une tendinite du poignet gauche après avoir déménagé, en juin 1997, des livres de la bibliothèque de l'école. A la suite de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 9 juin 1998 pour soigner cette tendinite, elle a souffert d'une algodystrophie qui a entrainé son placement en congé de longue maladie du 9 juin 1998 au 8 juin 2001, puis une reprise à mi-temps thérapeutique. Mme C... a pris sa retraite en 2006. Par un arrêté du 13 novembre 2017, le recteur de l'académie de Grenoble a, en exécution d'un arrêt du 16 février 2016 de la cour administrative d'appel de Lyon devenu définitif, reconnu comme imputable au service tant la tendinite initiale résultant de l'accident daté du 17 juin 1997 que la complication constituée de l'algodystrophie consécutive à l'opération chirurgicale et a placé rétroactivement Mme C... en congé de longue maladie imputable au service pour la période du 9 juin 1998 au 8 juin 2001. Mme C... a alors demandé, par un courrier reçu le 31 janvier 2018 et resté sans réponse, l'indemnisation par l'Etat, sur le fondement de la responsabilité pour risque, des préjudices qu'elle soutient avoir subis du fait de la maladie imputable au service. Elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 19 janvier 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel incident du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, annulé le jugement du tribunal administratif de Grenoble condamnant l'Etat à lui verser une indemnité de 20 566 euros en réparation des préjudices subis et rejeté son appel et sa demande de première instance. 2. D'une part, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 3. D'autre part, les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un fonctionnaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre des pertes de revenus et de l'incidence professionnelle résultant de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche pas obstacle à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice. Elles ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait. 4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour annuler le jugement du tribunal administratif et rejeter la demande indemnitaire présentée par Mme C... au titre des préjudices patrimoniaux autres que ceux forfaitairement réparés par les prestations instituées par les articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et de ses préjudices personnels, la cour administrative d'appel de Lyon a jugé que celle-ci, invoquant une responsabilité pour risque, devait établir un lien de causalité direct et certain entre le service et la maladie dont elle a souffert, et non le lien seulement direct exigé pour que soit reconnue l'imputabilité de cette maladie au service. En statuant ainsi, alors que l'indemnisation, sur le fondement de la responsabilité sans faute, dans les conditions rappelées au point 3, des préjudices subis du fait d'une maladie reconnue imputable au service, n'implique pas de nouvelle appréciation du lien entre la maladie et le service, mais seulement celle du caractère certain des préjudices invoqués et du lien direct entre ceux-ci et la maladie reconnue imputable au service, la cour a commis une erreur de droit. 5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, que Mme C... est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à Mme C..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt du 19 janvier 2023 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé. Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Lyon. Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à Mme C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... C... épouse A... et à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Délibéré à l'issue de la séance du 14 mai 2025 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, Mme Catherine Fischer-Hirtz, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, conseillers d'Etat et Mme Nicole da Costa, conseillère d'Etat-rapporteure. Rendu le 5 juin 2025. Le président : Signé : M. Jacques-Henri Stahl La rapporteure : Signé : Mme Nicole da Costa La secrétaire : Signé : Mme Elisabeth RavanneECLI:FR:CECHR:2025:472198.20250605
Conseil d'Etat
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 13/05/2025, 23MA02832, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille, qui a transmis sa demande au tribunal administratif de Marseille sur le fondement de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, d'une part, d'annuler la décision du 16 septembre 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation des infirmités " séquelles de maladie de Kienböck du poignet gauche chez un droitier " et " séquelles de fracture de la cheville gauche " et au titre de l'infirmité nouvelle " douleurs lombo-dorsales permanentes ", et d'autre part, d'enjoindre à la ministre des armées de fixer le taux d'invalidité de son infirmité " séquelles de maladie de Kienböck du poignet gauche chez un droitier " au taux de 50 % à compter 14 septembre 2020 et sur la période du 19 mars 2012 au 24 octobre 2016, de fixer le taux d'invalidité de son infirmité " séquelles de fracture de la cheville gauche " au taux de 40 % et celui de son infirmité " douleurs lombo-dorsales permanentes " au taux de 10 % à compter du 25 octobre 2016. Par un jugement n° 2003849 du 27 septembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision, a jugé que M. A... a droit à une pension militaire d'invalidité, à compter du 25 octobre 2016, d'abord pour l'infirmité " séquelles de maladie de Kienböck du poignet gauche chez un droitier " au taux de 50 %, ensuite pour l'infirmité " séquelles de fracture de la cheville gauche " au taux de 40 % et enfin pour l'infirmité " dorso-lombalgies chroniques. Pas de radiculalgie " au taux de 10 % et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, au bénéfice de Me Lê. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 novembre 2023 et 6 janvier 2025 et un mémoire enregistré le 27 février 2025, non communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, le ministre des armées demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 27 septembre 2023 ; 2°) de rejeter la demande de M. A... en tant qu'elle porte sur les infirmités " séquelles de fracture de la cheville gauche " et " dorso-lombalgies chroniques ". Le ministre soutient que : - le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé en droit et manque de base légale, dès lors, d'une part, qu'il se borne à viser l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, et omet de se fonder sur l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors qu'il fait droit à une demande de révision de pension pour aggravation, et d'autre part, qu'il ne justifie pas de l'imputabilité au service de l'infirmité " dorso-lombalgies chroniques " ; - s'agissant de l'infirmité " dorso-lombalgies chroniques " : - * à titre principal, c'est à tort que le tribunal a retenu un taux d'invalidité de 10 % pour l'infirmité " dorso-lombalgies chroniques ", dont l'évaluation par le médecin en charge des pensions est conforme au guide-barème et qui ne peut tenir compte de la limitation du périmètre de marche et de l'activité quotidienne déjà prise en compte pour l'appréciation de l'infirmité de sa cheville gauche ; - * subsidiairement, cette infirmité n'est pas imputable au service ; - *très subsidiairement, cette infirmité est constitutive d'une maladie, dont l'indemnisation est subordonnée à l'octroi d'un taux d'invalidité de 30 % ; - s'agissant de l'infirmité " séquelles de fracture de la cheville gauche " : *aucune aggravation significative ne peut être retenue au jour de la demande de pension, nonobstant la nécessité du port de chaussures orthopédiques et dès lors que le flexum du genou gauche ne peut être pris en compte faute d'avoir été l'objet de la demande de pension. Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 septembre 2024 et 21 février 2025, M. A..., représenté par Me Lê, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en faisant valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 5 février 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 février 2025 à 12 heures, et par une ordonnance du 21 février 2025, a été reportée au 28 février 2025 à 12 heures. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 29 mars 2024. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique, - et les observations de Me Lê, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ancien major des commandos de la marine nationale, radié des contrôles le 19 avril 2011, titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux fixé en dernier lieu à 55 %, au titre des infirmités dites " séquelles de la maladie de Kienbock du poignet gauche chez un droitier " et " séquelles de fracture de la cheville gauche ", en a demandé la révision le 27 octobre 2016, pour aggravation de ces infirmités et pour une infirmité nouvelle liée à des douleurs lombo-dorsales permanentes. Par une décision du 16 septembre 2019, le ministre des armées a rejeté sa demande. Mais par un jugement du 27 septembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision rejetant la demande de révision de pension militaire d'invalidité de M. A... au titre de ces trois infirmités, et a fixé à 50 % le taux d'invalidité attribuée à la première d'entre elles, à 40 % celui attribué à la deuxième infirmité et à 10 % le taux correspondant à la dernière infirmité. Compte tenu de l'argumentation qu'il développe à l'appui de sa requête, le ministre des armées doit être regardé comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il a fait droit à la demande de M. A... portant sur ces deux dernières infirmités. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la révision de pension pour aggravation des séquelles de fracture de la cheville gauche : 2. Aux termes de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable au jour de la demande de révision de pension de M. A... : " La pension prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé après examen, à son initiative, par une commission de réforme (...). L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande ". L'article L. 29 du même code, applicable à cette même date, dispose que : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. Cette demande est recevable sans condition de délai. La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. (...) ". Il résulte de ces premières dispositions que c'est à la date du dépôt de la demande de révision de pension qu'il faut se placer pour évaluer le taux des infirmités à raison desquelles la révision est demandée. Les secondes dispositions, qui exigent une aggravation réelle des blessures ou maladies susceptible d'être retenue au regard des exigences de l'article L. 29, ne permettant pas de remettre en cause, en l'absence d'aggravation effective, les bases de la liquidation initiale ni en ce qui concerne le libellé ou le caractère des infirmités pensionnées ni en ce qui concerne l'application qui a été faite des barèmes lors de cette liquidation. 3. Il résulte de l'instruction que, le 11 septembre 2007, M. A..., alors en service commandé, a été victime, au cours d'une séance d'aérocordage, d'une fracture de la malléole externe et d'une fracture articulaire antérieure du pilon tibial de la cheville gauche, qui ont justifié le 17 septembre 2007 une ostéosynthèse du pilon par deux vis permettant une réduction de la surface articulaire et par une greffe de l'os sous-chondral. Pour lui octroyer, au titre des séquelles de cette fracture de la cheville gauche, une pension militaire d'invalidité fixée en dernier lieu au taux de 30 %, le ministre des armées s'est fondé sur les rapports d'expertise médicale des 21 octobre 2010 et 10 septembre 2012 qui faisaient apparaître les gênes fonctionnelles consistant en une station debout unipodale gauche difficile à maintenir, une marche avec nette boiterie, limitée à un périmètre de 200 mètres, une rotation externe du pied gauche d'une vingtaine de degrés, une cheville globuleuse, un déficit d'une vingtaine de degrés par rapport à l'autre membre des mouvements de flexion-extension de la cheville gauche, une persistance d'un équin d'une dizaine de degrés, en l'impossibilité de l'inversion du pied gauche, l'éversion possible de seulement quelques degrés, ainsi qu'en une instabilité antéro-postérieure traduite par un net tiroir antérieur de la cheville. La comparaison de ces éléments médicaux, contemporains de la dernière décision d'octroi de la pension, avec le rapport du médecin expert désigné par l'administration des pensions pour statuer sur la demande de révision de M. A..., établi le 14 juin 2018, montre que celui-ci présente désormais, outre les limitations fonctionnelles précitées, une limitation de la marche à un périmètre de 100 mètres et un flexum du genou gauche à la marche, et que l'intéressé doit porter un appareillage sur mesure consistant soit en une botte anti-équin soit en des chaussures thérapeutiques avec aides techniques. 4. Or, en premier lieu, il résulte des termes mêmes du rapport du médecin expert du 14 juin 2018 que pour proposer un taux d'invalidité supplémentaire de 10 % correspondant à cette aggravation des séquelles de la fracture de la cheville gauche, liée notamment à la nécessité d'un appareillage, ce médecin s'est fondé sur des prescriptions médicales du 17 octobre 2017 d'une botte anti-équin et d'orthèses plantaires, postérieures à la demande de révision de pension. Il ne résulte ni de ce rapport ni d'aucune autre pièce de l'instruction, pas même le certificat médical du 13 juin 2016 produit par M. A... à l'appui de sa demande, que l'aggravation de son infirmité justifiant un tel appareillage était apparue avant la présentation de sa demande de révision de pension. Par conséquent, conformément à la règle énoncée au point 2 et ainsi que le soutient le ministre des armées, ni le médecin expert ni le tribunal ne pouvaient tenir compte d'une telle gêne fonctionnelle pour apprécier l'aggravation de l'infirmité de M. A.... 5. En deuxième lieu, si M. A... affirme, en invoquant ses doléances retranscrites dans le rapport d'expertise médicale du 10 septembre 2012, que le flexum du genou gauche est une conséquence directe de la fracture de la cheville gauche, ni ce rapport ni du reste celui du 14 juin 2018 n'établissent de filiation médicale entre ces deux affections, ni ne justifient que la première, qui n'a pas été l'objet de la demande de révision, ne constituerait pas une infirmité distincte de la seconde. Le médecin expert ne pouvait donc, pas davantage que l'appareillage orthopédique, tenir compte de cette affection pour proposer un taux supplémentaire d'invalidité de 10 %. 6. En troisième lieu, s'il est exact que la dernière décision d'octroi de la pension de M. A... au titre des séquelles de la fracture de la cheville gauche mentionne un varus équin de 5°, alors que le médecin expert constatait le 10 septembre 2012 un varus équin d'une " dizaine de degrés ", l'intéressé ne peut utilement remettre en cause le libellé et le caractère de cet aspect de son infirmité ainsi mentionnés dans cette décision, comme il a été dit au point 2. Pour prétendre que ce varus équin se serait aggravé depuis cette décision, M. A..., qui ne produit à ce titre aucune pièce médicale contemporaine de sa demande de révision mais verse au dossier des certificats et prescriptions des 4 novembre 2019, 28 avril 2020, et 23 mai 2023 ne se rapportant pas à un état médical antérieur, ne peut se borner à relever que le médecin expert a omis de mesurer ce varus et de reporter ces mesures dans son rapport du 14 juin 2018. La seule circonstance que cette affection se soit aggravée entre le 21 octobre 2010 et le 10 septembre 2012 ne peut suffire à établir une aggravation effective et significative de celle-ci au jour de la demande de révision de pension. 7. En quatrième lieu, pour les mêmes raisons que celles énoncées à la première phrase du point précédent, M. A... ne peut utilement prétendre qu'aucune des décisions ayant statué sur ses précédentes demandes n'aurait pris en compte " la présence d'une fracture discrètement déplacée intéressant la partie antérieure et inférieure du tibia s'étendant jusqu'à la malléole médiale ", observée sur la radiographie réalisée une demi-heure après l'accident du 11 septembre 2007. 8. Ainsi, dès lors que deux des affections prises en compte par le médecin expert pour proposer un taux supplémentaire d'invalidité de 10 % en lien avec l'aggravation des séquelles de la fracture de la cheville gauche sont sans incidence sur ses droits à révision de pension à ce titre, et que M. A... n'apporte aucun élément médical, se rapportant à son état de santé au jour du dépôt de sa demande, de nature à justifier l'attribution d'un taux égal ou supérieur à 10 % au titre de cette aggravation, le ministre des armées est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille, même en ne tenant compte qu'une des deux affections précitées, a fait droit à cette demande de révision de pension suivant un taux d'incapacité supplémentaire de 10 %. 9. Il est néanmoins loisible à M. A..., s'il s'y croit fondé, de présenter une nouvelle demande de révision pour tenir compte des éléments médicaux postérieurs à sa demande du 27 octobre 2016. En ce qui concerne la révision de pension au titre des douleurs dorso-lombaires permanentes : 10. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la demande de révision de pension de M. A... : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". L'article L. 3 du même code dispose que : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : [...] 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée ". L'article L. 4 de ce code ajoute que : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 p. cent. / Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 p. cent ; (...) / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse (...) 30 % en cas d'infirmité unique (...) ". 11. Il résulte des dispositions des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre citées précédemment, que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 12. En outre, pour l'application de ces dispositions ainsi que celles de l'article L. 4 de ce code, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. En l'absence de tout fait précis de service ayant causé un traumatisme qui serait à l'origine de l'infirmité litigieuse, celle-ci doit être qualifiée de maladie. 13. Au soutien de sa demande de révision de pension pour douleurs dorso-lombaires, M. A... a rattaché cette infirmité, décrite par le certificat médical du 13 juin 2016 également joint à sa demande, comme un handicap lombaire contribuant à limiter son périmètre de marche à 100 mètres, à six accidents de service, survenus le 24 août 1972 à Lorient, les 21 avril et 12 mai 1980 à Toulon, le 10 juillet 1987 à Saint-Mandrier et les 6 septembre 1994 et 6 décembre 2005. 14. Mais, d'une part, il ne résulte d'aucune des pièces relatives à la carrière de M. A..., notamment son livret militaire et son livret médical lequel mentionne au 24 août 1972 une entorse à la cheville gauche, que celui-ci aurait été victime, à cette date ou au 10 juillet 1987, d'un fait précis de service à l'origine de douleurs dorso-lombaires. Si au titre des " autres constatations faites au cours du service actif ", le livret médical de l'intéressé mentionne le 21 avril 1980 des "douleurs post-traumatiques niveau L2-L3 ", et le 12 mai 1980 un " trauma au niveau du coccyx " et une " fracture du coccyx ", et précise le 24 avril 1980 qu'une imagerie médicale a permis d'identifier un début d'arthrose lombaire " avec aspect cunéiforme de L4, lipping antérieur de L4-L5 ", il ne résulte ni de ce document, ni du rapport du médecin expert du 14 juin 2018, qui ne se prononce pas sur l'origine des douleurs dorso-lombaires, ni d'aucune pièce du dossier d'instance, que ces faits de service, dont la nature précise demeure indéterminée, seraient malgré leur ancienneté, à l'origine de ces douleurs dont M. A... demande l'indemnisation le 27 octobre 2016. Il en est de même des faits précis de service dont il a été victime les 6 septembre 1994 et 6 décembre 2005, établis par rapports circonstanciés, à la suite desquels ni le livret médical ni aucune autre pièce ne démontrent l'apparition de douleurs dorso-lombaires permanentes. A cet égard, le livret médical de M. A... indique que le 12 mai 2006 le médecin notait " bonne évolution " concernant les suites du traumatisme du 6 décembre 2005, que, lors de la visite médicale du 25 mars 2010, le rachis a été considéré comme souple, sans trouble statique et que ce n'est qu'à l'occasion de sa radiation des cadres, le 28 avril 2011, que M. A... s'est plaint de douleurs dorso-lombaires. Si l'intéressé invoque l'existence d'une filiation médicale directe entre ces faits précis de service et ses douleurs dorso-lombaires en affirmant s'être soigné à l'infirmerie de service en y prenant des médicaments antalgiques et, après sa radiation, s'être fait prescrire de tels médicaments, les prescriptions médicales produites à ce titre, postérieures à sa radiation, ne sont pas de nature à justifier d'un tel lien. 15. D'autre part, en se prévalant non seulement de l'ensemble des faits invoqués à l'appui de sa demande de révision, mais encore des chutes, fractures, sauts en parachute, contraintes de portage répétitives de sacs et d'armes très lourds, d'appareils de plongée portés au niveau de la nuque et des lombaires, qui sont autant de conditions générales de service auxquelles sont exposés tous les militaires servant dans la même unité, M. A... ne rapporte pas la preuve, qui pourtant lui incombe, faute de pouvoir prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, compte tenu des périodes des faits de service, que l'infirmité en cause trouverait son origine dans un tel fait, et serait constitutive d'une blessure, et non d'une maladie. 16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que le ministre des armées est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à la demande de révision de pension militaire d'invalidité de M. A... en ce qui concerne les séquelles de fracture de la cheville gauche et les douleurs dorso-lombaires permanentes. Il y a donc lieu d'annuler ce jugement dans cette mesure et de rejeter la demande de révision de pension de M. A... au titre de ces deux infirmités. Sur les frais liés au litige : 17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Les conclusions présentées sur ce fondement par M. A... ne peuvent donc qu'être rejetées. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 2003849 rendu le 27 septembre 2023 par le tribunal administratif de Marseille est annulé en tant qu'il a fait droit à la demande de révision de pension militaire d'invalidité de M. A... pour aggravation des séquelles de la fracture de la cheville gauche et pour douleurs dorso-lombaires permanentes. Article 2 : Les conclusions de M. A... tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité au titre de l'aggravation des séquelles de la fracture de la cheville gauche et pour douleurs dorso-lombaires permanentes, ainsi que ses prétentions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées, à M. B... A... et à Me Lê. Délibéré après l'audience du 29 avril 2025, où siégeaient : - M. Duchon-Doris, président de la Cour, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 mai 2025. N° 23MA028322
Cours administrative d'appel
Marseille