Cour administrative d'appel de Paris, 1e chambre, du 16 octobre 1997, 95PA03670, mentionné aux tables du recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision16 octobre 1997
Num95PA03670
JuridictionParis
Formation1E CHAMBRE
PresidentMme Camguilhem
RapporteurM. Barbillon
CommissaireMme Corouge

VU la requête et le mémoire ampliatif enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Paris les 7 novembre 1995 et 29 janvier 1996, présentés pour Mlle Annie Y..., demeurant ... à 92170 Vanves, par Me X... de GASPARD, avocat ; Melle Y... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n°9217295/5, 9217156/5, 9218533/5, 9301624/5 et 9304462/5 en date du 2 mars 1995, par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés en date du 12 mai 1992 du recteur de l'académie de Versailles l'affectant du 1er au 9 septembre 1992 au centre de documentation du lycée Michelet et la plaçant en congé de longue durée du 3 mars au 9 septembre 1992, et de l'arrêté en date du 11 décembre 1992 du recteur de l'académie de Versailles la mettant d'office à la retraite pour invalidité, et a prononcé un non-lieu à statuer sur sa demande d'annulation des arrêtés en date des 4 septembre et 2 octobre 1992 de ce même recteur l'admettant d'office à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité, et de sursis à exécution de l'arrêté en date du 11 décembre 1992 ;
2 ) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
3 ) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 20.000 F à titre de dommages et intérêts pour les préjudices qu'elle a subis ;
VU les autres pièces produites et jointes au dossier ;
VU la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat, et notamment son article 63 ;
VU le décret n° 84-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;
VU le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 2 octobre 1997 :
- le rapport de M. BARBILLON, conseiller,
- les observations du cabinet VUITTON, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour Melle Y...,
- et les conclusions de Mme COROUGE, commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle Y..., professeur d'enseignement général de collège, a été placée du 8 mars 1982 au 7 septembre 1986 en congé de longue durée, avant d'être affectée, pour l'année scolaire 1986-1987 au centre de documentation du lycée Michelet de Vanves puis sur un poste de réadaptation au centre national d'enseignement à distance de Rouen durant les années scolaires 1987-1988 à 1990-1991, avant de retrouver, pour l'année scolaire 1991-1992, le poste qu'elle occupait au lycée Michelet ; que par deux arrêtés en date du 12 mai 1992, Melle Y... a été respectivement replacée en congé de longue durée du 3 mars au 9 septembre 1992 avec demi-traitement et réaffectée sur son poste au lycée de Vanves du 1er au 9 septembre 1992 ; que par un arrêté en date du 11 décembre 1992, le recteur de l'académie de Versailles a prononcé la mise à la retraite d'office pour invalidité de Melle Y..., à compter du 24 novembre 1992 ; que par cet arrêté, le recteur a implicitement retiré un précédent arrêté, en date du 2 octobre 1992, lequel avait annulé les dispositions d'un arrêté du même recteur en date du 4 septembre 1992 qui énonçait à tort que Melle Y... était admise à sa demande à faire valoir ses droits à pension de retraite ; que Melle Y... demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris qui a rejeté ses demandes d'annulation des arrêtés en date du 12 mai 1992 et du 11 décembre 1992 et prononcé un non-lieu à statuer sur ses demandes d'annulation des arrêtés en date des 4 septembre et 2 octobre 1992 ;
En ce qui concerne les arrêtés du 12 mai 1992 plaçant Melle Y... en congé de longue durée du 3 mars au 9 septembre 1992 et l'affectant au lycée Michelet à Vanves du 1er au 9 septembre 1992 :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 34 de la loi susvisée du 11 janvier 1984: " Le fonctionnaire en activité a droit:..4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse ou polyomélite, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement ..." ; et qu'aux termes de l'article 31 du décret susvisé du 14 mars 1986 : "Lorsqu'un fonctionnaire a bénéficié d'un congé de longue durée ...tout congé accordé par la suite pour la même affection est un congé de longue durée, dont la durée s'ajoute à celle du congé déjà attribué ..." ; que si Melle Y... soutient que, l'affection ayant nécessité à nouveau son placement en congé de longue durée était différente de celle qui avait été à l'origine de sa première période de congé de longue durée, cette affection n'est pas au nombre de celles visées par les dispositions susrappelées de l'article 34 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 ; que le moyen tiré de ce qu'elle avait droit à un nouveau congé de longue durée à plein traitement est dès lors inopérant ;

Considérant, en second lieu, que si Melle Y... a été à nouveau affectée au lycée Michelet du 1er au 9 septembre 1992 par un autre arrêté du recteur de l'académie de Versailles en date du 12 mai 1992, alors qu'elle était placée pendant cette période en congé de longue durée, cette affectation provisoire n'avait en réalité, ainsi que l'a estimé le tribunal administratif, d'autre but que de permettre le rattachement budgétaire de Melle Y... à un établissement scolaire, aux fins de prise en charge de son traitement jusqu'à la fin de ce congé et n'impliquait l'exercice d'aucune fonction, malgré la mention du nombre d'heures à effectuer ; que Melle Y... ne peut ainsi soutenir que le tribunal administratif s'est fondé sur des faits matériellement inexacts pour rejeter sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ; que c'est à bon droit par ailleurs que le tribunal a estimé que les moyens autres que ceux tirés du défaut de motivation et de consultation du comité médical départemental n'étaient pas assortis de précisions suffisantes pour lui permettre d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Melle Y... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté ses requêtes tendant à l'annulation des arrêtés du recteur de l'académie de Versailles du 12 mai 1992 ;
En ce qui concerne l' arrêté en date du 11 décembre 1992 du recteur de l'académie de Versailles admettant Melle Y... à faire valoir ses droits à une pension de retraite pour invalidité :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article L.31 du code des pensions civiles et militaires de retraite : "La réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions sont appréciés par une commission de réforme selon des modalités qui sont fixées par un règlement d'administration publique" ; et qu'aux termes de l'article R.45 du dit code : " La commission de réforme instituée à l'article L.31 est composée comme suit : ...2° Dans chaque département sous la présidence du commissaire de la République ou de son représentant, qui dirige les délibérations mais ne participe pas au vote : ...Les membres du comité médical prévu à l'article 6 du décret du 14 mars 1986 susvisé, à savoir deux praticiens généralistes et, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un spécialiste de l'affection dont est atteint le fonctionnaire ..." ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que lors de sa réunion du 24 novembre 1992, la commission de réforme du département des Hauts-de-Seine ne comprenait aucun spécialiste, alors que l'appréciation des affections qui, selon l'administration, rendaient Melle Y... inapte à exercer ses fonctions, requérait l'avis d'un psychiatre ; que, par suite, l'arrêté susmentionné en date du 11 décembre 1992, qui a été pris sur l'avis d'un organisme irrégulièrement constitué, est entaché d'irrégularité ; que Melle Y... est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
En ce qui concerne les arrêtés en date des 4 septembre et 2 octobre 1992 :
Considérant que l'annulation de l'arrêté du 11 décembre 1992 a pour effet de remettre en vigueur l'arrêté du 2 octobre 1992, qui avait été implicitement retiré par cet arrêté ; que la réunion de la commission de réforme en date du 30 juin 1992 étant cependant entachée de la même irrégularité que celle du 24 novembre 1992, il y a lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés par le présent arrêt à l'encontre de l'arrêté du 11 décembre 1992, d'annuler l'arrêté du 2 octobre 1992, ainsi que l'arrêté du 4 septembre 1992, auquel l'arrêté du 2 octobre 1992 s'était substitué ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Considérant que les conclusions de Melle Y... qui tendent à la condamnation de l'Etat à lui verser 20.000 F à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis du fait de sa mise à la retraite pour invalidité, présentées pour la première fois en appel, sont irrecevables ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées, de condamner l'Etat à payer à Melle Y... la somme de 5.000 F ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 2 mars 1995 est annulé, en tant qu'il a rejeté les demandes d'annulation de l'arrêté du 11 décembre 1992 du recteur de l'académie de Versailles et prononcé un non-lieu à statuer sur les arrêtés du recteur de l'académie de Versailles en date des 4 septembre et 2 octobre 1992.
Article 2 : Les arrêtés en date des 4 septembre 1992, 2 octobre 1992 et 11 décembre 1992 du recteur de l'académie de Versailles sont annulés.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 5.000 F à Mlle Y... au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.