Cour administrative d'appel de Nantes, du 13 mars 1991, 89NT00521, inédit au recueil Lebon
VU le recours sommaire et le mémoire ampliatif présentés par le MINISTRE DE LA DEFENSE et enregistrés au greffe de la Cour les 5 janvier et 27 février 1989 sous le n° 89NT00521 ;
Le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1365/85 du 10 novembre 1988 par lequel le Tribunal administratif de Nantes l'a condamné à verser à Mme X... une indemnité de 80 000 F en réparation du préjudice subi à la suite d'une intervention chirurgicale en juin 1981 à l'hôpital militaire Broussais à Nantes ;
2°) de rejeter la demande de Mme X... ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience du 27 février 1991 :
- le rapport de Melle BRIN, conseiller,
- les observations de Me Chatelin, avocat de Mme X...,
- et les conclusions de M. LEMAI, commissaire du gouvernement,
Considérant que, pour faire appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à payer à Mme X... une indemnité de 80 000 F en réparation du préjudice personnel subi par celle-ci à la suite d'une intervention chirurgicale pratiquée à l'hôpital militaire Broussais de Nantes, le MINISTRE DE LA DEFENSE soutient que le préjudice de la victime a été intégralement réparé par la concession d'une pension militaire d'invalidité et ne peut, par suite, faire l'objet d'une indemnisation complémentaire ; que, contrairement à ce que soutient Mme X..., le recours du ministre est ainsi suffisamment motivé ;
Considérant que, si par une décision en date du 10 mai 1985, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a désigné le Tribunal administratif de Nantes pour connaître de la demande d'indemnité présentée par Mme X..., cette décision constatant que ce tribunal était saisi non d'une demande de pension militaire mais d'une requête en indemnité relevant de sa compétence, n'a eu ni pour objet, ni pour effet de reconnaître à l'intéressée un droit à réparation selon les règles du droit commun de la responsabilité de la puissance publique ;
Considérant que, devant le tribunal, Mme X... a demandé une indemnité en réparation des souffrances endurées, du préjudice d'agrément et du préjudice esthétique résultant des séquelles de l'intervention pratiquée, en juin 1981, à l'hôpital militaire Broussais de Nantes, pour traiter une éventration et une hernie consécutives à une grossesse ;
Considérant que les obligations dont l'Etat est tenu envers les militaires victimes d'une invalidité survenue par le fait ou à l'occasion du service sont définies par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dont les dispositions n'ouvrent aucun droit à une réparation autre que celui prévu par ce code ;
Considérant qu'il est constant que Mme X..., militaire de carrière, est tributaire de ces dispositions ; que l'invalidité dont elle a demandé réparation est imputable aux soins dispensés par l'hôpital militaire et doit être regardée comme survenu par le fait du service de santé du ministère de la défense qui l'emploie ; que, par suite, cette seule circonstance fonde les droits à réparation de l'intéressée et justifie, bien que son hospitalisation ne soit pas consécutive à une maladie ou à une affection contractée en service, l'application, dont elle a d'ailleurs bénéficié, du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; qu'en conséquence, le MINISTRE DE LA DEFENSE est fondé à soutenir que Mme X... ne pouvait prétendre, pour les préjudices qu'elle a subis, à une indemnisation autre que la réparation forfaitaire qui lui a été allouée par l'Etat sous forme d'une pension d'invalidité et que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à allouer à Mme X... une indemnité de 80 000 F ; qu'ainsi, par voie de conséquence, les conclusions du recours incident de Mme X... tendant à une majoration de cette indemnité doivent être rejetées ;
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de mettre les frais d'expertise exposés en première instance à la charge de Mme X... ;
Sur les conclusions de Mme X... tendant à l'application des dispositions de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de condamner l'Etat à payer à Mme X... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non comprises dans les dépens ;
Article 1er - Le jugement en date du 10 novembre 1988 du Tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 - La demande et l'appel incident de Mme Chantal X... sont rejetés.
Article 3 - Les frais d'expertise exposés en première instance sont mis à la charge de Mme X....
Article 4 - Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE LA DEFENSE et à Mme X....