Cour administrative d'appel de Nantes, 3e chambre, du 30 décembre 1999, 96NT01105, inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision30 décembre 1999
Num96NT01105
JuridictionNantes
Formation3E CHAMBRE
RapporteurM. MILLET
CommissaireMme COËNT-BOCHARD

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 26 avril 1996, présenté par le ministre délégué aux anciens combattants et victimes de guerre ;
Le ministre demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 94-1857 du 1er février 1996 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a annulé sa décision du 31 octobre 1994 rejetant la demande d'attribution du titre de prisonnier du Viet-Minh présentée par M. Paul X... ;
2 ) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le Tribunal administratif d'Orléans ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
Vu la loi n 83-1109 du 21 décembre 1983 relative à l'indemnisation d'infirmités contractées dans certains lieux de captivité ou d'internement ;
Vu la loi n 89-1013 du 31 décembre 1989 portant création du statut de prisonnier du Viet-Minh ;
Vu le décret n 73-74 du 18 janvier 1973 déterminant les règles et barèmes pour la classification et l'évaluation des infirmités et maladies contractées par des militaires ou assimilés au cours de la captivité subie dans certains camps et lieux de détention ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 décembre 1999 :
- le rapport de M. MILLET, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme COËNT-BOCHARD, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989 portant création du statut de prisonnier du Viet-Minh : "Le statut de prisonnier du Viet-Minh s'applique aux militaires de l'armée française et aux français ou ressortissants français qui, capturés par l'organisation dite "Viet-Minh" entre le 16 août 1945 et le 20 juillet 1954, sont décédés en détention ou sont restés détenus pendant au moins trois mois. - Toutefois, aucune durée minimum de détention n'est exigée des personnes qui se sont évadées ou qui présentent, du fait d'une blessure ou d'une maladie, une infirmité dont l'origine est reconnue imputable à la captivité par preuve dans les conditions fixées à l'article L.2 ou au premier alinéa de l'article L.213 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre" ; que l'article L.213 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre auquel renvoie l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989 dispose dans son premier alinéa, qu'"Il appartient aux postulants de faire la preuve de leurs droits à pension en établissant notamment : - Pour les victimes elles-mêmes, que l'infirmité invoquée a bien son origine dans une blessure ou dans une maladie causée par l'un des faits définis aux paragraphes 1er et 2 de la section I ..." ; qu'en vertu des articles L.195 et L.200 du même code figurant respectivement aux paragraphes 1er et 2 de la section I, mentionnées par les dispositions précitées de l'article L.213, sont réputées causées par des faits de guerre les infirmités résultant de maladies contractées en captivité et consécutives à des mauvais traitements subis dans des camps de prisonniers, ou à des privations résultant d'une détention ordonnée par l'ennemi ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le statut de prisonnier du Viet-Minh n'est susceptible de bénéficier aux prisonniers qui ont été détenus pendant moins de trois mois par cette organisation, qu'à la condition qu'ils apportent la preuve de l'imputabilité des infirmités qu'ils invoquent à un fait précis de leur captivité, qualifié de fait de guerre ;
Considérant qu'il est constant que M. X..., alors soldat au 7ème bataillon de parachutistes coloniaux, a été fait prisonnier par le Viet-Minh le 13 décembre 1951 et a été détenu au camp de Phu Nho Quan jusqu'au 2 février 1952, soit pendant une période inférieure à trois mois ;

Considérant, que, d'une part, la circonstance qu'en application des dispositions de la loi susvisée n 83-1109 du 21 décembre 1983 et du décret n 73-74 du 18 janvier 1973 modifié, notamment, par le décret n 81-315 du 6 avril 1981, M. X... bénéficie d'une pension d'invalidité en raison des infirmités résultant d'une colopathie contractée en 1951, et des rhumatismes vertébraux et de l'asthénie dont il souffre, n'est pas de nature à prouver l'imputabilité à un fait de captivité au sens de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989 ; que, d'autre part, en se bornant à mentionner les infirmités dont l'origine est reconnue imputable à la captivité, les dispositions de l'alinéa 2 de la loi du 31 décembre 1989 font obstacle à ce qu'il soit tenu compte, pour l'attribution du titre de prisonnier du Viet-Minh, de l'aggravation de blessures ou de maladies contractées antérieurement ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif d'Orléans a estimé que M. X... apportait la preuve de l'imputabilité des infirmités dont il demeure atteint à un fait de sa détention par le Viet-Minh pour annuler la décision litigieuse du ministre délégué aux anciens combattants et victimes de guerre du 31 octobre 1994 ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le Tribunal administratif ;
Considérant qu'il est constant que M. X... souffre toujours des séquelles d'une colopathie chronique méta-amibienne ; que si le ministre soutient qu'une amibiase avait été constatée chez l'intéressé une première fois le 27 juin 1951, soit antérieurement à sa captivité, il ressort des pièces du dossier, et il n'est pas contesté, que cette maladie avait été regardée comme cliniquement guérie le 10 juillet 1951 ; que les témoignages produits par M. X... démontrant que, durant sa captivité, il avait contracté une nouvelle dysenterie amibienne à raison des privations subies du fait de sa détention, il apporte ainsi la preuve qu'il remplissait les conditions posées par les dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989 pour se voir reconnaître le statut de prisonnier du Viet-Minh ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre délégué aux anciens combattants et victimes de guerre n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a annulé sa décision du 31 octobre 1994 refusant à M. X... le titre de prisonnier du Viet-Minh ;
Article 1er : Le recours du ministre délégué aux anciens combattants et victimes de guerre est rejeté.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre délégué aux anciens combattants et victimes de guerre et à M. Paul X....