Cour administrative d'appel de Nantes, 3e chambre, du 16 novembre 2000, 96NT00960, inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision16 novembre 2000
Num96NT00960
JuridictionNantes
Formation3E CHAMBRE
RapporteurMme COËNT-BOCHARD
CommissaireM. MILLET

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 11 avril 1996, présenté par le ministre de l'économie et des finances ;
Le ministre demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 90-2056 du 7 février 1996 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a, à la demande de M. Jean-Claude X..., annulé son arrêté du 3 juillet 1990 annulant l'allocation temporaire d'invalidité concédée à celui-ci à compter du 18 janvier 1985 au titre des séquelles d'une agression imputable au service ;
2 ) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le Tribunal administratif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraites ;
Vu la loi n 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu le décret n 60-1089 du 6 octobre 1960 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 octobre 2000 :
- le rapport de Mme COËNT-BOCHARD, premier conseiller,
- les observations de Me LE STRAT, substituant Me MARTIN, avocat de M. Jean-Claude X...,
- et les conclusions de M. MILLET, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 65 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : "Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité ..." ; qu'aux termes de l'article 5 du décret susvisé du 6 octobre 1960 portant règlement d'administration publique pour l'application des dispositions de l'article 23 bis de l'ordonnance n 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires, maintenu en vigueur et modifié par le décret n 84-960 du 25 octobre 1984 : "L'allocation temporaire d'invalidité est accordée pour une période de cinq ans. A l'expiration de cette période les droits du fonctionnaire font l'objet d'un nouvel examen dans les conditions fixées à l'article 3 ci-dessus et l'allocation est attribuée sans limitation de durée ... sur la base du nouveau taux d'invalidité constaté ou, le cas échéant, supprimée" ; que selon l'article 3 du même décret : "La réalité des infirmités ... ainsi que le taux d'invalidité qu'elles entraînent sont appréciés par la commission de réforme prévue à l'article L.31 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Le pouvoir de décision appartient dans tous les cas au ministre dont relève l'agent et au ministre de l'économie et des finances" ; que l'article 2 du décret dispose que : "Le taux d'invalidité rémunérable est déterminé compte tenu du barème indicatif prévu à l'article L.28 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Dans le cas d'aggravation d'infirmités préexistantes, le taux d'invalidité à prendre en considération doit être apprécié par rapport à la validité restante du fonctionnaire" ;
Considérant qu'il a été procédé en 1990 à la révision de l'allocation temporaire au taux de 17 % dont bénéficiait M. Jean-Claude X..., agent de l'administration pénitentiaire, à la suite d'une agression imputable au service ayant provoqué une plaie à la joue gauche et une plaie abdominale ; que le taux de l'invalidité constatée a été réduit à 7 % ; qu'en conséquence le ministre de l'économie et des finances a supprimé l'allocation dont bénéficiait M. X... par un arrêté du 3 juillet 1990 contesté par l'intéressé devant le Tribunal administratif de Rennes ; qu'à la suite de l'expertise médicale qu'il a ordonnée, le Tribunal, pour annuler la décision de suppression qui lui était déférée, a constaté que l'incapacité permanente partielle causée par l'agression susmentionnée qui subsistait à la date de la révision quinquennale et qui avait été attribuée le 18 juin 1985 devait être fixée à 10 % ;

Considérant qu'il résulte du barème indicatif annexé au décret n 68-728 du 13 août 1968 pris en application de l'article L.28 du code des pensions précité que lorsque des infirmités simultanées résultant d'un même événement "intéressent des organes ou membres différents et de fonctions distinctes", le pourcentage d'invalidité doit être fixé selon la règle de la validité restante du fonctionnaire ; qu'en application de cette règle il convenait de prendre en considération le taux d'invalidité de 7 % retenu par l'expert pour la lésion à la joue gauche et celui de 3 % retenu pour la lésion abdominale et de calculer le taux final en imputant successivement les invalidités à la capacité restante ; qu'en l'espèce l'application de cette règle conduisait à reconnaître à M. X... un taux global d'invalidité de 9,79 %, inférieur au seuil des 10 % exigé pour bénéficier de l'allocation temporaire d'invalidité prévue par la loi du 11 janvier 1984 précitée ; que si M. X... fait valoir que l'expert commis par le Tribunal a retenu un élément supplémentaire d'invalidité résultant de bouffées d'angoisse imputables à l'agression dont il a été victime, en tout état de cause la prise en compte de cet élément évalué par l'expert à 0,21 % conduisait en application de la règle susrappelée de la capacité restante à reconnaître à l'intéressé une invalidité globale limitée à 9,98 % ;
Considérant par ailleurs que si le barème précité permet d'arrondir le chiffre obtenu après détermination du taux global d'invalidité selon le principe de la capacité restante, il ne peut être procédé de la sorte dès lors que le taux global d'invalidité n'est pas rémunérable ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a annulé son arrêté du 3 juillet 1990 annulant à compter du 19 janvier 1990 l'allocation temporaire d'invalidité dont M. X... bénéficiait depuis le 18 janvier 1985 ;
Sur les dépens :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article R.217 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée par le Tribunal, taxés et liquidés à la somme totale de 770 F, à la charge de l'Etat ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X... la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du 7 février 1996 du Tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : Les frais de l'expertise ordonnée par le Tribunal d'un montant total de sept cent soixante dix francs (770 F) sont mis à la charge de l'Etat.
Article 3 : Les conclusions de M. Jean-Claude X... fondées sur l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, à M. Jean-Claude X... et au garde des sceaux, ministre de la justice.