Cour administrative d'appel de Nancy, du 18 juin 1992, 91NC00124, inédit au recueil Lebon
Vu l'ordonnance en date du 30 janvier 1991 enregistrée au greffe de la Cour le 4 mars 1991 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour, en application de l'article R. 80 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la requête présentée par M. Jean JAEGERT ;
Vu la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 14 janvier 1991 et le mémoire complémentaire enregistré au greffe de la Cour le 20 mars 1991, présentés par M. Jean-Georges X..., demeurant ... à 67100 STRASBOURG ;
M. JAEGERT demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 29 novembre 1990 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 octobre 1985 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de réviser sa situation administrative et sa pension de retraite ;
2°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur en date du 3 octobre 1985 et lui accorder une pension révisée sur la base du 3ème échelon du grade de commissaire divisionnaire de la police nationale ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu l'article L. 63 du code du service national ;
Vu l'article L. 303 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mai 1992 :
- le rapport de M. SAGE, Conseiller,
- les observations de M. JAEGERT, présent,
- et les conclusions de M. PIETRI, Commissaire du Gouvernement, désigné en application du 2e alinéa de l'article 18 de la loi n° 86-14 du 6 janvier 1986 ajouté par l'article 5 de la loi n° 90-511 du 25 juin 1990 ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite la pension peut être révisée sur demande de l'intéressé "dans le délai d'un an à compter de la notification de la décision de concession initiale de la pension ..., en cas d'erreur de droit" ;
Considérant qu'aucune justification de la notification à M. JAEGERT de la décision de concession initiale de sa pension n'a été versée au dossier et qu'aucune forclusion ne résulte de l'instruction ; que, par suite, M. JAEGERT est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg lui a opposé le délai d'un an fixé par l'article L. 55 précité et a rejeté sa demande comme irrecevable ; qu'ainsi le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 29 novembre 1990 doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. JAEGERT devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
Considérant que la requête de M. JAEGERT est dirigée non pas, comme le soutient le ministre de l'intérieur, contre l'arrêté ministériel du 9 juillet 1981 l'admettant à faire valoir ses droits à la retraite pour limite d'âge à compter du 9 décembre 1981, mais contre la décision du 3 octobre 1985 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande tendant à la révision de sa situation administrative et de ses droits à pension ;
Considérant que M. JAEGERT soutient que son avancement au 3ème échelon du grade de commissaire divisionnaire de la police nationale, intervenu le 2 octobre 1981, devait avoir lieu à une date antérieure, compte-tenu de la prise en compte de ses services militaires en application des dispositions combinées des articles L. 63 du code du service militaire et L. 303 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dès lors que la période du 12 octobre 1942 au 26 août 1944 pendant laquelle il était réfractaire à l'armée allemande est assimilée à des services militaires, ainsi qu'en atteste le certificat établi le 21 novembre 1985 par l'autorité militaire ; qu'il est constant que la prise en compte de ces services conduirait à faire bénéficier M. JAEGERT d'une ancienneté de plus de 6 mois dans le 3ème échelon de son grade au 9 décembre 1981, date de son admission à la retraite ;
Considérant que, dans son mémoire enregistré le 12 mars 1990 au greffe du tribunal administratif de Strasbourg, le ministre de l'intérieur, qui a d'ailleurs accepté de revaloriser la pension de M. JAEGERT en fonction de bonifications pour campagnes militaires, se borne à motiver son refus de modifier la date d'accession de l'intéressé au 3ème échelon en lui opposant l'expiration du délai de recours contre les décisions précédemment intervenues à ce sujet ; que, toutefois, le ministre ne justifie d'aucune notification de ces décisions, établissant le point de départ du délai qu'il oppose à M. JAEGERT ; qu'aucune forclusion ne ressort des pièces du dossier ; que, dans ces conditions, M. JAEGERT est fondé à demander l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur en date du 3 octobre 1985 en tant qu'elle a rejeté sa demande tendant à la modification de la date à laquelle il a accédé au 3ème échelon de son grade ; que l'exécution de cette annulation aura pour conséquence de permettre à M. JAEGERT de se prévaloir du droit à une pension calculée sur la base du traitement afférent au 3ème échelon du grade de commissaire divisionnaire de la police nationale ; qu'il y a lieu de renvoyer M. JAEGERT devant le ministre de l'intérieur pour être procédé à la révision de sa pension après rectification de la date de son accession au 3ème échelon ;
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 29 novembre 1990 et la décision du ministre de l'intérieur du 3 octobre 1985 sont annulés.
Article 2 : M. JAEGERT est renvoyé devant le ministre de l'intérieur pour être procédé à la révision de sa pension après rectification de la date de son accession au 3ème échelon du grade de commissaire divisionnaire de la police nationale.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean JAEGERT, au ministre de l'économie et des finances et au ministre de l'intérieur.