Conseil d'Etat, du 15 décembre 1967, 69871, publié au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision15 décembre 1967
Num69871
Juridiction
RapporteurM. François Lagrange
CommissaireM. Braibant

Recours du ministre des Anciens combattants et victimes de guerre, tendant à l'annulation d'un jugement du 1er mars 1966, par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé ses décisions des 3 octobre et 3 décembre 1963, refusant au sieur X... le titre de déporté politique, ensemble au rejet de la demande du sieur X... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir desdites décisions ;
Vu le Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; le Code général des impôts ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;

CONSIDERANT qu'aux termes de l'article R. 330 du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, "les prisonniers de guerre et les travailleurs en Allemagne non volontaires qui ont été transférés par l'ennemi dans l'un des camps ou prisons énumérés à l'arrêté visé à l'article R. 329, pour tout autre motif qu'une infraction de droit commun peuvent, après avis de la commission nationale susvisée, obtenir le titre de déporté politique si, en plus des conditions ci-dessus fixées pour l'attribution de ce titre, ils justifient avoir subi leur détention jusqu'à la libération du camp ou de la prison ou s'être évadés auparavant..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le sieur X..., officier prisonnier de guerre à l'oflag V.A. a, en mai 1943, quitté le camp où il était détenu pour exercer, après un stage à Berlin, certaines fonctions à Augsbourg dans des services français s'occupant des prisonniers de guerre et de la main-d'oeuvre française en Allemagne ; qu'il a été arrêté le 24 mars 1945 à Augsbourg par les Allemands et ultérieurement transféré au camp de Dachau ;
Considérant, d'une part, que, bien que l'exercice de ces fonctions n'ait pas rompu les liens existant entre le sieur X... et l'autorité militaire française et ne l'ait pas non plus soustrait à tout contrôle de l'autorité militaire ennemie, la transformation de la situation juridique et matérielle de l'intéressé résultant de son départ de l'oflag V.A. et de l'occupation de l'emploi susvisé fait obstacle à ce que le sieur X... puisse, pour l'application de l'article R. 330 précité, être regardé comme entrant dans la catégorie des prisonniers de guerre ;

Considérant, d'autre part, que, si le sieur X... a été autorisé par ses chefs hiérarchiques à accepter cet emploi, il n'a pas reçu d'ordre à ce sujet soit de ces chefs, soit d'une organisation de résistance; que l'exercice desdites fonctions ne lui a pas non plus été imposé par la contrainte de l'ennemi ; que, dès lors, il ne saurait valablement se réclamer de la qualité de "travailleur en Allemagne non volontaire" au sens de l'article R. 330 ;
Considérant que, ne relevant d'aucune des deux catégories de personnes limitativement énumérées par l'article R. 330, le sieur X... ne peut légalement prétendre à l'octroi du titre de déporté politique; qu'il résulte de ce qui précède que le ministre des Anciens Combattants et victimes de guerre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé ses décisions en date du 3 octobre 1963 et du 3 décembre 1963 refusant au sieur X... le titre de déporté politique ;
Sur les dépens de première instance :
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, ces dépens doivent être supportés par le sieur X... ; ... Annulation du jugement ; rejet de la demande; dépens de première instance et d'appel mis à la charge du sieur X... .