Conseil d'Etat, Section, du 8 juin 1973, 83857 83963, publié au recueil Lebon
REQUETE DU SIEUR X... HENRI TENDANT A LA REFORMATION DU JUGEMENT DU 19 MAI 1971 PAR LEQUEL LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NICE A CONDAMNE L'ETAT A LUI PAYER UNE SOMME DE 3 110 F SEULEMENT EN REPARATION DES PERTES RESULTANT DE SON ARRESTATION ET DE SA DEPORTATION ; RECOURS DU MINISTRE DES ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE TENDANT A L'ANNULATION DU MEME JUGEMENT ;
VU LA LOI DU 6 AOUT 1948 ; LE DECRET N° 51-1077 DU 31 AOUT 1951 ; LA LOI DU 19 JUILLET 1952 ; LE CODE DES PENSIONS MILITAIRES D'INVALIDITE ET DES VICTIMES DE LA GUERRE ;
CONSIDERANT QUE LA REQUETE SUSVISEE DU SIEUR X... ET LE RECOURS SUSVISE DU MINISTRE DES ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE SONT DIRIGES CONTRE UN MEME JUGEMENT ; QU'IL Y A LIEU DE LES JOINDRE POUR Y ETRE STATUE PAR UNE SEULE DECISION ;
SUR LES ELEMENTS DU PREJUDICE SUBI PAR LE SIEUR X... ET SUR LE DROIT A REPARATION DE L'INTERESSE : - CONS. QU'AUX TERMES DE L'ARTICLE L. 340 DU CODE DES PENSIONS MILITAIRES D'INVALIDITE ET DES VICTIMES DE LA GUERRE "LES PERTES DE BIENS DE TOUTE NATURE RESULTANT DIRECTEMENT DE L'ARRESTATION, DE LA DEPORTATION, DONT LA PREUVE EST DUMENT ETABLIE, SONT INTEGRALEMENT INDEMNISEES" ; QU'IL RESULTE DE CE TEXTE, DONT L'APPLICATION N'ETAIT PAS MANIFESTEMENT IMPOSSIBLE AVANT QUE FUSSENT PRISES DES DISPOSITIONS REGLEMENTAIRES, QUE LA VICTIME DOIT SEULEMENT PROUVER LA REALITE DES PERTES DE BIENS ET LEUR RELATION DIRECTE AVEC SON ARRESTATION ET SA DEPORTATION ET N'EST PAS TENUE D'OBSERVER, A CETTE FIN, D'AUTRES REGLES QUE CELLES EN VIGUEUR DEVANT LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE ; QUE LE FAIT QUE L'INDEMNISATION DE LA PERTE DE CERTAINS DE CES BIENS AURAIT PU ETRE ASSUREE AU TITRE DE LA LEGISLATION SUR LES DOMMAGES DE GUERRE NE FAIT PAS OBSTACLE A L'APPLICATION DE L'ARTICLE L. 340 DES LORS QUE, CETTE LEGISLATION N'AYANT PAS ETE APPLIQUEE EN L'ESPECE, L'EVENTUALITE D'UN CUMUL D'INDEMNITES, INTERDIT PAR CET ARTICLE, EST EXCLUE ;
CONS. QUE LE SIEUR X... A DEMANDE LE 11 MARS 1953 A ETRE INDEMNISE DE LA PERTE : 1° DES EFFETS PERSONNELS QU'IL PORTAIT A LA DATE DE SON ARRESTATION LE 9 MARS 1943 PAR LA POLICE ALLEMANDE ; 2° D'UNE SOMME DE 296 000 ANCIENS FRANCS SAISIE SUR LUI CE MEME JOUR ; 3° DE DIVERSES PIECES D'OR CONFISQUEES AU DOMICILE DE SA SOEUR TROIS MOIS APRES SON ARRESTATION ;
CONS. QU'IL EST CONSTANT QUE LE SIEUR X... ARRETE ET DEPORTE PAR LES ALLEMANDS A ETE DEPOUILLE DE SES EFFETS PERSONNELS ; QUE LA REALITE DE LA SAISIE D'UNE SOMME DE 296 000 ANCIENS FRANCS EST ETABLIE PAR LE TEMOIGNAGE DE L'AGENT QUI A PROCEDE A L'ARRESTATION DU SIEUR X... ; QUE, PAR SUITE, LE MINISTRE DES ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE N'EST PAS FONDE A SOUTENIR QUE C'EST A TORT QUE LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF A ACCUEILLI LA DEMANDE DU SIEUR X... SUR CES DEUX PREMIERS POINTS ;
CONS. QUE LE TEMOIGNAGE DE L'AGENT QUI A ARRETE LE SIEUR X... ET QUI A SAISI, TROIS MOIS PLUS TARD, DES PIECES D'OR LUI APPARTENANT, CONFIRME PAR LE REGISTRE DES SAISIES EFFECTUEES PAR LA POLICE ALLEMANDE A MARSEILLE, ETABLIT NON SEULEMENT LA REALITE DE LA CONFISCATION DE 440 DOLLARS DES ETATS-UNIS D'AMERIQUE EN OR ET DE 58 SOUVERAINS BRITANNIQUES EN OR, MAIS AUSSI UNE RELATION DIRECTE ENTRE CETTE SAISIE ET L'ARRESTATION DU SIEUR X... ; QU'EN S'ABSTENANT DE SOLLICITER L'ATTRIBUTION D'UNE PARTIE DE L'OR VERSE A LA FRANCE PAR LA COMMISSION INTERNATIONALE DE L'OR MONETAIRE, COMME LE PERMETTAIT UN AVIS PARU AU JOURNAL OFFICIEL DU 16 MAI 1953, LE SIEUR X... N'A PAS COMMIS UNE NEGLIGENCE, ALORS SURTOUT QUE C'EST LE 11 MARS 1953 QU'IL A DEMANDE A L'ADMINISTRATION L'INDEMNISATION INTEGRALE DE SES PERTES EN VERTU DE L'ARTICLE L. 340 PRECITE ET QUE L'INDEMNISATION PARTIELLE DES SPOLIATIONS D'OR, AU TITRE DE L'AVIS DU 16 MAI 1953, IMPLIQUAIT UNE RENONCIATION A TOUTE RECLAMATION ULTERIEURE ; QUE LE SIEUR X... EST DONC FONDE A DEMANDER L'ANNULATION DU JUGEMENT ATTAQUE EN TANT QU'IL A REJETE SA DEMANDE CONCERNANT L'INDEMNISATION DE LA PERTE DES PIECES D'OR ;
SUR L'EVALUATION DE L'INDEMNITE DUE AU SIEUR X... POUR LES PERTES QU'IL A SUBIES : - CONS. QUE L'EVALUATION DES BIENS, AUTRES QUE LA SOMME DE 296 000 ANCIENS FRANCS, DOIT ETRE FAITE A L'EPOQUE OU L'INTERESSE A PU MATERIELLEMENT POURVOIR A LEUR REMPLACEMENT ; QU'IL CONVIENT, EN CONSEQUENCE, DE RETENIR LA DATE DU 22 AVRIL 1945, DATE DU RETOUR DE DEPORTATION DU SIEUR X..., POUR LES EFFETS PERSONNELS DE CELUI-CI, ET CELLE DU 19 FEVRIER 1948, DATE DE L'OUVERTURE DU MARCHE DE L'OR A PARIS, POUR LES PIECES D'OR DONT IL A ETE SPOLIE ; QU'EN SE REFERANT A CES DATES, L'ETAT DOIT ETRE CONDAMNE A PAYER AU SIEUR X... LA SOMME DE 8 400 F, AUGMENTEE DES 2 960 F CORRESPONDANT A LA PERTE D'ARGENT FRANCAIS, SOIT AU TOTAL 11 360 F, SOUS RESERVE QUE LE PAIEMENT DE CETTE SOMME AU SIEUR X... SERA SUBORDONNE A LA SUBROGATION DE L'ETAT PAR LE REQUERANT AUX DROITS QUE CE DERNIER POURRAIT FAIRE VALOIR, A RAISON DE LA PERTE DES MEMES BIENS, CONTRE LA REPUBLIQUE FEDERALE D'ALLEMAGNE ;
CONS. QUE LE SIEUR X... A DROIT AUX INTERETS AU TAUX LEGAL DE LA SOMME DE 11 360 F A COMPTER DU 11 MARS 1953, JOUR DE LA RECEPTION PAR LE MINISTRE DE SA DEMANDE ;
CONS. QUE LA CAPITALISATION DES INTERETS A ETE DEMANDEE LE 18 JANVIER 1973 ; QU'A CETTE DATE IL ETAIT DU AU MOINS UNE ANNEE D'INTERETS ; QUE, DES LORS, CONFORMEMENT AUX DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 1154 DU CODE CIVIL, IL Y A LIEU DE FAIRE DROIT A LADITE DEMANDE ;
SUR LES CONCLUSIONS TENDANT A LA REPARATION DU PREJUDICE RESULTANT DE LA CARENCE DE L'ADMINISTRATION : - CONS. QUE LE REFUS PERSISTANT DE L'ADMINISTRATION D'APPLIQUER AU SIEUR X..., QUI N'AVAIT PAS OPTE POUR UN REGLEMENT FORFAITAIRE AU TITRE DU DECRET N° 51-1077 DU 31 AOUT 1951 ET DE L'ARTICLE 5 DE LA LOI N° 52-843 DU 19 JUILLET 1952, LES DISPOSITIONS SUR L'INDEMNISATION INTEGRALE PREVUES PAR L'ARTICLE 13 DE LA LOI DU 6 AOUT 1948, DEVENU L'ARTICLE L. 340 PRECITE, CONSTITUE UNE FAUTE DE NATURE A ENGAGER LA RESPONSABILITE DE L'ETAT ; QU'EU EGARD AUX CIRCONSTANCES DE L'AFFAIRE, IL SERA FAIT UNE EQUITABLE APPRECIATION DE LA REPARATION DU PREJUDICE SPECIAL CAUSE AU SIEUR X... EN FIXANT LE MONTANT A 5 000 F, Y COMPRIS TOUS INTERETS AU JOUR DE LA PRESENTE DECISION ;
DISPOSITIF EN CE SENS ; REFORMATION DU JUGEMENT ; REJET DU SURPLUS ET DU RECOURS ; DEPENS MIS A LA CHARGE DE L'ETAT.