Conseil d'Etat, 3 SS, du 14 octobre 1987, 66986, inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision14 octobre 1987
Num66986
Juridiction
Formation3 SS
RapporteurPochard
CommissaireMme Hubac

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 19 mars 1985 et 19 juillet 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Antoine X..., demeurant à Ayola par Poggio de Nazza à Ghisonaccia 20240 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1 annule le jugement du 23 novembre 1984 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande dirigée contre la décision dont il a eu connaissance le 20 décembre 1982 et qui lui a été notifiée officiellement le 13 janvier 1983 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et du budget lui a refusé l'attribution d'une rente viagère d'invalidité ;
°2 annule cette décision ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Pochard, Maître des requêtes,
- les observations de la SCP BORE, XAVIER, avocat de M. Antoine X...,
- les conclusions de Mme Hubac, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la demande en première instance :

Considérant que les conclusions présentées par M. X... devant le tribunal administratif de Bastia étaient dirigées contre la décision du ministre de l'économie et des finances lui refusant une rente viagère d'invalidité, dont le requérant a eu connaissance par une lettre du 20 décembre 1982 de l'administration répondant à une demande de renseignements formée par son fils et qui lui a été notifiée le 13 janvier 1983 ; que, dans ces conditions, le garde des sceaux, ministre de la justice, n'est pas fondé à soutenir que la demande de première instance de M. X..., laquelle satisfaisait par ailleurs aux prescriptions de l'article R. 77 du code des tribunaux administratifs, aurait été irrecevable faute d'être dirigée contre une décision faisant grief ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant qu'en vertu des articles L.27 et L.28 du code des pensions civiles et militaires de retraite, le droit à une rente viagère d'invalidité est reconnu au fonctionnaire civil qui "se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmité résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées.. en service ..." ;
Considérant que s'il n'est pas établi que le syndrome anxio-dépressif dont M. X..., surveillant de prison, a été victime en 1959, alors qu'il était affecté en Algérie, soit imputable au service, il ressort des pièces du dossier, comme l'ont d'ailleurs relevé le psychiatre agréé désigné par le directeur des prisons de Marseille-Beaumettes ainsi que la commission de réforme, que l'état de santé de M. X... s'est brutalement aggravé en juillet 1974 après que l'intéressé, qui se trouvait alors en renfort à la maison d'arrêt de la Talaudière, ait dû le 25 juillet, pour tenter d'éviter des évasions, faire usage de son arme lors d'une fusillade au cours de laquelle un détenu a été tué ; que M. X... a présenté après ces évènements une réaction dépressive qui a nécessité deux mois d'arrêt de travail et n'a pu ensuite reprendre son activité que pendant une courte période ; que, dans ces conditions, l'infirmité dont souffre M. X... doit être regardée comme résultant d'une maladie aggravée en service au sens de l'article L.27 du code des pensions civiles et militaires précité ; que, dès lors, M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision ministérielle qui lui refusait une rente viagère d'invalidité ;
Article 1er : Le jugement du 23 novembre 1984 du tribunal administratif de Bastia et la décision du ministre de l'économie, des finances et du budget notifiée à M. X... le 13 janvier 1983 sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X..., au Garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de la privatisation.