Conseil d'Etat, 5 SS, du 25 novembre 1987, 65815, inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision25 novembre 1987
Num65815
Juridiction
Formation5 SS
RapporteurChallan-Belval
CommissaireStirn

Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 4 février 1985 et 19 septembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme X..., née Y... Mama demeurant ... à Paris 75010 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1 annule le jugement du 19 décembre 1984, par lequel le tribunal administratif de Paris, a rejeté sa demande dirigée contre la décision du ministre de la défense en date du 10 novembre 1983, refusant de lui accorder une pension de veuve à la suite du décès de son mari lors d'un accident de la circulation avec un véhicule de l'armée ;
°2 annule ladite décision ; ;
°3 la renvoie devant l'administration pour qu'il soit procédé à la liquidation de la pension à laquelle elle prétend ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Challan-Belval, Auditeur,
- les observations de la SCP Urtin-Petit, Van Troeyen, avocat de Mme veuve X...,
- les conclusions de M. Stirn, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions tendant à ce que soit accordé à Mme X... le bénéfice des dispositions de l'article 13 de la loi de finances du 31 juillet 1963 :

Considérant que Mme X..., de nationalité algérienne, a sollicité du ministre de la défense le bénéfice des dispositions de l'article 13 de la loi de finances du 31 juillet 1963, lequel accorde un droit à pension aux personnes de nationalité française ayant subi des dommages physiques du fait des évènements d'Algérie et prévoit que des règlements d'administration publique fixeront les conditions dans lesquelles certaines personnes ne possédant pas la nationalité française pourront bénéficier de ses dispositions ; que, cette demande ayant été rejetée par le ministre de la défense, Mme X... a saisi le tribunal administratif de Paris d'une requête rejetée par le jugement attaqué ;
Considérant qu'il ressort des dispositions précitées de l'article 13 de la loi du 31 juillet 1963 que les droits qu'il institue sont concédés dans les conditions prévues, pour les victimes civiles de la guerre, par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; qu'il suit de là que les contestations auxquelles peut donner lieu l'application de cet article aux personnes qui en réclament le bénéfice doivent être portées, en vertu de l'article L.79 dudit code, devant le tribunal départemental des pensions ; que, dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a statué sur lesdites conclusions ; qu'il y a lieu, par suite, par application de l'article 54 bis du décret du 30 juillet 1963, de renvoyer le jugement de la requête de Mme X... au tribunal départemental, des pensions de Paris ;
Sur les conclusions de Mme X... tendant à ce que soit mise en jeu la responsabilité de l'Etat français du fait de l'accident survenu à son mari en 1956 :
Considéant que Mme X... a saisi, le 28 novembre 1983, le tribunal administratif de Paris, d'une action tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité en réparation du préjudice que lui a causé le décès de son mari qui a été provoqué par un accident imputable à un véhicule de l'armée française circulant en Algérie, le 22 juillet 1956 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1957 : "Par dérogation à l'article 3 de la loi des 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire, les tribunaux de l'ordre judiciaire sont seuls compétents pour statuer sur toute action en responsabilité tendant à la réparation des dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque. Cette action sera jugée conformément aux règles du droit civil, la responsabilité de la personne de droit public étant, à l'égard des tiers, substituée à celle de son agent, auteur des dommages causés dans l'exercice de ses fonctions" ; que l'article 2 de la même loi dispose que "la juridiction administrative reste compétente pour statuer sur les actions dont elle a été saisie, antérieurement à la publication de la présente loi, à l'occasion des dommages visés à l'article 1er ci-dessus" ; qu'il ressort de ces dispositions que, depuis la publication de la loi du 31 décembre 1957, l'autorité judiciaire est compétente pour statuer sur toute action tendant à la réparation des dommages causés par un véhicule quelconque, sauf dans le cas où ledit véhicule étant conduit par un agent d'une personne morale de droit public, dans l'exercice de ses fonctions, la juridiction administrative a été saisie, antérieurement à la publication de la loi précitée, d'une action en réparation des dommages causés par la faute de service relevée à la charge dudit agent ; qu'en l'espèce, aucune action de cette nature n'a été introduite devant la juridiction administrative antérieurement au 5 janvier 1958, date de la publication au Journal Officiel de la loi du 31 décembre 1957 ; qu'ainsi, l'autorité judiciaire était compétente pour statuer sur le litige dont s'agit ; que, dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté comme non recevables pour défaut de ministère d'avocat, les conclusions de Mme X... ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif deParis en date du 19 décembre 1984 est annulé.
Article 2 : Le jugement des conclusions de Mme X... tendant à ce que lui soit accordé le bénéfice des dispositions de l'article 13 de la loi de finances du 31 juillet 1963 est renvoyé au tribunal départemental des pensions de Paris.
Article 3 : Les conclusions de la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Paris tendant à ce que soit mise en jeu la responsabilité de l'Etat français du fait de l'accident survenu à son mari le 22 juillet 1956 sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme X..., au ministre de la défense et au secrétaire d'Etat aux anciens combattants.