Conseil d'Etat, 2 /10 SSR, du 28 décembre 1988, 85256, inédit au recueil Lebon
Vu le recours du MINISTRE DE LA DEFENSE enregistré le 19 février 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 23 décembre 1986 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a condamné l'Etat à verser à M. X... la somme de 660 000 F en réparation du préjudice résultant de l'accident de tir dont il a été victime le 27 mars à Margival (Aisne) au cours de son service national et du 25 juin 1985 qui déclare l'Etat responsable de cet accident,
2°) rejette la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif d'Amiens,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-605 du 8 juillet 1983 ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Dubos, Maître des requêtes,
- les observations de Me Odent, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Faugère, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que le MINISTRE DE LA DEFENSE doit être regardé comme faisant appel des jugements du tribunal administratif d' Amiens en date du 25 juin 1985 déclarant l'Etat responsable de l'accident survenu à M. X... pendant son service national et du 23 décembre 1986 fixant, après expertise, à 660 000 F l'indemnité due par l'Etat à M. X... ;
Considérant que les obligations dont l'Etat est tenu en ce qui concerne les droits ouverts aux militaires victimes d'accidents survenus en service pendant la durée de leur présence sous les drapeaux, sont définies par les dispositions de l'article L.139 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; qu'il résulte des dispositions de l'ensemble de ce code, que le législateur a entendu limiter les obligations de l'Etat à la concession d'une pension dans les conditions déterminées par lesdites dispositions à l'exclusion de toute indemnité pour faute du service public, quelle que soit la gravité de la faute imputée à l'administration ;
Considérant que la loi du 8 juillet 1983 modifiant le code du service national, en prévoyant une réparation complémentaire destinée à assurer l'indemnisation intégrale du dommage subi, n'a un caractère ni interprétatif ni rétroactif ; qu'ainsi elle ne saurait s'appliquer à un dommage survenu antérieurement à son entrée en vigueur ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X... a été victime d'un accident au cours d'un exercice de tir le 27 mars 1981 alors qu'il accomplissait son service national ; qu'il bénéfice de la pension d'invalidité prévue par l'article L.139 susmentionné ; qu'à la date des faits, les dispositions de la loi du 8 juillet 1983 ne pouvaient recevoir application ; que le MINISTRE DE LA DEFENSE est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que par les jugements attaqués, le tribunal administratifd' Amiens a reconnu l'Etat responsable et l'a condamné à verser une indemnité complémentaire de 660 000 F à M. X... ;
Article 1er : Les jugements du 25 juin 1985 et du 23 décembre 1986 du tribunal administratif d' Amiens sont annulés.
Article 2 : Les demandes présentées par M. X... devant le tribunal administratif d' Amiens sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre de la défense.