Conseil d'Etat, 5 SS, du 26 juillet 1991, 79686, inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision26 juillet 1991
Num79686
Juridiction
Formation5 SS
RapporteurMme Mitjavile
CommissaireLegal

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 23 juin 1986 et 10 octobre 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Adrienne X..., demeurant ... Forcalquier ; Mme CREST demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 19 février 1986 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 novembre 1984 par laquelle le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations a refusé de donner son avis conforme à la demande de majoration du taux de l'allocation temporaire d'invalidité dont bénéficie la requérante et de la décision du 7 janvier 1985 de cette même autorité rejetant le recours gracieux présenté par la requérante, ainsi qu'à la condamnation de la caisse des dépôt et consignations au paiement de l'arriéré de pension avec les intérêts de droit et de la somme équivalente au versement effectué au titre de l'impôt sur le revenu, en raison de la suppression de l'exonération dont bénéficiait la requérante et de la maison de retraite "Saint Joseph" à réparer le préjudice subi du fait du refus de l'allocation ;
2°) annule pour excès de pouvoir les décision des 19 novembre 1984 et 7 janvier 1985 du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations ;
3°) subsidiairement, si ses conclusions dirigées contre les décisions des 19 novembre 1984 et 7 janvier 1985 étaient rejetées, de condamner la maison de retraite "Saint Joseph" à réparer le préjudice subi du fait du refus de l'allocation demandée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le décret n° 63-1346 du 24 décembre 1963, modifié par le décret n° 67-781 du 1er septembre 1967 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Mitjavile, Auditeur,
- les observations de la SCP Boré, Xavier, avocat de Mme Adrienne X..., de Me Choucroy, avocat de la Maison de retraite de Saint-Joseph de Mane et de Me Gauzès, avocat de la Caisse des dépôts et consignations,
- les conclusions de M. Legal, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions relatives à l'allocation temporaire d'invalidité :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme CREST, cuisinière à la maison de retraite "Saint-Joseph", à Mane, a été victime, le 11 juillet 1982, d'un accident reconnu imputable au service ; qu'elle a repris son service le 12 septembre 1982, après consolidation de ses blessures ; que la majoration, au titre de cet accident, du taux de l'allocation temporaire d'invalidité qu'elle percevait lui a été refusée par une décision du 19 novembre 1984 du directeur général de la caisse des dépôts et consignations, au motif que sa demande avait été présentée après l'expiration du délai prévu par l'article 3 du décret du 24 décembre 1963 modifié ;
Cnsidérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 7 du décret du 24 décembre 1963 : " ... en cas de survenance d'un nouvel accident ouvrant droit à allocation, et sous réserve qu'une demande ait été formulée dans les délais prescrits à l'article 3, il est procédé à un nouvel examen des droits du requérant compte tenu de l'ensemble de ses infirmités. Une nouvelle allocation est éventuellement accordée, en remplacement de la précédente ..." et qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 3 : "La demande d'allocation doit, à peine de déchéance, être présentée dans le délai d'un an à partir du jour où l'agent a repris ses fonctions après la consolidation de sa blessure ou de son état de santé." ; que ces dispositions, quelle que soit l'interprétation qui en a été faite par une instruction du directeur général de la caisse des dépôts et consignations, laquelle ne saurait, en tout état de cause, avoir légalement pour effet d'ajouter des conditions à celles fixées par le décret, ne soumettent pas la présentation de la demande d'allocation au dépôt d'une demande écrite ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme CREST a remis, le 14 septembre 1982, au service administratif de la maison de retraite l'exemplaire qui lui avait été délivré du certificat médical de consolidation prévu par l'article L. 473 du code de la sécurité sociale, lequel mentionnait que la blessure subie par la requérante devait être à l'origine d'une incapacité permanente partielle ; que, le 10 décembre 1982, la maison de retraite a saisi du cas de Mme CREST la commission départementale de réforme qui, après avoir ordonné deux examens médicaux, a fixé le taux d'incapacité consécutif à l'accident lors de sa séance du 23 septembre 1983 ; qu'en effectuant de telles démarches, Mme CREST a suffisamment manifesté, auprès du directeur de la maison de retraite, son intention de faire valoir ses droits à la majoration du taux de son allocation temporaire d'invalidité, dans le délai d'un an prévu par les dispositions précitées ; que, par suite, et alors même qu'elle n'a déposé une demande écrite que le 31 août 1984, le directeur général de la caisse des dépôts et consignations ne pouvait légalement lui opposer la déchéance prévue par les dispositions combinées des articles 7 et 3 du décret du 24 décembre 1963 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme CREST est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation des décisions des 19 novembre 1984 et 7 janvier 1985 du directeur général de la caisse des dépôts et consignations ;
Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :

Considérant que si, dans l'intitulé de sa requête d'appel devant le Conseil d'Etat, Mme CREST dirige ses conclusions à fin d'indemnité contre la caisse des dépôts et consignations, elle ne conclut pas à la condamnation de cet établissement mais à celle de la maison de retraite de Saint-Joseph de Mane, ce que confirment des écritures ultérieures ; qu'ainsi, la requête doit être interprétée comme n'étant, sur ce point, dirigée que contre cette maison de retraite ;
Considérant que Mme CREST demande que la maison de retraite soit condamnée à réparer le préjudice qu'elle a subi dans le cas où il serait jugé que le délai de présentation de sa demande de majoration du taux de l'allocation temporaire d'invalidité dont elle bénéficie, est dépassé et qu'elle ne peut, de ce fait, prétendre à cette majoration ; qu'il résulte de ce qui précède que les décisions de la caisse des dépôts et consignations opposant une forclusion à la demande de Mme CREST doivent être annulées ; qu'ainsi il n'y a pas lieu de se prononcer sur les conclusions à fin d'indemnisation qui n'ont été présentées qu'à titre subsidiaire ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 19 février 1986 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de Mme CREST dirigées contre lesdécisions des 19 novembre 1984 et 7 janvier 1985 du directeur généralde la caisse des dépôts et consignations. Les décisions en date des 19 novembre 1984 et 7 janvier 1985 du directeur général de la caisse des dépôts et consignations sont annulées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme CREST, au directeur de la maison de retraite " Saint-Joseph" de Mane, au directeur général de la caisse des dépôts et consignations et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget.