Conseil d'Etat, 10/ 3 SSR, du 2 octobre 1991, 84120, inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision02 octobre 1991
Num84120
Juridiction
Formation10/ 3 SSR
RapporteurGerville-Réache
CommissaireDe Montgolfier

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 30 décembre 1986 et 30 avril 1987, présentés pour M. Michel Georges X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 21 octobre 1986 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande dirigée contre la décision implicite par laquelle le ministre de la défense a refusé de lui verser une indemnité pour réparer son préjudice de carrière ;
2°) condamne l'Etat au versement d'une indemnité de 1 043 175 F avec intérêts de droit ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Gerville-Réache, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Michel Georges X...,
- les conclusions de M. de Montgolfier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X..., major de l'armée de l'air, a été l'objet de propositions pour l'admission au grade de lieutenant des bases de l'air au titre des années 1976 à 1982 par application de l'article 13 du décret du 22 décembre 1973 ; qu'il n'est pas contesté par le ministre de la défense que les formulaires de proposition signés par les postulants laissaient clairement entendre que ces derniers ne devaient pas figurer sur les listes établies à la suite des examens donnant accès aux emplois réservés ; que, de ce fait, M. X..., qui n'a jamais été promu officier, n'a pas davantage bénéficié en temps utile des dispositions de l'article L.397 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne s'oppose à ce qu'un sous-officier postulant à l'admission au grade de lieutenant de carrière puisse en même temps se présenter aux examens donnant accès aux emplois réservés ; qu'en incitant les sous-officiers candidats à une promotion à un grade d'officier à se détourner du bénéfice éventuel d'une législation qu'il ne lui appartient d'ailleurs pas d'appliquer, le ministre de la défense a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que M. X... est, par suite, fondé à demander l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif d'Amiens a refusé de reconnaître l'existence du préjudice subi par M. X... ; qu'il sera fait une exacte appréciation dudit préjudice en condamnant l'Etat à lui verser une indemnité de 50 000 F ;
Sur les intérêts :

Considérant que M. X... a droit aux intérêts de la somme de 50 000 F à compter du jour de la réception par le ministre de sa demande d'indemnité ;
Sur les intérêts des intérêts :
Consdérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 30 avril 1987 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens en date du 21 octobre 1986 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. X... une indemnité de 50 000 F avec intérêts au taux légal à compter du jour de la réception par le ministre de sa demande d'indemnité. Les intérêts échus au 30 avril 1987 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre de la défense.