Conseil d'Etat, 3 SS, du 23 octobre 1991, 88684, inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision23 octobre 1991
Num88684
Juridiction
Formation3 SS
RapporteurLabarre
CommissaireToutée

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 23 juin 1987 et 23 octobre 1987, présentés pour M. Charles X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 3 juillet 1986 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 juillet 1981, par laquelle le secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants lui a refusé le titre d'interné politique ;
2°) annule ladite décision du secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants, en date du 6 juillet 1981 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Labarre, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Ancel, avocat de M. Charles X...,
- les conclusions de M. Toutée, Commissaire du gouvernement ;

Sur l'appel incident du secrétaire d'Etat aux anciens combattants :
Considérant que le jugement attaqué rejette intégralement la demande de M. Charles X... ; que, par suite, le secrétaire d'Etat n'est pas recevable à former un appel incident contre ce jugement ;
Sur l'appel principal :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, dans les deux mois suivant la notification de la décision, en date du 19 janvier 1984, accordant l'aide judiciaire à M. Charles X... un mémoire complémentaire motivé a été enregistré, le 2 mars 1984, au greffe du tribunal administratif de Strasbourg ; que c'est donc à tort que le tribunal administratif a estimé que la demande dont l'avait saisie M. Charles X... ne contenait l'énoncé d'aucun motif et que, méconnaissant les dispositions de l'article R. 77 du code des tribunaux administratifs alors en vigueur, elle était irrecevable ; qu'ainsi le jugement du tribunal administratif de Strasbourg, en date du 3 juillet 1986, doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. Charles X... devant le tribunal administratif ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 288 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : "Le titre d'interné politique est attribué à ... : 1°) Tout Français ou ressortissant français résidant en France ou dans les pays d'outre-mer, qui a été interné, à partir du 16 juin 1940, par l'ennemi ou par l'autorité de fait se disant gouvernement de l'Etat français, pour tout autre motif qu'une infraction de droit commun ne bénéficiant pas de l'ordonnance du 6 juillet 1943, relative à la légitimité des actes accomplis pour la cause de la libération de la France et à la révision des condamnations intervenues pour ces faits ; .... 2°) Tout Français ou ressortissant rançais qui a subi, avant le 16 juin 1940, en France ou dans les pays d'outre-mer, pour tout autre motif qu'une infraction de droit commun, une mesure administrative ou judiciaire privative de liberté et qui a été maintenu interné au-delà de sa peine par l'ennemi ou par l'autorité de fait se disant gouvernement de l'Etat français, en raison du danger qu'aurait présenté pour l'ennemi, la libération de ladite personne, du fait de son activité antérieure" et qu'aux termes de l'article L. 289 du même code : "La qualité d'interné politique n'est accordée que sur justification d'un internement d'une durée d'au moins trois mois, postérieurement au 16 juin 1940 ou à l'expiration de la peine prononcée avant cette date ..." ;

Considérant que s'il n'est pas contesté que M. Charles X... a été arrêté par la police allemande en mai 1940 pour des raisons autres qu'une infraction de droit commun et qu'il a été transféré par la suite en Pologne ainsi que tous les membres de sa famille, aucun des documents qu'il a fournis à l'appui de sa demande n'établit qu'il ait été détenu dans les lieux qu'il a mentionnés ; qu'ainsi, faute d'avoir répondu aux conditions fixées par les dispositions ci-dessus rappelées du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, M. Charles X... ne pouvait prétendre à l'attribution du titre d'interné politique ; qu'il n'est donc pas fondé à demander l'annulation de la décision du secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants, en date du 6 juillet 1981, lui refusant le titre d'interné politique ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 3 juillet 1986 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Charles X... devant le tribunal administratif et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le recours incident du secrétaire d'Etat aux anciens combattants est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Charles X... et au secrétaire d'Etat aux anciens combattants.