Conseil d'Etat, 5 / 3 SSR, du 16 octobre 1991, 73515, inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision16 octobre 1991
Num73515
Juridiction
Formation5 / 3 SSR
RapporteurLasvignes
CommissaireStirn

Vu l'ordonnance en date du 14 novembre 1985, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 18 novembre 1985, par laquelle le président du tribunal administratif de Poitiers a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 75 du code des tribunaux administratifs, dans sa rédaction en vigueur à la date de ladite ordonnance, la demande présentée à ce tribunal par M. X... ;
Vu la demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Poitiers le 3 avril 1985, présentée par M. X..., demeurant Villa A 17, Patte d'Oie Builders à Dakar (République du Sénégal) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) l'annulation de la décision du 21 mars 1985 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité, de sa retraite d'ancien combattant et de la rente perçue au titre de la médaille militaire ;
2°) à l'octroi d'une indemnité de 300 000 F en réparation du préjudice subi par lui du fait des lois ayant décidé la cristallisation des pensions des ressortissants du Sénégal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959 ;
Vu la loi n° 79-1102 du 21 décembre 1979 ;
Vu la loi n° 81-1179 du 31 décembre 1981 ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu le décret n° 62-669 du 8 juin 1962 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Lasvignes, Auditeur,
- les observations de Me Garaud, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Stirn, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions tendant à la revalorisation du montant de la retraite du combattant :
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 14 de la loi du 21 décembre 1979 modifié par l'article 22 de la loi du 31 décembre 1981 susvisées que les pensions, rentes ou allocations viagères imposées sur le budget de l'Etat dont étaient titulaires les nationaux de pays ou territoires ayant appartenu à l'union française ou à la communauté, ont été remplacées par des indemnités annuelles dont le montant, fixé au 1er janvier 1975, n'est pas révisable sauf décret régulièrement publié, pris en application de l'article 71-III de la loi susvisée du 26 décembre 1959 ;
Considérant qu'en vertu des dispositions des articles 152 et 153 du code de la nationalité française, les personnes de nationalité française qui étaient domiciliées au jour de son accession à l'indépendance sur le territoire d'un Etat qui, comme le Sénégal, avait eu antérieurement le statut de territoire d'outre-mer, ne peuvent, lorsqu'elles ne sont pas originaires du territoire de la République française, tel qu'il était constitué à la date du 28 juillet 1960, être réintégrées dans la nationalitéfrançaise qu'à la condition d'avoir établi au préalable leur domicile en France et moyennant une déclaration ;
Considérant qu'il est constant que M. X... est originaire du Sénégal, pays qui a accédé à l'indépendance le 19 juin 1960, et ne faisait donc plus partie du territoire de la République française au 28 juillet 1960 ; qu'il n'est pas allégué qu'il ait, depuis lors, établi son domicile en France et souscrit la déclaration prévue à l'article 153 du code susmentionné ; qu'il n'est pas, dès lors, de nationalité française ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 21 mars 1985 en tant que, par ladite décision, le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à la revalorisation du montant de l'allocation qu'il perçoit au titre de la retraite du combattant ;
Sur les conclusions tendant à la revalorisation du traitement perçu par le requérant au titre de la médaille militaire :
Considérant que le traitement versé aux titulaires de la médaille militaire en application de l'article R.150 du code de la légion d'honneur et de la médaille militaire ne constitue ni une pension ni une rente ou une allocation viagère, au sens des dispositions de l'article L.71 de la loi du 26 décembre 1959 ; que, par suite, le ministre de la défense ne pouvait légalement se fonder sur ces dispositions pour rejeter la demande de M. X... tendant à la revalorisation du traitement qu'il perçoit au titre de la médaille militaire ; que, dès lors, M. X... est fondé à demander l'annulation de la décision du 21 mars 1985 en tant que, par cette décision, le ministre de la défense a refusé de procéder à la revalorisation de son traitement de médaillé militaire ;
Sur les conclusions tendant à la revalorisation du montant de la pension militaire d'invalidité :
Considérant qu'en application de l'article L.79 du code des pensions d'invalidité et des victimes de la guerre, les contestations relatives à l'attribution des pensions militaires d'invalidité sont jugées, en premier ressort, par le tribunal départemental des pensions dont relève le domicile de l'intéressé et que par l'effet des dispositions de l'article 1er du décret du 8 juin 1962 il appartient au tribunal départemental des pensions de Paris de connaître des conclusions de la requête de M. X... qui est domicilié au Sénégal relatives au montant de la pension militaire d'invalidité dont il est titulaire ; qu'il y a lieu, dès lors, de renvoyer à ce tribunal le jugement de ces conclusions ;
Sur les conclusions tendant à l'octroi d'une indemnité :

Considérant que, eu égard à l'objet en vue duquel les dispositions des lois des 21 décembre 1979 et 31 décembre 1981 susanalysées ont été édictées, le législateur a entendu limiter aux seuls droits qui résultent de ces dispositions la rémunération des services antérieurement accomplis par les nationaux des Etats de la communauté dans l'armée française de même que l'indemnisation des infirmités qui en ont résulté, et ainsi exclure toute forme de compensation financière des conséquences de la loi ; que, dès lors, les conclusions de la requête de M. X..., tendant à l'octroi d'une indemnité en réparation du préjudice subi par lui du fait des dispositions législatives qui font obstacle à la revalorisation des rentes qu'il perçoit ne sont pas susceptibles d'être accueillies ;
Article 1er : Le jugement des conclusions de la requête deM. X... relatives à ses droits à pension militaire d'invalidité, est renvoyé au tribunal départemental des pensions de Paris.
Article 2 : La décision du 21 mars 1985 du ministre de la défense est annulée en tant qu'elle a rejeté la demande de M. X... tendant à la revalorisation du traitement qu'il perçoit au titre de la médaille militaire.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. X..., au ministre de la défense et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget.