Conseil d'Etat, 3 SS, du 10 juillet 1992, 119109, inédit au recueil Lebon
Vu le recours sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 7 août et 9 novembre 1990, présentés par le SECRETAIRE D'ETAT CHARGE DES ANCIENS COMBATTANTS ET DES VICTIMES DE GUERRE ; le SECRETAIRE D'ETAT CHARGE DES ANCIENS COMBATTANTS ET DES VICTIMES DE GUERRE demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 21 mai 1990 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé sa décision du 19 décembre 1988 refusant à M. Jean X... le titre de déporté politique ;
2°) rejette la demande présentée par M. Jean X... au tribunal administratif de Marseille ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Labarre, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Pochard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.286 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : "Le titre de déporté politique est attribué aux Français ou ressortissants français qui, pour tout autre motif qu'une infraction de droit commun ne bénéficiant pas de l'ordonnance du 6 juillet 1943, ont été ...3° soit incarcérés ou internés par l'ennemi dans tous autres territoires exclusivement administrés par l'ennemi, notamment l'Indochine, sous réserve que ladite incarcération ou ledit internement répondent aux conditions qui sont fixées aux articles R.327 à R.334" ; qu'aux termes de l'article L.287 du même code : "Sont exclues du bénéfice de l'article L.286, les personnes visées au 2 et 3 dudit article, qui n'ont pas été incarcérées pendant au moins trois mois, à moins qu'elles se soient évadées ou qu'elles aient contracté, pendant leur internement, une maladie ou une infirmité, provenant notamment de tortures, susceptibles d'ouvrir droit à pension à la charge de l'Etat" ;
Considérant que M. Jean X... a été détenu par les autorités japonaises du 11 juillet au 27 août 1945 au camp de Hoa-Binh, reconnu comme lieu de déportation par l'article A.160-3° du code susvisé ; que si la durée de cet internement a été inférieure à trois mois, il ressort des pièces versées au dossier et notamment d'attestations délivrées par des témoins ayant connu M. X... au camp de Hoa-Binh et en particulier du médecin qui lui a alors donné des soins, que celui-ci a contracté, lors de cette détention, la dysentrie amibienne ; qu'il est constant que M. X... s'est vu concéder, du fait des séquelles de cette affection, une pension militaire d'invalidité ; que, dès lors, la circonstance que la durée de son internement ait été inférieure à trois mois ne saurait légalement faie obstacle à ce que le titre de déporté politique soit attribué à M. X... dont il n'est pas contesté qu'il remplit les autres conditions mises par les dispositions précitées à l'obtention de ce titre ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le SECRETAIRE D'ETAT CHARGE DES ANCIENS COMBATTANTS ET DES VICTIMES DE GUERRE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé sa décision en date du 19 décembre 1988 refusant d'attribuer le titre de déporté politique à M. X... ;
Article 1er : Le recours du SECRETAIRE D'ETAT CHARGE DES ANCIENS COMBATTANTS ET DES VICTIMES DE GUERRE est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au secrétaire d'Etat aux anciens combattants et victimes de guerre et à M. Jean X....