Conseil d'Etat, 5 / 3 SSR, du 7 octobre 1992, 63245, mentionné aux tables du recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision07 octobre 1992
Num63245
Juridiction
Formation5 / 3 SSR
PresidentMme Bauchet
RapporteurMme Mitjavile
CommissaireM. Legal

Vu l'ordonnance du 13 septembre 1984, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 8 octobre 1984, par laquelle le président du tribunal administratif de Poitiers a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 74 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la demande présentée à ce tribunal par M. BASMAT Mohammed Y... ;
Vu la demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Poitiers le 20 février 1984, présentée par M. BASMAT Mohammed Y..., demeurant Douar Aghbalou, El Bridia Ait Yahia, Ait Attab, province d'Azilal (Maroc) ; M. BASMAT Mohammed Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule la décision du 8 mars 1984 par laquelle le directeur du service des anciens combattants auprès de l'ambassade de France à Casablanca, Maroc, a refusé de lui accorder le bénéfice de la retraite du combattant, et d'une pension proportionnelle militaire de retraite ;
2°) le renvoie devant le directeur des anciens combattants auprès de l'Ambassade de France au Maroc, pour qu'il soit procédé à la liquidation de la retraite et de la pension auxquelles il prétend ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, issu de la loi du 20 septembre 1948 ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu l'ordonnance n° 59-209 du 3 février 1959 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Mitjavile, Auditeur,
- les conclusions de M. Legal, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions tendant à l'attribution de la retraite du combattant :
Considérant que la lettre du 8 mars 1984 du directeur du service des anciens combattants auprès de l'Ambassade de France au Maroc refusant le bénéfice de la retraite du combattant à M. X..., constitue une décision dont ce dernier est recevable à demander l'annulation ;
Considérant que les articles L. 255 et suivants du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre définissent les conditions dans lesquelles la retraite du combattant est attribuée aux titulaires de la carte de combattant ; qu'il est constant que M. X... remplit les conditions requises pour obtenir le bénéfice de la retraite du combattant ;
Considérant que si les dispositions de l'article 71-1 de la loi de finances du 26 décembre 1959 qu'invoque l'administration pour refuser à M. X... la retraite du combattant, et aux termes desquelles "A compter du 1er janvier 1961, les pensions, rentes ou allocations viagères imputées sur le budget de l'Etat ou d'établissements publics dont sont titulaires les nationaux des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la ommunauté, ou ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France, seront remplacées pendant la durée normale de leur jouissance personnelle par des indemnités annuelles en francs, calculées sur la base des tarifs en vigueur pour lesdites pensions ou allocations à la date de leur transformation", sont applicables à compter du 1er janvier 1961 aux pensions concédées aux nationaux marocains, elles n'ont ni pour objet ni pour effet de s'opposer à ce que la retraite du combattant soit concédée à un ressortissant des pays et territoires concernés qui aurait atteint l'âge de soixante ans postérieurement à la date du 1er janvier 1961 ; que, par suite, M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que par la décision attaquée le directeur du service des anciens combattants auprès de l'ambassade de France au Maroc a rejeté sa demande tendant à l'attribution de la retraite du combattant ; qu'il y a lieu, par suite, de renvoyer M. X... devant le secrétaire d'Etat auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et des victimes de guerre pour qu'il soit procédé à la liquidation de sa pension de retraite du combattant ;
Sur les conclusions tendant à l'attribution d'une pension de retraite proportionnelle :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 4 de l'ordonnance du 3 février 1959 relative aux droits en matière de pension des militaires marocains et tunisiens transférés à leurs armées nationales, les militaires réunissant plus de onze ans de services militaires effectifs sont mis à la retraite avec attribution d'une pension proportionnelle calculée dans les conditions prévues aux articles L. 26, L. 27 et L. 35 du code des pensions civiles et militaires de retraite issu de la loi du 20 septembre 1948 ; que les dispositions de cette ordonnance ont eu pour objet de reconnaître aux anciens militaires marocains et tunisiens des droits à pension de retraite alors même qu'ils auraient effectué moins de quinze ans de services militaires effectifs ; que ces dispositions ont ainsi ouvert à leurs bénéficiaires des droits à pension proportionnelle soumis à un régime particulier qui fait échec à l'application des dispositions du code des pensions qui leur seraient contraires ; que, dès lors, l'administration ne pouvait légalement refuser d'accorder à M. X..., dont il n'est pas contesté qu'il réunit les conditions exigées pour l'application de l'ordonnance précitée, une pension de retraite proportionnelle au motif qu'il avait accompli une durée de services militaires effectifs inférieure à celle de quinze ans exigée à l'article L. 11-4 du code des pensions civiles et militaires de retraite issu de la loi du 20 septembre 1948, qui lui est applicable eu égard à la date de sa radiation des cadres ; que, par suite, M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que par la décision attaquée le directeur du service des anciens combattants auprès de l'ambassade de France au Maroc lui a refusé l'attribution d'une pension de retraite proportionnelle ; qu'il y a lieu, par suite, de renvoyer M. X... devant le secrétaire d'Etat auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et des victimes de guerre pour qu'il soit procédé à la liquidation de sa pension ;
Article 1er : La décision du 8 mars 1984 du directeur du service des anciens combattants auprès de l'ambassade de France à Casablanca, au Maroc, est annulée. M. X... est renvoyé devant le secrétaire d'Etat auprès du ministre de la défense chargé des anciens combattants et victimes de guerre pour qu'il soit procédé à la liquidation de sa retraite du combattant et de sa pension de retraite proportionnelle.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X... au secrétaire d'Etat aux anciens combattants et victimes de guerre et au ministre de l'économie et des finances.