Conseil d'Etat, 5 / 3 SSR, du 28 février 1997, 130290, publié au recueil Lebon
Vu la requête, enregistrée le 21 octobre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Y... Commence, demeurant route de Bagnols, Quartier de Cais à Fréjus (83600) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 8 octobre 1991 par laquelle le ministre de la défense a suspendu son droit à pension militaire de retraite ;
2°) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite annexé à la loi n° 64-1339 du 26 décembre 1964 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Arnoult, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Pécresse, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par arrêté du 2 septembre 1991, publié au Journal officiel de la République française du 11 septembre 1991, le commissaire colonel Bernard Boissac, chargé de la sous-direction des pensions militaires, avait reçu une délégation de signature en vertu de laquelle il était compétent pour signer la décision du 8 octobre 1991 suspendant le droit à pension militaire de retraite de M. Y... Commence ;
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 59 du code des pensions civiles et militaires de retraite : "Le droit à l'obtention ou à la jouissance de la pension et de la rente viagère d'invalidité est également suspendu à l'égard de tout bénéficiaire du présent code qui aura été révoqué ou mis à la retraite d'office ... et pour avoir été reconnu coupable de détournement soit de deniers de l'Etat, des départements, des communes ou établissements publics, soit de dépôts de fonds particuliers versés à sa caisse ou de matières reçues et dont il doit rendre compte ; ... La même disposition est applicable, pour des faits qui auraient été de nature à entraîner la révocation ou la mise à la retraite d'office, lorsque les faits sont révélés ou qualifiés après la cessation de l'activité. Dans tous les cas, l'organisme disciplinaire compétent est appelé à donner son avis sur l'existence et la qualification des faits" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Y... Commence, qui occupait les fonctions de chef du district interarmées des forces armées de la zone sud de l'océan Indien à Saint-Denis de la Réunion a été suspendu de ses fonctions le 9 avril 1990 pour avoir été soupçonné de détournement de deniers de l'Etat ; que, sur sa demande, il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite le 5 juin 1990 ; qu'une pension lui a été concédée à ce titre par arrêté du 27 août 1990 ; que cependant, et après que le conseil d'enquête eut donné son avis en date du 19 juin 1991, et que les faits eurent été qualifiés de détournement de deniers de l'Etat, le ministre de la défense a, par la décision attaquée du 8 octobre 1991, suspendu le droit du requérant à la jouissance de sa pension, en application des dispositions précitées de l'article L. 59 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Considérant que les mesures prévues à l'article L. 59 du code des pension sont indépendantes des sanctions disciplinaires qui peuvent être prononcées à l'encontre de l'agent ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'aucune sanction disciplinaire ne pouvait être prononcée à l'encontre de M. X... dès lors qu'il était en position de retraite, ne peut qu'être écarté ;
Considérant que la circonstance que les faits reprochés à M. X... aient été connus à la date à laquelle l'administration, saisie par lui d'une demande d'admission à la retraite, s'est prononcée sur cette demande et lui a concédé une pension ne faisait pas obstacle à ce que, après avoir, conformément aux dispositions précitées, consulté l'organisme disciplinaire compétent sur l'existence et la qualification de ces faits, l'administration prononçât le 8 octobre 1991, la suspension de la jouissance du droit à pension de l'intéressé ;
Considérant que si M. X..., marié et père d'un enfant de moins de vingt-et-un an, sollicite le bénéfice d'une suspension partielle de ses droits à pension et le versement, au profit de son épouse, d'une pension fixée à 50 % de la pension dont il bénéficiait, en application des dispositions de l'article L. 60 du code des pensions, les droits de son épouse doivent s'apprécier non à la date de son admission à la retraite mais à celle où a pris effet la mesure de suspension du droit à la jouissance de sa pension de retraite ; qu'il est constant qu'à cette date du 8 octobre 1991, les dispositions de l'article L. 60 du code des pensions avaient été abrogées par la loi du 26 juillet 1991 ; que, dès lors, M. X... n'est pas fondé à demander le bénéfice de l'application des dispositions de l'article L. 60 du code des pensions ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... Commence n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par la décision attaquée, le ministre de la défense a suspendu son droit à la jouissance de sa pension de retraite ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Y... Commence, au ministre de l'économie et des finances et au ministre de la défense.