Conseil d'Etat, 3 SS, du 12 février 1997, 154289, inédit au recueil Lebon
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 13 décembre 1993 et 11 avril 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Charles X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 30 septembre 1993 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 28 mai 1990 par laquelle le directeur interdépartemental des anciens combattants et victimes de guerre de Strasbourg a refusé de lui reconnaître la qualité d'incorporé de force dans l'armée allemande ;
2°) annule pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) ordonne à l'administration de lui délivrer le certificat demandé ;
4°) condamne l'Etat à lui verser une somme de 25 000 F au titre de l'article R. 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 .
Vu la loi n° 95-125 du 8 février 1995 ;
Vu l'arrêté du 10 mai 1954 modifié par l'arrêté du 2 mai 1984 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Courson, Auditeur,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité externe de la décision attaquée :
Considérant, d'une part, que la commission interdépartementale qui a donné son avis sur la demande de M. X... tendant à se voir reconnaître la qualité d'incorporé de force dans l'armée allemande n'est pas tenue d'entendre les personnes qui demandent la reconnaissance de cette qualité ;
Considérant, d'autre part, que la décision attaquée qui refuse de faire droit à la demande de M. X..., comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée ;
Sur la légalité interne de la décision attaquée :
Considérant qu'aux termes de l'article 2-2 de l'arrêté du 10 mai 1954 modifié par l'arrêté du 2 mai 1984 le certificat d'incorporé de force dans l'armée allemande peut être délivré "sur leur demande, aux Alsaciens et Mosellans qui ont été affectés dans des formations paramilitaires allemandes, dont la liste est fixée notamment aux articles A 166 et A 167 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, et qui ont été engagés sous commandement militaire dans des combats" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... a été incorporé de force dans le R.A.D., formation ne faisant pas partie de la Wehrmacht ; que, par suite, alors même que la réglementation en vigueur en Allemagne pendant la guerre aurait ignoré la notion d'organisation paramilitaire, la demande de M. X... doit être examinée au regard de l'article 2-2 précité de l'arrêté du 10 mai 1954 modifié ;
Considérant que les dispositions des articles L. 239-2 et L. 239-3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, qui, sous certaines conditions, assimilent les incorporés de force dans le service allemand du travail aux incorporés de force dans l'armée allemande, ne sauraient conférer au requérant, qui n'allègue pas remplir les conditions fixées par ces dispositions, un droit à la reconnaissance de la qualité d'incorporé de force dans l'armée allemande, dont les conditions d'attribution sont fixées par l'arrêté précité du 10 mai 1954 ; que les dispositions de cet arrêté ont pu légalement subordonner dans le casqu'elles visent la délivrance du certificat à la condition d'un engagement dans des combats sous commandement militaire ;
Considérant que si l'intéressé affirme qu'il a été, dans l'organisation R.A.D., préparé au combat et confronté, lorsqu'il a été envoyé dans des zones de combats sur les frontières austro-yougoslave et austro-italienne, aux harcèlements des partisans yougoslaves et italiens auxquels il lui aurait été ordonné de riposter, il n'a produit à l'appui de sa relation des événements que des témoignages insuffisamment précis pour démontrer qu'il a effectivement été engagé dans des combats sous commandement militaire ; que la circonstance que d'autres incorporés de force dans l'organisation R.A.D. auraient obtenu le certificat qu'il sollicite est sans incidence sur la légalité du refus qui lui a été opposé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui n'est entaché d'aucune omission de statuer, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur interdépartemental des anciens combattants et des victimes de guerre refusant de lui reconnaître la qualité d'incorporé de force dans l'armée allemande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que la présente décision n'impliquant aucune des mesures d'exécution prévues à l'article 77 de la loi du 8 février 1995, la demande d'injonction de M. X... ne peut qu'être rejetée ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser 25 000 F au titre de l'article R. 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que l'article R. 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ayant été abrogé par le décret n° 91-1266 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, les conclusions de M. X... doivent être regardées comme demandant la condamnation de l'Etat sur le fondement de l'article 75-I de cette loi ;
Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Charles X... et au ministre délégué aux anciens combattants et victimes de guerre.