Conseil d'Etat, Section, du 28 septembre 2001, 218311, publié au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision28 septembre 2001
Num218311
Juridiction
FormationSECTION
PresidentM. Labetoulle
RapporteurMme Guilhemsans
CommissaireM. Courtial

Vu le recours, enregistré au secrétariat de la Commission spéciale de cassation des pensions le 17 décembre 1997 et transmis au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 7 mars 2000, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ; le MINISTRE DE LA DEFENSE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 13 décembre 1996 par lequel la cour régionale des pensions de Montpellier a annulé le jugement du 20 décembre 1995 du tribunal départemental des pensions de l'Hérault qui avait rejeté la requête de Mme Khedidja X..., née Y..., tendant à obtenir l'annulation du refus opposé par le MINISTRE DE LA DEFENSE à sa demande de versement d'une pension de veuve en application des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu la loi de finances rectificative n° 81-734 du 3 août 1981 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Guilhemsans, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par l'arrêt attaqué, la cour régionale des pensions de Montpellier a reconnu à Mme X..., de nationalité algérienne, droit à pension de réversion après avoir constaté que son époux, titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux de 65 %, était décédé le 12 janvier 1992 ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 107 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre " ... le droit à pension ou à la jouissance des pensions militaires est suspendu ... par les circonstances qui font perdre la qualité de Français durant la privation de cette qualité" ;
Considérant, d'une part, que les droits éventuels de Mme X... à une pension de réversion de veuve n'ont pu naître qu'à la date du décès de M. Mammar X..., ancien militaire de l'armée française, d'origine algérienne, survenu le 12 janvier 1992 ; qu'il en résulte que ces droits, qui n'étaient pas acquis le 3 juillet 1962, ne sont pas visés par l'article 15 de la déclaration de principes du 19 mars 1962 relative à la coopération économique et financière entre la France et l'Algérie, qui garantit les droits à pension acquis à cette date ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article 26 de la loi n° 81-734 du 3 août 1981 : "Les pensions, rentes ou allocations viagères attribuées aux ressortissants de l'Algérie sur le budget de l'Etat ou d'établissements publics de l'Etat et garanties en application de l'article 15 de la déclaration de principes du 19 mars 1962 relative à la coopération économique et financière entre la France et l'Algérie ne sont pas révisables à compter du 3 juillet 1962 et continuent à être payées sur la base des tarifs en vigueur à cette même date. Elles pourront faire l'objet de revalorisations dans des conditions et suivant des taux fixés par décret" ; qu'aux termes du troisième alinéa du même article : "Les dispositions prévues aux alinéas ci-dessus sont applicables aux prestations de même nature, également imputées sur le budget de l'Etat ou d'établissements publics de l'Etat, qui ont été attribuées aux ressortissants de l'Algérie après le 3 juillet 1962 en vertu des dispositions du droit commun ou au titre de dispositions législatives ou réglementaires particulières et notamment en application du décret n° 62-319 du 20 mars 1962" ; qu'il ressort des travaux préparatoires de cette loi que les dispositions précitées de l'article 26 ont eu notamment pour objet d'une part, de permettre le maintien de la pratique administrative consistant à verser aux ressortissants de l'Algérie, dont les droits à pension, rente ou allocation viagère se sont ouverts avant comme après le 3 juillet 1962, des indemnités ayant les mêmes caractéristiques que celles, non révisables, non réversibles et pouvant être revalorisées par décret, qui avaient été prévues par l'article 71 de la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959, d'autre part, de conférer à l'ensemble de ces prestations la nature de pensions, rentes ou allocations viagères ; qu'il en résulte que si le législateur a entendu permettre que des droits à pension d'invalidité, ouverts après le 3 juillet 1962, et donc en dehors du champ d'application de l'article 15, susmentionné, de la déclaration du 19 mars 1962, soient concédés à des ressortissants de l'Algérie et s'il a ainsi nécessairement entendu écarter pour cette concession l'application des dispositions de l'article L. 107 précité du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, il ne peut, en revanche, être regardé comme ayant entendu écarter l'application de ces dispositions aux demandes d'une pension de réversion ;
Considérant que Mme X..., qui n'avait pas opté pour la nationalité française, et dont il n'est pas allégué qu'elle l'ait recouvrée, avait perdu cette nationalité depuis le 1er janvier 1963 ; que les dispositions précitées de l'article L. 107 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre faisaient obstacle, à la date du 12 janvier 1992, à ce qu'une pension lui fût concédée ; que, dès lors, le MINISTRE DE LA DEFENSE est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de statuer sur l'appel formé par Mme X... ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, les dispositions de l'article L. 107 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre font obstacle à ce qu'une pension de réversion soit concédée à Mme X... qui avait perdu la nationalité française à la date à laquelle ses droits à pension doivent être appréciés ; que, dès lors, Mme X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal départemental des pensions de l'Hérault a rejeté sa requête dirigée contre la décision du ministre de la défense lui refusant le bénéfice d'une pension de réversion ;
Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Montpellier en date du 13 décembre 1996 est annulé.
Article 2 : La requête de Mme X... devant la cour régionale des pensions de Montpellier est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de la défense et à Mme Khedidja X....