Cour Administrative d'Appel de Nantes, 3ème Chambre, 11/06/2009, 08NT03008, Inédit au recueil Lebon
Date de décision | 11 juin 2009 |
Num | 08NT03008 |
Juridiction | Nantes |
Formation | 3ème Chambre |
President | M. LOOTEN |
Rapporteur | M. Jean-Frédéric MILLET |
Commissaire | M. GEFFRAY |
Avocats | LE BRET-DESACHE |
Vu l'ordonnance enregistrée le 24 octobre 2008 par laquelle le Président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la Cour administrative d'appel de Nantes le jugement de la requête de M. Jean-Michel X ;
Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 19 août 2008, et le mémoire ampliatif, enregistré au greffe de la Cour le 3 novembre 2008, présentés pour M. Jean-Michel X, demeurant ..., par Me Le Bret-Desaché, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; M. Jean-Michel X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 06-5010 du 19 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 4 septembre 2006 par laquelle le Premier Ministre a rejeté sa demande tendant au bénéfice de l'aide financière instituée par le décret du 27 juillet 2004 pour les orphelins dont les parents ont été victimes d'acte de barbarie durant la deuxième guerre mondiale ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser le montant total de l'aide financière instituée par le décret du 27 juillet 2004 majorée des intérêts au taux légal à compter de sa demande d'attribution, et de la capitalisation, en application de l'article 1154 du code civil, de ceux échus depuis plus d'une année ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 700 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 2009 :
- le rapport de M. Millet, président ;
- et les conclusions de M. Geffray, rapporteur public ;
Considérant que M. Jean-Michel X interjette appel du jugement n° 06-5010 du 19 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 4 septembre 2006 par laquelle le Premier Ministre a rejeté sa demande tendant au bénéfice de l'aide financière instituée par le décret du 27 juillet 2004 pour les orphelins dont les parents ont été victimes d'acte de barbarie durant la deuxième guerre mondiale ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'en indiquant que M. Louis-Marie X est décédé le 19 juin 1940, sous les tirs d'un soldat allemand, alors qu'il avait la qualité de militaire français, et qu'il n'avait pas été exécuté pour des actes qualifiés de résistance à l'ennemi, au sens des dispositions des articles L. 274 et L. 290 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement, au regard de l'article L. 9 du code de justice administrative ;
Sur la légalité de la décision du 8 septembre 2006 :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2004 susvisé : Toute personne dont la mère ou le père, de nationalité française ou étrangère, a été déporté, à partir du territoire national durant l'Occupation pour les motifs et dans les conditions mentionnées aux articles L. 272 et L. 286 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, et a trouvé la mort en déportation, a droit à une mesure de réparation, conformément aux dispositions du présent décret, si elle était mineure de vingt et un ans au moment où la déportation est intervenue. Ce régime bénéficie également aux personnes, mineures de moins de vingt et un ans au moment des faits, dont le père ou la mère, de nationalité française ou étrangère, a, durant l'Occupation, été exécuté dans les circonstances définies aux articles L. 274 et L. 290 du même code ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Louis-Marie X, alors soldat au Centre d'organisation des Dragons Portés, de retour du front, a été tué le 19 juin 1940 à Rezé (Loire-Atlantique) alors qu'il tentait de franchir, à bord d'un véhicule civil, un barrage établi par l'armée allemande au lieudit Les Trois Moulins ; qu'alors même que les combats avaient cessé depuis plusieurs jours dans la région de Nantes, l'Armistice, bien qu'annoncée n'avait pas encore été proclamée, et n'a d'ailleurs été signée que le 22 juin 1940, postérieurement au décès du père du requérant ; qu'ainsi, et en tout état de cause, M. Louis-Marie X, père du requérant, doit être regardé comme ayant trouvé la mort, non à la suite d'une exécution sommaire commise sous l'Occupation, dans les circonstances définies aux articles L. 274 et L. 290 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, mais au cours d'opérations militaires, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif ; que, par suite, M. Jean-Michel X ne figurait pas au nombre des orphelins susceptibles de bénéficier de l'aide financière prévue par les dispositions précitées du décret du 27 juillet 2004 en réparation des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie pendant la deuxième guerre mondiale ;
Considérant que le décret du 27 juillet 2004, dont M. X excipe de l'illégalité et de l'inconventionnalité, institue une aide financière, d'une part, en faveur des orphelins dont la mère ou le père a été déporté à partir du territoire national durant l'Occupation, soit comme déporté résistant au sens de l'article L. 272 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, soit comme déporté politique au sens de l'article L. 286 de ce code, et a trouvé la mort en déportation, et d'autre part, en faveur des orphelins dont le père ou la mère a été arrêté et exécuté comme interné résistant ou interné politique au sens, respectivement, des articles L. 274 et L. 290 de ce code ; que l'objet de ce texte est ainsi d'accorder une mesure de réparation aux seuls orphelins des victimes d'actes de barbarie durant la période de l'Occupation ; que compte tenu de la nature des crimes commis à l'égard de ces victimes, le décret du 27 juillet 2004 n'est pas entaché d'une discrimination illégale au regard des stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'article 1er de son premier protocole additionnel, en n'accordant une mesure de réparation particulière qu'à leurs seuls orphelins et en excluant les orphelins des personnes tuées au combat, des prisonniers de guerre morts en détention, des victimes de l'état de Belligérance pendant la deuxième guerre mondiale ou plus largement, des orphelins de fonctionnaires, militaires et magistrats morts en service ;
Considérant que, pour les mêmes motifs, la différence de traitement entre, d'une part, les orphelins des déportés résistants, des déportés politiques, des internés résistants et des internés politiques, bénéficiaires de la mesure de réparation prévue par le décret contesté et, d'autre part, les orphelins exclus du bénéfice de cette mesure de réparation, n'est pas manifestement disproportionnée par rapport à leur différence de situation, compte tenu de l'objet de la mesure ; que, par suite, le moyen tiré par M. X de l'exception d'illégalité du décret du 27 juillet 2004 au regard des stipulations invoquées, et du principe d'égalité des citoyens devant la loi, ne peut qu'être écarté ;
Sur les conclusions à fins d'indemnité :
Considérant que la décision, par laquelle le Premier Ministre a refusé à M. X le bénéfice des dispositions du décret du 27 juillet 2004, n'est pas entachée d'illégalité ; que, par suite, les conclusions de M. X tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui payer le montant total de l'aide financière instituée par le décret du 27 juillet 2004, majoré des intérêts au taux légal, et d'une capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil, pour ceux échus depuis plus d'une année, doivent, en tout état de cause, être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Michel X et au Premier Ministre.
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