Cour Administrative d'Appel de Nantes, 3ème Chambre, 04/03/2010, 08NT01023, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision04 mars 2010
Num08NT01023
JuridictionNantes
Formation3ème Chambre
PresidentM. LOOTEN
RapporteurMme Claire CHAUVET
CommissaireM. GEFFRAY
AvocatsGUILLOU

Vu, l'arrêt en date du 13 novembre 2008 par lequel la Cour a, avant de statuer sur le recours du MINISTRE DE LA DEFENSE dans le litige opposant celui-ci à M. Nicolas X, sous-officier, décidé de prescrire une expertise afin de déterminer s'il existait un lien de causalité direct et certain entre l'accident de plongée dont a été victime, le 12 février 2003, M. X, alors élève au centre d'instruction navale de Saint-Mandrier (Var) et la lésion médullaire dont il souffre ;
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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 février 2010 :

- le rapport de Mme Chauvet, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Geffray, rapporteur public ;

- et les observations de Me Guillou, avocat de M. Rolland ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 février 2010, présentée pour M. X, par Me Guillou ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 1er mars 2010, présentée par le MINISTRE DE LA DEFENSE ;




Considérant que M. X, sous-officier de l'armée de terre et élève à l'école de plongée de Saint-Mandrier (Var), alors âgé de vingt et un ans, a été victime le 12 février 2003, d'un accident de plongée au cours d'un exercice dit remontée assistance à 38 mètres, où il jouait le rôle de l'accidenté ; que le 22 avril 2003, il a été déclaré définitivement inapte à la pratique de la plongée sous-marine par le médecin chef du centre d'expertise médicale du personnel plongeur Méditerranée ; qu'estimant avoir, du fait de cet accident, perdu toute chance de faire carrière en qualité de plongeur, M. X a, le 8 mars 2004, demandé au MINISTRE DE LA DEFENSE, réparation du préjudice ainsi subi ; qu'à la suite du rejet implicite de cette demande, M. X a saisi le Tribunal administratif de Nantes qui, par jugement du 14 février 2008, a condamné l'Etat à verser à M. X la somme de 186 000 euros au titre du préjudice professionnel et 3 000 euros au titre du préjudice moral ; que le MINISTRE DE LA DEFENSE fait appel de ce jugement en tant que l'Etat a été condamné à verser à M. X la première somme de 186 000 euros ; que, par arrêt du 13 novembre 2008, la cour a, avant de statuer sur le recours du MINISTRE DE LA DEFENSE, décidé de prescrire une expertise afin de déterminer s'il existait un lien de causalité direct et certain entre l'accident de plongée dont a été victime M. X et la lésion médullaire dont il souffre ;

Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires alors en vigueur : Les militaires bénéficient des régimes de pension ainsi que des prestations de la sécurité sociale dans les conditions fixées par le code des pensions civiles et militaires de retraite, le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et le code de la sécurité sociale ; qu'aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ;

Considérant que ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un militaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique ; qu'alors même que le régime d'indemnisation des militaires serait plus favorable que celui consenti aux agents civils, ces dispositions ne font cependant pas obstacle à ce que le militaire, qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de l'Etat qui l'emploie, même en l'absence de faute de celui-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique ; que ces dispositions ne font pas plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre l'Etat, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport produit à la suite de l'expertise ordonnée par la Cour le 13 novembre 2008, que la lésion médullaire dont reste atteint M. X trouve son origine dans l'accident de plongée dont il a été victime le 12 février 2003 ; que le MINISTRE DE LA DEFENSE ne conteste d'ailleurs plus ce lien de causalité ; qu'il résulte également de l'instruction que les paliers de décompression subis par M. X ont été réalisés trop rapidement et, en conséquence, ont été effectués de façon fautive ; que les fautes ainsi commises sont de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que, compte tenu des résultats obtenus par lui tant durant sa formation militaire générale initiale qu'au cours de la formation suivie en vue de l'obtention du certificat de plongeur de bord, ainsi que des appréciations élogieuses portées par ses supérieurs hiérarchiques sur sa manière de servir, son comportement et ses capacités intellectuelles et physiques, M. X avait des chances sérieuses de servir dans l'armée de terre en qualité de plongeur ; que l'accident dont l'Etat a été reconnu responsable dans les conditions rappelées ci-dessus l'a privé de ces perspectives de carrière ; que s'il ne peut prétendre au versement des primes et indemnités qu'il aurait perçues en qualité de plongeur et de parachutiste, dès lors qu'elles sont liées à l'exercice effectif des fonctions, M. X est néanmoins en droit de prétendre à une indemnisation du préjudice ainsi subi, dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à 15 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE LA DEFENSE est seulement fondé à soutenir que la somme de 186 000 euros qu'il a été condamné à payer à M. X par le jugement du Tribunal administratif de Nantes du 14 février 2008, lequel est suffisamment motivé, doit être ramenée à 15 000 euros ;

Sur les frais de l'expertise :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 000 euros toutes taxes comprises, par ordonnance du président de la Cour du 27 août 2009, à la charge du MINISTRE DE LA DEFENSE ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge du MINISTRE DE LA DEFENSE, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;



DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 186 000 euros (cent quatre-vingt-six mille euros) que le MINISTRE DE LA DEFENSE a été condamné à payer à M. X par le jugement du Tribunal administratif de Nantes du 14 février 2008 est ramenée à 15 000 euros (quinze mille euros).
Article 2 : Le jugement n° 04-3255 du 14 février 2008 du Tribunal administratif de Nantes est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE LA DEFENSE est rejeté.
Article 4 : Les frais et honoraires de l'expertise liquidés et taxés par l'ordonnance du président de la Cour du 27 août 2009 sont mis à la charge du MINISTRE DE LA DEFENSE.
Article 5 : Les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE LA DEFENSE et à M. Nicolas X.

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