Cour Administrative d'Appel de Paris, 6ème Chambre, 22/03/2010, 07PA03093, Inédit au recueil Lebon
Date de décision | 22 mars 2010 |
Num | 07PA03093 |
Juridiction | Paris |
Formation | 6ème Chambre |
President | M. PIOT |
Rapporteur | M. Stéphane Dewailly |
Commissaire | Mme DELY |
Avocats | SCP COLOMES |
Vu la requête, enregistrée le 9 août 2007, présentée pour Mme Agnès A, demeurant ... par la SCP Colomès ; Mme A demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0420041 en date du 14 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à sa demande en annulant la décision en date du 21 juin 2004 par laquelle le ministre de l'intérieur l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité non imputable au service en tant qu'elle ne reconnaît pas son invalidité imputable au service et a rejeté le surplus de ses demandes ;.
2°) d'annuler ledit arrêté ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de la reclasser ou, en cas d'impossibilité, de la mettre à la retraite pour invalidité imputable au service ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
Vu le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 modifié ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 mars 2010 ;
- le rapport de M. Dewailly, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Dely, rapporteur public ;
Considérant que Mme A, attachée de préfecture, a été placée successivement en congé de longue maladie, puis en congé de longue durée, à compter du 22 août 1996 jusqu'au
22 août 2001 ; qu'après l'épuisement de ses droits à congé maladie, elle fut placée en position de disponibilité d'office jusqu'au 21 juin 2004, date à laquelle elle fut admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité ; que cette décision fut prise du fait du constat, par le médecin de prévention, puis par la commission de réforme, de son inaptitude à l'exercice de toute fonction, sans pour autant que son administration admette son invalidité comme étant imputable au service ; que Mme A fait appel du jugement en date du 14 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait partiellement droit à sa demande d'annulation de l'arrêté du 21 juin 2004 par lequel le ministre de l'intérieur l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité non imputable au service en tant qu'il ne reconnaît pas son invalidité imputable au service et a rejeté le surplus de ses demandes ; que le ministre de l'intérieur demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ; qu'il ressort des pièces du dossier que dans sa requête introductive d'instance, enregistrée le 14 septembre 2004, la requérante a sollicité du tribunal administratif l'annulation de l'arrêté du 21 juin 2004 principalement en tant qu'il ne reconnaît pas son invalidité comme imputable au service et en tant qu'il ne fixe pas son taux d'invalidité ; qu'il ressort de ce qui précède, que l'usage de l'adverbe principalement , utilisé par Mme A dans sa requête, doit être regardé comme ayant eu pour objet et pour effet de circonscrire l'étendue de sa demande d'annulation de l'arrêté du 21 juin 2004 ; que, dès lors, les conclusions tendant à l'annulation de l'intégralité dudit arrêté présentées par elle dans un mémoire enregistré le 4 septembre 2006 au greffe du tribunal administratif ne peuvent être regardées comme constituant la simple réitération de celles déjà présentées le 14 septembre 2004 et par suite, étaient irrecevables comme tardives ; que, dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient mal interprété sa demande en n'annulant que partiellement la décision attaquée et en rejetant comme irrecevable pour tardiveté le surplus de ses conclusions de sa demande ;
Sur le fond :
Considérant que le ministre de l'intérieur produit, en appel, une copie de l'original de l'arrêté du 21 juin 2004, revêtu de la signature, par délégation, de M. B, en sa qualité de sous-directeur des personnels ainsi que l' arrêté en date du 7 avril 2004, publié au Journal officiel de la République française du 14 avril 2004, par lequel le ministre de l'intérieur a donné délégation de signature à M. B pour signer les actes, arrêtés, décisions et pièces comptables à l'exclusion des décrets ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'incompétence de l'auteur de l'acte pour annuler l'arrêté litigieux du ministre de l'intérieur ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A devant le Tribunal administratif de Paris ;
Considérant, en premier lieu, que le caractère insuffisant ou erroné des visas d'un acte administratif est sans effet sur la légalité de cet acte ; que, par suite, le moyen tiré du caractère erroné d'un des visas de l'arrêté querellé en tant qu'il ne ferait pas mention de son placement en congé de longue maladie par un arrêté du 30 décembre 1996, pour une durée de six mois à compter du 22 août 1996 et du visa du certificat médical du docteur C, dès lors qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que l'administration n'ait pas effectivement tenu compte de ces éléments pour décider de la placer à la retraite pour invalidité, est sans influence sur la légalité de la décision attaquée ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas de la rédaction des pièces du dossier et de l'arrêté, que l'administration se soit crue liée par l'avis du comité médical ; que le moyen doit donc être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'impose à l'administration de communiquer spontanément l'avis de la commission de réforme ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la requérante aurait sollicité la communication dudit avis ; que, par suite, le moyen doit également être écarté ;
Considérant, en quatrième lieu, que la requérante, à qui les pièces du dossier présentés devant la commission de réforme, convoquée sur sa demande, ont été communiquées, conteste la validité des conclusions du médecin de prévention en faisant valoir que le certificat médical établi par le docteur D, aurait été sommaire ; que toutefois les conclusions du médecin de prévention, qui a examiné la requérante, décrit suffisamment à la fois les symptômes dont elle est atteinte, ainsi que le traitement et le suivi médical dont elle fait l'objet ; que ces éléments et les conclusions auxquelles il aboutit ne sont pas contredites par les certificats médicaux produits par la requérante elle-même ; que le moyen doit de même être écarté ;
Considérant, en cinquième lieu, que la circonstance que le docteur D, n'ait pas fait état de sa qualité de médecin de prévention dans son certificat médical du
11 février 2004, qualité qui n'est, en tout état de cause, pas contestée, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ; que ce moyen doit de même être écarté ;
Considérant, en sixième lieu, que la requérante conteste la nécessité de son placement d'office en disponibilité pour raison de santé ; que toutefois, à la date de cette décision, soit au 21 août 2001, elle avait épuisé ses droits à congé de longue durée et ne pouvait prétendre à un congé de maladie d'une autre nature que celle du congé au terme duquel elle était parvenue ; qu'il résulte des éléments produits qu'elle avait été déclarée, après consultation du comité médical, inapte à reprendre ses fonctions et que son reclassement dans un autre emploi est impossible, alors pourtant qu'elle n'était pas encore reconnue définitivement inapte à reprendre ses fonctions et ne pouvait, de ce fait, prétendre à une mise à la retraite pour invalidité ; qu'elle n'a pas fait recours contre cet avis devant le comité médical supérieur ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 22 août 2001, serait illégal, doit être écarté ;
Considérant, en septième lieu, qu'aux termes de l'article L. 31 du code des pensions civiles et militaires de retraite : La réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions sont appréciés par une commission de réforme selon des modalités qui sont fixées par un règlement d'administration publique ; qu'aux termes de l'article 13 du décret du 14 mars 1986 susvisé : La commission de réforme est consultée notamment sur ... 6- L'application des dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à la commission de réforme en toute hypothèse de se prononcer sur la réalité des infirmités résultant d'un accident ou d'une maladie et sur la preuve de leur imputabilité au service ; qu'en revanche, elle ne peut statuer utilement sur le taux d'invalidité qu'elles entraînent, que dans l'hypothèse où le fonctionnaire peut bénéficier de l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité instituée à l'article 65 de la loi du
11 janvier 1984 portant statut de la fonction publique de l'État et dans le cas où l'invalidité est imputable au service ; que, dès lors, la circonstance que l'arrêté querellé ne mentionne pas le taux d'invalidité, est sans incidence sur sa légalité, dans la mesure où l'administration avait estimé, suivant en cela l'avis de la commission de réforme, que l'invalidité à l'origine de la mise à la retraite de Mme A n'était pas imputable au service ;
Considérant en huitième lieu qu'il ressort des avis médicaux du psychiatre qui a examiné Mme A les 10 juillet 1996, 22 janvier 1997, 25 juin 1997, 14 janvier 1998,
8 juillet 1998,15 janvier 1999, 21 juillet 1999, 2 février 2000, 19 juillet 2000, 17 janvier 2001,
11 juillet 2001, 9 janvier 2002, 11 septembre 2002, 29 janvier 2003, 2 juillet 2003 et enfin le
11 février 2004, avant la réunion de la commission de réforme devant statuer sur sa mise à la retraite, que celle-ci présentait des troubles dépressifs, évoluant vers la chronicité, en rapport avec une personnalité à la fois anxieuse et hypocondriaque ; que ce médecin a estimé que [...] Mme A présente un état dépressif chronique la rendant définitivement inapte à tout emploi et justifiant sa mise en retraite pour invalidité avec taux d'IPP de 50 % sans taux antérieur [...] ; que la requérante produit deux certificats médicaux du docteur E, médecin psychiatre, des 16 décembre 1994 et 2 septembre 2004, qui estime qu'en 1993 les troubles avaient, au moins en partie, pour origine les relations professionnelles dans son service ; que toutefois, ces certificats ne sont pas de nature à eux seuls à établir que la dépression dont elle souffre serait imputable au service ; qu'enfin, si Mme A fait valoir que cette affection a pour origine l'ambiance de travail dans laquelle elle se trouvait et le harcèlement dont elle fut l'objet, il ressort des pièces du dossier, d'une part, qu'elle a changé de service au cours de la période incriminée, d'autre part, qu'elle n'apporte aucun élément probant et circonstancié de nature à établir le bien-fondé de ces allégations ; que, dans ces conditions, la décision attaquée ne repose pas sur des faits matériellement inexacts et n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation ;
Considérant enfin qu'il résulte de l'ensemble des pièces du dossier et notamment des seize certificats médicaux du docteur D que les troubles affectant
Mme A et la rendant inapte à l'exercice de ses fonctions d'attachée de préfecture étaient, nonobstant les quelques difficultés relationnelles constatés, ayant donné lieu à un changement d'affectation, préexistants et liés aussi aux difficultés personnelles rencontrées par elle ; qu'il n'est ainsi pas établi qu'un lien exclusif ou déterminant pourrait être établi avec le service, rendant imputable à l'administration l'invalidité dont Mme A est atteinte ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que Mme A n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du 21 juin 2004 du ministre de l'intérieur prononçant sa mise à la retraite pour invalidité non imputable au service serait entaché d'illégalité ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant que le présent arrêt, qui rejette la demande de Mme A, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de la reclasser ou, en cas d'impossibilité, de la mettre à la retraite pour invalidité imputable au service doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par Mme A au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement susvisé du Tribunal administratif de Paris en date du
14 juin 2007 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que les conclusions de sa requête sont rejetées.
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