Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 05/04/2011, 09PA04714, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision05 avril 2011
Num09PA04714
JuridictionParis
Formation4ème chambre
PresidentM. PERRIER
RapporteurM. Olivier ROUSSET
CommissaireMme DESCOURS GATIN
AvocatsMAZETIER

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 juillet 2009 et 18 janvier 2010, présentés pour M. Mouloud A, demeurant ..., par Me Mazetier ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0818951/12-1 du 18 juin 2009 par laquelle le vice- président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 octobre 2008 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a refusé de lui reconnaitre la qualité de combattant ;

2°) d'annuler la décision attaquée ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer la carte du combattant dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 400 euros à verser à son avocat en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que la condition discriminatoire relative à la nationalité française ou au domicile qui résulte des articles L. 253 bis et R. 224 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre est incompatible avec les stipulations combinées des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er de son premier protocole additionnel et ne peut par conséquent lui être opposée ; qu'il remplit les conditions de durée et de services imposées par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dès lors qu'il a servi dans l'armée française plus de 90 jours dans la force locale d'Oran qui doit être reconnue comme unité combattante et qu'il a fait preuve de courage au combat ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2010, présenté par le ministre de la défense et des anciens combattants, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que M. A a servi en qualité d'appelé du contingent entre les 8 mai 1961 et 30 juillet 2002 ; qu'en vertu du 2° alinéa de l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, aucune condition de nationalité ou de domicile n'est imposée pour l'attribution aux militaires de la qualité de combattant ; que le requérant qui a servi comme militaire et qui sollicite la qualité de combattant à ce titre ne peut, dès lors, invoquer utilement la méconnaissance de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que M. A ne remplit pas les conditions requises pour bénéficier de la carte du combattant dès lors qu'il n'établit pas avoir servi au sein d'une unité combattante pendant 90 jours ni avoir participé à des actions de feu ou de combat ; que de même il n'a servi en Algérie que 111 jours, du 8 mai 1961 au 27 mai 1961 puis du 1er avril 1962 au 2 juillet 1962, de telle sorte qu'il ne remplit pas la condition de durée minimale de 120 jours de service en Algérie au sens du dernier alinéa de l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal de grande instance de Paris, en date du 11 décembre 2009, admettant M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu l'ordonnance et la décision attaquées ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu l'arrêté du 11 février 1975 relatif aux formations constituant les forces supplétives françaises ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mars 2011 :

- le rapport de M. Rousset, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Descours-Gatin, rapporteur public ;

Considérant que M. A, ressortissant algérien, fait appel de l'ordonnance du 18 juin 2009 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 octobre 2008 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a refusé de lui attribuer la qualité de combattant ;
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 253 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : Il est créé une carte de combattant qui est attribuée dans les conditions fixées aux articles R. 223 à R. 235 ; qu'aux termes de l'article L. 253 bis du même code dans sa rédaction alors en vigueur : Ont vocation à la qualité de combattant et à l'attribution de la carte du combattant, selon les principes retenus pour l'application du présent titre et des textes réglementaires qui le complètent, sous la seule réserve des adaptations qui pourraient être rendues nécessaires par le caractère spécifique de la guerre d'Algérie ou des combats en Tunisie et au Maroc entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 : /Les militaires des armées françaises, / Les membres des forces supplétives françaises possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande ou domiciliés en France à la même date ,/ Les personnes civiles possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande qui ont pris part à des actions de feu ou de combat au cours de ces opérations. / Une commission d'experts, comportant notamment des représentants des intéressés, est chargée de déterminer les modalités selon lesquelles la qualité de combattant peut, en outre, être reconnue, par dérogation aux principes visés à l'alinéa précédent, aux personnes ayant pris part à cinq actions de feu ou de combat ou dont l'unité aura connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat. Les adaptations visées au premier alinéa ci-dessus ainsi que les modalités d'application du présent article, et notamment les périodes à prendre en considération pour les différents théâtres d'opérations, seront fixées par décret en Conseil d'Etat ; un arrêté interministériel énumérera les catégories de formations constituant les forces supplétives françaises. /Une durée des services d'au moins quatre mois dans l'un ou l'autre ou dans plusieurs des pays mentionnés au premier alinéa est reconnue équivalente à la participation aux actions de feu ou de combat exigée au cinquième alinéa ; qu'aux termes de l'article R. 223 du même code : La carte du combattant prévue à l'article L. 253 est attribuée à toutes les personnes qui justifient de la qualité de combattant dans les conditions déterminées par les articles R. 224 à R. 229 ; qu'aux termes de l'article R. 224 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : Sont considérés comme combattants : (...) / D - Pour les opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 inclus : (...) / c) En Algérie, à compter du 31 octobre 1954. / I. - Sont considérés comme des combattants les militaires des armées françaises et les membres des forces supplétives françaises :1° Qui ont appartenu pendant trois mois, consécutifs ou non, à une unité combattante ou à une formation entrant dans l'une des catégories énumérées par l'arrêté interministériel prévu au troisième alinéa de l'article L. 253 bis et assimilée à une unité combattante ; /Pour le calcul de la durée d'appartenance, les services accomplis au titre d'opérations antérieures se cumulent entre eux et avec ceux des opérations d'Afrique du Nord ; /Des bonifications afférentes à des situations personnelles résultant du contrat d'engagement sont accordées pour une durée ne pouvant excéder dix jours, suivant les modalités d'application fixées par arrêtés des ministres intéressés ; /2° Qui ont appartenu à une unité ayant connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat ; /3° Qui ont pris part à cinq actions de feu ou de combat ; /4° Qui ont été évacués pour blessure reçue ou maladie contractée en service, alors qu'ils appartenaient à une unité combattante ou à une formation assimilée sans condition de durée de séjour dans cette unité ou formation ;/ 5° Qui ont reçu une blessure assimilée à une blessure de guerre quelle que soit l'unité ou la formation à laquelle ils ont appartenu, sans condition de durée de séjour dans cette unité ou formation ; /6° Qui ont été détenus par l'adversaire et privés de la protection des conventions de Genève (...) ; que l'arrêté inter ministériel du 11 février 1975 susvisé qui énumère les formations constituant les forces supplétives françaises qui ont participé aux opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 mentionne notamment 1. Les formations de harkis (...) ;

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du livret militaire de l'intéressé, de son extrait des services et des écritures non contestées du ministre de la défense devant la Cour, que M. A, qui a été incorporé dans l'armée française pour y effectuer son service militaire, a été affecté du 8 au 27 mai 1961 au centre de sélection n° 10 en Algérie, du 29 mai au 8 septembre 1961 à la base école 727 de Toulouse Balma, du 9 septembre 1961 au 31 mars 1962 à la base aérienne 274 de Limoges puis, lors de son retour en Algérie à compter du 1er avril 1962, aux forces armées de l'ordre par une décision du 9 mai 1962 et au 22ème bataillon d'infanterie de marine du 14 juin 1962 au 2 juillet 1962 ; qu'ainsi, il ne résulte pas de ce qui précède que M. A aurait, comme il le fait valoir sans l'établir, servi pendant plus de 90 jours dans une unité combattante de la la force locale d'Oran ; que l'intéressé qui a servi en Algérie du 8 au 27 mai 1961 et du 1er avril au 2 juillet 1962, ne justifie pas davantage d'une durée des services effectifs en Algérie d'au moins quatre mois ; que, dès lors, il ne remplit aucune des conditions énumérées aux articles L. 253 bis et R. 224 précités du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre lui ouvrant droit à la reconnaissance de la qualité de combattant et à l'attribution de la carte du combattant ;

Considérant, d'autre part, que si M. A soutient que l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en tant qu'il subordonne l'attribution de la carte du combattant aux membres des forces supplétives françaises à une condition de nationalité ou de domiciliation, est incompatible avec les stipulations des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er de son premier protocole additionnel, un tel moyen est inopérant dès lors qu'il résulte de ce qui précède que l'intéressé a servi en qualité de militaire des armées françaises et n'a jamais appartenu aux forces supplétives françaises ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par suite, le présent arrêt n'appelle le prononcé d'aucune mesure d'injonction ; qu'enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, verse à l'avocat du requérant la somme demandée par celui-ci au titre des frais exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2: Le présent arrêt sera notifié à M. Mouloud A et au ministre de la défense et des anciens combattants.
Copie en sera adressée au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris.


Délibéré après l'audience du 22 mars 2011 à laquelle siégeaient :
M. Perrier, président,
M. Piot, président,
M. Rousset, premier conseiller,
Lu en audience publique le 5 avril 2011.

Le rapporteur,





O. ROUSSET
Le président,





A. PERRIER
Le greffier,




A-L. CALVAIRE


La République mande et ordonne au ministre de la ministre de la défense et des anciens combattants, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''
''
''
''
2
N° 09PA04714