Conseil d'État, 3ème sous-section jugeant seule, 27/04/2011, 322723, Inédit au recueil Lebon
Date de décision | 27 avril 2011 |
Num | 322723 |
Juridiction | |
Formation | 3ème sous-section jugeant seule |
President | M. Alain Ménéménis |
Rapporteur | M. Christian Fournier |
Commissaire | Mme Emmanuelle Cortot-Boucher |
Avocats | SCP GATINEAU, FATTACCINI |
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 novembre 2008 et 27 février 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Fabien A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 11711 M du 29 septembre 2008 par lequel la cour régionale des pensions de Douai a annulé le jugement du 5 juillet 2007 du tribunal départemental des pensions du Nord lui reconnaissant un droit à pension militaire d'invalidité au titre des séquelles de l'accident dont il a été victime le 28 octobre 2002 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les conclusions d'appel du ministre de la défense ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christian Fournier, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de M. A,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de M. A,
Considérant qu'aux termes de l'article 11 du décret du 20 février 1959 relatif aux juridictions des pensions, dans sa rédaction issue du décret du 30 octobre 1996 : Les décisions du tribunal départemental des pensions sont susceptibles d'appel devant la cour régionale des pensions soit par l'intéressé, soit par l'Etat. L'appel présenté au nom de l'Etat est formé par le préfet de la région dans laquelle la cour régionale des pensions compétente a son siège ; toutefois, l'appel est formé par le ministre intéressé lorsque le litige soulève une question relative à l'état des personnes, à la nationalité ou à l'application des articles L. 78 ou L. 107 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, ou lorsque la décision litigieuse a été prise par le ministre de la défense. / (...) Les règles posées par les articles précédents pour la procédure à suivre devant le tribunal départemental sont (...) applicables devant la cour. (...) ; que s'il résulte de la combinaison de cet article et des autres dispositions du décret du 20 février 1959 que l'administration est représentée devant la cour régionale des pensions comme devant le tribunal départemental des pensions par un commissaire du gouvernement désigné par le ministre chargé des anciens combattants et des victimes de guerre et que, notamment, c'est à lui que sont notifiés les jugements du tribunal et les arrêts de la cour, ce fonctionnaire n'a pas qualité, même sur instruction en ce sens, pour former appel au nom de l'Etat dans les cas où cette compétence a été expressément réservée au ministre ; que, dans ces cas, seul le ministre ou une personne ayant régulièrement reçu de lui délégation à cet effet a compétence pour signer la requête par laquelle il est fait appel d'un jugement du tribunal départemental des pensions ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la décision contestée par M. A a été prise par le ministre de la défense ; que la requête d'appel a été signée par le commissaire du gouvernement près la cour régionale des pensions de Douai au nom du directeur interdépartemental de Lille des anciens combattants ; qu'il résulte de ce qui a été indiqué ci-dessus qu'en l'absence de régularisation par le ministre de la défense ou par un fonctionnaire agissant régulièrement en son nom, cet appel était irrecevable ; qu'il appartenait à la cour de relever d'office ce moyen qui ressortait des pièces du dossier ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. A est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Considérant, en premier lieu, que, par une lettre du 28 avril 2010, le chef du bureau du contentieux des pensions, des accidents de travail et des maladies professionnelles, régulièrement habilité par le ministre de la défense, a déclaré s'approprier les conclusions de la requête d'appel présentée à la cour régionale des pensions de Douai et l'a ainsi régularisée ; que, par suite, M. A ne peut invoquer l'incompétence du signataire de cette requête ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant (...) d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, qui était en congé de convalescence, a fait une chute, le 28 octobre 2002, dans l'entrée de son immeuble d'habitation, en revenant d'un contrôle médical effectué à l'hôpital où il était suivi pour une entorse à la cheville droite ; que cet accident, qui a eu lieu alors que l'intéressé ne se trouvait pas sous l'autorité effective de l'autorité militaire, ne peut être regardé comme survenu à l'occasion du service, même si le contrôle médical auquel il s'était rendu était motivé par un précédent accident dont il avait été victime le 9 octobre 2002 et qui avait le caractère d'un accident de service ; que, dès lors, le ministre de la défense est fondé à soutenir qu'en reconnaissant à M. A un droit à pension au titre des séquelles de ce second accident, le tribunal départemental des pensions du Nord a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et à demander l'annulation du jugement qu'il attaque ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Douai du 29 septembre 2008 est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal départemental des pensions du Nord du 5 juillet 2007 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. A devant le tribunal départemental des pensions du Nord est rejetée
Article 4 : Les conclusions présentées par M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Fabien A et au ministre de la défense et des anciens combattants.