Cour Administrative d'Appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 29/11/2011, 09MA02450, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision29 novembre 2011
Num09MA02450
JuridictionMarseille
Formation8ème chambre - formation à 3
PresidentM. GONZALES
RapporteurM. Dominique REINHORN
CommissaireMme VINCENT-DOMINGUEZ
AvocatsSCP APAP

Vu le recours, enregistré le 9 juillet 2009, du MINISTRE DE LA DEFENSE, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703200 du 28 avril 2009 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a fixé à 5 000 euros le droit à réparation du gendarme A résultant de l'agression dont il a été victime en service le 21 février 2001 à Clermont l'Hérault ;

2°) de ramener à 2 000 euros l'indemnisation à laquelle peut prétendre la victime ;
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Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de la défense ;

Vu le code de justice administrative et l'arrêté d'expérimentation du Vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre exceptionnel, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 novembre 2011 :

- le rapport de M. Reinhorn, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur public ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que l'article 706-3 du code de procédure pénale définit les conditions dans lesquelles toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne ; qu'aux termes de l'article 706-4 du même code : L'indemnité est allouée par une commission instituée dans le ressort de chaque tribunal de grande instance (...) ; qu'en vertu de l'article 706-11 du code de procédure pénale, le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, chargé aux termes de l'article 706-9 du même code du versement des sommes allouées, est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle le remboursement de l'indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite du montant des réparations à la charge desdites personnes. / Le fonds peut exercer ses droits par toutes voies utiles, y compris par voie de constitution de partie civile devant la juridiction répressive et ce, même pour la première fois, en cause d'appel ; qu'en raison de la subrogation du fonds de garantie dans les droits de la victime qu'instituent ces dispositions, régissant un mode d'indemnisation fondé sur la solidarité nationale, et en application des principes qui gouvernent la procédure devant le juge administratif, ce dernier, informé de ce que la personne victime d'une infraction au sens des dispositions ci-dessus a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infraction pénale ou obtenu une indemnité versée par le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions doit, à peine d'irrégularité de son jugement, mettre en cause le fonds dans l'instance dont il est saisi afin, d'une part, de permettre à celui-ci d'exercer son droit de subrogation et, d'autre part, de s'assurer qu'il ne procédera pas, s'il donne suite à la demande de condamnation, à une double indemnisation des mêmes préjudices ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le tribunal administratif de Montpellier, informé de la saisine de la commission d'indemnisation des victimes d'infraction par M. A, a rendu son jugement n° 0703200 du 28 avril 2009, par lequel il a fixé à 5 000 euros le droit à réparation du gendarme A résultant de l'agression dont ce dernier a été victime en service le 21 février 2001 à Clermont l'Hérault, sans avoir mis en cause le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, entachant ainsi ledit jugement d'irrégularité ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. A devant le tribunal administratif de Montpellier et la présente Cour ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 4123-10 du code de la défense : Les militaires sont protégés par le code pénal et les lois spéciales contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils peuvent être l'objet. L'Etat est tenu de les protéger contre les menaces et attaques dont ils peuvent être l'objet à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. Il est subrogé aux droits de la victime pour obtenir des auteurs des menaces ou attaques la restitution des sommes versées aux victimes. Il peut exercer, aux mêmes fins, une action directe, au besoin par voie de constitution de partie civile, devant la juridiction pénale. ;

Considérant que, si les dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un militaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, de telles dispositions ne font cependant obstacle ni à ce que le militaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de l'Etat qui l'emploie, même en l'absence de faute de celui-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre l'Etat, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait ; qu'il y a donc lieu d'accueillir les conclusions présentées par M. A, fondées sur la responsabilité sans faute de l'Etat reconnue par les dispositions précitées de l'article L. 4123-10 du code de la défense, dès lors qu'il incombe à l'Etat, en l'absence même de faute, de réparer les conséquences dommageables de l'accident de service en cause en tant que celui-ci a occasionné à l'intéressé des préjudices distincts de l'atteinte à son intégrité physique ; que, par contre, les conclusions de M. A tendant à la réparation de son préjudice matériel, au demeurant non établi, ne peuvent être accueillies dès lors que ce dernier n'allègue pas qu'une faute aurait été commise par l'Etat, de nature à engager sa responsabilité à son encontre ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en allouant à M. A une somme de
5 000 euros pour compenser le préjudice d'agrément dont il demande réparation, la commission d'indemnisation des victimes d'infraction pénale a entièrement compensé ledit préjudice ; qu'ainsi, le requérant n'est pas fondé à en demander à nouveau la réparation ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A a subi un préjudice moral, ainsi qu'un préjudice lié aux souffrances qu'il a endurées et aux troubles qu'il a subis dans ses conditions d'existence ; qu'il sera fait une juste appréciation de ces derniers chefs de préjudice en condamnant l'Etat à verser à M. A une somme de 5 000 euros, dont 3 000 euros au titre des souffrances endurées ; que, toutefois, la commission d'indemnisation des victimes d'infraction pénale ayant alloué à la victime une somme de 3 000 euros au titre desdites souffrances endurées, il résulte de ce qui précède que l'Etat doit être condamné à verser à
M. A une indemnité totale de 2 000 euros ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. A tendant au paiement par l'Etat des frais qu'il a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 0703200 du 28 avril 2009 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. A une somme de 2 000 euros
(deux mille euros).

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS, à M. Jean-Marc A et au fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme.
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N° 09MA02450 2