Conseil d'État, 5ème sous-section jugeant seule, 14/04/2008, 291180, Inédit au recueil Lebon
Date de décision | 14 avril 2008 |
Num | 291180 |
Juridiction | |
Formation | 5ème sous-section jugeant seule |
President | Mme Hubac |
Rapporteur | M. Marc Lambron |
Commissaire | M. Thiellay Jean-Philippe |
Avocats | SCP VINCENT, OHL |
Vu la requête, enregistrée le 10 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Olivier A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 2 décembre 2005 par lequel la cour régionale des pensions de Grenoble, après avoir annulé le jugement du 4 mars 2004 du tribunal départemental des pensions de la Drôme faisant droit à sa demande de pension militaire d'invalidité pour séquelles de rupture du ligament croisé antérieur du genou droit, a rejeté sa demande de pension ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel présenté par le ministre de la défense contre le jugement du tribunal départemental des pensions de la Drôme ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Lambron, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Vincent, Ohl, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 7 novembre 2000, M. A, militaire de la gendarmerie nationale, a été victime d'une chute lors d'un exercice sportif organisé alors qu'il était en service ; que des examens radiologiques prescrits par le médecin qui l'a examiné après cet accident, ont permis de diagnostiquer, le 4 janvier 2001, une rupture des ligaments croisés du genou droit ; qu'attribuant cette affection à la chute qu'il avait subie, M. A a demandé au ministre de la défense une pension militaire d'invalidité au titre des séquelles de cet accident ; que, par une décision du 6 janvier 2003, le ministre a rejeté cette demande au motif que l'infirmité alléguée n'était pas imputable au service ; que, par un jugement du 4 mars 2004, le tribunal départemental des pensions de la Drôme a jugé l'infirmité imputable au service et reconnu à M. A le droit à une pension d'invalidité au taux de 10% ; que, par un arrêt du 2 décembre 2005, la cour régionale des pensions de Grenoble a annulé ce jugement et rejeté la demande de M. A, qui se pourvoit en cassation ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Ouvrent droit à pension : 1º Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2º Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3º L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; (...) " ;
Considérant que la cour régionale des pensions de Grenoble, après avoir relevé que la chute subie par M. A pendant le service avait été suivie du diagnostic d'une rupture du ligament croisé du genou droit et en avoir déduit " qu'au regard de ces seuls pièces et documents médicaux il y aurait lieu de retenir cet accident comme seul imputable au service ", a également relevé qu'il ressortait du livret médical du requérant plusieurs mentions selon lesquelles il souffrait déjà d'une affection du genou droit à la suite d'accidents étrangers au service, survenus en 1992 et 1996 et occasionnant des épisodes de dérobement et des épanchements de plus en plus fréquents ; qu'en déduisant de ces derniers éléments médicaux que l'infirmité ne résultait pas exclusivement de la chute de M. A lors de l'exercice sportif du 7 novembre 2000 et qu'il en résultait qu'elle ne pouvait lui ouvrir droit à pension en application des dispositions de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, sans rechercher si cet accident avait occasionné l'aggravation d'infirmités étrangères au service, ouvrant droit à une pension militaire d'invalidité, la cour régionale des pensions de Grenoble a méconnu les dispositions du 3° de l'article L. 2 et entaché par suite son arrêt d'erreur de droit ; qu'il en résulte, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que M. A est fondé à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Il est concédé une pension : 1º Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; 2º Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; 3º Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique ; 40 % en cas d'infirmités multiples (...) " ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la chute dont a été victime M. A le 7 novembre 2000 alors qu'il était en service et participait à un exercice sportif, résulterait directement de l'action brutale d'un fait extérieur et constituerait ainsi une blessure au sens des dispositions de l'article L. 4 ; que, dans ces conditions, M. A, dont le taux d'invalidité a été évalué au taux non contesté de 10%, ne peut, en application de ces dispositions, bénéficier d'une pension militaire d'invalidité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de la défense est fondé à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement du 4 mars 2004, le tribunal départemental des pensions de la Drôme a fait droit à la demande de pension militaire d'invalidité présentée par M. A ; que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions de ce dernier tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 2 décembre 2005 de la cour régionale des pensions de Grenoble et le jugement du 4 mars 2004 du tribunal départemental des pensions de la Drôme sont annulés.
Article 2 : La demande de M. A présentée devant le tribunal départemental des pensions de la Drôme et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Olivier A et au ministre de la défense.