CAA de NANCY, 3ème chambre - formation à 3, 23/07/2015, 14NC01866, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision23 juillet 2015
Num14NC01866
JuridictionNancy
Formation3ème chambre - formation à 3
PresidentM. EVEN
RapporteurM. Olivier FUCHS
CommissaireM. COLLIER
AvocatsLAURA ALBANESI

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision implicite de rejet opposée par le ministre de l'intérieur à sa demande du 3 août 2011 tendant à la reprise de son ancienneté de service comme militaire pour être reclassé dans le grade de gardien de la paix au titre des emplois réservés.

Par un jugement n° 1106046 du 4 août 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 octobre 2014, M. C...A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 août 2014 ;

2°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur opposée à sa demande du 3 août 2011 ;

3°) d'enjoindre au ministre, dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt, et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de procéder à la reconstitution de sa carrière résultant de son reclassement rétroactif à compter du 1er mai 2010, en tenant compte de son ancienneté de service comme militaire, à savoir 7 ans et 10 mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers frais et dépens de la procédure.

Il soutient que :
- la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation ;
- le ministre ne pouvait, sans méconnaître les dispositions des articles L. 4139-3 et R. 4139-20 du code de la défense et celles de l'article 8 du décret du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale, refuser de tenir compte de son ancienneté de service comme militaire pour le reclasser dans la police nationale à la suite de son admission aux emplois réservés ;
- la reprise d'ancienneté n'est pas liée au placement du militaire en position de détachement ;
- il n'a pas été radié des effectifs de l'armée antérieurement à son intégration au sein de la police nationale ;
- la décision attaquée constitue une rupture d'égalité de traitement entre des fonctionnaires placés dans une situation identique, ses collègues n'ayant rencontré aucune difficulté à ce que soit reprise leur ancienneté en tant que militaires.

Une mise en demeure de produire dans un délai de 15 jours a été adressée le 13 janvier 2015 au ministre de l'intérieur.

Par une ordonnance du 16 mars 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 3 avril 2015.

Un mémoire en défense, produit par le ministre de l'intérieur, a été enregistré le 26 juin 2015.

Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code de la défense ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale ;
- le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Fuchs, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.

1. Considérant que M.A..., engagé volontaire de l'armée de terre, a été recruté, au titre de la législation sur les emplois réservés, comme gardien de la paix stagiaire de la police nationale à compter du 5 mai 2008 ; que par un arrêté du 14 octobre 2010, il a été titularisé au premier échelon du grade de gardien de la paix avec effet au 1er mai 2010 ; que le requérant a demandé, le 7 février 2011, à bénéficier d'un reclassement d'échelon, au titre de la prise en compte de son ancienneté de services comme militaire ; qu'il a réitéré sa demande par lettre du 3 août 2011 et sollicité un rappel des traitements correspondants ; que M. A...relève appel du jugement du 4 août 2014 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet opposée par le ministre de l'intérieur à cette dernière demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'à l'appui de sa demande, M. A...soutenait que la décision contestée était insuffisamment motivée ; que le tribunal a précisé dans le jugement attaqué que le ministre de l'intérieur étant en situation de compétence liée pour refuser à l'intéressé le bénéfice des dispositions dont il demandait l'application, tous les autres moyens de la demande étaient inopérants ; que, dès lors, les premiers juges, qui ont suffisamment motivé leur décision, n'ont pas omis de répondre au moyen soulevé par le requérant ;

Sur la légalité de la décision implicite de rejet du ministre de l'intérieur :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. " ; que si M. A...soutient que la décision implicite de rejet qui lui a été opposée est insuffisamment motivée, il n'établit pas, ni même n'allègue, qu'il aurait demandé communication de ses motifs ; qu'ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu et d'une part, qu'aux termes de l'article L. 397 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Les emplois réservés sont également accessibles, dans les conditions d'âge et de délai fixées par décret en Conseil d'Etat : (...) 2° Aux anciens militaires, autres que ceux mentionnés à l'article L. 394, à l'exclusion, d'une part, de ceux qui ont fait l'objet d'une radiation des cadres ou d'une résiliation de contrat pour motif disciplinaire et, d'autre part, de ceux qui sont devenus fonctionnaires civils " ; qu'aux termes de l'article R. 396 du même code : " Le candidat aux emplois réservés bénéficiaire des dispositions des articles L. 397 et L. 398 doit : / - remplir les conditions d'âge fixées par le statut particulier des corps et cadres d'emplois d'accueil, à la date fixée, le cas échéant, par le statut d'accueil ou, à défaut, au 1er janvier de l'année au titre de laquelle il postule ; / - avoir accompli au moins quatre années de services militaires effectifs à la date d'inscription sur la liste d'aptitude prévue à l'article L. 401. L'ancien militaire doit, en outre, avoir quitté les armées depuis moins de trois ans " ;
5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 4139-3 du code de la défense : " Le militaire, à l'exception de l'officier de carrière et du militaire commissionné, peut se porter candidat pour l'accès aux emplois réservés, sur demande agréée, dans les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. / En cas d'intégration ou de titularisation, la durée des services effectifs du militaire est reprise en totalité dans la limite de dix ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil de catégorie C. Elle est reprise pour la moitié de la durée des services effectifs dans la limite de cinq ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi de catégorie B " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 4139-4 du même code : " Durant le détachement prévu aux articles L. 4139-1 à L. 4139-3, le militaire perçoit une rémunération au moins égale à celle qu'il aurait perçue s'il était resté en position d'activité au sein des armées, dans des conditions fixées par décret. Aucune promotion n'est prononcée durant ce détachement et le militaire est radié des cadres ou rayé des contrôles de l'armée active à la date de son intégration ou de sa titularisation dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil. " et que selon l'article L. 4139-14 : " La cessation de l'état militaire intervient d'office dans les cas suivants : / 1° Dès l'atteinte de la limite d'âge ou de la limite de durée de service pour l'admission obligatoire à la retraite, dans les conditions prévues aux articles L. 4139-16 et L. 4141-5 (...) / 8° Lors de la titularisation dans une fonction publique, ou dès la réussite à un concours de l'une des fonctions publiques pour les militaires ne bénéficiant pas du détachement prévu au premier alinéa de l'article L. 4139-1, dans les conditions prévues à la section 1 du présent chapitre " ;
6. Considérant que ces dispositions doivent être interprétées comme réservant le droit de bénéficier d'une reprise d'ancienneté au militaire qui, après avoir réussi les épreuves organisées pour l'accès aux emplois réservés, a été placé en position de détachement dans l'attente de son intégration ou de sa titularisation et a ainsi conservé la qualité de militaire jusqu'à la date à laquelle celle-ci a été prononcée ; qu'en revanche, elles n'ont ni pour objet ni pour effet d'ouvrir cette possibilité de reprise d'ancienneté à l'agent qui, avant son intégration ou sa titularisation, a, faute d'avoir sollicité son détachement, cessé d'être militaire et a pu, de ce fait, s'il remplissait les conditions d'ancienneté et de service, bénéficier d'une pension militaire de retraite ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le ministre de la défense a, par un arrêté du 16 mai 2008, fait droit à la demande de résiliation de contrat présentée par M. A...et l'a radié des cadres de l'armée à compter du 5 mai 2008, date à laquelle celui-ci a entamé sa formation initiale de gardien de la paix ; que, faute d'avoir sollicité son placement en position de détachement, dans l'attente de sa titularisation dans le corps des gardiens de la paix, qui a été effective au 1er mai 2010, M. A...n'avait pas conservé, à cette date, la qualité de militaire et ne pouvait dès lors plus se prévaloir des dispositions précitées de l'article L. 4139-3 du code de la défense ; qu'il s'ensuit que c'est sans méconnaître ces dispositions que le ministre de l'intérieur a rejeté la demande du requérant ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 4139-20 du code de la défense : " L'intégration est prononcée par l'autorité ayant le pouvoir de nomination dans le corps d'accueil. Le militaire est alors radié des cadres ou rayé des contrôles de l'armée active à la date de son intégration " ; que M.A..., qui n'était pas en position de détachement et ne pouvait donc solliciter son intégration, ne peut utilement invoquer ces dispositions ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes l'article 8 du décret du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale : " (...) A l'issue du stage, les gardiens de la paix reconnus aptes sont titularisés et placés au 1er échelon de leur grade. (...) Les gardiens de la paix issus d'un autre corps ou cadre d'emplois dans les conditions prévues à l'article 12 du décret du 9 mai 1995 susvisé sont placés, lors de leur titularisation, à un échelon comportant un indice égal ou à défaut immédiatement supérieur à celui qu'ils percevaient en dernier lieu dans leur précédent corps ou cadre d'emplois. (...) Les gardiens de la paix qui ont eu auparavant la qualité (...) de volontaire servant en tant que militaire dans la gendarmerie nationale sont classés, lors de leur titularisation, avec une reprise d'ancienneté égale aux trois quarts des services accomplis en cette qualité. " ; qu'aux termes de l'article 12 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale : " Sauf dispositions contraires des statuts particuliers, la titularisation dans un corps des services actifs de la police nationale est prononcée au 1er échelon du corps. / Toutefois, les fonctionnaires visés à l'article 2 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, ainsi que les ouvriers d'Etat soumis à la loi du 2 août 1949, nommés dans un corps des services actifs de la police nationale, sont titularisés à un échelon comportant un indice égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui dont ils bénéficiaient dans leur corps d'origine (...) " ; que M. A..., qui en sa qualité de militaire ne relevait pas des dispositions de l'article 12 du décret du 9 mai 1995 et qui ne servait pas en tant que volontaire dans la gendarmerie nationale, ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées de l'article 8 du décret du 23 décembre 2004 ;
10. Considérant, en dernier lieu, que la circonstance, à la supposer avérée, que certains des collègues du requérant auraient, en méconnaissance des dispositions précitées, bénéficié d'un rattrapage d'ancienneté est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que ses conclusions tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de même que les entiers frais et dépens de la procédure, ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :


Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.

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N° 14NC01866