Conseil d'État, 9ème SSJS, 25/11/2015, 366040, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 25 mars 2010 du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche refusant la révision de la pension qui lui a été concédée par un arrêté du 23 mars 2009 et d'enjoindre au ministre de réviser cette pension. Par un jugement n° 1013715/2-2 du 13 décembre 2012, le tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à sa demande et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 14 février et 13 mai 2013 et les 27 mars et 22 juillet 2014, Mme B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'enjoindre au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche de procéder à la révision de sa pension ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le protocole additionnel à cette convention ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code du service national ;
- la loi n° 2000-242 du 14 mars 2000 ;
- la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Anfruns, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de Mme B...;
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B...a été admise à la retraite et radiée des cadres par arrêté du ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative et du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en date du 22 juillet 2008. Le 23 mars 2009, une pension de retraite lui a été concédée. Par deux réclamations des 22 décembre 2009 et 3 février 2010, elle a demandé la révision de cette pension en invoquant, d'une part, les services qu'elle a rendus à la mission médicale française en Afghanistan et, d'autre part, les services accomplis à temps incomplet dans l'administration, en tant que monitrice de travaux pratiques à l'Université de Lyon d'octobre 1966 à juin 1967, technicienne de laboratoire aux centres hospitaliers d'Aix-en-Provence et d'Avignon de juin à décembre 1969, interrogatrice en classe préparatoire du lycée Saint-Louis d'octobre 1972 à septembre 1974, enfin vacataire sur crédits de recherche à la faculté de médecine de Paris-Sud d'août 1973 à septembre 1974. Cette demande de révision a été rejetée par une décision du 25 mars 2010 du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche qu'elle a contestée devant le tribunal administratif de Paris. Elle se pourvoit en cassation contre le jugement du 13 décembre 2012 en tant qu'il ne fait que partiellement droit à sa demande.
Sur les conclusions de Mme B...relatives à la validation des services accomplis à temps incomplet dans des établissements d'enseignement supérieurs et des établissements hospitaliers :
2. L'article L. 5 du code des pensions civiles et militaires de retraite dispose que la validation des services accomplis en qualité de non titulaire doit être demandée " dans les deux années qui suivent la date de la titularisation (...). / Le délai dont dispose l'agent pour accepter ou refuser la notification de validation est d'un an ". L'article 66 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites dispose que : " Les dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite entrent en application, dans leur rédaction issue des articles 42 à 64, dans les conditions suivantes : / I. Par dérogation au délai prévu dans le dernier alinéa de l'article L. 5, la validation de services définie dans cet alinéa, lorsque la titularisation ou l'entrée en service pour les militaires est antérieure au 1er janvier 2004, doit être demandée avant la radiation des cadres et jusqu'au 31 décembre 2008 (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 55 du même code : " La pension et la rente viagère d'invalidité sont définitivement acquises et ne peuvent être révisées ou supprimées à l'initiative de l'administration ou sur demande de l'intéressé que dans les conditions suivantes : / A tout moment en cas d'erreur matérielle ; / Dans un délai d'un an à compter de la notification de la décision de concession initiale de la pension ou de la rente viagère, en cas d'erreur de droit. (...) ".
3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, si un agent auquel sa pension a été concédée peut, dans le délai d'un an fixé par l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires et sans que puisse lui être opposé le délai de deux ans prévu à l'article L. 5 du même code, demander la révision de cette pension afin que soient pris en compte les services dont la validation n'a été rendue possible que postérieurement à sa titularisation, une telle révision ne peut intervenir, lorsque cet agent a été titularisé avant le 1er janvier 2004, que s'il a formé une demande de validation des services litigieux avant sa radiation des cadres et au plus tard le 31 décembre 2008, en application du I de l'article 66 de la loi du 23 août 2003.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond et il n'est pas contesté que les demandes de validation de services ont été présentées par Mme B... les 22 décembre 2009 et 3 février 2010, soit au-delà du terme du délai fixé par le I de l'article 66 précité de la loi du 21 août 2003. Ce motif d'ordre public, qui ne comporte l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué aux motifs retenus par le tribunal pour rejeter les conclusions de Mme B...relatives à la validation des services accomplis auprès de divers établissements d'enseignement supérieurs et établissements hospitaliers entre 1966 et 1974. Cette substitution de motif, qui fait application du délai de forclusion fixé par les dispositions claires de la loi du 21 août 2003, ne porte atteinte ni au droit à un procès équitable, ni au droit au respect des biens, énoncés respectivement à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 1er du protocole additionnel à cette convention.
Sur les conclusions de Mme B...relatives à la prise en compte, au titre de sa pension de retraite, des services accomplis au cours de la période du 1er avril 1970 au 30 septembre 1971 :
5. En premier lieu, le premier alinéa de l'article L. 122-15 du code du service national dispose : " Le temps du service accompli au titre du volontariat international, d'une durée au moins égale à six mois, est assimilé à une période d'assurance pour l'ouverture et le calcul des droits à retraite dans le premier régime d'assurance vieillesse de base auquel le volontaire est affilié à titre obligatoire postérieurement à son volontariat. ". Si Mme B... soutient que le tribunal aurait méconnu ces dispositions en refusant de regarder comme un temps de service accompli au titre du volontariat international les services qu'elle a effectués, du 1er mars 1970 au 30 septembre 1971, auprès d'une mission d'assistance médicale en Afghanistan, dans le cadre d'un contrat régi par le droit local, il ne ressort pas des dispositions précitées que celles-ci, introduites dans le code du service national par la loi du 14 mars 2000 relative aux volontariats civils institués par l'article L. 111-2 du code du service national et à diverses mesures relatives à la réforme du service national, auraient une portée rétroactive. Ainsi, c'est sans erreur de droit que le tribunal a jugé que les services en question ne pouvaient être regardés comme assimilables à une période d'assurance pour le calcul de la pension de Mme B....
6. En second lieu, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 122-15 du code du service national, faute d'avoir une portée rétroactive, seraient discriminatoires, n'a pas été soulevé devant le tribunal administratif de Paris et n'est pas d'ordre public. Par suite, il ne peut être utilement invoqué devant le juge de cassation.
7. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de Mme B...ne peut qu'être rejeté. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'État qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de Mme B...est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B..., à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et au ministre des finances et des comptes publics.