CAA de PARIS, 4ème chambre, 31/12/2015, 14PA05345, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision31 décembre 2015
Num14PA05345
JuridictionParis
Formation4ème chambre
PresidentM. EVEN
RapporteurM. Ermès DELLEVEDOVE
CommissaireM. CANTIE
AvocatsCHILLAOUI

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 17 décembre 2013 par laquelle la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre a refusé de lui accorder la carte du combattant.

Par une ordonnance n° 1408315/12-1 du 29 octobre 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure contentieuse devant la Cour :

Par une requête présentée pour M. A...D..., puis un mémoire de reprise d'instance et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 décembre 2014, 16 avril 2015 et 18 mai 2015, Mme C...B...veuveD..., qui vient aux droits de son époux décédé, représentée par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du Tribunal administratif de Paris du 29 octobre 2014 ;

2°) d'annuler la décision de la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre du 17 décembre 2013 ;
3°) d'enjoindre à l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre d'attribuer à son époux décédé la carte du combattant, la retraite du combattant et le titre de reconnaissance de la nation ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à Me F...sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :
- l'ordonnance attaquée est insuffisamment motivée et a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ;
- la décision contestée est entachée d'une incompétence de l'auteur de l'acte, d'un défaut de motivation, d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2015, l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre conclut au rejet de la requête.

Cet établissement public fait valoir que :
-l'ordonnance attaquée n'est entachée d'aucune irrégularité ;
- la décision contestée a été signée par une autorité compétente et est suffisamment motivée alors que, au surplus, le requérant n'a soulevé aucun moyen d'illégalité externe en première instance ;
- la décision entreprise est justifiée au fond dès lors que l'intéressé ne remplissait aucune des conditions requises pour se voir délivrer la carte du combattant.

La requête a été communiquée au ministre de la défense, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance du 22 janvier 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de justice administrative.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 décembre 2015 :
- le rapport de M. Dellevedove,
- les conclusions de M. Cantié, rapporteur public.

1. Considérant que, par la décision contestée du 17 décembre 2013, la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre a refusé d'accorder la carte du combattant à M. A...D..., de nationalité algérienne ; que MmeB..., sa veuve, reprenant l'instance engagée par son époux décédé, fait appel de l'ordonnance du 29 octobre 2014 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;


Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) Le vice-président du tribunal administratif de Paris (...) peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé " ;

3. Considérant, en premier lieu, que pour contester devant le Tribunal administratif de Paris la décision susvisée, M. D...s'est borné à faire valoir qu'il a servi durant plusieurs années au sein d'une unité combattante de l'armée française et qu'il a été blessé en service ; que cet unique moyen présenté par l'intéressé, tiré de ce qu'il remplissait les conditions pour obtenir la carte du combattant, n'était manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient MmeB..., le premier juge a pu rejeter sa demande sans instruction sur le fondement des dispositions précitées ;

4. Considérant, en second lieu, qu'après avoir rappelé les textes applicables et les faits de l'espèce, le premier juge a répondu avec une précision suffisante au moyen soulevé par M. D... ; que, dès lors, l'ordonnance attaquée n'est entachée d'aucun défaut de motivation ;

Sur la légalité de la décision du 17 décembre 2013 :

5. Considérant, en premier lieu, que la décision litigieuse du 17 décembre 2013 a été signée par Mme G...E..., directrice générale de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre depuis le 14 janvier 2013, en vertu d'un décret du 19 décembre 2012 publié au journal officiel de la République française le 21 décembre 2012 ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient MmeB..., la signataire était compétente pour prendre cette décision sur le fondement de la délégation de pouvoir conférée par l'article R. 572-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre portant attributions du directeur général de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre en matière de droits et avantages accessoires ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que la décision contestée du 17 décembre 2013, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 253 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Il est créé une carte de combattant qui est attribuée dans les conditions fixées aux articles R. 223 à R. 235 " ; qu'aux termes de l'article R. 223 de ce code : " La carte du combattant prévue à l'article L. 253 est attribuée à toutes les personnes qui justifient de la qualité de combattant dans les conditions déterminées par les articles R. 224 à R. 229 " ; qu'aux termes de l'article R. 224 du même code " Sont considérés comme combattants : / (...) C- Pour les opérations effectuées après le 2 septembre 1939 : / (...) I.- Militaires / Les militaires des armées de terre, de mer et de l'air : / 1º) Qui ont appartenu pendant trois mois, consécutifs ou non, aux unités énumérées aux listes établies par le ministre de la défense nationale et, s'il y a lieu, par le ministre chargé de la France d'outre-mer ; pour le calcul de la durée d'appartenance, les services accomplis au titre des opérations comprises entre le 2 août 1914 et le 2 septembre 1939 se cumulent entre eux et avec ceux effectués au titre des opérations postérieures au 2 septembre 1939. D'autre part, sont accordées des bonifications afférentes soit à des opérations de combat limitativement désignées ou effectuées dans des conditions exceptionnellement dangereuses, soit à des situations personnelles, résultant du contrat d'engagement ou d'une action d'éclat homologuée par citation collective au titre d'une unité ou d'une fraction d'unité constituée. Ces bonifications ne devront pas excéder le coefficient six pour celles afférentes aux combats, ou la durée de dix jours pour celles afférentes aux situations personnelles. Leurs modalités d'application sont fixées par arrêtés des ministres intéressés ; 2º) Qui ont été évacués pour blessure reçue ou maladie contractée en service, alors qu'ils appartenaient aux unités énumérées aux listes susvisées, mais sans condition de durée de séjour dans ces unités ; 3º) Qui ont reçu une blessure de guerre, quelle que soit l'unité à laquelle ils ont appartenu, sans condition de durée de séjour dans cette unité ; 3º bis) Qui ont pris part pendant la campagne de 1940 à des opérations ayant permis de contenir ou de repousser l'ennemi, caractérisées autant par l'intensité des combats que par l'importance des forces engagées, sous réserve que les intéressés aient servi, à ce titre, quelle qu'en soit la durée, dans une unité combattante. Les lieux et les dates de ces opérations sont déterminés par arrêté du ministre chargé de la défense ; 4º) Qui ont été, soit détenus comme prisonniers de guerre pendant six mois en territoire occupé par l'ennemi, soit immatriculés dans un camp en territoire ennemi, sous réserve d'avoir appartenu, au moment de leur capture, sans condition de durée de séjour, à une unité combattante pendant la période où celle-ci avait cette qualité ; 5º) Qui ont été, soit détenus comme prisonniers de guerre pendant six mois en territoire occupé par l'ennemi, soit immatriculés dans un camp en territoire ennemi où ils ont été détenus pendant quatre-vingt-dix jours au moins, sous réserve d'avoir appartenu antérieurement à leur capture, ou postérieurement à leur détention, sans condition de durée de séjour, à une unité combattante, pendant la période où celle-ci avait cette qualité. Les durées de détention prévues aux alinéas 4º et 5º sont réduites, en ce qui concerne les combattants d'Indochine, par un arrêté conjoint du ministre des anciens combattants et victimes de guerre, du ministre d'Etat chargé de la défense nationale et du ministre chargé de la France d'outre-mer, dont les dispositions font l'objet de l'article A. 121 bis ; 6º) Qui, faits prisonniers, ont obtenu la médaille des évadés, conformément aux dispositions de l'article 3 de la loi du 30 octobre 1946 ; 7º) Qui, faits prisonniers, peuvent se prévaloir des dispositions du chapitre Ier du titre II relatives aux membres de la Résistance ayant servi dans les pays d'outre-mer ou ayant résisté dans les camps de prisonniers ou en territoires étrangers occupés par l'ennemi, ou ont fait l'objet de la part de l'ennemi, pour actes qualifiés de résistance, de mesures de représailles et notamment de conditions exceptionnelles de détention ; 8º) Qui, Alsaciens et Mosellans, sans avoir servi dans l'armée française, satisfont aux conditions qui sont déterminées par arrêté interministériel dont les dispositions font l'objet des articles A. 123-2 à A. 123-5 (...) " ;

8. Considérant que Mme B...soutient que son époux M. D...a appartenu à une unité combattante de l'armée française pendant la seconde guerre mondiale, a été blessé en service et a donc droit à ce titre à la carte du combattant ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'extrait des services émanant du ministère de la défense, produit par MmeB..., que son époux a servi dans l'armée française du 21 octobre 1943 au 25 octobre 1945 et a été affecté pendant toute cette période en Algérie au 67ème régiment d'artillerie d'Afrique ; qu'aucune unité n'a été reconnue comme combattante en application des dispositions précitées de l'article R. 224 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et notamment du 1° du C de ce code dans les départements français d'Algérie durant cette période ; que, par ailleurs, la réalité d'une quelconque blessure de guerre subie par M. D...ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier en sorte que sa situation ne pouvait pas davantage relever du 2° ou du 3° du C de cet article ; qu'enfin, Mme B...n'allègue pas que son époux se trouvait dans l'un des autres cas mentionnés à l'article R. 224 de ce code pouvant ouvrir droit à la carte du combattant ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. D...;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette la demande dirigée contre la décision contestée du 17 décembre 2013 de la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre refusant d'accorder à M. D...la carte du combattant n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de Mme B...à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une quelconque somme au titre des frais exposés par Mme B...et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête susvisée de M.D..., reprise par MmeB..., est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B..., veuveD..., et au ministre de la défense.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- M. Dellevedove, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 décembre 2015.
Le rapporteur,
E. DELLEVEDOVELe président,
B. EVENLe greffier,
A-L. CALVAIRE
La République mande et ordonne au ministre de la défense en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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