CAA de MARSEILLE, 8ème chambre - formation à 3, 22/12/2015, 14MA02014, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les décisions en date des 21 septembre et 29 novembre 2010 par lesquelles le directeur de la direction opérationnelle territoriale courrier des Bouches-du-Rhône puis le directeur général de La Poste ont prononcé sa mise à la retraite d'office.
Par un jugement nos 1007803 et 1101413 du 6 mars 2014, le tribunal administratif de Marseille a annulé ces décisions, a enjoint à La Poste de réintégrer M. A... à la date de sa mise à la retraite, de prendre rétroactivement les mesures nécessaires pour reconstituer sa carrière et de le placer dans une situation régulière et, enfin, mis à la charge de La Poste les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 650 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 mai 2014 et 3 février 2015, La Poste, représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 mars 2014 ;
2°) de rejeter les demandes présentées en première instance par M. A... ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé et s'est fondé sur la méconnaissance d'un texte que le requérant n'avait pas invoqué ;
- l'obligation de reclassement ne peut être méconnue dès lors que l'état de santé de M. A... le rendait inapte à tout emploi ;
- de plus, la recherche de reclassement a été effectuée ainsi que l'attestent les réponses négatives des entités de La Poste ;
- l'expert judiciaire admet l'impossibilité d'une reprise au sein de La Poste ;
- en outre, une recherche de reclassement hors de La Poste a bien été effectuée ainsi que l'attestent les dossiers de candidatures à un détachement remis à M. A... et renseignés par celui-ci.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2014, M. A... conclut au rejet de la requête, à la condamnation de La Poste à lui verser 50 000 euros au titre du préjudice moral subi et demande à la cour de mettre à la charge de La Poste les sommes de 2 500 euros et 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Il soutient que :
- il n'a jamais été informé d'une possibilité de reclassement ;
- sa mise à la retraite d'office est injustifiée.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions indemnitaires de M. A... sont irrecevables en tant que nouvelles en appel, en tant que présentées en dehors du délai d'appel et sans lien avec les conclusions de la requête d'appel de La Poste, et en tant que non dispensées de l'obligation de représentation par un avocat.
Par ordonnance du 15 septembre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 13 octobre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;
- le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État en vue de faciliter le reclassement des fonctionnaires de l'État reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions ;
- le code des pensions civiles et militaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Renouf,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me C...représentant M. A....
1. Considérant que La Poste fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a, à la demande de M. B... A..., d'une part, annulé les décisions en date des 21 septembre et 29 novembre 2010 par lesquelles le directeur de la direction opérationnelle territoriale courrier des Bouches-du-Rhône puis le directeur général de La Poste ont prononcé sa mise à la retraite d'office, d'autre part, enjoint à La Poste de réintégrer M. A... à la date de sa mise à la retraite, de prendre rétroactivement les mesures nécessaires pour reconstituer sa carrière et de le placer dans une situation régulière ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que si La Poste soutient que le tribunal a retenu la méconnaissance de l'article 3 du décret du 30 novembre 1984 susvisé alors que M. A... n'aurait invoqué que la violation des dispositions de l'article 2 de ce même décret, il ressort des écritures de première instance que M. A... s'est prévalu du non-respect par La Poste de l'obligation de tenter de le reclasser préalablement à la décision de le mettre d'office à la retraite sans se limiter à la méconnaissance des dispositions de l'article 2 du décret susvisé ; qu'il ressort de la lecture du jugement attaqué que l'erreur de droit retenue par le tribunal est constituée par le non-respect de l'obligation de reclassement ; qu'ainsi, La Poste n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait soulevé d'office le moyen sur lequel reposent les annulations qu'il a prononcées ;
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office [...] " ; qu'aux termes de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / En vue de permettre ce reclassement, l'accès à des corps d'un niveau supérieur, équivalent ou inférieur est ouvert aux intéressés, quelle que soit la position dans laquelle ils se trouvent, selon les modalités retenues par les statuts particuliers de ces corps, en exécution de l'article 26 ci-dessus et nonobstant les limites d'âge supérieures, s'ils remplissent les conditions d'ancienneté fixées par ces statuts. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles le reclassement, qui est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé, peut intervenir. / Il peut être procédé au reclassement des fonctionnaires mentionnés à l'alinéa premier du présent article par la voie du détachement dans un corps de niveau équivalent ou inférieur. Dès qu'il s'est écoulé une période d'un an, les fonctionnaires détachés dans ces conditions peuvent demander leur intégration dans le corps de détachement. " ;
qu'aux termes de l'article 2 du décret susvisé du 30 novembre 1984 : " Dans le cas où l'état physique d'un fonctionnaire, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas de remplir les fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'administration, après avis du comité médical, invite l'intéressé à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps " ; qu'aux termes de l'article 3 du même décret : " Le fonctionnaire qui a présenté une demande de reclassement dans un autre corps doit se voir proposer par l'administration plusieurs emplois pouvant être pourvus par la voie du détachement. L'impossibilité, pour l'administration, de proposer de tels emplois doit faire l'objet d'une décision motivée. / Les dispositions statuaires qui subordonnent ce détachement à l'appartenance à certains corps ou à certaines administrations, de même que celles qui fixent des limites d'âge supérieures en matière de détachement, ne peuvent être opposées à l'intéressé. / Le fonctionnaire détaché dans un corps hiérarchiquement inférieur, qui ne peut être classé à un échelon d'un grade de ce corps doté d'un indice égal ou immédiatement supérieur à celui qu'il détient dans son corps d'origine, est classé à l'échelon terminal du grade le plus élevé du corps d'accueil et conserve à titre personnel l'indice détenu dans son corps d'origine. (...) " ;
4. Considérant, d'une part, que si La Poste invoque devant la cour l'inaptitude totale de M. A... à l'exercice de toutes fonctions, ladite inaptitude ne ressort aucunement des pièces du dossier alors qu'au demeurant, La Poste se prévaut des démarches qu'elle a entreprises pour procéder au reclassement de l'intéressé et que l'expert désigné par le tribunal a reconnu le 21 février 2011 l'aptitude de M. A... à travailler ;
5. Considérant, d'autre part, que, pour soutenir qu'elle n'était pas tenue de rechercher des emplois dans d'autres corps de La Poste ou des entités du groupe auquel elle appartient, La Poste se prévaut de ce que les avis médicaux excluaient une reprise d'activité au sein de La Poste et du fait que l'intéressé excluait lui-même de travailler à l'avenir à La Poste ; que cependant, d'une part, l'avis du médecin de prévention du 13 avril 2010 dont disposait La Poste aux dates où se posait la question du reclassement de l'intéressé se bornait à exclure une reprise de fonction sur le site "Marseille Provence CTC" où M. A... avait travaillé avant d'être en arrêt de maladie et attestait ainsi qu'une reprise de fonction dans tout autre site de La Poste était médicalement possible ; que si le rapport d'expertise établi le 15 février 2011 fait état de la possibilité de reprendre une activité dans une autre administration que "l'administration postale", il n'en résulte aucunement que M. A... aurait été inapte à reprendre une activité professionnelle dans l'une ou l'autre des entités habilitées à employer des fonctionnaires au sein des 250 sociétés des quatre autres branches du groupe La Poste, à savoir La Banque postale, La Poste Mobile, Docapost et Médiapost ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. A... a demandé à bénéficier d'un reclassement dans le cadre des dispositions précitées et qu'il appartenait dès lors à son employeur de lui proposer un emploi approprié, quitte à tirer les conséquences d'un éventuel refus par l'agent des postes proposés ; qu'au surplus, d'une part, il n'est pas contesté que M. A... a lui-même demandé un emploi dans un service courrier de La Poste de Marseille et ne saurait ainsi et en tout état de cause être regardé comme ayant exclu par principe de reprendre ses fonctions dans une entité liée à La Poste alors que, d'autre part, La Poste se prévalait en première instance et continue de se prévaloir des démarches qu'elle a entreprises auprès de près de 30 directions opérationnelles territoriales du courrier ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en se bornant à chercher à reclasser M. A... d'une part dans une des directions opérationnelles territoriales du courrier, recherche dont il n'est au demeurant pas démontré qu'elle a été entreprise dans des conditions permettant aux destinataires de déterminer le type d'emploi susceptible d'être adapté à l'état de santé de l'intéressé, d'autre part, auprès de personnes publiques sans lien avec La Poste, sans rechercher si un reclassement était possible dans une des autres entités du groupe La Poste autorisée à employer des fonctionnaires, telle que notamment la Banque Postale, La Poste n'a pas satisfait à l'obligation de rechercher un reclassement imposée par l'article 63 précité de la loi du 11 janvier 1984 ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que La Poste n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé les décisions en date des 21 septembre et 29 novembre 2010 par lesquelles le directeur de la direction opérationnelle territoriale courrier des Bouches-du-Rhône puis le directeur général de La Poste ont prononcé la mise à la retraite d'office, de M. A... ;
Sur l'appel incident de M. A... :
8. Considérant que les conclusions indemnitaires de M. A... sont irrecevables notamment en ce qu'elles sont nouvelles en appel ; qu'ainsi, elles ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant enfin que M. A... n'étant pas partie perdante, les conclusions de La Poste tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de La Poste est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. A... sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à La Poste et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Gonzales, président de chambre,
- M. Renouf, président assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 22 décembre 2015.
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