CAA de NANCY, 3ème chambre - formation à 3, 17/03/2016, 15NC01095, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision17 mars 2016
Num15NC01095
JuridictionNancy
Formation3ème chambre - formation à 3
PresidentMme ROUSSELLE
RapporteurM. Olivier FUCHS
CommissaireM. COLLIER
AvocatsLUISIN

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 31 janvier 2013 par laquelle le directeur de l'école de reconversion professionnelle de Metz a mis fin à sa formation en raison de son état de santé et de condamner l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONAC) à lui verser la somme de 36 138 euros au titre du préjudice subi du fait de la rupture anticipée et unilatérale de son contrat de stage pour la période du 1er février 2013 au 30 juin 2014.

Par un jugement n° 1402519 du 2 avril 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du directeur de l'école de reconversion professionnelle de Metz du 31 janvier 2013 et a rejeté les conclusions indemnitaires présentées par M.C....




Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 mai et 21 septembre 2015, M. D... C..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 2 avril 2015 en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ;

2) de condamner l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre à lui verser la somme de 32 852,84 euros au titre du préjudice subi du fait de la rupture anticipée et unilatérale de son contrat de stage pour la période du 1er février 2013 au 30 juin 2014 ;

3) de mettre à la charge de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre avait commis une illégalité fautive ;
- il n'était nullement inapte à poursuivre sa formation au sein de l'école de reconversion professionnelle de Metz après le 31 janvier 2013 ; il était également apte à poursuivre une activité en entreprise ; il est donc fondé à solliciter une indemnité de 32 852,84 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de la décision du 31 janvier 2013 pour la période du 1er février 2013 au 30 juin 2014 ; la circonstance qu'il n'a pas contesté la décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées est sans incidence sur l'appréciation du lien de causalité entre la faute et le préjudice subi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2015, l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre, représenté par MeA..., conclut :

1) à titre principal, au rejet de la requête ;

2) à titre subsidiaire, à ce que le montant de l'indemnité accordée à M. C...soit limité à la somme de 10 234,93 euros ;

3) à ce que soit mise à la charge de M. C...une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- il n'y a pas de lien de causalité certain et direct entre la faute retenue par les premiers juges et le préjudice allégué par M.C... ;
- aucune convention de stage n'a été conclue avec l'intéressé ;
- le montant du préjudice allégué par le requérant est en tout état de cause surévalué ; la période d'indemnisation ne peut s'étendre au-delà du 15 septembre 2013, date à laquelle il a sollicité de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de pouvoir reprendre son stage ; doivent en outre être déduits les revenus de remplacement qu'il a perçus sur cette période ainsi que, si la cour décidait de retenir comme fin de période d'indemnisation la date du 8 janvier 2014, ceux perçus jusqu'à cette date.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 septembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Fuchs,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., pour M. C...et de Me A...pour l'ONAC.

1. Considérant que M.C..., travailleur handicapé, a intégré le 3 septembre 2012 l'école de reconversion professionnelle de Metz, qui relève de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONAC) aux termes de l'article D. 525-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, pour y suivre une formation de technicien du bâtiment puis, à partir du mois d'octobre de la même année, de technicien en bureau d'études industrielles ; qu'à compter du 26 novembre 2012, il a été placé en arrêt de maladie ; que par une décision du 31 janvier 2013, révélée par une attestation du 30 mai 2013, le directeur de l'école de reconversion professionnelle de Metz a décidé de mettre fin à sa formation en raison de son état de santé ; que, le 15 septembre 2013, M. C...a sollicité auprès de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de pouvoir reprendre sa formation ; qu'à la suite de la remise d'un rapport médical le 21 novembre 2013, cette commission a rejeté la demande de l'intéressé par une décision du 8 janvier 2014, confirmée le 2 juillet 2014 ; que le requérant a formé une première demande d'indemnisation en réparation du préjudice lié à la perte de ses revenus, qui a été rejetée explicitement par le directeur de l'école de reconversion professionnelle le 21 novembre 2013 ; qu'il a présenté une nouvelle demande indemnitaire à l'ONAC le 4 février 2014, qui a été implicitement rejetée ; qu'il relève appel du jugement du 2 avril 2015 du tribunal administratif de Strasbourg en tant que celui-ci a rejeté ses conclusions indemnitaires ;

Sur les conclusions indemnitaires :
2. Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du directeur de l'école de reconversion professionnelle de Metz du 31 janvier 2013 ; que les parties ne font pas appel, ni au principal ni de manière incidente, de cette annulation ; que, par suite, et ainsi que l'ont décidé les premiers juges, la décision mettant fin de façon anticipée à la formation suivie par M. C... est entachée d'illégalité ; que cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'ONAC ;
3. Considérant, toutefois et d'une part, qu'il résulte de l'instruction que le médecin agréé a constaté, le 21 décembre 2012, alors que M. C...était placé en arrêt de maladie depuis un mois, que celui-ci n'était " pour le moment " pas apte à poursuivre sa formation et à effectuer son stage ; que l'intéressé n'a demandé à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de pouvoir reprendre sa formation que le 15 septembre 2013, soit plus de neuf mois après la décision du 31 janvier 2013 ; que le médecin ayant rendu, à la demande de cette commission, un avis le 21 novembre 2013 a également conclu que M. C... n'était " pas actuellement en mesure de poursuivre la formation de technicien industriel " ; que, pour remettre en cause ces appréciations et démontrer qu'il aurait pu reprendre sa formation entre le 21 décembre 2012 et le 21 novembre 2013, dates des deux avis précités, M. C... produit deux certificats médicaux des 20 et 25 septembre 2013 émanant d'un médecin généraliste et d'un psychiatre ; que ces pièces sont toutefois peu précises et ne permettent pas de remettre en cause les avis médicaux précités ; que, de même, ni la circonstance selon laquelle une société aurait souhaité l'embaucher en mai 2013, ni le fait qu'il aurait été recruté le 13 septembre 2013 dans le cadre d'un contrat d'apprentissage en vue de l'obtention d'un diplôme national de dessinateur industriel, ne permettent d'établir que l'intéressé aurait été apte à poursuivre, entre le 31 janvier 2013 et le 8 janvier 2014, sa formation ; que, par suite, il n'établit pas la réalité du préjudice qu'il allègue avoir subi ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du I de l'article L. 241-6 du code de l'action sociale et des familles : " La commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées est compétente pour : 1° Se prononcer sur l'orientation de la personne handicapée et les mesures propres à assurer son insertion scolaire ou professionnelle et sociale ; 2° Désigner les établissements ou les services correspondant aux besoins de l'enfant ou de l'adolescent ou concourant à la rééducation, à l'éducation, au reclassement et à l'accueil de l'adulte handicapé et en mesure de l'accueillir (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, le directeur de l'école de reconversion professionnelle de Metz devait se conformer à la décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de Meurthe-et-Moselle en date du 8 janvier 2014 refusant de faire droit à la demande de M. C...de reprise de sa scolarité ; qu'ainsi, le lien de causalité entre la faute et le préjudice allégué n'est en tout état de cause pas établi en ce qui concerne la période courant du 8 janvier au 30 juin 2014, date à laquelle devait initialement prendre fin sa formation ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les conclusions subsidiaires présentées par l'ONAC, que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 2 avril 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions indemnitaires ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONAC, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par M. C...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par l'ONAC sur ce même fondement ;
D E C I D E :


Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...C...et à l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre.

Copie en sera adressée au directeur de l'école de reconversion professionnelle de Metz.

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N° 15NC01095