CAA de PARIS, 6ème Chambre, 30/03/2016, 15PA04461, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision30 mars 2016
Num15PA04461
JuridictionParis
Formation6ème Chambre
PresidentMme FUCHS TAUGOURDEAU
RapporteurM. Jean-Christophe NIOLLET
CommissaireM. BAFFRAY

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris la liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement n° 1416013 du 22 janvier 2015.

Par un jugement n° 1505000 du 1er octobre 2015, le Tribunal administratif de Paris a limité à 2 500 euros la part de l'astreinte devant lui être versée.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2015, Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er octobre 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de faire droit à ses conclusions présentées devant le tribunal administratif ;

3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, d'exécuter le jugement n°s 1102053/5-2, 1111995/5-2 du 23 décembre 2013 et le jugement n° 1416013 du 22 janvier 2015.

Elle soutient que :

- à la date du jugement attaqué, l'administration ne s'était pas acquittée de l'injonction prononcée par le jugement du 22 janvier 2015, de reconstituer sa carrière à compter du 4 janvier 2011, en exécution du jugement du 23 décembre 2013 ;
- elle n'a pas été rétablie dans ses droits à pension, dans ses droits sociaux et dans son traitement ;
- le jugement attaqué est irrégulier pour être insuffisamment motivé ;
- il n'a pas analysé les conclusions et les moyens de sa demande ;
- il a été rendu au terme d'une instruction insuffisante sans s'assurer de l'exécution des engagements pris par l'administration dans son mémoire en défense du 26 juin 2015 ;
- il est entaché d'une erreur de qualification des faits en ce qu'il a liquidé l'astreinte sans que les obligations pesant sur l'administration n'aient été entièrement exécutées, et d'une erreur de droit en ce qu'il a minoré le montant de l'astreinte ;
- il n'a pas tenu compte de l'absence de versement de son traitement plus de six mois après l'adoption de l'arrêté du 27 mars 2015 décidant son placement en congé de longue durée du 4 janvier 2008 au 3 janvier 2013 ;
- il est entaché d'une erreur d'appréciation en ce qu'il se fonde sur les engagements pris par l'administration dans son mémoire en défense du 26 juin 2015 ;
- ce mémoire comporte des inexactitudes ;
- contrairement à ce que le jugement a retenu, elle subit toujours un préjudice financier ;
- elle a été placée à la retraite d'office par un arrêté du 4 septembre 2015 sans que l'avis de la commission de réforme n'ait été rendu ; elle a contesté cet arrêté par une demande enregistrée le 5 novembre 2015 devant le tribunal administratif ;
- il est possible de prononcer une nouvelle astreinte.
Par deux mémoires, enregistrés le 30 janvier et le 21 février 2016, Mme B...renonce à demander le prononcé d'une nouvelle injonction au ministre et d'une nouvelle astreinte pour la période postérieure au 17 septembre 2015.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2016, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de Mme B...qui précise à la barre que malgré la production tardive du mémoire en défense elle ne souhaite pas le renvoi de l'affaire.



1. Considérant que, par jugement du 23 décembre 2013, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision implicite rejetant la demande de congé de longue durée formulée par Mme A...B...le 3 décembre 2010 ainsi que l'arrêté du 27 octobre 2011 prononçant son admission à la retraite d'office pour invalidité, et a enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, d'une part, de procéder à la réintégration juridique de la requérante à compter du 4 janvier 2011, d'autre part, de réexaminer ses droits à congé de longue durée après avis du comité médical ; que, par jugement du 22 janvier 2015, le tribunal administratif a prononcé une astreinte de 100 euros par jour à l'encontre du ministre de la justice si il ne justifiait pas, dans le délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement, avoir pris une décision octroyant un congé de longue durée à Mme B...et reconstitué sa carrière à compter du 4 janvier 2011 et jusqu'à la date d'exécution de ce même jugement ; que ce jugement a été notifié au ministre de la justice le 26 janvier 2015 ;

2. Considérant que, par le jugement attaqué du 1er octobre 2015, le tribunal administratif, après avoir constaté que le ministre de la justice, avait, par arrêté du 27 mars 2015, placé Mme B...en congé de longue durée du 4 janvier 2008 au 3 janvier 2013, a cependant estimé que le ministre n'avait pas procédé à la reconstitution de la carrière de Mme B... à compter du 4 janvier 2011 et ne pouvait être regardé comme ayant exécuté complètement le jugement du 22 janvier 2015 ; qu'il a considéré que, dans ces conditions, il y avait lieu de procéder à la liquidation de l'astreinte pour la période du 26 février 2015 au 17 septembre 2015 inclus au taux de 100 euros par jour, soit 20 400 euros ; qu'il a toutefois estimé que le retard pris dans la complète exécution du jugement du 22 janvier 2015 ne causait aucun préjudice financier à MmeB..., et qu'il y avait lieu de limiter la part de l'astreinte qui lui était allouée à la somme de 2 500 euros ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant que, contrairement à ce que soutient MmeB..., le jugement attaqué a visé et analysé ses conclusions et les moyens qu'elle faisait valoir ; qu'en outre, en énonçant que le ministre n'avait pas procédé à la reconstitution de sa carrière à compter du 4 janvier 2011 et ne pouvait être regardé comme ayant exécuté complètement le jugement, et en estimant que le retard pris dans la complète exécution du jugement du 22 janvier 2015 ne causait aucun préjudice financier à MmeB..., les premiers juges ont suffisamment motivé leur décision ; que le bien-fondé de cette décision est sans incidence sur la régularité de l'instruction au terme de laquelle elle a été rendue ;
Sur le surplus des conclusions de Mme B...:

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-7 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation. Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée " ; qu'aux termes de l'article
L. 911-8 du même code : " La juridiction peut décider qu'une part de l'astreinte ne sera pas versée au requérant. Cette part est affectée au budget de l'Etat " ;

5. Considérant qu'il est constant que le ministre de la justice n'a pas procédé à la reconstitution de la carrière de Mme B...ainsi que le jugement du 22 janvier 2015 lui en faisait obligation ; que Mme B...est, dans ces conditions, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a limité à 2 500 euros la part de l'astreinte devant lui être versée ; qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de porter la part de l'astreinte lui revenant à la moitié de l'astreinte, soit à 10 200 euros pour la période du 26 février 2015 au 17 septembre 2015 ;

6. Considérant que Mme B...ne saurait utilement contester dans le cadre de la présente instance la légalité de l'arrêté du 4 septembre 2015 par lequel elle a été admise d'office à la retraite ;

7. Considérant en outre qu'à supposer que Mme B...ait entendu faire valoir d'autres moyens, notamment en faisant état d'inexactitudes entachant le mémoire du ministre devant le tribunal administratif, ceux-ci ne sont en tout état de cause assortis d'aucune précision permettant d'en apprécier la portée ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a limité à 2 500 euros la part de l'astreinte devant lui être versée ; que ce jugement doit être réformé en conséquence ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'astreinte prononcée à l'encontre du ministre de la justice est liquidée au bénéfice de Mme B...pour la somme de 10 200 euros.
Article 2 : Le jugement n°1505000 du Tribunal administratif de Paris du 1er octobre 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique le 30 mars 2016.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLe président,
O. FUCHS-TAUGOURDEAU
Le greffier,
A-L. CHICHKOVSKY-PASSUELLO
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA004461