CAA de BORDEAUX, 6ème chambre (formation à 3), 25/04/2016, 14BX01855, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision25 avril 2016
Num14BX01855
JuridictionBordeaux
Formation6ème chambre (formation à 3)
PresidentM. BEC
RapporteurM. Antoine BEC
CommissaireM. BENTOLILA
AvocatsBERTRANDON

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure :

MmeB... Marcoin a demandé au tribunal administratif de Bordeaux la condamnation de la commune de Gageac et Rouillac à lui verser la somme de 662 536,47 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subi du fait du harcèlement moral et des décisions illégales prises à son encontre.

Par un jugement n° 1200893 du 29 avril 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.


Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2014, et un mémoire, enregistré le 23 octobre 2015, Mme Marcoin, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200893 du 29 avril 2014 ;

2°) de condamner la commune de Gageac et Rouillac à lui verser la somme de 417 252,60 euros au titre de la perte de salaires, du défaut d'exécution des jugements, des frais engagés et des préjudices sur sa santé ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Gageac et Rouillac la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------


Vu les autres pièces du dossier.


Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.


Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Antoine Bec,
- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la commune de Gageac et Rouillé.



Considérant ce qui suit :

1. Mme Marcoin, secrétaire de mairie de la commune de Gageac et Rouillac, a été placée en congé de longue maladie du 17 novembre 1999 au 16 novembre 2000. A compter du 17 novembre 2000, elle a exercé ses fonctions en mi-temps thérapeutique pendant un an. A compter du 17 novembre 2001, elle a repris ses fonctions à temps plein jusqu'au 30 juin 2002, date à laquelle elle a été de nouveau placée en congé de longue maladie jusqu'au 30 septembre 2003, avant d'être à nouveau placée en congé de maladie ordinaire du 1er octobre 2003 au 30 septembre 2004. Par un arrêté du 19 octobre 2004, le maire de Gageac et Rouillac a placé Mme Marcoin en disponibilité d'office à compter du 1er octobre 2004, par périodes de six mois renouvelées.

Par un jugement du 12 mars 2008, le tribunal administratif a reconnu l'imputabilité au service de la maladie de Mme Marcoin, a annulé les différents arrêtés du maire de Gageac et Rouillac plaçant Mme MARCOIN en disponibilité d'office, et a condamné la commune à lui payer la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral causé par l'illégalité du placement en disponibilité d'office .

Par différents jugements des 20 janvier et 16 décembre 2009 et 20 janvier 2010, le tribunal a annulé les différents arrêtés par lesquels le maire de Gageac et Rouillac a prolongé la disponibilité d'office de Mme Marcoin.

A l'expiration de ses droits à congé de longue maladie, Mme Marcoin a été mis à la retraire pour invalidité à compte du 1er janvier 2011.

Mme Marcoin demande à la cour d'annuler le jugement du 29 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Gageac et Rouillac à lui verser la somme de 662 536,47 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subi.


Sur la responsabilité :

S'agissant du harcèlement :

2. Seuls les actes postérieurs à l'entrée en vigueur de l'article 178 de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale définissant le harcèlement moral peuvent être retenus pour qualifier le comportement de la commune.

Par suite en se bornant à soutenir que le tribunal administratif aurait fait une mauvaise appréciation des circonstances constitutives de harcèlement, sans préciser de quelles circonstances elle entend se prévaloir, Mme Marcoin ne met pas la cour en mesure de se prononcer sur les erreurs qu'auraient commises les premiers juges en les écartant.

3. En ce qui concerne les agissements évoqués par Mme Marcoin devant la cour, l'arrêté du 27 mars 2001, antérieur à la loi du 17 janvier 2002, ne peut être retenu parmi les agissements susceptibles de caractériser un harcèlement moral. Si Mme Marcoin invoque ensuite l'obstination de la commune à la placer en disponibilité d'office, le refus persistant de reconnaitre l'imputabilité au service de sa maladie opposé par la commune découle de l'avis du comité médical départemental et du comité médical supérieur. Le retard à régulariser sa situation n'a pas excédé le délai nécessaire à l'administration pour exécuter les différents jugements du tribunal administratif. Le défaut de proposition d'avancement ne saurait à lui seul révéler des agissements constitutifs de harcèlement.
Le moyen tiré de l'existence d'un harcèlement moral qui engagerait la responsabilité de la commune doit par suite être écarté.


S'agissant de l'existence d'une faute :

4. Par différents jugements du 12 mars 2008, 20 janvier et 16 décembre 2009, et 20 janvier 2010, le tribunal administratif a annulé les différents arrêtés du maire de Gageac et Rouillac refusant à Mme Marcoin le bénéfice de l'imputabilité au service de sa maladie et la plaçant en disponibilité d'office, et lui a accordé 12 000 euros en réparation de son préjudice moral. A la suite de ces annulations, la commune a procédé à la régularisation intégrale de sa situation.
L'illégalité de ces arrêtés constitue une faute de la commune de nature à engager sa responsabilité.


S'agissant de la responsabilité sans faute :

5. La maladie de Mme Marcoin, reconnue imputable au service, constitue la cause de son placement en disponibilité d'office, et non la conséquence, et lui a finalement ouvert droit à la prise en charge prévue par son statut. Dès lors, Mme Marcoin ne peut invoquer sur le terrain de la responsabilité sans faute les effets de la gestion de sa situation administrative pour réclamer l'indemnisation du préjudice de santé que lui a causé sa maladie.


Sur les préjudices :

6. Les préjudices résultat de l'illégalité des arrêtés la plaçant en disponibilité d'office ayant été réparés par le rétablissement de sa situation statutaire, Mme Marcoin n'est pas recevable à invoquer de nouveau la faute de la commune pour obtenir une nouvelle indemnisation au titre de chacun des arrêtés annulés.

Si l'article 79 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale fait obligation à l'administration de soumettre à la commission administrative paritaire l'ensemble des candidatures pour qu'il soit procédé à l'examen comparé de la valeur professionnelle de chaque agent, Mme Marcoin n'établit pas la réalité de la perte de chance de bénéficier d'une promotion. Par suite le moyen tiré de l'absence de proposition d'avancement doit être écarté.

7. Si Mme Marcoin réclame le remboursement des frais médicaux découlant de sa maladie, elle n'établit ni leur existence ni leur étendue. Ses conclusions tendant à l'indemnisation des frais laissés à sa charge doivent par suite être rejetées.

Si l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 permet de remplacer la période minimale de congé annuel payé par une indemnité financière en cas de fin des relations de travail, les conclusions présentées à titre principal par Mme Marcoin tendent à obtenir la somme de 10 000 euros, sans être assorties de justifications suffisamment précises sur l'étendue des droits à congé sur lesquels reposent ces conclusions
Les conclusions présentées à titre subsidiaire par Mme Marcoin et tendant à l'indemnisation forfaitaire de ses jours de congé à raison de quatre semaines par an, ne sont pas chiffrées : elles sont par suite irrecevables.

8. En se fondant sur l'attribution, par un jugement du 16 décembre 2009, devenu définitif, d'une indemnité de 10 000 euros en réparation du préjudice moral que lui auraient causé les cinq arrêtés que ce jugement annulait, Mme Marcoin n'établit que son préjudice moral s'élèverait à 5 000 euros supplémentaire par arrêté annulé ultérieurement.

9. Les dépenses de santé et les frais exposés pour pallier l'absence de ressources, qui seraient restées à sa charge, constituent de simples allégations.

10. Mme Marcoin, qui n'a pas fait usage des possibilités offertes par le code général des impôts en matière d'étalement des revenus exceptionnels ou différés, n'est pas fondée à prétendre que le supplément d'imposition qu'elle a dû acquitter à la suite de la régularisation de sa situation constituerait un préjudice dont elle serait recevable à poursuivre la réparation.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme Marcoin n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal Administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.


Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Gageac et Rouillac, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme Marcoin demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme Marcoin une somme de 2000 euros au titre des frais exposés par la commune de Gageac et Rouillac et non compris dans les dépens.



DÉCIDE :




Article 1er : La requête de Mme Marcoin est rejetée.

Article 2 : Mme Marcoin versera à la commune de Gageac et Rouillac la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
''
''
''
''
2
N° 14BX01855